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Jolly Roger : la légende des sept [...]

Une fiction écrite par MisterX.

Chapitre 2 : Le Sea Devil

Je me suis réveillé beaucoup plus tard, le lendemain. Les nuages avaient disparu, et le soleil brillait à nouveau, encore bas sur l’horizon. Je me suis mis à bouger la tête, légèrement ébloui, alors que je revenais peu à peu à moi.

- Ca y est, je crois qu'il se réveille.

- Pas trop tôt. Allez, debout là-dedans !

Une giclée d'eau froide acheva de me faire reprendre conscience. Mon premier réflexe fut de regarder autour de moi. J'étais avachi dans un grand rond de corde, entouré par une dizaine de marins, aucun que je ne reconnaisse. Beaucoup avaient des cicatrices, marques probablement laissées par des combats, et la plupart avaient des vêtements usés par les conditions de haute mer. L'un d'eux avait encore un seau vide entre les sabots. Ce marin-là était un licorne d'une étrange couleur gris-vert, sa crinière était verte kaki avec des mèches noires, et sa marque représentait une roue de gouvernail. Je me souviens surtout qu'il lui manquait l’œil gauche, couvert par un cache noir, et qu'il avait un anneau à l'oreille droite. Oh, et il avait aussi une veste noire assez bien entretenue, comparée à celle de ses camarades, et une sorte de ceinture en bandoulière où étaient accrochés une épée et un mousquet pour poney (conçu pour être tenu en bouche).

J'avais déjà deviné où j'étais, mais j'avais presque peur qu'on vienne me le confirmer.

- T'es pas encore mort, alors bouge un-peu ta croupe ! Me cria le marin avec le seau. Ce pont doit être nettoyé.

- Laissez le tranquille, lança un autre poney derrière le groupe, dont je reconnaissais la voix. Il n'a que quinze ans !

- Hey, je te signale que j’étais plus jeune que lui quand on m'a embarqué sur mon premier navire, avait répondu un autre marin.

Sans prêter plus d'attention à ses compagnons, le licorne vert fit glisser le seau jusqu'à moi et, par magie, me tendit un balai à frange. Bon, je savais où j'étais, sur le deux mats des pirates, mais qu'est-ce que je faisais là ?

- Mais qu'est-ce que je fais là ? Leur ai-je donc demandé.

- Vois-tu, le capitaine Fortune n'a pas vraiment apprécié que tu l'attaques par derrière, m'expliqua-t-il simplement. Mais t'a eu de la chance : tes camarades t'ont défendu. Et Fortune était de bonne humeur. Il a préféré te garder avec nous.

- Quoi… en prisonnier ?

Le pirate poussa un soupir consterné. La question devait lui paraître stupide.

- Non, abruti ! En mousse ! T'as changé de patron maintenant, vu ?

- Quoi… non ! Pas question ! Je refuse de travailler pour des pirates !

- Bah t'as pas de chance, parce que t'as pas le choix. À moins que tu ne préfères faire l'expérience de la haute mer.

- La haute mer… non !

- Alors astique. Ce pont ne va pas se nettoyer tout seul.

Sans argumenter davantage, il me jeta le balai et retourna à ses occupations, tout comme le reste de la troupe.

Je n'étais pas le seul de mon équipage à m'être retrouvé sur ce navire pirate : sept de mes camarades les avaient également rejoints. Quatre pégases - dont le vert qui m'avait montré comment replier une voile, il s'appelait Ornate Prize - deux terrestres et un licorne. Tous avaient été blessés pendant l'attaque, et en seraient morts s'ils avaient choisi de partir dans les canots de sauvetage, sans soins adéquats. Aucun de nous n'avait vraiment envie d’obéir à ces pirates, mais dans l'immédiat, nous n'avions pas vraiment le choix.

J'ai appris plus tard que le navire sur lequel j'avais atterri s'appelait le Sea Devil, et était sous les ordres de Fortunate Sea, alias capitaine Fortune. Et le pirate qui m'a chargé de nettoyer le pont était son second, Gristle Deadlift. Dans les premiers jours, j'essayais autant que possible d'éviter ces pirates, dont aucun ne m'inspirait confiance, et restais le plus souvent avec ceux de mon ancien équipage, qui partageaient généralement mon point de vue. Mais les autres n'étaient jamais très loin : à chaque fois que je m’assoupissais quelque part, après avoir achevé une tache, Gristle réapparaissait pour m'imposer un nouveau travail, toujours aussi brutalement. Je ne l'aimais déjà pas beaucoup au départ, mais je finissais vraiment par le détester. Quant au capitaine, il restait distant pendant les premiers jours, sortant généralement de sa cabine pour prendre des mesures au sextant la nuit, faire le point avec son second, ou pour les repas. C'était une bonne chose sur le moment, car je n'avais pas vraiment envie de les rencontrer.

C'est au troisième soir après mon arrivée parmi ces pirates que mon opinion a commencée à changer. La nuit était bien avancée, mais comme d'habitude, je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Je suppose que vous comprenez : c'est stressant d'avoir son hamac accroché au milieu d'une dizaine d'autres tous occupés par des bandits sanguinaires. Mais ce soir-là, j'ai décidé de sortir, prendre l'air sur le pont, pour me détendre. Les journées étaient déjà assez éprouvantes avec Gristle Deadlift, et il n'était pas question que mes nuits le soient aussi. Il y avait encore plusieurs marins sur le pont, naviguant à la lumière de torches, réparties un peu partout. Fatigué, je me suis rendu sur le gaillard d'avant, profitant du vent qui soufflait dans ma crinière (nous voguions bon plein à ce moment là : le vent venait de l'arrière du bateau). Il n'était pas trop fort, juste assez pour me faire profiter de la fraîcheur nocturne. Malheureusement, j'ai rapidement été dérangé par un pirate venu resserrer le foc (vous savez, cette voile triangulaire à l'avant, fixée entre le mat de misaine et le bout-dehors). C'était un licorne jaune foncé, avec une crinière orange et une marque représentant un compas, du nom de Scramble Punch.

- Tout va bien petit ? Ça n'a pas l'air d'aller.

Non, je risquais pas d'avoir la paix. Réticent, j'ai soupiré avant de lui répondre, espérant qu'il se décide rapidement à quitter les lieux.

- Non, pas vraiment.

- C'est Gristle qui te fatigue ? C'est vrai qu'il est souvent dur avec les nouveaux. Mais c'est un type bien, si on le connaît un peu mieux.

- Un type bien ?

Je me suis vivement retourné vers lui, furieux.

- C'est un pirate ! Un bandit assoiffé de richesses, un assassin ! Depuis quand les types bien tuent-ils d'autres poneys pour les détrousser ?

- Je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais la plupart du temps, on évite d'avoir à le faire !

- Mais vous ne vous gênez pas pour le faire quand ça vous arrange ! Et pourquoi est-ce que je te parle d'abord ? Tu es avec eux, toi aussi ! Une de ces saletés de pirates qui pillent pour leur propre compte !

Je lui ai tourné le dos, essayant de clore la conversation. Mais ce qu'il me dit alors fut gravé à jamais dans ma mémoire :

« Parce que tu crois que ça nous fait plaisir ? »

Cette réflexion me surprit. Je me suis retourné, pour essayer d'avoir une explication, mais il était déjà reparti. Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire, sur le moment. Mais il avait déjà brisé mes certitudes sur les pirates. Je me suis interrogé. Qu'est-ce qui pouvait motiver un pirate à part l’appât du gain ? Je suis retourné à mon hamac, la tête pleine de nouvelles questions.

Le lendemain, je m'attaquais à nouveau aux mêmes tâches. Nettoyer, nouer, replier, déplier… le maître coq ne semblait pas avoir besoin d'aide pour le moment. Je ne portais toujours pas mes nouveaux camarades en très haute estime, mais il y avait quelque chose, caché derrière une image de brute épaisse. Je ne savais pas quoi, mais il y avait bien quelque chose.

En travaillant, je repensais à ma conversation de la veille. Les pirates, des types bien ? Je jetais un regard au second. Quoi qu'en ait dit le licorne jaune, je voyais toujours un étalon intransigeant qui ne supportait pas les marins inactifs. Et pour moi, à l'époque, voler et tuer bannissait définitivement un poney de la liste des types bien. Mais alors que je passais sur le gaillard d'arrière, en fin d'après midi, j'ai été interpellé par le capitaine Fortune, alors en compagnie de Scramble, qui était à la barre.

« Hey, petit, vient un peu par là. »

Le capitaine… sa compagnie non plus ne me plaisait pas. C'est lui qui avait organisé l'attaque du Ocean Rose, et qui m'avait enlevé pour servir dans son propre équipage. Je m’approchais donc, lui jetant un regard assassin.

- Scramble va faire sa pause. Tu vas le remplacer à la barre.

- Combien de temps ?

- Jusqu'à-ce que j’envoie quelqu'un te remplacer.

Scramble se décala pour me laisser la place. Je m'installai donc, debout, appuyé sur la roue du gouvernail, pour garder un œil sur le compas qui se trouvait devant.

- Garde le cap, nord-ouest, trois cent vingt degrés.

- Et où est-ce que nous allons ?

- Au port pirate de Hook bay, dans les îles de Gallopinghost, avait répondu Scramble. Tu n'a pas de chance, toi qui détestes les pirates.

Il insista sur sa dernière phrase, essayant sans doute de me faire savoir que je l'avais offensé. Je me suis donc tourné vers lui pour répliquer.

- Vous m'avez kidnappé. Reconnaît que ce n'est pas facile de faire confiance à un poney qui te retiens prisonnier.

- C'était ça ou les requins, intervint le capitaine. Nous avons une réputation à tenir auprès des autres marins. Je ne pouvais pas te laisser repartir après que tu m’aies sauté dessus.

- Eh bien croyez-moi, elle est réussie, votre réputation. Bon vouloir ou non, vous n'êtes toujours qu'une bande de barbares.

Je n'aurais pas dû prononcer cette phrase. Dans la seconde qui suivit, quelque-chose s’abattit violemment contre le côté de mon visage. Le capitaine venait de me gifler.

- Je t'interdis de nous qualifier de barbares ! Nous sommes des poneys d'honneur, pas des vulgaires brigands !

- Alors dites-moi pourquoi des poneys d'honneur pillent des navires marchands et tuent leur équipage ! Lui ai-je donc crié, décidé à lui tenir tête.

- Parce que nous n'avons pas le choix, me répondit alors Scramble. Nous n'avons pas d'autres moyens pour récupérer de l'argent.

Je me suis retourné vers lui, intrigué. Comment ça, « pas d'autres moyens » ? ils ne pouvaient donc pas travailler honnêtement ?

- Moi aussi, à ton âge, je m'étais engagé sur un navire marchand, pour faire du commerce d'épices. Mais pendant l'un de nos voyages, une fois arrivé au port, les prix avaient chuté. La cargaison que nous avions achetée à prix d'or ne valait plus rien. On était ruiné, nous n'avions plus rien à part le bateau. Juste quelques vivres qui n'auraient pas tenu un autre voyage. Le seul moyen qu'il nous restait pour récupérer de l'argent était d'attaquer un autre navire. Tu vois ? Ce n'était pas vraiment de notre faute. Notre capitaine a décidé de s'en prendre à un navire pirate, qui passait par là. Quitte à attaquer quelqu'un, autant s'en prendre aux forbans qui pillaient les honnêtes marchands. Mais nous ne savions pas vraiment nous battre, contrairement à eux. C'étaient des griffons, des pirates parmi les plus redoutables qui existent. L'abordage a mal tourné, et mon équipage a été décimé. Seul quelques-uns d'entre nous ont réussi à s'enfuir avec le canot de sauvetage.

- Décimé ? Ai-je répondu sans vraiment y croire.

- Nous, encore, ça va, nous sommes des poneys. Un coup de sabot dans la mâchoire et on assomme notre adversaire. Pas besoin d'aller plus loin. Mais les griffons sont de véritables machines à tuer. Ils te dépècent avec leurs serres, et t'achèvent à coups de bec si tu es encore vivant. Un véritable bain de sang.

Je frissonnais à cette simple idée. Si l'attaque du Ocean Rose pouvait être considéré comme une moyenne chez les pirates poneys, je n'osais pas imaginer à quoi cela aurait ressemblé, si ils avaient été des griffons.

- Et c'est sans compter sur les chiens à diamants, rajouta Scramble. Eux, ils te mordent une jambe et te secouent jusqu'à-ce qu'elle tombe arrachée.

- Pitié, dis-moi qu'il n'y a pas pire, lui dis-je en frissonnant d'horreur.

- Si : les deux en même temps.

Je suis resté là, sans rien dire pendant plusieurs secondes. Ils avaient déjà réussi à me traumatiser.

- Enfin bref, reprit Scramble. Nous avons dérivé en mer pendant plusieurs jours, jusqu'à-ce que nous nous fassions repêcher par le capitaine Fortune. Nous n'avions plus ni emplois, ni employeur, ni argent, ni vivres. Alors nous avons fait la dernière chose qu'il nous restait à faire. Nous avons intégré son équipage.

- Alors je suis supposé prendre mon enlèvement pour un acte de charité ? Leur ai-je alors demandé, toujours suspicieux.

- Oui, répondit simplement le capitaine.

Scramble s'éloigna. Il en avait terminé. Fortune, lui, est resté quelques secondes de plus.

- Tu apprendras vite ce que cela veut dire, être un pirate. Maintenant, garde le cap... attention, tu dévies de deux degrés à bâbord.

- Oh... oui capitaine.

- Ne recommence pas : quelques degrés peuvent suffire pour manquer un rivage. Bon. Reste là, et attend ton remplaçant.

Il s'éloigna à son tour. Je l'admettais, ce n'étaient pas tous des barbares, mais ils devaient se tromper : il y a forcément d'autres moyens pour gagner de l'argent que de faire de la piraterie. Pour moi, c'était évident. Il y avait forcément un autre moyen.

Peu importe. Poneys d'honneurs ou pas, il était toujours hors de question que je devienne l'un d'entre eux. Je devais essayer de retourner à Baltimare, retrouver la civilisation dès que je le pouvais. Là, au moins, on est pas obligé de se taper dessus pour obtenir ce qu'on veut.

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LTMalmignatte
LTMalmignatte : #39005
Un type qui s'appelle Jolly Roger et qui déteste les pirates... Il n'y aurait pas une oxymore, là-dessous ? :-P
Sinon, franchement, l'histoire vaut le détour.
Il y a 2 ans · Répondre
MisterX
MisterX : #34334
Mouette14 février 2016 - #34333
Mais les griffons ont pas de machoires ?
Techniquement, si. Mais elle articule un bec tranchant.
Il y a 2 ans · Répondre
Mouette
Mouette : #34333
Mais les griffons ont pas de machoires ?
Il y a 2 ans · Répondre
makuta
makuta : #34311
Ha... Hook bay... mon port favoris ^^ cette endroit regorge d'ivrogne, flibustier, paria et j'en passe... en cherchant bien je suis sur que on pourrait trouvé un gentlecolt ^^ qui moi ? Je pense que un poney vous accueillant avec un canon de bordé portatif prêt à vous faire gouté la poudre noir ne soit pas pas un un gentlecolt si vous voyez ce que je veux dire :3
Modifié · Il y a 2 ans · Répondre
jojo
jojo : #34292
C'était trop Jojo captaine X vivement le prochain chapitre !!!!! Nom d'un Jojo !!!!
Il y a 2 ans · Répondre

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