Un mal de crâne assourdissant assaillait Drags alors que ses derniers souvenirs lui revenaient en tête. Douloureusement, il se rappela du combat dans la forêt, puis sa fuite avec Eric et Nilrem pour enfin se retrouver face à ce miroir. Un sentiment étrange l'accompagnait, comme si son corps s'était allongé.
Il ouvrit faiblement les yeux mais ne vit qu'un sol rocheux longer sa joue dans une forte pénombre. Où était-il ? Drags se releva difficilement. Seulement, sa tête ne le supporta pas et vrilla fortement. Ses oreilles bourdonnaient atrocement mais il put distinguer une voix l'appeler.
- Drags ? Drags, où êtes-vous ? avait-elle dit.
Cette voix lui était familière; c'était celle d'Eric. Il répondit aussitôt :
- Ne parlez pas si fort, j'ai une affreuse migraine.
Drags regarda alors autour de lui: une grotte. Il était près de sa sortie, la lumière du jour pénétrait faiblement.
Il vit Eric s’appuyer contre l'une de ces parois rocailleuses tout en avançant lentement. Le chevalier avait l'air d'être aussi mal en point que lui. Drags lui lança alors :
- Je suis content de vous voir, Eric.
Ce dernier se retourna et aperçut son compagnon à terre. Soulagé de l'avoir retrouvé, il lui demanda toutefois :
- Vous... vous sentez bien ?
- Oh oui. Mais en ce moment même, j’ai l’impression de me lever après avoir abusé d’alcool pendant toute une nuit, répliqua le moine.
Eric enchaîna sans attendre :
- Sortir d’ici serait une bonne idée. Vous pouvez marcher ?
- Vous me posez là une question bien délicate, avoua Drags.
- Alors levez-vous et avançons vers cette sortie, termina Eric.
Drags s'exécuta sans protester puis suivit Eric de près. Alors qu'ils avançaient vers la seule sortie possible, la pénombre s'éclairait petit à petit pour n'être plus que lumière. Éblouis, ils attendirent quelques secondes face à cette agressante luminosité pour ensuite s'éprendre d'un merveilleux spectacle.
Le soleil brillait de mille feux, les réchauffant chaleureusement. Une magnifique forêt s'offrait à eux. La verdure à leurs pieds et le ciel au-dessus de leur tête étaient si purs. Aucun nuage ni de mauvaise végétation venait perturber ce tableau féerique.
Des oiseaux multicolores s’envolèrent dans les cieux. Tous deux étaient ébahis face à tant de beauté. Drags fut le premier à sortir de cette euphorie.
- Heu... Où sommes-nous Eric ?
Le chevalier cligna des yeux, regarda son compagnon un instant puis lui dit :
- Je ne sais pas. Mais en tout cas, nous ne sommes plus à côté de Milan...
Ses yeux portèrent alors de nouveau sur le paysage.
- N'est-ce pas magnifique ? fit-il paisiblement.
- En effet, répliqua Drags. Mais... que faisons-nous maintenant ?
- Et bien, je ne sais pas où nous nous trouvons, de plus je ne distingue aucune étoile à cette heure-ci donc... Dirigeons-nous tout droit.
Drags le regarda, étonné.
- Comme ça, à l’inconnu !? À travers cette forêt !?
- Vous avez une meilleure idée ?! rétorqua Eric en haussant la voix. Il ne peut y avoir que cette forêt ! Si nous la traversons, nous tomberons sans doute sur une cité, un village ou une ferme. Alors arrêtez de discuter et mettons nous en route.
Drags leva ses mains ouvertes à mi-hauteur et fit :
- D’accord, pas la peine de vous emporter. Mais avant, laissez-moi faire une chose.
Eric le regarda alors s'abaisser à hauteur de sol et ramasser une petite pierre. Curieux, il l'observa sans intervenir.
Drags se rapprocha de l'entrée de la caverne, accompagné d'un déhanché qui mit mal à l'aise Eric intentionnellement, puis dessina adroitement une croix complexe contre la paroi de celle-ci. Une fois son œuvre terminée, il regarda Eric et annonça :
- C’est pour savoir par où nous sommes arrivés.
Eric leva les yeux au ciel en soupirant puis lui fit signe de le suivre. Le duo se lança alors dans la forêt.
Tout était calme, il n’y avait rien d’anormal, si ce n'était la paix et la tranquillité. Les arbres étaient resplendissants et leur feuillage, d'un vert peu commun mais tout aussi sublime. Il faisait un temps magnifique, les oiseaux chantaient, les fleurs fleurissaient. Eric avait beau tendre l’oreille, aucun bruit suspect ne présageait un danger imminent. Cet endroit lui semblait si irréel mais c'en était vraiment reposant.
« Pas de danger à l’horizon. Ça me fait un souci de moins à l’esprit », pensa-t-il le cœur léger.
Après une bonne heure de marche, Eric décida de s’arrêter près d’un point d’eau. Drags, épuisé, s’effondra contre ce tapis de verdure qui s’offrait à lui. Il annonça non sans une pointe de fatigue :
- Eh bien, je dois dire qu’il était temps. Mes pieds me font tellement souffrir que je ne ressens plus que cela.
Eric regarda Drags allongé à même le sol et répliqua :
- Ça, je m’en suis rendu compte. Vous commenciez à être à la traîne.
- Je n’ai pas votre expérience des longues marches chevalières, dit-il en observant ce toit de feuillage les surplombant.
- Il est vrai. Je dois dire aussi que cette marche fut épuisante, avoua Eric en s’asseyant face à Drags. Un cheval aurait été le bienvenu.
Un instant de réticence s’installa. Les deux compères ne dirent plus un mot, privilégiant le calme et la sérénité du moment. Seuls quelques bruits de la nature harmonisaient ce délicat silence, le rendant plus unique encore.
- Et que faisons-nous maintenant, s’exclama Drags à en perturber la mélodie de la forêt.
Eric rouvrit brusquement les yeux et les porta sur le moine. Il soupira de désolation contre celui-ci pour avoir ruiné ce reposant laps de temps. Il lui répondit :
- Cet amas d'arbres autour de nous sera notre campement. Nous allons nous installer ici pour la nuit. Il nous faut nous reposer convenablement car demain, nous repartons à l’aube.
Drags grimaça à cette idée, le chevalier poursuivit :
- Je vais aller chercher du poisson dans ce lac. Quant à vous, vous
- Quel lac ? s’insurgea Drags en relevant la tête.
Alors qu’il observa son environnement, il remarqua avec difficulté à travers tous ces arbres le début d'un lac ne se trouvant qu’à quelques dizaines de mètres de leur position. Étonné par cette présence qu’il n’avait pas remarquée, il se frotta les yeux avant de se rallonger de plus belle contre ce lit d’herbes et de feuilles douillettes.
- Faut croire que la fatigue me joue des tours, dit-il les mains derrière la tête, les yeux fermés, prêt à s’endormir.
Eric haussa la voix :
- Il n’est pas l’heure de roupiller mon cher ! Alors levez-vous ! Il nous faudra du bois pour ce soir. Vous vous occuperez de cette tâche.
Drags ouvrit un œil et l’observa d’un air pensif.
- Vous êtes sûr que vous irez bien ? demanda-t-il
Interloqué, le chevalier le regarda en retour.
- De quoi parlez-vous ?
- Vous avez l’air d’oublier que vous êtes blessé, lui rappela Drags.
Eric observa alors son bras droit et le tata rapidement de sa main gauche à travers son vêtement. Il finit par conclure :
- C’est étrange, je n’ai plus aucune douleur depuis un moment. Ce n’était peut-être pas aussi grave que ce à quoi je pensais. Et bien ce sera parfait ! Mettons-nous au travail. Quant à vous, ne vous éloignez pas trop, je ne veux pas passer la nuit à vous rechercher.
Drags acquiesça et chacun partit immédiatement de son côté accomplir sa besogne.
****
L'ombre des grandes tours du château de Canterlot grandissait à mesure que la souveraine d'Equestria attendait. Dans sa cour extérieure, Celestia patientait avec inquiétude, parcourant sans vraiment y prêter attention les jardins royaux.
« Pourquoi cela prend-il tant de temps ? J’espère qu’il ne lui est rien arrivé », se dit-elle tout en passant sous de grands et multicolores arcs de végétation assurément entretenus par ses maîtres tailleurs personnels.
Alors que la Princesse Solaire continuait à remuer des pensées craintives, elle sortit de la grande allée des arcs de printemps pour s'engager entre deux petits marais emplis de poissons.
Ces jardins semblaient si immenses qu'un poney pourrait si perdre facilement.
Après plusieurs minutes de marche, Celestia se stoppa face à la porte du grand bâtiment entourant ce paradis vert et sa flore unique. Elle se retourna et contempla la vaste place qu'elle venait juste de traverser, des majestueux arbres l'encadraient régulièrement. Elle décida alors de faire demi-tour, mais une ombre obscurcit soudainement le ciel. Celestia baissa alors la tête, laissant sa grande crinière effleurer le sol.
- Enfin, dit-elle à voix basse.
Un être ailé enveloppé d'un manteau noir se posa délicatement devant la Princesse au milieu de la grande cour, et la regarda. Un sabot revêtu sortit de l'épais vêtement et alla retirer cette capuche qui dissimulait son visage.
- J’espère que tu as une bonne raison pour me faire revenir au château alors que je suis en pleine campagne militaire, déclara avec contrariété ce qui ce révéla être la Princesse de la Nuit.
- Oui ma sœur. Les éléments d’équilibre de la magie et de la transformation ont brillé, annonça Celestia d'un ton nerveux.
Les ailes de la plus jeune Princesse se rabattirent contre ses flancs en un clap retentissant. Elle poursuivit en se rapprochant :
- Tu en es sûre ? Enfin je veux dire, l’élément de la transformation n’a pas brillé depuis Tourbillon Étoile le barbu.
L’aînée abaissa la tête et soupira tandis que la cadette se plaça à ses côtés. Toutes deux commencèrent alors à avancer à travers les jardins, Celestia emprunta un chemin différent que le précédent.
Les minutes passaient et le décor défilait. Luna avait l'habitude de ces conversations silencieuses avec sa sœur. Cet instant où rien n'était émis entre les deux alicornes en disait long sur la situation.
Mais alors qu'elles passaient dans la prairie des fleures célestes en direction d'une petite forêt, Luna brisa ce silence :
- Tu veux dire que...
- Oui. Nous allons consulter la pierre. J'espère que tu n'as rien oublié depuis. La Mélodieuse est difficile à contenir maîtrisée à travers le temps.
Luna ne répondit pas et se contenta de suivre de près sa sœur.
Arrivées et face à l'épaisse verdure et aux puissants arbres bloquant toute entrée potentielle à cette forêt, la corne des deux souveraines s'enveloppa d'une même aura émeraude alors que chacune de leur pointe dessinait symétriquement un mystérieux symbole dans les airs. Une fois terminée, cette forme d'un trait vert menthe s'illumina avant de disparaître à travers la végétation, provoquant un léger tremblement. Les arbres ainsi que les vastes buissons se courbèrent alors pour les laisser passer, créant une longue et soigneuse allée en terre.
Les deux sœurs s'engouffrèrent à l'intérieur, puis furent immédiatement coupées de l'extérieur par la nature se remettant solidement en place derrière elles.
Après une longue marche entre ces murs d'écorce et de feuillage obscures, un imposant rocher se présenta au beau milieu du chemin. Faisant bien trois mètres de haut, la végétation de la forêt semblait rattachée à ses contours et pénétrer quelques fissures.
Celestia regarda alors Luna, cette dernière hocha la tête et toutes deux se positionnèrent face à la lisse paroi de la pierre. D'une voix soyeuse et profonde, mais de timbres différents, les deux sœurs se mirent à chanter légèrement sans émettre de réelle parole compréhensible. Cette douce mélodie ressortant de leurs cordes vocales fut captée et résonna à travers la pierre à en faire vibrer la paroi jusqu'à ce qu'elle se distorde, créant ainsi un portail béant vers une sorte d'autre réalité.
Le chant de la Mélodieuse fut réussi, elle continuait à résonner de par elle-même à travers le portail.
Les Princesses traversèrent alors ce passage, cette étrange sensation les faisait toujours frissonner, puis elles se retrouvèrent dans une vaste pièce circulaire où lévitait en son centre un diamant resplendissant. Les murs les entourant étaient gravés de l'histoire d'Equestria dans ses grandes lignes sur une étrange pierre grisée par le temps. Il ne restait plus qu'une petite parcelle encore vierge, ce qui n'était pas d'un très bon présage.
La Mélodieuse s'estompa et referma le portail ainsi que toute luminosité extérieure.
La Princesse Celestia s'avança dans la pénombre.
- Esprit de l’oracle enfermé dans la pierre des prophéties, nous sollicitons ton aide.
À ces mots, la pierre précieuse commença à tourner rapidement sur elle-même puis à briller d'une chaleur apaisante, devenant ainsi la seule source de luminosité dans cette salle. Un écho désincarné envahit alors le lieu :
- Princesse de l'Aube qui me demande audience, que désiriez-vous que l’oracle vous révèle ?
Celestia prit alors sa voix la plus solennelle et répondit :
- Pourquoi oracle ? Les éléments d’équilibre de la magie et de la transformation se sont activés... Pourquoi ?
- Princesse de l'Aube, votre demande est juste. Alors écoutez, écoutez et percevez ce que l’oracle a à vous révéler :
En des temps où l’unité d’Equestria n’existera plus, où l’autorité des Princesses ne sera plus reconnue, commencera alors la Guerre de l’Unité. Le destin amènera d’un autre monde deux sauveurs : le bon au cœur d’or dont il ignore l’existence, lié à l’élément de la magie. Le tourmenté à l’âme troublée : un être né à la recherche d’une cause, d’un but à donner à sa vie, lié par l’élément de la transformation.
Luna s'avança d'un pas et s'empressa de répliquer :
- Mais où se trouvent-ils, oracle ?!
- Voyez, Princesse de la Nuit, ils sont déjà ici. D’une longue marche, dans la forêt à l’ouest du cœur de la Terre. Ces êtres venus d’un autre monde se reposent. Il est important que vous les retrouviez si vous voulez préserver l'Unité en Equestria. Je dois me retirer maintenant. Au revoir, Princesses de Sang.
- Attendez ! cria Luna sans manière.
Mais la brillance et la vélocité du diamant diminua peu à peu jusqu'à se dissiper totalement, les laissant dans l'obscurité un court instant avant que le portail ne s'ouvre de nouveau dans leur dos, contre le mur, accompagné du chant de la Mélodieuse.
Les Princesses sortirent de la salle, inquiètes.
- Alors, que faisons-nous Tia ? débuta Luna.
L'alicorne blanche resta pensive un bref instant avant de continuer :
- Envoyons des éclaireurs dans les bois de la Queue Blanche. Qu’ils cherchent et nous ramènent indemnes des êtres vivants ne ressemblant à aucune créature vivant en Equestria.
- J'irai de ce pas en informer les généraux, lui annonça sa sœur. Mais d'abord, sortons d'ici au plus vite.
Celestia hocha de la tête en signe d'approbation puis se murmura faiblement :
- C'est donc maintenant où tout va se jouer ?
****
Posées près du lac, toutes les affaires d'Eric étaient cachées sous un épais feuillage. Sa cotte de mailles et ses deux dagues ne le protégeant plus, le chevalier restait sur ses gardes. Mais pour l'instant, son but premier était de récupérer le diner de ce soir au fond de l'eau claire et peu profonde de cet étang.
Son torse ne révélant aucune pudeur, Eric déambulait aux abords du lac dont le niveau lui arrivait à la ceinture, lui cachant ainsi ce qu’il fallait cacher.
Un long bâton taillé en harpon au préalable dans la main, ses sens étaient aux aguets. Il restait patient, en position et prêt à frapper au moment opportun. Un poisson apparut alors au ras de l'eau près de sa cuisse. D'un geste vif, son bâton alla se figer dans la chair de sa proie puis le sortit aussitôt. La pauvre bête empalée remuait encore, un filet de sang s’échappant de son corps, mais c’était ainsi la dure loi de la nature.
Eric répéta le même geste durant environ une heure à différents endroits stratégiques puis sortit enfin du lac, muni de six poissons en trophées. Il déposa sa dernière prise avec les autres près de sa cache constituée de feuilles et de branches et commença à récupérer ses affaires sous ce camouflage improvisé.
« Ça devrait aller pour ce soir. De toute façon, je ne verrai plus rien d'ici peu. Le soleil se couche. »
À cette pensée, il s'abstint de s'habiller et fit face aux derniers rayons du soleil terminant de le sécher agréablement. Les yeux fermés, il repensa à son périple singulier : la chevauchée auprès de ses frères d’armes, la rencontre avec Drags, la bataille dans la forêt et ce miroir dans cette chapelle, puis enfin : Nilrem. Toutefois, la remarque de Drags sur sa blessure lui vint aussi en mémoire. Cette douleur qu'il avait ressentie lorsque le carreau avait pénétré son bras était encore imprégnée dans son esprit, ainsi que le moment où il dut le retirer. Son crie étouffé résonnait encore dans sa tête.
Eric porta alors attention à son bras et vit avec surprise une peau parfaitement saine. Pris soudain de stupeur, ce dernier palpa sans attendre son torse et son dos. Il ne restait plus rien, plus aucune cicatrice, plus aucune marque du passé. Elles avaient toutes disparu.
« Même ceux-là : neuf ans à batailler en Terre Sainte, et plus une trace... Toute ma vie... envolée. »
Les bras d’Eric tombèrent lourdement. Le regard dans le vide, il resta là sans bouger, face au lac. Après un court instant, il enfila sa cotte de mailles ainsi que ses vêtements, puis prit ses poissons et partit d'un pas lourd vers le campement, un goût amer en bouche. Ce chevalier aurait juré à pleins poumons s'il le voulait, mais garder un sang froid implacable était de rigueur en terres inconnues. Alors Eric se contenta de ravaler sa frustration même s'il se sentait s’étouffer avec.
Assis au sol et faisant face à un petit tas de brindilles surmonté d'une buche, Drags avait fini de récupérer du bois et commençait à préparer le feu.
« Il ne reste plus qu’à l’allumer. »
Il regarda dans sa besace : son livre, son crayon et... Il poussa un "ouf" de soulagement, il les avait encore. Il sortit alors une petite lame en acier et un silex de bonne taille. Ses deux doigts empoignèrent la paire d'anneaux à la base de la lame puis la plaquèrent contre sa cuisse. De l'autre main, il saisit fermement sa pierre et d'un large geste, la fit percuter violemment contre l'acier. Une étincelle s'en dégagea. Le moine n'avait pas perdu la main pour ce genre de chose.
Drags se plaça le plus près possible des brins les plus secs et répéta l'opération une fois, deux fois, trois fois.
Après une cinquantaine de tentatives, aucun signe de la moindre braise. Tous ses espoirs commençaient à disparaître. Mais soudain, une petite fumée apparut du petit tas de bois, alors d'un regain de vitalité, il prit une forte et bruyante inspiration pour finalement n'émettre qu'un petit filet d'air en direction de la source de fumée.
Il souffla longtemps, accroupi au sol et le dos courbé.
« Allez, prends, prends ! » se répétait-il.
Au fur et à mesure des minutes qui passaient, Drags se rapprochait de plus en plus, allant presque à rentrer son nez dans la fumée. Mais malgré ses efforts, aucune flamme ne voulait lui faire plaisir. Perdant patience, il cria :
- Tu vas prendre oui !
À ses mots, un petit feu prit brusquement et ressortit des brindilles. Cette flamme alla embrasser la narine de Drags qui, de surprise, tomba à la renverse. Un bruit résonna derrière lui, Il tourna la tête et vit Eric entre deux arbres le regarder, intrigué. Ce dernier lui dit d'un ton neutre :
- Je vois que le feu est entre de bonnes mains. Je vide les poissons et je les mets à cuire, ils seront prêts d’ici ce soir.
À la vue de son butin, Drags s'éclaffa d'un air moqueur :
- Six ! C'est donc tout avec tout ce temps ?
- Vous apprendrez, mon cher Drags, que la pèche aux poissons sans un matériel adéquat est bien plus difficile. Enfin... après tout, vous qui pratiquez la pèche à la truite, vous vous y connaissez aussi je suppose.
Ses mots sidérèrent le moine dans un premier temps, puis celui-ci se mit à rire à haute voix.
- Je vois que vous avez du répondant, Eric !
Le chevalier s'assit sans relever la remarque de son compagnon. Drags discerna alors son changement d'humeur depuis son retour. Il décida donc de se positionner près de lui. Eric ne dit rien et se contenta de sortir une de ses dagues et d'éventrer puissamment sa première proie. Face à cela, le moine s'empressa de faire part de son ressenti :
- Cet acharnement ne présage rien de bon. Quelque chose ne va pas ?
- Je n'ai pas vraiment envie d'en parler, répliqua Eric en regardant furtivement son bras.
Drags le remarqua, puis il réfléchit profondément tandis qu'Eric continuait à préparer le diner, laissant s'échapper les entrailles de ses poissons devant lui alors que des lamelles encore recouvertes d'écailles étaient disposées sur la lame de son autre dague, au sol.
Dans ses plus profondes réflexions, Drags activait ses neurones un à un :
« Pourquoi cette colère ? Son bras le dérange dans un sens mais lequel ? Il n’a plus de douleur à celui-ci donc je ne vois pas vraiment ce qui pourrait le contrarier… Ça a forcément quelque chose à voir avec ce carreau d’arbalète… qui par ailleurs a surement dû le marquer... le marquer... Est-il contrarié par cette marque ? Non, un chevalier ne peut pas... mmmh. »
Après de longues minutes de silence, celui-ci fut brisé par le moine :
- Votre bras n'a pas de cicatrice ? Elle fut guérie comme votre douleur... mais ce n'est pas la seule n'est-ce pas ?
Eric ne répondit pas et se contenta de serrer les dents.
- Vous autres chevaliers avez beaucoup bataillé dans le passé, ce qui n'est pas sans conséquence sur votre corps. Ce passé vous est unique et représente votre honneur en tant que guerrier. Ce passé peut être matérialisé en cicatrices sur votre corps mais sachez que ces souvenirs qu'il vous restitue sont bien plus précieux qu'une simple excroissance de peau.
- Pourquoi a-t-il fallu que vous soyez aussi...
- Dérangeant ? répondit Drags, se sentant soudainement idiot de ramener ce sujet à sa mémoire.
- Perspicace, poursuivit Eric, arborant un faible sourire au visage tandis qu'il continuait ses préparatifs. Vous m’étonnerez toujours. Merci en tout cas pour vos paroles, je me sens mieux.
Alors que le soleil avait disparu depuis un temps déjà, le diner était planté dans de petites lances enfoncées autour du feu, cuisant lentement. De temps en temps, Eric retournait la chair des poissons tel un bon cuisinier se préoccupant de son délicieux plat. Drags, de son côté, avait ressorti son cahier et son crayon et avait repris ses dessins. Eric l'observa un instant, pensif. Son compagnon perçut alors qu'on l'épiait, il leva les yeux et manifesta son incompréhension face à cette inspection visuelle d'une manière soutenue :
- Quoi ?!
- De tout ce que vous aviez, il ne vous reste que cela ? répliqua Eric non sans une pointe de reproche. Vous auriez pu, je ne sais pas, avoir une de vos armes sur vous.
- La vie et une question de priorités.
- Et je vois bien que nous n’avons pas les mêmes, lui lança-t-il.
- De toute manière, elles étaient dans mes coffres, soutint Drags. Mais ne vous en faites pas, tout est dans ma tête alors détendez-vous, dit-il en tapotant légèrement son crâne.
- Je ne peux que vous faire confiance alors passez du bon temps avec vos créatures étranges.
Eric laissa alors Drags à son occupation, lui attendait que les poissons finissent de cuire. Il s'allongea au sol et observa dans l'obscurité cette paisible forêt. Seuls le crépitement du feu et les hululements des chouettes environnantes se manifestaient, accompagnés parfois de bruits d'animaux se déplaçant aux alentours, faisant frémir les buissons ou rompre quelques brindilles... Peut-être un peu trop bruyamment.
Eric se redressa soudainement, scannant le moindre mouvement suspect tout autour de lui. Il n'y avait là que des arbres à perte de vue dans ce noir, sans compter le lac à plusieurs mètres plus loin qui resplendissait de par la réflexion de la lune. Cependant cette belle lumière ne traversait pas le feuillage les surplombant, et les laissait ainsi dans une nuit profonde.
« J'ai cru percevoir quelque chose bouger.... Quelque chose de bien plus gros. »
Eric s'adressa discrètement à Drags, assis de l'autre côté du feu :
- Vous n'avez rien entendu ?
Mais il ne répondit pas, bien trop concentré dans son petit cahier.
« Mon imagination... »
Après dix longues minutes dans une inquiétante attente. Eric décida de se changer les idées et attrapa un pic portant une belle pièce puis le tendit à Drags. Celui-ci releva la tête de son activité et perçut en première loge une nourriture délicieusement fumante face à lui. Il s’empressa d'attraper son repas, de remercier Eric puis de dévorer ce poisson sans retenu, au point qu’il faillit s’étouffer, ce qui fit rire le chevalier de bon cœur. Le moine s'insurgea alors :
- Je croyais que votre rôle était de me protéger !
Eric termina son rire et répliqua plus calmement :
- Oui, des autres, mais pas de votre propre bêtise. Je ne suis pas votre père mais votre protecteur.
- Et bien, cher protecteur, savez-vous par hasard où nous nous trouvons maintenant que nous sommes dans ces bois ?
Eric le regarda alors que son précieux diner était presque en bouche. Il l'abaissa et prit une grande inspiration :
- Et bien, pour tout vous dire, cette forêt me fait penser à celles que l’on trouve dans le Duché de Bretagne.
- Serait-ce possible que nous soyons aussi loin ? demanda Drags d'un air curieux.
- Oui vu ce qu'il s’est passé, c’est fort probable. Mais personnellement, j’en doute, avoua Eric.
- Ah tiens ? Et que nous vaut cette appréhension ?
- Et bien même si cette forêt ressemble à celles que l’on trouve au Duché de Bretagne, le temps qui nous est offert ici ne correspond pas. Nous sommes plus vers une journée de printemps à Constantinople.
- Ah donc. Finalement, vous ignorez notre position, s'impatienta le moine.
- Mmmh… Tout juste.
- Donc tout ce que vous venez de me dire ne sert à rien.
- Mmmh... Tout juste.
Drags grogna à sa réponse.
- Cependant, le plus étrange n’est pas cela, déclara Eric.
- Ah bon ?! Il y a autre chose ?
- Oui et vous le savez très bien, commença-t-il d'un ton plus fâcheux. Mes cicatrices... ont disparu.
Eric lui montra son bras droit, là où s'était figé le carreau. Drags écarquilla des yeux.
- Et bien je dois avouer que, ayant encore l'image de cette flèche dans votre bras il y a pas moins de vingt-quatre heures, le voir maintenant parfaitement intact m'impressionne et m'effraie à la fois.
- Et bien je me suis posé cette question : vous êtes vous blessé de par le passé ? Et donc, vous est-il arrivé la même chose que moi ?
- Eh bien pour tout vous dire : il y a deux ans, une femme m’a donné un coup de poignard dans le ventre. J’ai survécu bien évidement, au cas où vous vous inquiéteriez, mais cela m’a laissé une vilaine cicatrice...
Les yeux de Drags s'élargirent une nouvelle fois. Il souleva son haut de vêtement et constata, ou plutôt, ne constata pas. Il n'y avait rien. Il regarda alors Eric.
- Incroyable, mais par quelle... ?
- Je me le demande aussi. Mais pour le moment, je n'en ai aucune réponse. Qui sait, peut-être que nous rencontrerons une personne qui pourra nous aider. Cependant, fini les interrogations pour ce soir. Nous devons terminer notre repas et nous reposer.
Drags acquiesça et continua à manger plus prudemment qu'avant, se méfiant et essayant d'éviter de ne plus avaler de travers. Eric, quant à lui, rassasia en premier son appétit puis commença à éteindre faiblement le feu afin de laisser le moins de traces possible. Lorsque ce fut chose faite, il s’allongea à même le sol et fut suivi de Drags qui s’appuya contre un arbre. Tous deux étaient bien cachés et protégés, entourés par ces buissons et ces troncs les dominant sur la hauteur.
- Une petite question, lança Eric alors qu'il faisait pratiquement nuit.
- Oui, je vous écoute, continua son interlocuteur en lançant un regard face à lui, à travers ce néant de ténèbres les aveuglant.
- Cette femme qui vous a blessé, ce n’était pas une de vos maîtresses vexée de s'être faite duper comme toutes les autres ?
- Ha ha, très drôle. Maintenant, laissez-moi tranquille, grommela-t-il.
Eric rit et s’endormit quelques minutes plus tard. Drags mit plus de temps mais finit aussi par tomber dans le pays des songes.
*****
Il faisait noir, si noir que le sol n'était même plus visible. L'air glacé parcourait son corps alors qu'il avançait à tâtons vers l'avant. Ses bras levés devant lui ne lui indiquaient aucun obstacle. Le silence était harmonisé par le bruit de ses pas contre cette seule surface, rocailleuse au son, qui le soutenait.
Perdant patience, tournant en rond et ne détectant aucun mur aux alentours, Drags se mit à courir droit devant. Il avait certes peur de percuter une paroi ou de tomber dans une crevasse mais il ne s'arrêta pas. Ses jambes descendirent tout à coup une faible pente. Sa vitesse augmenta jusqu'à se stopper brutalement au contact de quelqu'un. Drags tomba douloureusement en arrière et leva les yeux. Un arbre se tenait devant lui, puissant et grand. Son feuillage, quoiqu'un peu noirâtre, semblait se fondre dans les ténèbres alors que ses grosses racines s'enfonçaient sous cette sombre terre.
- Un arbre ? C'est bien la seule chose que je peux voir en ce moment... Mais je dois continuer à chercher.
Il pencha sa tête en arrière et distingua un ciel qui s'arrachait petit à petit de l'obscurité jusqu'à n'être plus que luminescence. Son corps encore lourd peina à se relever. Les yeux rivés vers les étoiles, il cria :
- Où es-tu ?!
Un léger vent lui frôla le dos, pénétrant ses vêtements. Il se retourna et vit une forme floue tournoyer dans les airs, s'arrêtant par moment face à lui, comme le fixant, puis reprenant sa danse céleste. Drags sourit faiblement.
- C'est pratique de pourvoir voler.
Une paisible voix s'échappa alors de cette brume qui s'abaissa à sa hauteur :
- Je te le confirme, mais des bras et des mains, ça a aussi son utilité, dit-elle d'un jolie rire.
Drags s'avança d'un pas et lui fit face. Il put percevoir un visage un peu plus net et une silhouette mais encore trouble. Sa main caressa la courbe de sa joue.
- Oui, sur ce point, je suis d’accord avec toi. Ça me permet de faire ça.
Il la prit alors dans ses bras et l’embrassa. Corps contre corps, tous deux se serrèrent passionnément alors que les étoiles les illuminèrent soudainement, faisant apparaitre l'herbe sur laquelle ils se tenaient, puis toute une clairière à perte de vue. Cependant, elle était vierge de tout relief et de végétation autre que ce tapis de fins brins verts. Seul l'arbre se tenant derrière Drags patientait, les observant silencieusement.
Encore enlacés, Drags ne ressentait plus rien, si ce n'est ce bonheur qu'il recherchait tant. À cet instant, il ferma les yeux. Ses bras se serrèrent plus encore alors qu'il se blottit contre ce qu'il pensait être une longue chevelure. Il sentit alors des lèvres effleurer sensuellement la surface de son cou et un poids se déposer délicatement sur l'épaule. Elle avait posé sa tête contre lui. Sa voix résonna une nouvelle fois, si belle et charmante :
- Dis-moi ? Tu n’as pas peur que notre petite escapade les rende complètement fous.
Drags sourit, voulu soupirer mais fut couper par un parfum enivrant, si ce n'est enchanteur. Il se remplit à pleins poumons de cet arôme inconnu de sa vaste bibliothèque intérieure, puis il expira chaleureusement avant de répondre :
- Je t’ai connue plus hardie. Ne t’en fais pas, ce sont de grandes personnes, ils sauront se débrouiller seuls.
- C’est vrai, ce sont de grandes personnes, dit-elle en positionnant son visage face au sien.
Drags n’eut pas le temps de répliquer qu'il fut soudainement basculé en arrière, mais ses yeux ne se détournèrent pas de cet iris rose violacé qui continuait à l'embrasser du regard. Le monde autour de lui se renversa tandis que ces pupilles maintenant parfaitement nettes dans ce visage bien plus abstrait ne bougeaient pas de son champ de vision. Il atterrit brutalement mais sans douleur au sol.
Elle était penchée sur lui et le dominait à présent. Sa tête se rapprochant lentement, son souffle était saccadé, et s'arrêta face à un nouveau baiser. Drags était immobile. Il sentait cet air chaud rouler contre ses joues, provoquant en celles-ci une étrange sensation, mais avant qu'il ne s'élance, ses lèvres furent stoppées et sa tête, ramener délicatement au sol.
Une plénitude s'empara alors de lui, et il se laissa emporter par ce flot d'émotions qui l'envahissait. Il se sentait presque revivre de cette intensité. Jamais n'avait-il connu cette extase auparavant. Il était heureux, si heureux. Ses paroles se formèrent alors d'une pureté sans égale :
- Tu es... Tu es la plus belle chose qui m’est arrivée dans la vie. Tu es... toute ma vie.
"Toute ma vie". Ces mots résonnèrent en échos à en perturber les cieux, distordant les étoiles alors que Drags sentit son corps s'enfoncer dans le sol. Il tombait à présent, le visage de sa bien-aimée s'éloignait de plus en plus alors qu'il essayait de l'atteindre bras levés mais sans aucune force. Sa douce voix l'appelait, répétant son nom sans cesse.
Drags sentit saisir quelque chose. Son visage peut-être ? Il voulu alors se rapprocher et la serrer une dernière fois mais un puissant choc le repoussa, le projetant contre un arbre.
Les yeux grands ouvert, Drags était une nouvelle fois dans cette forêt aux arbres imposants et à ce toit de verdure. Il remarqua Eric l'observer avec dégoût. Confus, Il regarda dans toutes les directions puis fixa le chevalier. Ce dernier lui dit étrangement :
- Étiez-vous sur le point de m'embrasser ?
Drags ne répondit pas, ce contentant de comprendre la situation. Il se leva alors et retira à l'aide de ses mains la saleté sur son fessier à grands coups. Il répliqua par la suite :
- Vous savez que vous m'avez réveillé d'un rêve magnifique. D'ailleurs, j'ai l'étrange impression que vous y étiez.
- Je ne veux pas en savoir plus. Vos rêves extravagants ne regardent que vous.
- Ne faites pas l'enfant, il n’y avait rien d’obscène, répondit Drags.
Eric le regarda en retour mais n'avait aucune riposte. Il ne fit que poursuivre la conversation en changeant de sujet :
- Le soleil s'est levé depuis un moment. Préparez-vous, nous allons reprendre la route. Ah oui, et allez-vous laver aussi.
- Et en quel honneur ? demanda Drags d'un air intrigué.
- Et bien, disons que je supporte votre présence, votre visage, mais pas votre odeur. Le lac est dans cette direction, alors je me répète : allez-vous laver, et à grande eau s’il vous plaît.
- J’ai compris, j’y vais, dit-il exaspéré.
Et le moine s'éloigna à travers la forêt puis disparut derrière un arbre. Eric se retrouva seul, regarda son fourreau vide et eut une dernière pensée pour ses épées. Son œil glissa sur ses deux dagues à sa ceinture. Il les sortit et les empoigna fortement en position de défense. Il les observa et songea craintivement :
« Pourvu que l’on ne rencontre pas d’ennemi. Je ne résisterais pas longtemps même avec ces longueurs de lame. »
En effet, ses dagues étaient plus grandes que la moyenne sur le marché. L'une à la lame ondulée était gravée d'un imposant serpent ailé dont la queue se prolongeait dans sa garde dorée, tandis que l'autre, un peu plus longue, était d'une forme simple mais semblait bien plus fine et pointue. Chaque parcelle de son manche était recouverte de symboles bibliques, et le pommeau formait une petite croix du Christ d'une complexe structure. Eric continua sa pensée :
« Si c’est le cas, j’improviserais. Nilrem... Je jure que tu me le payeras ! »
Les poings serrés, Eric sentait une rancœur monter en lui, mais après réflexion, il se figea tout à coup. Avait-il laissé Drags partir seul sans sa protection ? Le chevalier jura alors et se traita d'incapable avant de s'élancer à la poursuite du moine. Et comme ses craintes devaient se confirmer, il entendit crier :
- Eric ! Eric !
Des racines défilaient sous ses yeux, les arbres le frôlaient alors qu'il esquivait de justesse tout obstacle afin de garder une vitesse optimale. Une fois arrivé au lac, il ne vit rien, personne. Les cris avaient cessé, et ça ne présageait rien de bon. Eric se retourna alors et rebroussa chemin, mais à mi-parcours, il s'arrêta soudainement et ne bougea plus. Il devint une statue immobile : plantée là, observant, écoutant. À sa plus grande chance, aucun vent. Pas un bruit dans l'air. Jusqu'au moment où, du mouvement sur sa droite, un choc sourd se fit entendre dans cette direction.
Eric reprit sa course, se dirigeant vers la source. Quelques mètres plus loin, à sa plus grande surprise, il retrouva Drags plaqué contre un arbre, entouré d'épées en lévitation et baignant dans une mystique lumière verte. Sans attendre, le chevalier sortit ses dagues et se précipita vers son compagnon, mais il n'eut pas fait deux pas qu'il fut projeté violemment dans les airs. Un épais tronc le réceptionna à la volée, lui amochant fortement le dos, puis il s'écrasa au sol.
La vision trouble, le souffle court, Eric ne se posa pas de question et se releva lentement, un bras lui serrant les côtes. Son seul objectif : aller secourir Drags. Une fois début, il tituba faiblement vers l'avant avant de se ressaisir fermement. Une chance qu'il avait encore ses dagues en main. Son esprit encore vacillant put détecter cette fois-ci un mouvement sur sa droite, se rapprochant dangereusement. Par réflexe, Eric fit un rapide pas de côté mais s'écroula au sol. Une douleur vive au ventre, son sens de l'équilibre ne voulait plus se rétablir. Un rapide coup d'œil afin d'émettre un contact visuel, il ne voyait qu'une boule noir faiblement verdâtre en son centre se mouvoir face à lui. Elle revenait à la charge.
Eric se concentra un maximum afin de discerner ce qu'il combattait. Un cheval ? Non, une licorne ? Et portant une armure ?
En effet, Des plaques sombres recouvraient une bonne partie du corps de cette chose, laissant le bas de ses pattes ainsi que son abdomen recouverts d'un cuir étrange. Son visage d'un pelage menthe ressortait de ce casque d'apparence imposante.
Ce détail le perturba mais il garda son sang-froid. Il était en plein combat après tout. Mais alors que cette créature galopait vers lui, il ne vit qu’au dernier moment une lance apparaître depuis le feuillage des arbres et fondre sur lui. Il pivota in extremis d’un geste souple et maîtrisé. La lame lui frôla le torse avant de se planter profondément dans la terre meuble à ses pieds. À la vue de celle-ci, Eric s’empressa de retirer cet épieu du sol et le dirigea vers son adversaire. Étrangement, sa pointe n’était pas affûtée, cela semblait même être tout le contraire. Une lame aussi arrondie à son extrémité ne pouvait en aucun cas percer quoi que ce soit, au mieux si elle était lancée avec puissance et justesse, elle pourrait assommer un homme ou lui briser un os.
Eric ne perdit pas plus de temps, il se contenta de renvoyer cette lance avec vigueur vers son adversaire. La trajectoire était bonne et sa vitesse paraissait suffisante, jusqu’à ce qu’elle se stoppe dans les airs par une étrange brume transparente et pétillante.
Face à cela, Eric resta bouche bée. Il avait certes déjà aperçu cette aura faisant léviter ces épées il y a peu, mais maintenant qu’il était face à cette lance qui semblait posséder sa propre conscience, une peur inconnue le prit au cœur. Comment se battre face à cette arme ne possédant aucune faiblesse ? Se déplaçant dans les airs et sans porteur, une telle technique de combat lui était inimaginable. Il décida donc d'improviser.
À quelques mètres de lui, l'arme animée chargea Eric à toute vitesse. Le chevalier s'élança alors vers l'avant et l'esquiva une nouvelle fois, mais ne s'arrêta pas dans son élan. Surprise, la créature toujours au galop stoppa sa course brutalement à en emporter la terre sur son passage. La croupe au sol et enfin à l'arrêt total, Eric était déjà face à elle. Il plongea ses deux dagues en direction de son buste mais elles furent emportées dans les airs par une force inconnue bien plus puissante que la sienne. « Encore cette foutue brume. » Mais Eric ne s'avoua pas vaincu. Il envoya sans réfléchir sa puissante jambe à niveau de visage. Au contact du casque, son tibia vibra douloureusement mais put néanmoins envoyer au sol son opposant. Il n'était pas encore hors-combat.
Eric récupéra ses dagues puis sans remord, il s'approcha rapidement de cette licorne, arma sa même jambe droite puis projeta avec plus de vélocité un violent coup de pied au visage. L'impact fut brutal pour tous deux. La tête de la licorne fut projetée en arrière à s'en rompre le cou alors que le sol ainsi que la jambe du chevalier s'entachèrent de cette teinte qu'Eric ne connaissait que trop bien. Mais il ne put constater l'ampleur des dégâts de son attaque car il fut aussitôt propulsé une fois de plus dans les airs.
Atterrissage au sol, Eric commençait à en avoir l'habitude, même si cela était toujours aussi éprouvant : ses blessures continuaient à augmenter considérablement. Drags n'était plus en vue. Eric s'interrogea sur son sort, espérant qu'il était toujours en vie.
D'un sursaut de force, il poussa sur ses cuisses et réussit à se relever. Un pas après l'autre, le chevalier avançait lentement. Son regard épiait la forêt et ses multiples arbres, buissons ou encore renfoncements. Personne en vue. Aucune présence potentielle, même la licorne avait disparu. Cette absence de vie qu'il savait pourtant présente l'angoissait. La prochaine attaque pourrait survenir de n'importe où, et celle-ci n'attendit pas.
Une nuée d'épées sortit de toute part et convergea sur Eric qui brandit ses lames face à lui. Il reconnut leur manche et leur garde, c'étaient bien celles qui avaient menacé Drags précédemment. Elles n'avaient pas l'air d'être recouvertes de sang, ce qui le rassura dans un sens.
Telle une meute prête à fondre sur sa proie, ces lames volantes tournaient autour du chevalier qui ne savait plus où donner de la tête. Elles ne semblaient lui vouloir aucun mal, elles étaient indéniablement en position de force mais aucune n'osait prendre l'initiative de la première attaque. Seule solution : s'enfuir. C'était bien lâche et Eric le savait, mais il fallait voir la réalité en face. Seulement, à peine fit-il un pas de côté qu'une lame se rua vers lui. Par chance, il balança son bras et put la parer au bon moment à l'aide de sa maigre dague. Un pas de plus et se fut alors une pluie de métal qui s'abattit sur son être. Ces armes acérées étaient maintenant sans pitié et entaillaient Eric avec véhémence. Il esquivait et contrait ces sabres comme il le pouvait, mais ses bras et ses jambes commençaient à faiblir sous la douleur des profondes griffures. Il n'était alors plus qu'un pantin désarticulé, balançant dans le vide ses propres lames.
La pluie avait cessé. Ses épaules étaient ballant. Eric s'agenouilla et posa une main au sol. Sa respiration était bruyante, ses membres, lourds et dans un état lamentable.
- Je... Je me battrai jusqu'au bout... furent ses dernières paroles avant qu'il ne s'effondre à terre, recouvrant cette délicate verdure le soutenant de ses blessures lancinantes.
Eric perdait ses repères. Sa vision se distordait alors que le battement de son cœur le parcourait par pulsions de douleur. Ses poumons ne voulaient plus déranger cette cage thoracique qui lui arrachait de faibles gémissements à chaque parcelle osseuse déplacée. Sa chair palpitait à mesure que l'adrénaline dans ses veines s'envolait, alternant entre le tremblement de ses muscles à une contraction aussi intense qu'atroce. Son ouïe percevait tous ces détails à travers les vibrations de l'air ou de ses tympans, cependant d'autres facteurs entraient en jeu : comme les murmures de la nature accompagnés de cette douce brise l'environnant. Ces murmures devenaient d'ailleurs de plus en plus audibles.
- Vous n'aviez qu'un boulot : ne pas les blesser !
- Mais il a opposé plus de résistance ! Et de plus cet enfoiré a grièvement blessé Green Spirit !
Eric releva légèrement la tête. Devant lui, il vit l'inimaginable. D'autres licornes en armure sortaient des bois, leur corne brillante.
- Ce n'est pas mon problème ! Un peu de sang-froid soldat !
Elles semblaient se disputer. Eric ne put distinguer leur nombre, elles étaient bien trop floutées pour lui. À bout de force, il se relâcha complètement, lassant sa joue s'écraser au sol. Il ne percevait plus rien.
Soudain, son corps frissonna à un contact. Cette sensation de toucher et de faible pression sur chaque partie de son corps lui était étrangement agréable. L'herbe face à lui s'éloignait progressivement.
« Ce n’est pas possible, ça ne peut pas être vrai. »
Dans une confusion et une fatigue intense, les yeux d'Eric se fermèrent.
Vous avez aimé ?
Coup de cœur
S'abonner à l'auteur
N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.
Les créations et histoires appartiennent à leurs auteurs respectifs, toute reproduction et/ou diffusion sans l'accord explicite de MLPFictions ou de l'auteur est interdite. Ce site n'est ni affilié à Hasbro ni à ses marques déposées. Les images sont la propriété exclusive d'Hasbro "©2017 Hasbro. Tous droits réservés." ©2017 MLPFictions, version 1.2.7. Création et code par Shining Paradox, maintien par Sevenn.
Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.
Pour l'histoire des "marais", il aurait juste été plus judicieux que j'écrive "mares" mais j'ai pas fait gaffe, c'est tout. Qu'on vienne pas dire quand même que ça gâche tout le chapitre ^^, c'est même pas un élément important par rapport à tout ce qu'il y a de présent dans ce chapitre. Et arrêtez de me dire qu'il ne se passe pas grand chose ici, l’intrigue avance moins que le chapitre précédent, certes mais il y a bien plus d'éléments importants d'histoire présents dans ce chapitre. Ne prends pas ça que pour toi Cédric hein ^^, c'est juste qu'on m'a fait la remarque plusieurs fois alors que je la trouve bien injustifiée puisque la suite n'a pas encore été dévoilée. L'avancement de l'intrigue a juste laissé une grande place à l'avancement du décor et du cadre de plusieurs aspects dans notre histoire... Et là j'en ai déjà dit beaucoup trop, mais il faut bien que je me justifie contre certaines choses erronées.
Merci en tout cas pour ton commentaire Cédric, ça je n'oublie pas ^^
Même si il ne se passe pas grand chose (en comparaison avec celui d'avant) sauf pour le final, la lecture reste fort agréable.
Spoil : Par contre, le rêve du moine me fait posé bien des questions. La remarque de la dame sur les bras et les mains du monsieur, ses iris rose violacé et le fait qu'elle vole, choses bien peu naturelle pour une humaine. Alors, soit c'est un ange mais sa colle pas, soit c'est une pégase. Je penche pour l'option 2. Sachant qu'il dessinait des poneys avant, c'est intrigant. Je me demande bien comment il aurait pu en rencontré sur Terre en dehors de "l'infiltré", Tourbillon Étoile le barbu.
@TheFrenchGuy, cette histoire de marais ne m'a pas dérangé outre mesure. Je n'en ai même pas fais cas et je pige pas ce que viens faire cette remarque, ni sa pertinence d'ailleurs ?! On trouve bien pire et surprenant en vrai dans les domaines châtelains comme la présence de rivière, lac, foret et pleins autres trucs particuliers. Y a bien plus à en dire sur votre chapitre que ce détail ridicule et insignifiant. Mais bon, on a pas tous le même niveau de priorité. M'enfin bon, passons.
Merci à @Brocco qui, sans son com sur le chap 1, la plupart des choses dans ce chapitre 2 n'auraient pas vu le jour. ( toute la partie avec la Mélodieuse, une grosse partie description sur le rêve de Drags et sur le combat de fin ) Tout ceci étant bien sûr sorti de ma petite tête ^^, mais qui ne l'aurait pas été sans Brocco.
Merci @Kokard pour ton enthousiasme, on ne te décevra pas ;)
tremblez car les voila
Jackson - Hé !!! Spoile pas pour les autres
Désoler, je me suis laissé emporté. il en a mis du temps à sortir... mais il est venu. j'ai vu. et je ne suis pas déçu.
Thiery - Veni, vidi, pas deçui. (j'ai pris espagnole au bac, pas latin !)
il semblerait que les pions maîtresses sont en place, sur le plateau de jeu. reste plus qu'a savoir quels seront les enjeux que le moine défroqué et moine guerrier
J - attend, t'as pas lu ou quoi ?
Bien sur que si, andouille. mais j'aime lire comment le @kingstar vas le mettre en scène. de façon, ils sont capturés, on verra au prochain chapitre.
T - En conclusion. On a bien découvert les personnages, y comprit Celestia et Luna qui sont en guerre contre le Chaos
Par Khorne, Nurgle, Slaanesh et Tzensh, t'es con ou quoi ? faut pas le dire !
T - Pardon.
pour résumer, je trouve que c'est un bon chapitre. et j'ai hate que ton prochain chapitre soit validé.
je te fais des bisous de la part de mes personnalités multiples et je te souhaite de bonnes vacances