Un soleil rouge déclinait vers l'ouest, la nuit allait tomber. Quand je suis descendu du train, j'ai essayé de me consoler. Après tout, ce n'était pas ma première bataille.
N'ai-je pas combattu les pégases dans les plaines de Cloudstale ? Défendu Majestia contre les légions de griffons ? Et puis même, j'avais peur, je n'arrivais plus à croire en Licornia.
Pourtant, je l'avais tant aimé ! Je me souvient des chants, des drapeaux colorés, des beaux soldats en armure qui défilaient sur la place de Majestia, c'était magnifique ! Licornia était belle.
Mais aujourd'hui tout est noir, j'ai peur, je vais mourir, j'en suis sûr. Si seulement je pouvais retourner à ma première année à l'académie militaire de Majestia, les copains, les études, les profs, l'avenir radieux, pourquoi est-ce que personne n'a rien dit sur la guerre ?
Sur la peur des soldats, sur leur sang, sur leurs pères qui meurent au front et les mères qui ont faim ?
A qui est la faute ? Aux pégases ? Aux terrestres ? Et pourquoi pas aux licornes ? Au fond de moi je le savais, personne ne peut aimer Licornia. C'est une abomination, un piège à licornes.
Or, j'étais né dans Licornia, il était trop tard. C'était pareil pour toutes les licornes.
« On avance ! »
Un ordre simple, efficace, rien de mieux pour débuter cette journée de combat. Lorsque nous sommes arrivés dans l'enceinte de la ville, un épais brouillard nous encerclait. Une technique de pégase, c'était un brouillard artificiel.
Notre commandant, un certain Deepest Mind, gueulait ses ordres sur la colonne de soldats. Le train s'était arrêté quelques kilomètres avant Ponyville et il avait fallu marcher pour accéder à la ville, quelque chose d'éprouvant, nous étions à présent à l'arrêt.
De nombreux soldats me saluaient ces derniers jours, mon grade de capitaine s'était fait ressentir. Il n'y avait que Deepest Mind qui ne m'avait pas salué, son grade était bien plus grand que le mien. Il s'est approché de moi et m'a appelé :
« Capitaine Green River ?
- Oui monsieur ?
Il feuilleta un petit carnet et lança, sans même détourner les yeux de son document :
- Vous prenez les soldats derrière moi là-bas, et vous partez devant, on vous couvre.
J'ai frémi, je partais en première ligne, maintenant. J'aurais aimé dire non, jeter les armes et vivre heureux, mais il était trop tard, Licornia me regardait en ce moment, prête à m'abattre.
Je devais obéir.
« A vos ordres »
Six soldats me suivaient à présent, nous avons marché aux côtés d'un sous-off qui nous mena derrière un baraquement de terrestres, c'était la première fois que je posais le sabot sur le sol crasseux de Ponyville.
Mes soldats ne disaient rien, ils jetaient parfois un regard inquiet sur le brouillard qui nous encerclait avant de s'asseoir et d'attendre les ordres. Tout était plongé dans un silence lourd, lourd comme le poids de toutes les vies qui allaient disparaître ce jour-là.
Et moi aussi je ne disais rien, j'attendais les ordres comme toutes les petites licornes de l'armée de Licornia.
Une explosion, son écho porté par le vent, retentit. Très vite, deux autres virent suivre la première, c'était l’assaut.
Un de mes soldats à murmuré une louange à Licornia puis nous nous sommes mis à courir, lance dressée vers l'horizon. On a galopé piteusement à travers le brouillard, on pensait que toute la garde de Cloudstale allait nous tomber dessus, prête à nous égorger en un battement d'aile.
Après une certaine distance, on s'est arrêtés, nous étions seuls, perdus entre les baraquements des terrestres. Moi et ma troupe avons décidé de marcher jusqu'à trouver un autre détachement de licornes, nous étions censés débusquer les pégases en fouillant les baraquement. Personne n'a mentionné ce changement d'objectif et nous nous sommes mis en route.
Mes soldats me suivaient et ne disaient rien, ils écoutaient mes ordres, les appliquaient et ne marchaient derrière moi. J'étais le gradé après tout, mais je m’étonnais d'un tel comportement. Jusqu'à que je souvienne de ma première bataille.
Là aussi il était question de peur, de marches forcées et de combats. Je sortais à peine de l'académie, j'avais quitté tous ceux qui étaient là-bas pour venir ici, au plus près de la mort. J'ai rejoint une troupe parmi les autres et me suis mis en marche. Une heure après mon départ, j'étais déjà en plein combat, mort de peur. Les pégases s'envolaient haut dans le ciel et piquaient sur nos positions, cette technique me terrifiait. Les attaques avaient redoublé de puissance et je m'étais caché entre deux rochers, ruminant mon angoisse. Puis j'ai vu mon capitaine. Il était droit, imperturbable au milieu du chaos de la guerre, je n'ai pu poser mon regard ailleurs que sur lui.
J'avais compris pourquoi mes soldats étaient si dociles. Ils mouraient de peur. Et moi aussi je mourrais de peur, allais-je tout de même réussir à guider ces âmes perdues vers la victoire ? J'étais noyé de pensées lorsque, dans ma tête, une petite chanson de poulain, d'écoliers de Licornia, une chanson que j'avais entendue il y a longtemps s'est imposée dans mon esprit, pleine d'une joie malheureuse, inutile. Durant un instant, la peur me quitta, mes lèvres remuaient toutes seules.
« Vous chantez Capitaine ? »
Quand cette jeune licorne m'a parlé, j'ai cru que l'on venait de me jeter dans une cuve d'eau, un réveil brutal. J'ai répondu, instantanément :
« Non, non, ce n'est rien, je... je... restez sur vos gardes. »
Ce petit soldat n’eus pas le temps d’acquiescer mon ordre, un pégase s'était déjà rué sur lui avant d'enfoncer son arme dans son cou blanc. Un chaos de magie fit exploser tout ce qui se trouvait autour de moi. Quelque chose a heurté mon flanc gauche et j'ai hurlé alors que je m’effondrais sur le sol, j'avais alors cessé de comprendre ce qui se passait autour de moi.
Des cris, des sorts, du bois qui éclate, tous ces bruits martelaient mon esprit en résonnant de manière infinie et infernale. Aucune des batailles que j'avais menées ne ressemblait à celle-ci, voilà ce qu'était la guerre.
Et j'avais si mal maintenant ! Je me suis traîné à plat ventre durant une éternité avant de me réfugier dans une cabane en ruine. J'avais donc fuis, et fuir était un crime grave. Mais lorsque j'ai pu voir mon flanc meurtri saigner contre mon armure, j'ai juste voulu fuir cette horreur de guerre.
Le silence était revenu, je me suis enfoncé au hasard dans les ruelles innombrables de la ville. Mes pattes tremblaient, la peur serrait ma gorge comme si elle voulait m'étouffer.
J'ai aperçu un bâtiment étrange, il se trouvait au beau milieu d'une place couverte de débris en tout genre. Un drapeau de Licornia pendait tristement vers la terre, il n'y avait pas vent. La porte était grande ouverte, je n'ai pu m’empêcher d'entrer.
Épuisé, je me suis affalé sur une chaise et j'ai observé la pièce. Ce devait être une chambre d'officier mais tout avait été détruit. Les meubles étaient renversés, les fenêtres étaient brisés et des papiers jonchaient le sol, des gens avaient sûrement combattu ici.
Une brise légère s'est mise à souffler. Cet air frais est venu lécher mon flanc douloureux avant de soulever et d’éparpiller les papiers sur le sol comme si c'étaient des feuilles mortes. J’eus un sursaut, il y avait maintenant une trappe contre le plancher.
Je restai là un moment à regarder la trappe, indécis, ne sachant quoi faire. J'ai regardé par l'une des fenêtres du baraquement. Couché contre la terre, dormait un cadavre, rouge, mort dans le brouillard, la bouche close. Mon corps fut traversé d'un frisson plus froid que la glace, je suis entré dans la cave et j'ai refermé la trappe derrière moi.
L'obscurité était partout, j'ai tâtonné dans l'escalier, je n'arrivais plus à faire le moindre sort pour m'éclairer.
Une marche, je n'entends plus les bruits extérieurs maintenant. Deux marches, il n'y a plus rien, tout est arrêté. Trois marches, j'hésite à continuer mais ne m’arrête pas. Quatre marches, il y a quelque chose au fond de la cave. Cinq marches, il faut que je parte d'ici. Six marches, je tombe, on m'a frappé.
Mon flanc me brûlait à présent. Je gémissais dans le noir quand une voix forte, dure comme l'acier, me fit frissonner :
« Pas de mouvement, pas de résistance, tu restes tranquille et tu sauveras peut-être ta vie. »
J'étais paralysé, incapable de répondre, je me souvenais de mon enfance. Dans les écoles de Majestia, on enseigne la peur des pégases. Mon professeur passait des heures à nous parler des pégases. Il nous expliquait leurs rituels, leur société, leurs manières de combattre, de vrais barbares ! Même si j'ai grandi, je garde un souvenir indélébile des cours Licorniens, plein de peur irraisonnée. Tout le monde a peur des pégases.
Une chose froide s'est posée sur mon cou, une lame.
« Et ne t'avise pas de lancer un de tes foutus sorts de Licornes ! a hurlé la voix dans mes oreilles. »
Au dessus de nos têtes, le plancher s'est mis à craquer. Mon agresseur m'a brutalement saisi par le cou avant de s'asseoir contre le mur, son arme toujours posée contre moi. Sa respiration emplissait la cave, je sentais son buste monter et descendre contre son armure au rythme de sa respiration comme un pendule hypnotisant. Mais je sentais aussi une chose étrange. C'était doux, fragile, si triste au milieu de tout le métal de la guerre, c'était ses ailes.
La trappe de la cave s'est ouverte et une lumière faible fit tomber une pluie de poussière d'or dans l'escalier de la cave. Un silence d'une lourdeur aiguë avait comme figé tout ce qui se trouvait autour de moi. Puis j'ai entendu un bruit imperceptible, lointain, comme un drap soyeux que l'on secoue pour le plier. Mon ravisseur avait lui aussi entendu ce son, il s'est levé et me poussant et j'ai pu entendre le même bruit que tout à l'heure, plus fort maintenant, j'avais compris.Les pégases battent des ailes pour se reconnaître.
Le pégase dans la cave a crié à celui dans l'escalier :
« Je suis le soldats Large Clouds de la trente-sixième compagnie, qui êtes vous ?
- Large Clouds... C'est bien un nom de pégase ça, je suis le sergent Silent house, que faite vous ici ?
- Je protège un terrestre blessé et je retiens une licorne. »
J’eus un sursaut, il y avait un terrestre dans la cave. A Majestia, on parlait beaucoup des terrestres, de leur bêtises, de leur dépendance à Licornia. Des conversations de bourgeois en somme ! Quoi qu'il en soit, je ne savais pas quoi en penser et je préférais suivre l'avis des autres licornes même si il était peu construit. C'était peut-être stupide mais je me sentais en sécurité lorsque que j'étais entouré de gens qui prônaient Licornia.
« Vous retenez un prisonnier ? cria le sergent.
- Exact, il doit quelque part par là, je vais le retrouver. »
Large Clouds - j'avais alors retenu leurs noms – m'a saisi et a remis son couteau sous ma gorge. Il cria :
« Allez la licorne, on s'arrache ! Mais il faut d'abord que tu m'aides.
Que devais-je faire ? J'ai essayé de me calmer puis j'ai dit, la voix tremblante :
- Très bien, je vous écoute. »
Une lumière vive m'a soudainement aveuglé, le pégase avait craqué une allumette.
« Tu vois le terrestre là-bas ? Tu l'aides à se relever puis tu nous suis, rappelle toi que t'es un prisonnier. »
Je n'ai pas posé de questions, je me suis approché du terrestre. Il était blessé et saignait de partout, je me souviendrai toujours de son œil droit, manquant.
Une fois à l'extérieur, on a suivi le sergent à travers la ville. Mon flanc me donnait des souffrances si fortes que je ne pouvais faire que boiter lamentablement, alourdis par ce terrestre sale, blessé, qui venait parfois se cogner contre ma chair meurtrie.
C'est a ce moment là que j'ai retrouvé ma foi. Ma foi pour Licornia, pour les cinq licornes. N'est ce pas magnifique ? Au final, les cinq licornes on raison, les pégases sont des barbares, les terrestres sont des infirmes mentaux et les licornes sont ce qu'il y a de plus beau ! Licornia n'était plus un régime, c'était maintenant une raison. Le monde est beaucoup trop dur pour chercher à combattre les puissants.
« C'est ici »
Le sergent a toqué à la porte d'un baraquement, six coups selon un rythme très précis. Un pégase nous a ouvert et nous nous sommes précipités à l’intérieur, à l'abri. Ma tête est devenue lourde, j'ai posé le terrestre sur le plancher avant de m'effondrer le long d'un mur. Ma respiration était forte, saccadée, j'ai fermé les yeux, j'ai chu.
Il n'y a rien devant moi. Pas même l'obscurité ni la lumière. Rien. Je pense à Majestia, à la vie que j'ai là-bas. A ma pension de militaire qui me nourrit moi et ma pauvre mère, survivante des ghettos de Majestia. Puis je pense à mon père. Non, je ne peux pas aimer Licornia. Pourtant, je le sais. Lorsque que la douleur et le désespoir s'abattront à nouveau sur moi, je m'agenouillerai devant Licornia. Car ce n'est que de cette manière là que des milliers de soldats peuvent l'adorer, dans le sang et la souffrance.
Le tribunal apparait. Je vois les immenses étendards qui flottent dans le vent. Les visages des cinq licornes sont là. Sur chacun d'entre eux on peut lire cet expression de fierté malsaine pour leur œuvre, Licornia. Je regarde vers le bas, une foule noire se masse devant le tribunal. Ils vont mourir, ils n'ont pas la foi et du sang coule du tribunal. Je tremble. Mais quelque chose d'invraisemblable se produit. La lumière envahit l'endroit et je suis porté par elle. Je m'approche, toujours plus près. Puis un visage appairait et je me retrouve couché sur le sol.
J'avais maintenant repris mes esprits. Un liquide froid coulait partout sur mon visage, j'ai toussé et penché la tête sur le côté.
« Bien dormis petite licorne ? »
Un terrestre était près de moi, saoul, sa bouteille de vin encore dans son sabot alors qu'il m'arrosait avec son alcool malodorant. Un autre terrestre l'a frappé derrière la tête :
« Arrête tes conneries ! Tu va nous faire repérer !
L'ivrogne a bu une gorgée dans sa bouteille puis a lancé :
- Mais on est entourés de pégases ! Il peut rien nous arriver ! »
En effet, malgré le peu de lumière, je pouvais distinguer des pégases en armure, tous près d'un feu dont la fumé sortait par un trou dans la toiture. De nombreux terrestres les accompagnaient, tous dans un état de joie. Les fenêtres du baraquement était toute colmatées par des planches de bois clouées à la hâte. D'un coin sombre, était attachées des licornes, l'air catastrophées. C'est à cet instant précis que j'ai remarqué les liens qui m'entravaient les sabots. Un pégase m'a pris comme un paquet et m'a posé avec les autres licornes prisonnières.
Je ne savais rien de ce qu'il allait advenir de moi. Je somnolais, épuisé par ma blessure, quand on m'a appelé près de moi. J'ai tourné la tête, c'était une licorne, elle chuchota :
« Comment tu t'es fait capturer ?
J'ai rassemblé mes forces et dit :
- On m'a pris dans une cave alors que j'étais blessé.
Il a rit et a répondu :
- Moi, je me suis rendu tout de suite. Pas glorieux n'est ce pas ? »
Je ne pas répondu, qui pouvait bien être cette licorne ? J'ai préféré lui poser la question :
« Qui est tu ?
Il fut surpris :
- Quoi ? Oh ! Je m'appelle White Smoke, mais on me surnomme le doc. »
Il souriait. Je ne savais pas pourquoi. Personne ne souriait ici, sauf lui. La guerre avait fini par enlever toute la joie dans Equestria, j'en suis sûr.
Je restais figé devant ce doux spectacle lorsque qu'un choc sourd fit trembler tout le baraquement. La guerre continuait.
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