Il faisait froid, et l'air était étrangement agité. Quelques tumultes vibraient au travers d'un sol rugueux se rapprochant du bois mal travaillé. Eric ouvrit faiblement les yeux, il était allongé sur le côté. La première chose qu'il vit fut Drags.
- Je suis en enfer, dit-il encore somnolant.
- Non, répliqua le moine. Mais c'est toujours avec plaisir de se faire comparer à un démon.
Eric ne releva pas la remarque et se contenta d'observer son environnement, essayant de retrouver une vue décente. Ils étaient dans une cage en bois bien trop petite pour leur gabarit, obligeant Drags à rester assis. Les yeux du chevalier se déplaçaient dans toutes les directions, comprenant petit à petit la situation et cherchant rapidement une solution. Mais rien ne permettait de s'échapper. La sortie et deux ouvertures sur les côtés étaient encadrées et bloquées par des barres métalliques robustes d'apparence.
- Dites-moi, lança Eric encore au sol. Cela fait longtemps que nous sommes ici ?
- Un temps déjà... Et vos côtes ? demanda Drags avec autant de soudaineté.
- Je ne sens rien. Peut-être qu'une fois de plus, cela a guéri seul.
Eric gesticula sur place, sentant ses mains liées par des fers un peu trop larges pour ses poignets, et une chainette reliant le tout face à lui, ainsi que ses pieds. Il remarqua celles de Drags libres de leurs mouvements. Il se mit difficilement face à son compagnon, dans la même position.
- Pourquoi ce traitement de faveur ? questionna Eric, intrigué.
- Eh bien il faut dire que moi, je n'ai pas tenté de résister. Et s'ils ont attaché vos poignets, c'est tout simplement par sécurité, pour que vous évitiez de faire une idiotie, répondit-il d'un léger sourire en frôlant du bout de son doigt le bout du nez d'Eric.
Le chevalier ferma les yeux à ce geste et resta stoïque, puis soupira.
- Et où nous emmène-t-on ? dit-il d'un ton plus que froid.
- À Canterlot je crois, hasarda Drags d'un soudain regain de sérieux.
Eric plissa les yeux.
- Une ville à votre avis ?
- Sans aucun doute, affirma son compagnon de cellule.
- Je ne vois rien à l'extérieur, remarqua Eric. Il n'y a plus d'arbre ? Nous sommes sortis de la forêt ?
- Je ne ferais pas ça si j'étais vous, avertit Drags tandis qu'Eric se rapprochait lentement d'une des ouvertures de leur prison mouvante.
Alors que ses yeux se rapprochaient de la grille, il ne vit pas le sol. Une fois au plus près, il put enfin le distinguer, mais à plusieurs centaines de mètres plus bas alors que quelques nuages naviguaient entre eux et la terre ferme. Pris de panique, il recula à s'en plaquer contre la paroi opposée, faisant un peu chavirer la cage.
- On... On vole ! Mais on vole ! balbutia-t-il d'une forte voix.
Amusé, Drags le regarda un instant alors qu'Eric cherchait une réponse chez le moine. Mais ce dernier ne dit rien, installant une incompréhension insupportable chez le chevalier.
- En effet, répondit-il enfin. Et je trouve cela incroyable, et tout ceci grâce à ces quatre magnifiques pégases.
- Poneys pégases, rétorqua l'un d'eux en ouvrant un cache en métal à l'avant de la cage, ne révélant que ses yeux bleu azur, puis le refermant instantanément.
Eric se crispa encore plus.
- Il vient de parler... N'est-ce pas ? dit-il plus calme alors que tout s'entremêlait dans sa tête.
- Oui, c'est un détail que j'ai oublié de vous dire. Ils parlent et nous comprennent aussi clairement que nous. Étrange non ?
Eric ne répondit pas, restant médusé par tout ceci. La bouche entrouverte et les yeux dans le vide, il ne sut comment réagir, perdu dans ses pensées.
« Impossible... »
Drags agita une main face à lui, mais aucune réaction. Il se plaça donc au côté d'Eric.
- Un rien fait vaciller votre raison à vous, dit-il le regard droit devant. Mais ne vous inquiétez pas, je vais veiller sur vous et je vous préviendrai quand on sera arrivés. Vous pouvez vous reposer.
**********
Luna faisait les cent pas, tournait en rond et errait à travers la plus majestueuse pièce du château de Canterlot : la salle du trône. Celestia, toutefois, restait assise, droite et silencieuse, et lisait un parchemin tenu en suspension face à elle par sa magie dorée. L'alicorne blanche leva les yeux vers sa sœur, attendant que celle-ci remarque son regard. Mais Luna restait à voguer dans ses profondes réflexions intérieures.
- Tu me sembles très nerveuse, fit Celestia à en faire faiblement sursauter sa sœur. Tu sais, trotter sans but ici ne les fera pas venir plus vite. Tu devrais te détendre.
Luna fixa son ainée puis se posta face à elle.
- C'est toi qui me dis ça alors que ça fait cinq fois que tu lis le même parchemin, Tia.
La plus grande sourit, posa sa lecture sur une petite table à proximité et s'approcha de la plus petite.
- Je l'avoue, je suis aussi nerveuse que toi, dit-elle calmement. Mais comprends que nous ne pouvons faire qu'une chose : attendre leur venue.
Luna la regarda un instant, n'ayant rien à répondre, quand soudainement un bruit de fond attira leur attention. Un garde se tenait là, dans l'ouverture de la grande double porte, et salua la royauté avant de prononcer à voix haute :
- Princesse Celestia, le groupe de recherche est en approche et il semblerait qu'ils les aient trouvés.
Silencieuses, les deux alicornes croisèrent leur regard une fois de plus, puis Celestia alla se repositionner sur son trône.
- Très bien, dit-elle d'une voix cérémoniale. Faites les venir ici au plus vite.
**********
- Hey, Eric ! Il est temps de revenir parmi nous !
Le chevalier rouvrit les yeux en sursaut, regarda autour de lui avant de grommeler :
- Ce n'était donc pas un cauchemar...
Drags sourit faiblement, lui jetant un regard du coin de l'œil alors qu'il était contre l'une des petites fenêtres, observant l'extérieur entre les barreaux.
- Oh non, dit-il, moqueur. Et je vous ai secoué car on a tout simplement débuté notre descente. Voici notre destination.
Drags invita Eric à se rapprocher auprès de lui. Ce dernier s'exécuta. Alors que leur cage commençait un atterrissage assez mouvementé depuis les cieux, il put enfin voir la ville de Canterlot. Le château était à flanc de falaise et les rayons du soleil se reflétant sur ses murs rendaient le spectacle féerique. Mais ce qui le surprit le plus était cette étrange union entre le château et la ville même.
Tous les habitants, et Eric s'en doutait, étaient des poneys. Bien qu'il n'arrivait pas à les voir distinctement, vu la hauteur, il pouvait déjà constater que tous avaient un pelage peu commun. Certains étaient bleus, jaunes voire rouges. Leurs crinières avaient des couleurs qu'aucun équidé de son monde ne possédait. À cet instant, Eric se souvint.
- Votre livre ! dit-il subitement à Drags.
- Quoi mon livre ? répéta-t-il par réflexe.
- Vous l'avez toujours, n'est-ce pas ?
- Bien sûr, ils ne me l'ont pas pris lorsqu'ils m'ont fouillé... À vrai dire, ils ne m'ont rien pris, jugeant que je n'étais pas un élément dangereux avec mes affaires.
- Passez-le-moi, poursuivit Eric sans s'attarder sur les dires de son compagnon.
Drags sortit de son sac son petit livret et le tendit vers Eric un temps. Le chevalier s'en saisit rapidement, lui arrachant presque des mains alors que Drags resta étonné par tant d'empressement. Après avoir feuilleté énergiquement le petit cahier en regardant à travers les grilles de temps en temps, il le referma en un clap, l'air surpris.
- Ce n'est pas possible...
- Et pourtant, souligna Drags, comprenant la confusion d'Eric.
- Tout ce que vous avez dessiné dans ce livre est en ce moment sous nos pieds ! s'étonna Eric, posant ses coudes sur ses genoux et retenant sa tête entre ses mains.
- Vous l'admettez enfin ? J'avais bien raison, ma théorie est juste ! s'exclama Drags.
- Vous ne comprenez pas ! s'insurgea Eric en relevant la tête. Tout ça ne devrait pas exister, c'est... c'est contre les lois de l'Eglise, contre les lois de la création ! Ça remet tout en question ! Ça remet tout ce que je pensais croire en question !
Drags eut un mouvement de recul face à l'exclamation d'Eric, puis il gloussa faiblement avant de poursuivre :
- Ne me dites pas que vous qui avez vécu dix ans en Terre Sainte, vous vous êtes fait berner par l'hypocrisie de notre chère Eglise ? Vous ne vous êtes jamais remis en question ?
Il y eut un temps de silence, seulement perturbé par les sifflements du vent. Eric laissa tomber ses cheveux châtains vers l'avant et soupira longuement.
- Sur ma foi, oui... et très souvent même. Mais jamais sur mes connaissances du monde.
À ces mots, le moine s'allongea sur toute la longueur de la cage, mains derrière la tête, jambes croisées.
- Eh bien considérez ceci comme une ouverture d'esprit, dit-il sereinement.
Eric le toisa au sol. Il semblait bien trop calme.
- Eh bien, vous prenez cela plutôt bien, je dirais même que ça vous plaît, voire même vous amuse.
Comme à son habitude, Drags ouvrit un œil et observa le chevalier d'un air pensif, son visage changea du tout au tout et prit cet air penseur pourtant si rare chez le moine.
- Pour tout vous dire, oui. Déjà car tout ce qui se passe en bas confirme ma théorie, mais de plus, avec ce qu'il s'est passé avec le miroir dans notre monde, on va dire que presque rien ne me surprend.
Eric resta muet, ne sachant pas si ses paroles étaient de la pure moquerie ou d'un profond orgueil.
- Évidement, vu comme ça... termina Eric.
Les poneys pégases continuaient toujours à descendre de plus en plus doucement jusqu'à ce que la cage atterrisse au sol sans la moindre secousse. Une fois cette sensation de stabilité, Eric voulu zieuter l'extérieur depuis la porte de sortie mais celle-ci s'engloba de cette fameuse brume lumineuse et pétillante, éloignant Eric d'une peur inconnue.
La cage s'ouvrit subitement sur deux poneys possédant une corne sur le front, brillantes elles aussi.
- Sortez, dit l'un d'entre eux d'un ton neutre.
Eric s'extirpa en premier de leur prison, suivi de Drags. Le moine s'étira à s'en déboiter les membres tandis que le chevalier observait la vue qui s'offrait à lui, ne sachant plus où donner de la tête.
Face à lui se dressait un immense mur allant s'enfoncer sur sa droite dans le flanc d'une montagne. Sur sa gauche, la plaine où il reposait semblait coupée en deux.
« On est donc sur la falaise », devina-t-il.
- Avancez ! s'impatienta l'autre licorne, sortant Eric de ses pensées.
Les deux hommes obéirent et suivirent la licorne pendant que l'autre alla ouvrir les battants d'une gigantesque double porte incrustée d'or et d'argent, de diamants et de rubis, seul passage possible à travers cette grande muraille.
Une fois passés l'entrée, quatre pégases en armure et munis d'une lance atterrirent depuis les cieux près des deux hommes, les encadrant et les suivant au pas telle une escorte.
Une route pavée de pierre bien plus lisse et propre que ce que connaissait Eric les conduisit à travers une ville inattendue.
Les yeux écarquillés des deux hommes ne restaient en place plus d'une seconde sur ce qui les entourait.
Des rues brillantes, des maisons chatoyantes, des habitants inhabituels se baladant à travers les voies et les trottoirs, certains habillés de belles étoffes, d'autres ne possédant que peu d'accessoires.
Eric aurait voulu rester à regarder plus attentivement cet endroit attisant grandement sa curiosité, mais son escorte ne le laissait en aucun cas ralentir le rythme.
Après avoir monté moult escaliers, passé l'entrée du château de la ville pour reprendre encore des escaliers à l'intérieur, Eric et Drags traversèrent un long couloir infesté de gardes avant de s'immobiliser devant une porte de plusieurs mètres de haut. Drags regarda Eric et ne put s'empêcher de dire, avec une pointe d'humour :
- Eh bien soit c'est un géant, soit il a quelque chose à compenser...
- Silence vous deux, interrompit un garde contre la porte. La Princesse Celestia et la Princesse Luna vous attendent.
Les deux licornes les ayant guidés partirent à travers les entrailles du château tandis que le garde frappa à la porte puis l'ouvrit à l'aide de sa brume, faisant entrer les deux hommes et leur escorte de pégases.
- Vous pouvez nous laisser, résonna une voix dans cette grande et longue salle illuminée par des vitraux longeant les murs des deux côtés.
Les pégases firent leur révérence avant de sortir de la salle d'un pas militaire.
- Approchez s'il vous plait, continua-t-elle avec la même intonation, calme et sereine.
Eric et Drags obéirent et avancèrent lentement. Un lourd bruit retentit soudainement derrière eux.
La tête baissée, le chevalier appréhendait l'apparence de son locuteur, à l'inverse de son compagnon qui gardait la tête haute, si haute qu'il semblait préférer observer la beauté des lieux que de regarder ce qui se présentait devant lui.
Soudain, les chaines d'Eric tombèrent au sol.
-Vous n'êtes pas en danger ici. Relevez la tête... et baissez là aussi, dit-elle avec étonnement.
La voix était douce, comme du cristal et aucune menace ne sortait de ses mots. Doucement, les deux hommes regardèrent face à eux et purent enfin distinguer les Princesses.
La première d'un pelage blanc laiteux semblait plus proche d'une jument que d'un poney en terme de taille. Ses flancs arboraient un magnifique soleil et sa crinière resplendissait d'une multitude de couleurs célestes et avait un étrange effet de flottement. Son homologue près d'elle était plus petite, d'un bleu nuit avec un croissant de lune sur les flancs.
Eric remarqua qu'elles deux possédaient une corne et une paire d'ailes, ce qu'il n'avait encore jamais vu parmi les autres poneys qu'il avait croisés. Mais le plus déconcertant était leur visage. De grands yeux se mouvant comme ceux des humains. Des museaux plus petits et plus proches de leur bouche qui elles aussi ressemblaient bien plus à celles des humains.
La grande jument blanche se leva de son prestigieux trône et alla d'un pas assuré tourner autour de ces deux créatures complètement inconnues d'Equestria. La plus petite ne bougea pas, ses yeux ne se détachaient pas d'Eric qui lui-même lui rendait son regard.
Après une brève inspection, la jument blanche retourna sur son trône et annonça d'une forte voix :
- J'imagine que ce que vous voyez ne doit pas être très commun.
- J'imagine que ça ne doit pas être votre cas non plus, répliqua Eric d'instinct, cherchant déjà à tâter le terrain sans être bien sûr de son coup.
- Oui... C'est bien la première fois que nous voyons des êtres comme vous.
« Elle n'a pas l'air d'être malveillante... » pensa Eric, apaisé à cette pensée.
- Cela nous fait un point commun, lança-t-il à nouveau contre toute attente.
- Si mon ami me le permet et surtout afin de pouvoir rester en vie, je vais poursuivre la conversation. Je me nomme Drags, et l'homme qui vous parle de façon sarcastique se nomme Eric.
Connaissant le moine, Eric le fusilla du regard pour l'avoir traité ainsi. Cependant, Drags ne s'attarda pas sur son comportement, restant concentré sur celui des Princesses.
- Ravies de vous rencontrer, continua la jument blanche. Je me nomme Celestia et ma sœur près de moi, Luna. Nous sommes les souveraines d'Equestria : le royaume des poneys.
À ses mots, Eric et Drags se regardèrent surpris et amusés.
- Il y a un problème ? lança Luna avec une pointe de contrariété.
- Eh bien disons que dans notre monde, ce sont les hommes qui gouvernent et non les femmes. Elles n'ont pas ou peu de pouvoir.
Ce fut au tour des deux Princesses de sourire faiblement.
- Alors comme ça, vous êtes des hommes ? interrogea Luna d'un ton bien plus empli de moquerie que de réel intérêt.
- En fait, le terme humain et plus approprié, corrigea Eric.
- Et comment deux... humains, se sont retrouvés dans notre monde ? questionna Celestia, pointant du sabot les deux hommes.
Drags avança d'un pas.
- Je peux tout vous relater si vous avez du temps devant vous.
- Nous avons toujours le temps pour de belles histoires, répondit-elle.
Le moine inspira une bouffée d'air avant de s'élancer dans son récit, en n'omettant aucun détail, au grand désarroi d'Eric qui lui aurait aimé dissimuler quelques informations.
Alors que Drags s'adonnait à raconter leur aventure, Eric examinait fixement la plus petite Princesse, son attention restait étrangement raccrochée à elle tandis qu'elle-même ne détournait pas ses yeux des siens, ne voulant pas se laisser intimider.
- Et ce miroir que vous avez emprunté se trouve toujours dans cette grotte ? interrompit Celestia.
- Oui, et si vous voulez savoir, j'ai marqué l'entrée de la grotte d'une croix sur sa paroi. Elle doit se situer à deux trois jours de marche d'ici.
La jument se figea un instant, le sabot levé au niveau du visage dans une position de réflexion. Elle ferma les yeux un instant en soupirant puis poursuivit :
- Très bien, nous allons envoyer un groupe de pégases pour récupérer ce fameux miroir. J'aimerais en savoir plus sur cet objet. Pour le moment, vous dormirez ici, vous êtes nos invités. Je pense aussi que vous avez besoin de vous débarbouiller et vous parfumer.
- Nous débarbouiller et nous parfumer ? répéta Drags, incrédule.
- Drags, reprit Eric en posant sa main sur son épaule. Par nous débarbouiller et nous parfumer, c'est une façon polie de nous dire que nous sentons la mort, et que nous avons besoin d'un bain.
La Princesse Luna sourit légèrement en hochant la tête tandis que sa plus grande sœur voulut rester de marbre mais en vain. Drags inspecta son aisselle puis tira une affreuse grimace, ce qui fit pouffer la souveraine.
- Light Summer ! lança-t-elle, voulant détourner l'attention alors que Luna ne cachait pas son grand sourire de moquerie.
- Oui Princesse ? dit une licorne bleu en entrant dans la salle.
Celestia se racla la gorge comme pour gagner en assurance et garder son image royale. Eric avait couvert d'une main la honte se dessinant sur son visage.
- Conduisez ces humains dans leur chambre respective et donnez l'ordre qu'un bain soit préparé à leurs besoins.
- Bien Princesse, répondit-elle soyeusement avant de faire signe aux deux hommes de la suivre.
Le moine et le chevalier saluèrent les Princesses. Puis sans tarder, Drags s'élança vers Light Summer, suivi d'Eric qui lui, gardait un pas ferme.
- Une dernière chose, ajouta précipitamment Celestia avant qu'ils ne disparaissent dans le couloir. Ce soir, vous dinerez avec nous. Et je voudrais savoir ce que vous apprécierez manger...
- Eh bien, débuta Drags en levant le doigt alors que seule sa tête dépassait de l'entrebâillement de la porte. Je ne dirais pas non à un bon poul...
Mais ce dernier fut interrompu par son compagnon d'un coup de coude dans ses côtes, lui coupant le souffle. Eric continua, laissant Drags plié en deux dans le couloir :
- Nous avons une alimentation très variée. Nous mangeons des légumes de toutes sortes, crus ou cuits, tout comme les fruits également, des céréales, du lait...
Eric réfléchit un instant avant de poursuivre.
- Du poisson, ainsi que des crustacés et des œufs, termina-t-il.
- Merci pour ces renseignements, Eric. Je donnerai ces consignes à nos chefs cuisiniers.
Eric s'inclina une nouvelle fois et sortit de la pièce en compagnie de la licorne qui elle, referma soigneusement la porte qui provoqua un "claque" satisfaisant.
L'alicorne blanche regarda sa cadette d'un air désemparé.
- Tu en penses quoi ? demanda-t-elle sans grande conviction dans la voix.
- De bien étranges créatures, ces humains !
- Moi, j'ai remarqué que cet Eric et toi n'aviez pas arrêté de vous regarder, commença Celestia d'un air rieur.
Luna semblait choquée par les propos de sa sœur, alors elle répliqua :
- Il le fallait bien vu que tu restais fixée sur ce Drags.
Celestia eut un mouvement de recul.
- Quand on me raconte une belle histoire, je suis toujours très attentive, affirma-t-elle avec conviction.
- Oui, bien sûr... souffla Luna, un sourire en coin.
Les deux sœurs rirent de bon cœur.
**********
À peine Eric et Drags sortis de la salle du trône, quatre gardes en armure apparurent de nulle part, leur servant à nouveau d'escorte.
« Étrange cela dit », pensait Eric, car il ne pouvait même pas les différencier des précédents gardes. Ils se ressemblaient tous.
La licorne bleue guida les deux hommes à travers les longs couloirs du château et les nombreux étages le composant. Plusieurs minutes de marche passèrent et le petit groupe s'arrêta enfin face à plusieurs portes au milieu d'un couloir aussi identique que tous ceux qu'ils avaient empruntés. Une autre licorne portant le même uniforme que Light Sumer se tenait face à eux, près d'une entrée bien plus décorée que ce qu'avaient pu voir les deux hommes plus tôt durant leur marche. La licorne bleue salua sa camarade avant de se retourner et de faire face aux deux étrangers.
- Bien... Oh non, j'étais censée savoir... marmonna-t-elle.
Elle se mordit la lèvre inferieure.
- Lequel de vous est Drags déjà ? dit-elle, gênée par son manque d'attention et ne pouvant empêcher ses joues de rougir faiblement d'embarras.
- Moi, répondit le concerné.
- Eh bien Drags, voici Sunshine, continua Light en direction de la licorne.
- Enchantée, dit-elle accompagné d'une salutation de la tête.
- De même, répliqua Drags en répétant le geste de la licorne.
- Si vous voulez bien me suivre, je vais vous guider vers votre chambre, continua-t-elle.
Drags écarquilla des yeux.
- Quoi ? Encore de la marche ?
Son interlocutrice pouffa légèrement avant de le rassurer.
- Ce n'est qu'à quelques pas d'ici vous savez, hihi.
À ces mots, Drags et la licorne partirent, suivis de deux gardes, et disparurent derrière la légère courbure du couloir qui devait assurément longer les contours du château.
Quant à Light Summer, elle fit signe à Eric de la suivre à travers la voluptueuse porte leur faisant face un temps déjà.
Quand le chevalier entra, plus aucun pégase n'était derrière lui, mais ses yeux n'étaient pas à ce détail près. La chambre dans laquelle il était entré semblait bien plus grande qu'à première vue depuis l'extérieur. Une immense pièce décorée de divers tableaux tous plus radieux les uns que les autres, exposant la nature sous ses plus belles formes. Que cela soit une plage ou la forêt, passant par les cieux ainsi que les abysses. Les murs étaient d'une tapisserie rouge incrustée de motifs radieux et très impressionnants. Il y avait là, au milieu de la pièce, un lit d'une grandeur phénoménale, pouvant bien loger confortablement quatre personnes selon Eric. Juste sur la droite du lit se trouvait une modeste bibliothèque, mais cependant bien fournie. L'invité déposa ses yeux sur Light qui était restée là, face à lui, invisible depuis un instant.
- La Princesse Celestia veut que votre séjour soit agréable. Êtes-vous satisfait ?
- Oui, cela me plait, répondit-il humblement.
« Je connais des rois qui tueraient pour passer ne serait-ce qu'une nuit ici », pensa-t-il d'une stupéfaction bien masquée.
- J'en suis ravie alors, dit-elle d'un sourire qui ferait tomber plus d'un étalon. Il y a une porte sur votre droite qui communique avec la chambre de votre ami, et une sur votre gauche, avec la salle de bains. D'ailleurs, suivez-moi s'il vous plait.
Elle se dirigea vers ladite porte, l'ouvrit d'un de ses sabots sans aucune difficulté, puis fit signe à Eric d'entrer. Dès lors que le chevalier s'exécuta, il faisait face à deux autres licornes. La pièce était carrelée et s'enfonçait dans le sol en son centre, créant ici une baignoire bien luxueuse et emplie d'eau. Ainsi flottait en plus quelques pétales de fleurs inconnues pour Eric, mais qui dégageaient un magnifique parfum. Aux abords de la baignoire, une petite table exposait ce qui semblait être du savon, mais aussi un liquide épais dans un flacon de verre. Toutefois, une chose sortit Eric de sa contemplation. Son corps frissonna alors qu'il ressentait un contact étrange caresser son corps. Le haut de son vêtement commençait légèrement à se soulever, englobé d'une aura émeraude. Eric rougit alors qu'il remit immédiatement sa chemise en place, se retournant afin d'apercevoir qui était à l'origine de tout ceci. Une licorne d'un pelage vert faisait briller sa corne, mais au regard qu'avait pris l'humain, elle se résigna et stoppa sa magie.
- Je peux savoir ce que vous faites ? lança Eric, s'éloignant d'un pas.
- J'enlève vos vêtements pour que ma sœur vous lave, répondit-elle comme si c'était évident.
- Mais il n'en est pas question ! rétorqua le chevalier.
- Pourquoi cela ? demanda l'autre licorne au pelage orangé.
- Cela ne se fait tout simplement pas ! continua-t-il sur le même ton, insurgé.
Les deux juments se regardèrent surprises, puis questionnèrent du regard Light Summer qui elle, se retira lentement de la salle, faisant semblant de ne pas être concernée.
- Bon, commença Eric.
Les deux licornes convergèrent leur regard sur lui, toujours incertaines sur la suite des événements.
- Voila ce qu'on va faire. Vous voyez cette porte ? dit-il en pointant du doigt la sortie. Vous allez l'emprunter et ainsi, me laisser me déshabiller et prendre mon bain seul. Je vous appellerai pour vous donner mes vêtements. On est d'accord ?
Les deux hochèrent la tête en silence, mais avant qu'elles ne sortent, Eric poursuivit :
- Attendez, j'ai deux questions à vous poser.
- Oui ? répondit celle au pelage vert.
- D'abord, j'aimerais connaître vos prénoms et aussi ce que contient ce flacon en verre.
- Je me nomme Serenity, répondit celle au pelage orangé. Et ma sœur à mes côtés, Harmony. Ce flacon contient du shampoing tout simplement.
- Du ?
- Du shampoing, répéta Harmony. Cela sert à vous laver la crinière.
- Cheveux, corrigea Eric.
- Pardon ?
- Ce sont des cheveux, et non une crinière, mais peu importe. Continuez.
- Vous versez le contenu du flacon sur votre cri... Excusez moi, vos cheveux, puis après les avoir mouillés, vous les massez.
Serenity mima le geste alors que sa sœur continuait les explications afin qu'Eric comprenne pleinement.
- Enfin, vous les rincez. Attention aux yeux, ça pique un peu.
- Eh bien merci pour tout, Harmony. Je saurai m'en sortir maintenant, termina Eric.
Une fois les deux licornes hors de vue, Eric enleva ses vêtements, les posa à distance raisonnable de la baignoire et trempa son pied dans l'eau pour y connaitre la température. Elle était parfaite. Il s'allongea alors dedans puis cria assez fort :
- C'est bon ! Vous pouvez venir !
La porte s'ouvrit silencieusement sur Serenity. Sa corne se mit à briller, faisant apparaitre une brume orangée emprisonnant les affaires d'Eric, les ramenant à ses côtés.
- Au fait, combien de temps allez-vous mettre pour raccommoder mes vêtements ?
- Raccommoder ? Nous comptions les jeter... dit-elle.
- Mais il n'en est pas question ! contredit Eric.
- Qu'y a-t-il encore ? souffla Serenity, lasse, mais tachant de rester correcte et professionnelle.
- Je vais me retrouver nu !
- Et alors ? demanda-t-elle, hochant la tête.
- Et alors ?! Dans mon monde, on ne se promène pas nu, surtout dans un château rempli de monde et avec des Princesses qui plus est. Ce n'est pas décent, et de plus je vais attraper froid. Je n'ai pas de fourrure contrairement à vous.
Serenity observa rapidement le tas de tissu en suspension devant elle avant de soupirer.
- Très bien... Je demanderai à ce qu'on les répare sur-le-champ.
- Merci bien, conclut Eric, se positionnant plus confortablement dans son bain, les yeux fermés.
La porte claqua, et tandis que le chevalier cherchait à se relaxer le plus possible, il eut l'impression d'entendre quelques mots à l'extérieur :
- Quel étrange personnage...
« Enfin seul », préféra-t-il penser.
Il se mit debout, prit le savon et l'appliqua sur sa peau. L'odeur était agréable. Enivrés par celle-ci, ses muscles se détendirent. Il se laissa glisser entièrement dans la baignoire, laissant son visage hors de l'eau. Après quelques minutes, Eric décida de se servir de ce fameux shampoing sur ses cheveux. Il massa alors son cuir chevelu comme lui avait montré la licorne. La sensation était surprenamment plaisante.
Après s'être rincé les cheveux, Eric attendit longuement, barbotant dans l'eau par amusement pour faire passer le temps.
La porte s'ouvrit subitement.
« Il était temps, l'eau devenait froide. »
La corne de Serenity brillait, et près d'elle, les vêtements d'Eric aussi accompagnés d'un grand bout de tissu.
- Je vous apporte vos vêtements et de quoi vous essuyer.
- Merci, posez les ici, dit-il en montrant le rebord de la baignoire.
Lorsque ce fut chose faite, Eric se retrouva de nouveau seul. Il décida alors de sortir de l'eau puis de se sécher.
Une fois ses vêtements à nouveau sur ses épaules, il les examina rapidement.
« C'est un travail magnifique, je ne vois aucune trace de retouche. C'est assez impressionnant, et en si peu de temps. »
De retour dans la pièce principale, le chevalier ne remarqua pas le moine allongé sur son lit. Il était toujours en contemplation sur ses vêtements.
- Alors ? Comment ça va ? lança Drags, faisant sursauter faiblement son compagnon.
- Très bien, répondit-il simplement en s'asseyant sur les doux draps de sa toute nouvelle couche, près du moine.
- Laissez-moi deviner, se hâta Drags de dire, relevant son buste afin de prendre une position en tailleur sur le lit. Ils ont voulu enlever vos vêtements à vous aussi ?
- Exact, elles ont même voulu les jeter.
- Moi de même, mais j'ai insisté et fait me grosse voix. Ils me les ont donc lavés et même réparés. Vous auriez dû me voir en action ! se vanta Drags.
- Bien sûr, ça devait être très impressionnant.
Eric ne put empêcher un petit sourire d'apparaître.
- C'est moi ou c'est du sarcasme ? quémanda Drags.
- C'est vous, c'est vous, continua Eric.
- Mmh.
Drags n'y croyait pas trop, mais enchaina sur un autre sujet.
- Oh, au fait, si vous avez faim, il y a un panier rempli de fruits sur votre table de chevet. Je n'en ai pas mangé d'aussi bon. Et croyez-moi, vu que j'ai mangé à la table du pape, je sais de quoi je parle.
- Je suppose que vous vous êtes servi comme bon vous semble...
- Pour ma défense, moi, je n'ai pas eu de fruit dans ma chambre, répliqua Drags en se levant du lit et en attrapant une pomme.
- C'est vrai ! Le monde est injuste ! railla Eric.
- C'est encore un sarcasme ça, pointa le moine.
Eric le regarda jouer avec son fruit, le lançant dans les airs avant de le saisir fermement au vole et de le croquer à pleines dents.
- Mais... toute blague à part, disait-il entre quelques bouchées. Vous en pensez quoi... de notre situation et du... miam... lieu où on se trouve ?
- Personnellement, tout ce que je peux vous dire, c'est mon ressenti sur ce que j'ai vu. Leur art, leur architecture et même leurs soins du corps sont bien plus avancés que les nôtres.
- Oui mais... à part ce château et son village, on n'a pas vu grand chose.
Drags termina d'engloutir sa pomme avant de poursuivre :
- De plus, vous ne trouvez pas ça étrange, la façon dont nous sommes traités ?
- On dirait que vous êtes plus subtil que je le pensais. Mais oui, si l'un des leurs s'était retrouvé dans notre monde, je ne donnerais pas cher de sa peau, avoua Eric avec amertume sur une telle différence de race.
- C'est pas faux.
Eric prit une position assise plus confortable sur son lit, amenant son poing à son menton et annonça :
- Alors posons nous la bonne question. Soit ils sont plus tolérants que nous...
- Soit ils attendent quelque chose de nous, continua parfaitement Drags.
- Ou peut-être les deux... allez savoir, hasarda Eric.
Drags reprit la même position en tailleur, mais face à son compagnon, à terre.
- Alors chevalier, vous suggérez quoi ?
Eric le regarda droit dans les yeux, pensa un bref instant puis dit :
- Lors de notre repas, il faut s'attendre à ce que ces Princesses nous posent des questions. Faisons en sorte d'y répondre et de soutirer aussi un maximum d'informations sur tout ce qu'on pourrait apprendre, sans tomber dans la perversion. Il nous faut aussi savoir comment nous allons rentrer dans notre monde, je vous rappelle que nous avons une mission.
- On se connait que depuis quelques jours et je suis déjà un livre ouvert pour vous, dit le moine la tête dans le creux de ses deux mains.
- Là, c'est vous qui devenez sarcastique, contra Eric d'un sourire.
Ils rirent tous deux chaleureusement quand la porte de la pièce s'ouvrit sur Light Summer.
- Je viens vous annoncer que le repas est servi, si vous voulez bien me suivre.
**********
Le paysage, les plaines, les arbres. Toute cette beauté dans un couché de soleil orangé en était magnifique. Celestia l'observait tranquillement, assise sur son balcon, sans pour autant ne pas penser à la suite des événements.
Luna apparut près d'elle sans crier gare, mais sa sœur ne bougea pas. Les deux étaient là, à observer le ciel et ses contours, ce fabuleux tableau.
- En retard ? C'est surprenant, tu es toujours ponctuelle d'habitude, commença Celestia sans détourner son regard.
- Excuse-moi Tia, mais j'ai été retenue par le retour de nos éclaireurs.
- Aaah... dit-elle avec soulagement. Et quelles sont les nouvelles ?
- Eh bien ils ont retrouvé le miroir... En même temps, vu les indications de Drags, ça s'annonçait difficile dès le début, dit Luna en lâchant un petit rire.
- Au moins, nous aurons une bonne nouvelle à leur annoncer.
- Certes, mais quand penses-tu leur parler des éléments d'équilibre et de la prophétie ?
- Quand le moment sera venu.
Leur discussion fut interrompue par des bruits de sabots. Toutes deux se retournèrent, sachant déjà à qui elles auraient à faire.
Light Summer, suivie des deux hommes, prit la parole après avoir effectué sa révérence :
- Princesses, vos invités, dit-elle en se retirant lentement pour finir par quitter le balcon.
« Invité... Le terme "prisonnier dans une belle cage dorée" me semble plus approprié », pensa Eric, prenant bien conscience que malgré ce confort leur étant proposé, ils étaient, lui et Drags, bien loin d'être libres de leurs mouvements.
Le chevalier avait bien remarqué qu'ils étaient constamment surveillés par quelques gardes postés par-ci par-là dans le château.
Le balcon où ils se trouvaient était bien grand et à ciel ouvert. Il y avait là une modeste table bien fournie en aliments. Les Princesses s'assirent, proposant aux humains de faire de même, ce qu'ils firent sans attendre, s'installant face à elles. Devant eux se trouvaient une petite pique et un petit couteau. Les deux hommes se regardèrent un moment, Drags haussa des épaules pour qu'ils tournent finalement leur regard vers leurs hôtes afin de déceler comment ces choses s'utilisaient.
Après quelques observations et un soupir de compréhension, leur tour était venu.
Le premier plat passa en silence, et avec grande difficulté. Cette salade avait donné étrangement du mal aux deux hommes, ce qui amusa les Princesses.
- Votre chambre vous plait ? lança Celestia, rompant enfin le silence.
- Oui, Princesse. Elles sont très agréables, répondit Drags.
- J'en suis ravie, et le repas est-il à votre convenance ?
- Pour le moment oui, bien que votre service soit bien étrange pour nous.
- Et pourquoi cela ? questionna Luna.
- Eh bien pour vous dire la vérité, continua Eric. Quand nous mangeons, tous les plats sont disposés sur la table et nous nous servons selon nos goûts et nos envies. De plus, ces couverts n'existent pas chez nous... ou plutôt si mais en plus grand, et ils servent surtout à attraper les fruits ou la vi...
Eric toussa faiblement, voulant camoufler ce qu'il s'apprêtait à dire.
- Les fruits et le poisson, termina-t-il d'un ton naturellement faux.
Luna, surprise par cette révélation intrigante, continua :
- Alors comment mangez-vous ?
Eric montra ses mains. Celestia leva les sourcilles d'étonnement tandis que Luna semblait remplie de dégoût. Elle ne put s'empêcher de dire :
- Ça ne doit pas être très agréable de manger, chez vous.
- Comme tout le monde le fait, ça ne choque pas. Cependant je m'abstiendrai de le faire et utiliserai vos couverts, même si je dois avouer que ce n'est pas très agréable de manger comme ça, chez vous.
Luna ronchonna faiblement, prenant ceci comme un affront, même si Eric était bien content d'avoir renvoyé à Luna sa remarque, connaissant toutefois son statut de Princesse.
De nulle part, le cuisiner vint apporter quatre nouveaux plats à table, calmant un peu la tension installée.
Les Princesses mangeaient un mets que ni Eric ni Drags ne put identifier, et c'était mieux ainsi. Eux eurent droit à du poisson servi dans une sauce d'une odeur enivrante, et ils ne furent pas déçus car le goût était tout aussi délicieux.
Il y eut un nouveau petit moment de silence, puis Celestia s'adressa à Eric après quelques bouchées.
- Vous nous avez parlé de votre monde, que ce sont les étalons... enfin... Les hommes qui le dirigent... Mais comment l'est-il ? Dites-moi tout.
Eric termina sa bouchée et poursuivit :
- Eh bien il existe deux types de pouvoirs : le temporel et l'intemporel. Ils sont tous deux gouvernés par des hommes. Pour le temporel, il y a les rois qui dirigent leur royaume assistés de conseillers, mais ils sont issus de la même famille. Ensuite, il y a les autres nobles, les Ducs : ce sont souvent aussi des membres de la famille du roi. Ils ont eu ce titre soit par don soit par mariage. Il y a ensuite les comtes, les barons, puis les vilains
- Les vilains ? interrompit Celestia.
- Oui, les paysans et artisans, mais il faut savoir que la noblesse est surtout une noblesse de terre, il y a d'autres royaumes bien que leur système soit presque aussi identique que le nôtre. Il y a quelques variantes comme les noms, mais cela, c'est dû à leur langue.
- Leur langue ? En avez-vous aussi des différentes dans votre monde ?
- Bien sûr ! Il en y a plusieurs et il faut donc avoir un traducteur. Par exemple, je parle cinq langues différentes.
- Pff, hâbleur... marmonna Drags par moquerie.
Eric ne releva pas la remarque, continuant son récit :
- Celles-ci sont l'anglais, le français, l'allemand, l'arabe et le latin. Il y en a bien d'autres, mais je ne les connais pas.
- Eh bien finalement, ça doit bien être compliqué de communiquer entre vous, dit l'alicorne blanche.
« Même si étrangement, nous communiquons sans aucun problème avec vous », pensa Eric.
- Ça, c'est bien vrai, appuya Drags.
- Et qu'en est-il du pouvoir intemporel ? s'intéressa Luna.
- Pour cette partie, je vais laisser mon compagnon vous en parler, il s'y connait bien mieux que moi.
Drags se racla la gorge comme s'il était sur le point d'énoncer sa tirade.
- Eh bien, chères Princesses, le pouvoir intemporel touche le domaine du religieux. Il y a ce qu'on peut considérer comme son chef : le pape. Il est élu à vie à ce titre, et vient ensuite les cardinaux, les évêques, les diacres et les prêtres. J'en étais un fut un temps. C'est eux qui font en gros les lois de l'Eglise, dirigeant la vie en général du peuple, mais pour dire la vérité, si l'on croit aux mêmes dieux, ça ne nous empêche pas de se foutre sur la gueule...
- De faire la guerre ! corrigea précipitamment Eric, lançant un regard noir à Drags pour sa locution.
- C'est bien étrange, poursuivit Luna.
- Je vous l'accorde. Mais maintenant que vous connaissez un peu notre monde, parlez-nous aussi du vôtre, demanda le moine.
Celestia prit la parole après avoir inspiré doucement :
- Nous sommes, moi et ma sœur, les souveraines d'Equestria, Princesses de l'Aube et de la Nuit. Il existe des royaumes poneys, mais aussi des royaumes non-poney. Nos relations avec nos voisins sont bonnes. De plus, notre territoire est le plus grand de ce monde. Notre façon de gouverner fonctionne comme cela. Toute terre, même jusqu'à la gestion des villes et villages, est dirigée par un représentant élu par les habitants, et il s'adonne à son bon fonctionnement... plus ou moins bien.
- Mmhm, et j'ai remarqué que vous avez tous une marque sur le flanc, cela correspond à quelque chose ? demanda Eric.
- Ce sont nos cuties marques, répondit l'alicorne blanche comme si ceci était évident.
- Eeet, qu'est-ce donc ? continua Eric sur le même ton.
- Ah oui... Eh bien pour faire simple : les cuties marques correspondent au don auquel un poney est affilié. Prenons un exemple. Imaginons que sur votre flanc se trouve une marque en forme de lyre, disons que votre talent sera lié à la musique et que vous saurez parfaitement jouer de la lyre.
- C'est surprenant, lança le chevalier. Chez nous, pour maîtriser un instrument, il nous faut plusieurs années de pratique. D'ailleurs pour apprendre quoi que ce soit, il nous faut du temps d'apprentissage.
- Nous de même, le rassura Luna. Mais considérez que notre cutie marque nous indique plus ce à quoi nous sommes doués par nature. Mais laissez-moi vous posez une autre question : on m'a rapporté que vous avez refusé de vous montrer sans habit, y a-t-il une raison à cela ?
- Oui, cela nous permet tout simplement de nous protéger du froid. Mes bottes me permettent de parcourir de plus grandes distances, mais aussi, nous avons appris à avoir honte.
Un des sourcils de Luna s'arqua tandis que les yeux de sa sœur se plissèrent d'intérêt.
- Nous ne sommes nus que lorsque nous nous lavons ou dans l'intimité, termina Eric.
Les deux Princesses firent mine de hocher la tête même si elles n'avaient pas exactement compris cette étrange notion.
Les plats principaux terminés, le cuisinier arriva de nouveau avec quatre plats et les échangea par magie avec ceux vides. Eric vit apparaître devant lui une belle part de gâteau. Les deux Princesses dégustaient déjà la leur. Luna, fixée par Eric, lui fit un signe de son sabot. Le chevalier regarda à côté de son assiette et vit une petite cuillère. Il la prit et dégusta à son tour. La première bouchée fut un vrai délice.
- J'ai remarqué que votre temps était... étrangement différent par rapport au nôtre, lança Drags soudainement. Comme... plus agréable. Est-ce normal ?
- Pour tout vous dire, débuta Celestia. Nous contrôlons le temps grâce aux pégases. Nous limitons le mauvais temps et régulons ainsi nos récoltes. Mais nous laissons tout de même les saisons se dérouler naturellement.
- J'ai encore une question : vous vivez combien de temps ? demanda Drags sans gêne.
Les deux sœurs sourirent, puis Luna répondit :
- Eh bien cela diffère entre nous, alicornes, et les poneys en général. Environ une centaine d'années pour les poneys.
- Cent ans ? s'exclama Eric. C'est incroyable ! Nous ne vivons pas aussi longtemps.
- Et combien de temps vivez-vous ?
- La moitié de vous, et encore, avec de la chance.
- C'est-à-dire ? demanda Luna.
- Il y a de multiples choses : les maladies, la guerre, la famine due à de mauvaises récoltes. Ceux-ci sont les principales raisons. Mais et vous ? Les alicornes ?
- Nous sommes éternelles, lança subitement Luna comme pour impressionner. Mais pour vous donner une idée, nous avons déjà bien plus de mille ans.
Eric écarquilla les yeux alors que la bouche de Drags s'ouvrit toute seule.
- Plus de mille ans ! J'ai du mal à le croire, avoua Eric.
- Et pourtant, poursuivit Luna avec fierté. Mais vous, quel âge avez-vous ?
- Seulement vingt-cinq ans, répondit Eric.
- Vingt-six pour ma part, continua Drags.
- Et qu'était votre rôle dans votre monde ? demanda Celestia.
- Moi, je suis un érudit et un inventeur, déclara Drags.
- Et vous, Eric ? Vous êtes un soldat sans doute.
Les deux hommes se regardèrent, un sourire en coin.
- Qu'y a-t-il ? s'étonna la plus grande Princesse.
- Je ne suis pas un soldat mais un chevalier.
- Un chevalier ? reprit la plus petite Princesse.
- Oui, en fait, un chevalier est entrainé à la guerre dès l'enfance. J'ai commencé à l'âge de huit ans, et je suis devenu chevalier à dix-sept ans. Dans mon monde, je suis l'élite des guerriers et je suis réputé pour être l'un des meilleurs.
- Ah oui ? rétorqua Luna sans une once de conviction.
- Exact. Pourquoi ? Vous en doutez, Princesse Luna ?
- Disons que j'aimerais bien voir ça, dit-elle avec malice.
- Trouvez moi un bon combattant, je vous prouverais mes dires, insista le chevalier.
L'alicorne de la Nuit sourit. Enfin avait-elle un moyen de fermer le clapet à cet homme.
- Contre moi, ça vous dirait ?
- Vous savez vous battre ? s'étonna-t-il.
- Oui, je dirais même qu'il n'y a pas meilleur combattant que moi dans tout Equestria.
- Mmhm.
« Un petit combat, ça lui apprendra l'humilité », pensèrent-ils tous deux.
- Alors un petit combat amical, demain à l'aube ça vous tente ? dit le chevalier.
Luna n'hésita pas. Le regard et le sourire plein d'assurance d'Eric la mit hors d'elle intérieurement.
- Soit ! C'est d'accord. Il y a une salle d'entrainement dans le château. Retrouvons-nous là-bas.
- Entendu, mais je veux mettre un peu de challenge dans notre duel. Et si l'on faisait un petit pari ?
Les oreilles de Luna, bien droites, pointèrent vers le haut, comme attentives à sa parole.
- Si je gagne, Drags et moi aurons l'autorisation de vaquer comme bon nous semble sans garde permanent.
- Et si je gagne ? s'intéressa Luna.
- Vous pourrez disposer de nous comme bon vous semble, ajouta Eric.
À la vue de Celestia, elle n'avait pas vraiment l'air d'acquiescer à cette proposition, mais le sourire de Luna s'intensifiant de seconde en seconde ne trompait pas.
- Je suis d'accord, chevalier.
L'alicorne blanche et le moine furent subjugués par la rapidité des choses, alternant leur regard entre la Princesse bleu nuit et le chevalier, ne sachant plus quoi dire.
- Eh bien à demain, et soyez en forme, dit Eric en plaquant ses mains sur la table, se levant par la suite.
Le chevalier partit glorieusement, suivi de près par Drags qui, se retournant face aux Princesses une dernière fois, fixa Celestia et haussa les épaules, partageant avec elle sa confusion.
Les deux sœurs se retrouvèrent seules à table. La plus grande lança un regard sévère à la plus petite.
- Il y a un problème, Tia ? dit-elle alors qu'elle en était pourtant bien consciente.
- Te rends-tu compte de ton acte hâtif ? lui reprocha Celestia.
- Quoi ?! Tu veux parler de ce duel ? Je suis désolée mais il m'a exacerbée...
- Et pourtant, c'est bien toi qui l'as provoqué en mettant en doute ses capacités de combattant, contra-t-elle d'un mauvaise œil.
- Oui, bon, c'est vrai, rechigna Luna. Mais sache que si je gagne, ils n’auront pas d'autre choix que de nous aider.
*********
Drags avait du mal à digérer ce pari stupide et le silence d'Eric durant leur retour à leur chambre ne l'aida pas à se calmer. Mais le moine n'osa pas aborder le sujet en compagnie de Light Summer et de ces gardes les suivant sans cesse.
Quand enfin ils arrivèrent à leur chambre respective, chacun entra sans un mot, mais Drags se dirigea immédiatement vers la pièce adjacente à la sienne, à sa gauche.
Eric était assis sur son lit, un fruit à la main et les yeux rivés sur sa petite bibliothèque. Au son des pas de son ami, le chevalier lança :
- Il y a un problème, Drags ?
Le moine, bras croisés, tapotant du pied, n'était pas d'humeur à ce petit jeu.
- À vrai dire, oui. Vous pouvez m'expliquer ce qui vous est passé par la tête ?
- Vous voulez parler du duel ? Ce n'est rien de bien méchant. Un combat courtois, sans plus, dédramatisa Eric à l'aide de son jeu d'acteur.
- Courtois ? Si je me souviens bien, dans un combat de ce type, on ne fait pas de pari ! Eh oui, Eric, je ne suis peut-être pas un chevalier mais je m'y connais quand même un peu en combats courtois.
- Ecoutez, je nous aide juste à avoir plus de liberté, où est le mal ?
- Vous êtes le premier à dire qu'il faut rester calme, et vous êtes le premier à perdre votre sang-froid, lui reprocha Drags.
- Je sais, avoua Eric. Mais je me devais de prouver mes dires en tant que chevalier. Je n’allais pas la laisser m'insulter de la sorte !
- Nous sommes dans un autre monde, et la chevalerie n'a pas l'air d'exister ici. La réaction de la Princesse était justifiée. Et puis parier notre liberté ! Ma liberté ! Vous n'en aviez pas le droit !
- Alors je m'excuse pour cela, mais comprenez que si je gagne, nous pourrons nous concentrer sur notre retour dans notre monde.
- Et vous croyez que vous avez une chance de gagner ? questionna Drags sans ironie.
- Personnellement, si Luna accepte de ne pas voler lors du combat, ça augmenterait mes chances de gagner. Mais ce qui pose problème reste sa corne. Avec sa magie, je ne pourrais rien faire... À moins que...
- Que... ? voulut savoir Drags.
- À moins que j'arrive à maîtriser une chose à la perfection.
Eric sortit un petit couteau de service de sa manche, et le montra à Drags.
- C'est ça ? s'étonna Drags. Vous voulez apprendre à la perfection la dissimulation de couverts dans vos manches ?
- Point du tout, mon cher ami. Je veux "étudier" la guérison de mes blessures.
Drags haussa les sourcilles, ne comprenant pas où voulait en venir Eric.
«Étudier la guérison de ses blessures avec un couteau, c'est complètement stupide. Ce n'est pas comme s'il allait... »
- Je vais m'entailler la main, dit simplement Eric.
« Il va le faire cet idiot... » se lamenta Drags.
- Laissez-moi vous expliquer, continua le chevalier. Je me fais une très légère entaille sur la main et j'observe le temps que la blessure va mettre à guérir. Si le résultat s'avère concluant, je répète l'opération sur mon épaule avec une blessure un peu plus profonde. Et imaginez si j'arrivais à accélérer ce processus de guérison ?
- Eric, vous ne pouvez pas contrôler votre corps ainsi, objecta Drags. Mais vous faites ce que vous voulez, même si je trouve tout ceci stupide. En même temps, ce n'est pas comme si nous allons devenir des esclaves si vous perdez contre la Princesse Luna... Ah mais attendez, si en fait ! Bonne chance, nous en aurons besoin.
Et sur ces mots assez crus, Drags laissa Eric à ses occupations malsaines selon lui.
Le chevalier regarda à la fois sa main, puis son couteau, et se décida tout de même d'essayer ce qu'il avait prévu de faire depuis le début. Il n'avait pas grand chose à perdre.
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jackson - et... c'est tout ? chuis déçu
Oui, parfois, il faut savoir se taire pour aprécier le travail d'autrui et lui donner des encouragements
Bon, sinon merci, ça fait plaisir de lire de telles choses ^^