Chapitre 3: La bataille du camp

L'invincibilité réside dans la défense, les chances de victoire, dans l'attaque.

Sun Tzu

“Voici l'ordre de mission des troupes d’incursions.”

Le jeune poney regarda le soldat avec incompréhension.

“Allez, bouge ! Reste pas planté là !”

Et sur ces mots, le soldat se tut, le laissant à ses pensées.

Se retournant vers le soldat au sol, le poulain se précipita vers lui.

“Du… Du calme fiston. Tu vas devoir partir, d’accord ? Sauve-toi.”

“Papa, non !”

“Je ne pourrai pas te suivre” poursuivit son père, imperturbable. “Fais-moi une petite promesse, d’accord ?”

Il n’eut qu’un hochement de tête en réponse.

Sortant de ses pensées, Ice repartit au travail.

Depuis que leur instructeur avait aperçut une troupe d’ennemis se dirigeant vers le camp, c’était le bran-bas de combat. La majorité des terrestres et des licornes renforçaient le mur autour du camp, tandis que la plupart des pégases étaient partis en éclaireur, tandis que tous les autres étaient en train de faire l’inventaire des équipements et de la nourriture. Personne n’était inactif, même Dat Face était parti travailler.

La barricade avançait bien. Avant l’entraînement, la plupart des poneys n’auraient pas tenu le coup. Porter des charges aussi lourdes était épuisant, même pour les terrestres. À présent, les recrues étaient à peine essoufflées. Même si la longue marche leur ajoutait encore des courbatures, quelques sorts de soin avaient suffi pour résoudre ce problème.

Le soleil s’était couché depuis un bon moment, et la luminosité était assurée par les lampadaires. D’après le sergent, les troupes ennemies n’arriveraient pas avant l’après-midi et attaqueraient soit à ce moment là, soit après s’être reposées. L’angoisse serrait le coeur des recrues. Petit à petit, ils prenaient tous conscience que la guerre était là et qu’ils allaient devoir tuer ou être tués. Certains, comme Ice, n’y pensaient pas trop. Il avait rejoint la guerre pour ça non ? Se battre. Aider Equestria et accomplir sa vengeance, seule chose à laquelle il se raccrochait.

Il s’était souvent demandé pourquoi il s’entraînait, pourquoi il voulait se battre. Il avait peu après réalisé que ça n’avait pas grand chose d’important. La mort était partout, et quelle que soit la raison pour laquelle on tente de l’éviter, elle arrivera à un moment ou à un autre.

Dans un livre que le sergent leur avait fait lire, il était dit que seul un tiers des recrues survivait à leur première bataille.

Ice comptait bien faire survivre l’entièreté de son groupe, quel qu’en soit le prix.

Même sa vie.

Pendant que sur le camp, on se préparait pour l’attaque, Storm et Hunt, quant à eux, survolaient les armées adversaires, camouflés derrières les nuages. De nuit, son pelage gris-vert se fondait dans l’obscurité, mais on était jamais trop prudent, d’autant plus que son crin cyan foncé n’aidait pas à passer inaperçu dans le ciel.

Hunt, quant à elle, était beaucoup plus limitée, son pelage ne l’aidait pas à passer inaperçu. Quand elle avait dit ça au sergent, il lui avait répondu que c’était quand même mieux que le jaune vif qu’avait un des pégases de la formation, ce à quoi elle n’avait rien à répondre.

Sortant de ses pensées, Storm reporta son attention vers le bas. Les troupes ennemies n’étaient pas nombreuses, une centaine tout au plus. Cependant, ils n’étaient qu’une trentaine au camp si on ajoutait au nombre de recrue les membres du personnel.

Malgré tout, ils avaient l’avantage stratégique. Les troupes ennemies n’étaient pas habituées à voyager, et elles ne disposaient pas d’arme de siège. De plus, seules quelques licornes étaient présentes, ainsi que quelques pégases. Le plus gros de la bataille allait se faire sur la terre, et avec un peu de chance les archers, comme la pégase à sa droite, allaient pouvoir en détruire une partie.

Il chercha des yeux le commandant ennemi. Une armée sans tête n’est rien, il avait au moins retenu ça des cours de stratégie. Pendant un temps, les soldats de Sombra n’ayant pas de libre arbitre, abattre un commandant ennemi suffisait pour détruire son armée, mais par la suite, le roi déchu avait amélioré son sort pour juste corrompre l’esprit de ses soldats afin qu’ils soient convaincus que le servir est la seule chose à faire.

Après quelques heures d’observation, il remarqua enfin un étalon qui semblait différent. Il avançait d’un pas décidé, et certains poneys allaient le voir pour lui demander des ordres et l’informer de la situation.

Storm nota mentalement sa position dans l’armée, ses couleurs et son armement avant de faire un signe de tête à Hunt, qui le lui rendit. Son travail à elle était plus simple, elle devait juste vérifier quel équipement avait l’ennemi. Les autres pégases, quant à eux, étaient partis faire de la reconnaissance aux alentours de l’armée ennemie et du camp, afin de vérifier si ce qui leur venait dessus n’était pas qu’une diversion.

Le voyage du retour prit quelques heures. Ils allaient plus vite dans le ciel que sur la terre, et ils n’étaient que deux. Ils passèrent à côté d’un lac sans s’arrêter, malgré la beauté de la lune sur l’eau. Une seule pensée tournait dans leur esprit, comme un mantra.

“Nous sommes en guerre.”

Anvil grogna tandis qu’il déplaçait une énième poutre contre la barricade. Il devait la faire la plus solide possible, chaque obstacle entre un de ses camarades et leurs ennemis les éloignait de la mort. Un terrestre avec une cutie mark en forme de compas donnait les indications pour faire la barricade de manière optimale. Même si le terrestre beige ne doutait pas de ses connaissances, il craignait tout de même que l’édifice ne tienne pas le coup. Cette pensée lui donna un regain d’adrénaline et il se remit au travail, comme si ce fragile rempart se tenait entre lui et la mort.

Les troupes ennemies étaient aux portes du camp. Leur commandant, intelligent, les avait fait dormir avant l’assaut.

“Informe les recrues. Reposez-vous, on va avoir besoin de toutes nos forces demain.”

“Chef, oui chef !”

Hunt, archère de son état, se tortillait dans son lit.

Elle s’était préparée pour ce moment durant ces dernières semaines. Sa première bataille contre les forces de Sombra. Elle avait travaillé dur pour être dans cette armée, plus dur que la plupart. Là où les autres faisaient dix pompes, elle en faisait quinze. Là où certains profitaient de leurs jours de repos pour faire la fête, elle rejoignait son groupe et s’entraînait. Elle profitait de chaque moment de temps libre pour approfondir ses habilités de pégase. Elle était prête, plus que la plupart, alors pourquoi elle sentait une sourde angoisse dans sa poitrine ? Pourquoi n’arrivait-elle pas à dormir et à se reposer ?

“Hey, Hunt.”

Elle pouvait à peine distinguer la silhouette de son interlocuteur dans la pénombre. Les sabots derrière la tête, allongé sur le dos, Anvil regardait le plafond. Il appliquait à la lettre les consignes du commandant, qui leur avait ordonné de développer leurs muscles et leur souplesse en se comportant comme des bipèdes un maximum de temps. Il avait aussi ajouté que les meilleurs combattants pouvaient être surpris par des coups venant de quelqu’un de debout.

“Arrête de t’inquiéter pour demain. On va s’en sortir, ok ? Le sergent est le mieux placé pour faire face à ce genre de situation. Tu sais comment il a gagné son titre ?”

Prenant l’absence de réponse pour un non, le terrestre continua.

“Ils étaient deux cents, et ils devaient tenir une forteresse contre un millier de soldats le temps que les renforts arrivent. Un immense bâtiment de pierre. Après que le dernier gradé soit mort, il a prit le commandement et a repoussé l’armée ennemie. La forteresse, qui paraissait déjà effrayante, avait l’air d’un cauchemar pour leurs adversaires. Personne ne réussissait à entrer, et chacune de leur tentative d’attaque se soldait par un échec. Le temps que l’armée Equestrienne arrive, les troupes de Sombra s’étaient déjà repliées.”

Hunt médita ces paroles qui, étrangement, l’appaisaient.

“Comment tu sais cette histoire ?”

“Eh bien, dès que j’ai appris son nom, j’ai demandé à l’infirmière comment il a eu son grade. Elle a été assez sympa pour tout me raconter.”

Il n’eut comme réponse qu’un bruit de respiration. Constatant que la pégase s’était endormie, il se remit dans une position plus confortable et plongea à son tour dans le sommeil. Demain sera une dure journée, la plus dure de toutes.

Le réveil fut brutal. Un poney entra en hurlant que les troupes de Sombra avaient commencé à s’avancer. Les recrues, qui avaient dormi avec leurs armures et leurs armes à leur côté, s’équipèrent en vitesse, puis montèrent sur le mur d’enceinte.

La plupart d’entre eux étaient à la fois terrifiées et impatientes, horrifiées et émerveillées. La marche de leurs ennemis semblait surnaturelle, comme si une marée noire défilait sur eux. Les armes ennemies, elles aussi noires comme la nuit, étaient tirées au clair.

Les ennemis s’arrêtèrent quelques dizaines de mètres avant le mur. Un poney sortit de la masse avec un mégaphone.

“À l’intention du sergent instructeur en charge du camp d'entraînement de cette zone, vous allez être écrasé. Rendez-vous et Sombra sera magnianime.”

Le sergent, toujours sur les murs, n’utilisa que sa voix.

“Magnanime ? Viens tenter de me botter le cul au lieu d’essayer de m’enfiler, tu auras un petit peu plus de chance ! La seule chose que vous trouverez ici sera la mort, et pas la victoire !”

Son éclat de voix ne sembla pas ébranler le poney au mégaphone, qui hocha la tête, imperturbable.

“Bien, vous avez pris votre décision. Nous n’aurons aucune pitié.”

Il posa son mégaphone au sol, sortit son épée au clair et la pointa vers le camp, provoquant un déferlement d’ennemis.

“Archers, FEU !”

La voix du sergent s’éleva, et une volée de flèche et de projectiles magiques vola vers les rangs ennemis. Ils étaient si nombreux qu’il ne fallait pas forcément savoir viser pour toucher.

Observant un poney qui était trop vers l’avant, Hunt sortit une flèche, visa, retint sa respiration, puis tira. La flèche vint se planter dans la gorge du poney.

“Je l’ai fait.” songea-t-elle. “J’ai tué.”

Une autre pensée occupa son esprit.

“C’est… Facile...”

Tuer un poney. Lui planter une flèche dans la gorge. C’était aussi facile pour elle que de se lever le matin. Elle savait d’instinct où viser, et sur qui tirer. Elle abattu ainsi une dizaine de poneys avant qu’ils ne s’approchent trop du mur.

Soudain, Dat Face la rejoignit, lui posant un sabot autour du cou.

“Te fatigue pas. Ils sont à porté.”

Une fois que la plupart des ennemis étaient dans une certaine zone, il alluma une allumette et la jeta au sol, au pied des ennemis, provoquant des huées de la part de ces derniers. Dat Face, quant à lui, souriait tandis que la corde de chanvre placée sur le sol brûlait, se dirigeant vers les explosifs qu’il avait placés plus tôt dans la journée.

Quelques secondes plus tard, un bruit assourdissant raisonna dans tout le camp, assourdissant les poneys sur le mur et envoyant voler les poneys au sol, les tuant sur le coup.

“Tu t’es jamais demandée pourquoi la Cutie Mark d’explosifs, pas vrai Hunt ?”

Et il éclata de rire, le même que quand il venait de faire une blague. Juste après, il décolla.

“Allez Hunt, on doit aller aider en haut, laisse les licornes et les terrestres se charger du sol.”

Des hauteurs, Storm Hunter avait une vue imprenable sur l’explosion. Les licornes adverses avaient incanté un bouclier pour protéger la plupart de leur troupe de l’impacte, mais sur la centaine de soldats qui les attaquait, il n’en restait plus que cinquante.

Il tourna brusquement la tête vers un pégase qui lui fonçait dessus. Effectuant une pirouette dans les airs, il lui tomba sur le dos et lui planta un couteau entre les omoplates, envoyant son agresseur s’écraser au sol, provoquant un bruit écoeurant de chaire écrasée et d’os brisés. “La faucheuse va avoir du travail ce soir.”

Il fonça sur un pégase qui commençait à contourner Hunt pour la prendre à revers, lui heurtant le torse. Sa victime, robuste, se remit vite du choc et lui assena un violent coup de sabot dans le dos avant de sortir un couteau, un sourire mauvais sur le visage. Storm se mit en garde, attendant l’attaque de son opposant qui ne tarda pas à venir. L’attaque lui effleura le front, il riposta en tranchant quelques plumes à son adversaire, déséquilibrant son vol. Il fonça ensuite, tentant de profiter de son avantage, mais le pégase lui envoya un violent coup de couteau, poussant Storm à esquiver. Profitant de la position précaire de son adversaire, il lui donna un coup dans le sabot, l’entaillant jusqu’à l’os et lui faisant lâcher son arme. Il passa derrière son ennemi et lui trancha la gorge. Il se retourna juste à temps pour voir un couteau avancer vers sa tête. Il mit ses sabots devant lui pour se protéger, tout en sachant qu’il n’aurait jamais le temps. Pourtant, le coup ne vint jamais, seule une gerbe de sang jaillit vers lui à la place. Un couteau, tenu par un pégase jaune, dépassait du torse de son adversaire. Il le salua d’un signe de tête, puis retourna à la bataille.

Sur terre, les choses se déroulaient différemment. Les licornes ennemies, après quelques tirs, avaient réussi à faire tomber la porte, obligeant les terrestres et les licornes à descendre du mur.

“Le premier qui meurt, je baise son cadavre !”

Ce fut leur seul discours d’encouragement venant du sergent. Ils avaient une totale confiance en lui. Après tout, il était resté au sol avec eux malgré son statut de pégase.

Ice, quant à lui, profita de la faiblesse des licornes ennemies pour en tuer deux avant qu’elles ne créent un second bouclier. Scrutant le champ de bataille du haut du mur, il remarqua un terrestre en mauvaise posture, qu’il téléporta derrière son opposant, lui donnant l’avantage. Il n’eut pas le temps d’aider d’avantage, un tir venant des licornes ennemies le forca à se défendre avec son bouclier. Profitant de sa position, il tira sous les pieds des ennemis à l’origine de ce tir, les déstabilisant assez pour qu’ils ne puissent plus maintenir leur bouclier. Ce fut une tornade rouge foncée qui mit fin à leurs jours. Le sergent le salua d’un signe de tête bref et repartit dans la mêlée.

Pour Anvil, les choses se passaient bien. Il n’avait aucun remord à tuer ses ennemis. Pour le moment, la seule règle qui comptait était de tuer ou d’être tué, et il se tenait à cette règle coûte que coûte. Il avança et donna un coup d’épée sur un soldat ennemi, le tuant sur le coup. Se retournant, il para un coup venant de sa droite, repoussa son opposant et lui planta sa lame dans le coeur.

Grâce à tous leurs efforts, ils avaient énormément réduit les forces ennemis, qui commençaient à reculer. La balance penchait clairement en leur faveur, et dès que quelqu’un était blessé ou sur le point d’être achevé, il se faisait téléporter à l'infirmerie. L’idée du commandant avait été tout bonnement excellente. Sortant de ses pensées, il fonça sur un soldat à découvert, qui tourna la tête vers lui et le para avec ses deux lames. Il fit une petite grimace sous la pression du coup puis le repoussa. Il bougeait vite, très vite. Anvil, plus massif, avait du mal à suivre le mouvement. Alors qu’il tentait de parer un coup qui visait sa tête, il se fit téléporter derrière son assaillant, qui se retourna et le repoussa.

“Laisse-moi cette tronche de merde et retourne te battre !”

Le commandant venait de hurler sur Anvil qui ne se fit pas prier. Il toisa son opposant, le commandant ennemi d’après sa description. Les deux pégases se regardaient, attendant que l’autre fasse le premier mouvement. N’y tenant plus, le commandant ennemi se jeta sur Earth qui le repoussa en utilisant à la fois son épée et son couteau. Les deux armes allèrent se planter dans la terre, et les deux pégases décollèrent, s’affrontant au dessus du champ de bataille. C’étaient tout deux des vétérans, des guerriers expérimentés qui n’y allaient pas de sabot mort. Earth Mane contra un coup de sabot, riposta par une manchette qui toucha son adversaire à la mâchoire. Ce dernier, ne se démontant pas, attaqua à son tour, se mettant en position verticale, chose qui fit aussi le sergent pour contrer la différence de taille. Le commandant adverse tenta un uppercut, que contra le sergent. Il feinta ensuite, et fut encore contré.

Alors qu’il perdait patience, l’opposant du sergent tenta un coup qui laissa sa garde largement ouverte. Passant sous le sabot de son ennemi, le sergent, maintenant dos à dos avec son adversaire, lui donna un violent coup dans le dos avec son coude. Le temps sembla comme se figer, tandis que le commandant adverse sentait qu’un nerf avait été touché, ce qui paralysa ses ailes. Il chuta puis percuta violemment le sol, se brisant le crâne à l’impact.