Chapitre 7
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Fluttershy hésitait entre se rouler en boule par terre, courir en rond en hurlant, ou fermer les yeux très fort en souhaitant se réveiller de cet horrible cauchemar. Quoi que non, elle n’allait pas hurler, elle risquait de déranger.
— Ça va, derrière ?
La pégase jaune hocha imperceptiblement la tête bien que cela n’aille pas du tout, mais de toute façon l’humaine qui avait posé la question ne s’était pas retournée et ne semblait d’ailleurs pas attendre la moindre réponse.
— On sera posés dans quelques minutes ! continua l’humaine.
Kei Yuki, se répéta Fluttershy. L’humaine se nommait Kei Yuki. Elle était assise à l’avant d’un engin volant un peu plus petit qu’un wagon de train et qui, pour l’heure, plongeait à toute vitesse vers le sol. Fluttershy frissonna tandis que des nuages défilaient par les fenêtres. Pouvait-on conduire une machine volante de la même manière qu’une locomotive, à l’aide de manettes et de boutons ? se demanda la pégase. N’y avait-il pas besoin de bois, ou de charbon, pour fournir de la vapeur au moteur ? Et, surtout, était-il normal qu’ils soient si rapides ?
Fluttershy se retint pour ne pas gémir. Ce n’était pas le moment pour elle de se montrer faible.
— Tu entends, Rainbow ? souffla-t-elle. Tu seras bientôt guérie !
Toujours inconsciente et enfermée dans un caisson cylindrique que les humains avaient appelé « stase », son amie n’avait aucune chance de lui répondre, mais Fluttershy se persuadait qu’elle l’entendait malgré tout. La pégase jaune avait passé tout le voyage auprès de Rainbow Dash, à la réconforter, à surveiller sa température, et à harceler le docteur au moindre soupçon. Lorsqu’il avait été question de transférer la blessée vers un hôpital mieux équipé, Fluttershy n’avait pas hésité une seule seconde à la suivre. À présent, elle était transie de peur, mais jamais elle n’aurait regretté son choix : elle avait peur, mais elle ne laisserait jamais Rainbow se réveiller seule dans un environnement hostile, sans comprendre ce qui lui arrivait. Si pour cela il lui fallait affronter le monde humain, alors elle le ferait.
Et puis Applejack se trouvait déjà là-bas. Fluttershy faisait confiance à la terrestre pour faire face à la situation avec assez de courage pour deux.
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Kei Yuki posa la navette dans une zone industrielle désaffectée, et parqua son appareil dans un entrepôt abandonné. Bob l’y attendait. Seul.
— Applejack n’est pas là ? demanda Fluttershy dans un murmure.
— Nope, elle est restée au Metal pour surveiller Harlock, répondit l’Octodian. Et aussi parce que ta copine et toi, vous n’êtes pas très discrètes… C’est toi, Rainbow Dash ?
— Moi, c’est Fluttershy, corrigea l’intéressé.
— Nom de Xch’rhch, combien de poneys avez-vous ramassé sur l’Arcadia, au final ?
— Six, intervint Kei. Plus un bébé dragon.
— Un… Oh, peu importe. Il est où, votre poney blessé ?
— En stase. Vous m’aidez pour le sortir de la navette ?
En définitive, Bob se débrouilla seul pour déplacer le caisson de stase (c’était un Octodian, après tout), et le charger dans le coffre d’une aéro-camionnette déglinguée. Fluttershy et elle se tassèrent ensuite tant bien que mal sur la banquette tandis que Bob prenait le volant.
Kei resta silencieuse durant les premières minutes de trajet, mais ne put finalement retenir la question qui lui brûlait les lèvres.
— Et comment va Harlock ?
L’Octodian lui lança un regard sombre.
— Mal, grogna-t-il. Il a trop de fièvre. Si sa température ne baisse pas rapidement, il va y rester.
Kei ferma les yeux. Ses pires craintes se réalisaient. Le capitaine était gravement blessé et ils ne disposaient que de peu de temps pour réagir. Si seulement Harlock avait signalé son état plus tôt, au lieu d’attendre d’être au seuil de la mort ! pensa-t-elle avec désespoir. Peut-être auraient-ils pu le placer en stase, comme Rainbow Dash ?
La jeune femme pinça les lèvres.
— Vous avez un plan, pour l’hôpital ?
— J’ai contacté un médecin fiable répondit l’Octodian. Il se charge de rassembler une équipe digne de confiance, mais le principal problème, ça va être d’utiliser les installations de l’hôpital sans se faire remarquer.
— Et vous pensez que c’est possible ?
Bob agita une main et se fendit d’une grimace dubitative.
— S’il n’y avait eu que le poney, j’aurais dit oui. Mais avec le gamin… Ça va être un coup de poker, je le crains.
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Dans l’arrière-boutique du Metal Bloody Saloon, Applejack avait trouvé un linge à peu près propre, l’avait humidifié d’eau froide, et l’utilisait pour tamponner le front du capitaine pirate. Quelle que soit la méfiance qu’elle éprouvait envers l’humain, il était beaucoup trop chaud pour ne pas s’inquiéter. Et puis… après tout, c’était parce qu’il avait secouru Rainbow Dash qu’il se retrouvait à présent dans cet état, donc peut-être pouvait-elle mettre ses propres doutes de côté.
En revanche, pourquoi Harlock n’en avait-il rien dit, ni lorsqu’il était encore à Ponyville, ni même quand il était revenu à bord de son vaisseau ? Trop fier pour avouer avoir été blessé, hmm ?… La terrestre eut un demi-sourire. Okay, ça, elle pouvait le comprendre. Elle-même rechignait souvent à admettre ses faiblesses, et elle connaissait bien la signification du mot « entêtement ».
— Applejack !
La ponette orange redressa la tête à l’appel de son nom. Fluttershy venait d’entrer dans la pièce, immédiatement suivie du barman. Celui-ci ne s’embarrassa pas de fioritures et souleva Harlock comme un vulgaire paquet.
— Allez, hop ! Direction l’hôpital ! Amène-toi, fillette !
— Applejack, corrigea-t-elle.
C’était ennuyant, cette manie qu’avait l’extra-équestrien de toujours l’appeler fillette, grogna-t-elle in petto. Elle n’était pas une fillette !
Ils s’entassèrent tous dans un engin hors d’âge dans lequel se trouvaient déjà Kei Yuki, la navigatrice de l’Arcadia, ainsi que le caisson contenant Rainbow Dash. Durant le trajet, Fluttershy ne détacha pas son regard de Rainbow Dash, Kei Yuki ne détacha pas le sien d’Harlock, et Applejack s’efforça de surveiller à la fois la conduite du barman et le paysage extérieur.
Il y avait des tas de véhicules identiques à celui-ci, dehors. Plus brillants, plus colorés, plus gros ou plus petits, aucun d’entre eux n’était tracté, ni ne dégageait de vapeur. Il y avait une foule qui se pressait sur les trottoirs, qui entrait et sortait de bâtiments immenses, qui s’engouffrait dans des souterrains, il y avait des gratte-ciels plus hauts que ceux qu’elle avait vus à Manehattan, des panneaux d’affichage colorés partout, des images animées… C’était une vision étourdissante, incompréhensible, un tourbillon de vie, de bruit, hypnotisant et repoussant à la fois.
— Terminus ! annonça soudain le barman. Attendez-moi là !
Applejack se tordit le cou pour tenter d’avoir une vision d’ensemble du lieu, sans grand succès. Pour ce qu’elle distinguait, ils avaient stoppé dans une ruelle plus calme, à l’arrière d’un bâtiment gris et terne flanqué de hautes fenêtres, trop gros pour qu’elle puisse en définir précisément la taille.
Le barman avait disparu par une petite porte isolée, et reparut bientôt accompagné de brancardiers et d’un humain en blouse blanche – un médecin, déduisit-elle.
Sans perdre de temps, le médecin examina Harlock, jeta un coup d’œil sur les lumières clignotantes du caisson, puis fit un geste aux brancardiers qui entraînèrent les deux blessés à l’intérieur.
— Nope, toi tu restes ici, poussin, ordonna le barman alors que Fluttershy faisait mine de les suivre.
Applejack ne s’intéressa ni aux timides protestations de Fluttershy, ni à celles, plus véhémentes, de Kei, lorsque toutes deux durent admettre qu’elles ne pourraient accompagner les blessés.
— Vous – nous – sommes beaucoup trop voyants, se justifiait le barman. C’est un hôpital de guerre illumidas ! La dernière chose qu’on souhaite tant que le gamin est là-dedans, c’est d’attirer l’attention sur nous, non ?
La terrestre ignorait ce que voulait dire « illumidas », mais elle abondait dans le même sens. Harlock était un capitaine pirate, pas vrai ? C’était évident qu’il valait mieux ne pas se faire remarquer !
— Et tu ne m’apitoieras pas avec tes grands yeux tristes, poussin. N’insiste pas !
En tout cas, une chose était sûre : elle préférait encore être appelée « fillette » que « poussin ».
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Bob grommelait tout seul tandis qu’il manœuvrait son aéro-camionnette pour se garer à un meilleur endroit. Qu’est-ce qui lui avait pris d’emmener ces trois femelles avec lui ? Il aurait mieux fait de les laisser au Metal !
— … et comment saura-t-on qu’ils sont hors de danger ? lui reprochait Kei.
— Parce que mon contact dans cet hôpital viendra nous avertir ici, répéta Bob (pour la quatrième fois). Ce sera plus discret que de vous laisser entrer.
Bordel ! Lui aussi, il était inquiet ! Mais ce n’était pas une raison pour faire n’importe quoi !
———————
— Deux croiseurs lourds, huit destroyers et trente escorteurs. Sans compter l’escorte du ravitailleur.
— Merde.
— Je ne pense pas qu’ils nous aient vus, monsieur.
Sur la passerelle de l’Arcadia, Tochiro tournait nerveusement en rond. Il était partagé entre l’envie de ne pas bouger de l’orbite pour être en mesure de récupérer Harlock et Kei sans délai en cas de besoin, et celle d’aller observer d’un peu plus loin cette maudite flotte illumidas qui venait d’apparaître.
— Je ne pense pas non plus. Mais si on partage l’orbite avec eux trop longtemps, ils vont finir par détecter nos traînées ioniques.
L’ingénieur faisait confiance à son bouclier de camouflage pour échapper aux yeux et aux radars ennemis. Néanmoins, tout son génie ne lui avait pas permis de construire un vaisseau totalement indécelable : les réacteurs de l’Arcadia, comme tous les réacteurs spatiaux, laissaient derrière eux des traces bien spécifiques – une signature imparable pour qui savait chercher. Le signal émis était minime, mais augmentait proportionnellement au temps passé au même endroit. Les Illumidas ne les repéreraient peut-être pas tout de suite, mais s’ils restaient en orbite de Canisco, les rejets de carburant de l’Arcadia trahiraient fatalement leur présence.
La mort dans l’âme, Tochiro programma une route d’éloignement.
———————
— Il y a des tas d’humains qui courent, là-bas.
Collée à la vitre, Applejack tentait de distinguer ce qui se passait à l’autre bout de la rue. De nombreux engins s’y étaient arrêtés, semblait-il, et des silhouettes pressées en sortaient.
— C’est pas des humains, ça, fillette. C’est… Oh, putain.
— Quoi ? C’est quoi ? insista Applejack.
Pour toute réponse, le barman fit démarrer son véhicule avant de s’engager en marche arrière dans la direction opposée à ces… bipèdes non-humains (qui ressemblaient beaucoup à des humains quand même). Applejack se demanda comment tous ces extra-équestriens réussissaient à se différencier entre eux, puis se souvint qu’elle et ses amies étaient toujours désignées en bloc par « les poneys ». Les bipèdes qu’elle croisait devaient probablement avoir autant de mal à distinguer un terrestre ou un pégase d’une licorne qu’elle en avait à reconnaître un humain d’un Octodian ou d’un…
— Illumidas, l’informa le barman.
— Illumidas ? répéta Kei d’un air effaré. Bob, on ne peut pas partir ! Il faut qu’on récupère Harlock !
— On viendra récupérer Harlock quand il sera soigné, rétorqua Bob après avoir effectué un demi-tour digne d’une cascade de rodéo et avant de repartir dans un vrombissement assourdissant. Et dans tous les cas, on ne pourra pas le récupérer si on se fait prendre !
Applejack leva un sourcil.
— Je comprends que ce sont des ennemis ?
— Correct, fillette.
— Applejack.
Enfin, plutôt des ennemis d’Harlock, non ? Fluttershy et elle n’avaient normalement rien à craindre. Et Rainbow Dash non plus. Normalement.
Applejack déglutit.
———————
— J’y suis, Spike !
— Hein ? Où ça ?
Twilight offrit un sourire resplendissant au petit dragon.
— La formule ! Je sais où je me suis trompée la dernière fois !
La licorne reposa triomphalement son livre. Elle avait bien fait d’emporter quelques ouvrages de sa bibliothèque sur l’Arcadia. Les « ordinateurs » contenaient certes une quantité astronomique de données, mais ils ne valaient rien en magie.
— Je vais pouvoir faire un nouvel essai !
En face d’elle, Spike grimaça.
— Tu ne devrais pas prévenir les humains, avant ? On est sur leur vaisseau, après tout…
Twilight fit un signe de dénégation. C’était à elle, et à elle seule, de réparer son erreur. Depuis qu’elle avait décidé d’accompagner Harlock, elle avait redoublé d’efforts pour décortiquer la formule et en comprendre les mécanismes. Sa ténacité avait fini par payer : la structure magique mise en place était complexe, mais une fois qu’elle eut percé les subtilités de sa construction, son séquençage en sous-étapes plus simples fut aisé à réaliser.
Twilight se plaça au centre de la pièce qu’elle s’était appropriée pour ses études. Elle ne comptait pas reproduire la totalité de la formule ici : seule une infime partie l’intéressait. Ironiquement, il s’agissait de la partie qu’elle avait déjà mise en œuvre lors de son premier et désastreux essai, à Ponyville… Un appel.
La licorne violette se concentra. Elle avait soigneusement extrait le schéma psychique qu’elle allait générer pour qu’il ne concerne qu’un seul des deux dragons. Un appel, puis la formule de contrôle, puis ils retourneraient sur Equestria et tout rentrerait dans l’ordre. Il n’y avait aucune raison de craindre un problème.
La corne de Twilight étincela.
———————
— Nom de… Putain de bordel de merde !
Tochiro sursauta lorsque le surveillant à la console machine donna un coup de poing rageur sur ses instruments. Oh, ça, ce n’était pas bon signe…
— Au rapport ! ordonna-t-il tout en résistant à l’envie de courir à la console pour constater le problème de ses yeux.
Harlock absent, c’était à lui de garder une vision globale de la situation. Il ne pouvait pas s’enfermer dans des détails comme il aimait à le faire en temps normal.
— Surcharge énergétique en tranche Delta ! répondit l’opérateur d’un ton trop stressé pour que ce soit rassurant. On risque de perdre…
Le bouclier furtif clignota deux fois, puis s’éteignit.
— … le camouflage, termina l’homme sur une note horrifiée.
Au beau milieu d’une manœuvre de dérobement. Autant dire que pour la discrétion, c’était raté. Tochiro inspira profondément. Peut-être… Non, l’Arcadia se trouvait encore beaucoup trop près de la flotte illumidas. Même le plus obsolète des radars n’aurait aucun mal à les repérer.
— Les Illumidas modifient leur formation, monsieur.
Évidemment.
Tochiro soupira. Harlock serait certainement resté affronter cette flotte, mais l’ingénieur ne possédait pas le talent tactique (l’inconscience ?) de son ami. La retraite était la meilleure des options… même si l’Arcadia était trop proche de ses ennemis pour qu’ils s’en tirent sans combattre.
— Poste de combat ! lança-t-il. Toutes pièces parées à faire feu en défensif ! Machines, préparez-vous pour un saut warp !
Le machiniste pianota avec frénésie sur sa console.
— Professeur, le warp est impossible ! L’hyperespace n’est pas stable !
— Comment ça « pas stable » ? répéta Tochiro, incrédule. Aucune anomalie n’a jamais été répertoriée dans cette zone !
L’homme lui répondit d’un haussement d’épaules impuissant.
— Oui, je sais bien, mais…
… mais, effectivement, une anomalie était en train d’apparaître sous leurs yeux. Un vortex se forma à équidistance de la flotte Illumidas et eux, tourbillonna sur lui-même, prit une multitude de couleurs improbables…
Il en sortit un dragon.
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