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Whitepath ou la résignation vaine. [...]

Une fiction écrite par Craïnn.

Chapitre 3 : de Charybde en Scylla

La princesse de la nuit était terrée dans sa forteresse, troublée après ce qui c’était passé la nuit précédente. Certes ce n’était pas la première fois qu’on levait le sabot sur elle, mais c’était alors de vrais ennemis, emplis de haine plus ou moins légitime. C’étaient des êtres puissants, c’était Sombra, Discord, sa propre sœur… Là, c’était un sujet, et pas de la meilleure condition. Après que Luna eut banni cet insolent, elle connut une courte période de traumatisme où elle s’était enfermée dans sa chambre, tentant en vain de se concentrer sur une affaire quelconque. Ses pattes tremblaient par instants. Elle repensait surtout au point auquel son agresseur était banal. Une licorne adolescente, des poches sous les yeux et la peur au ventre, aussi peu de force dans la magie que dans les pattes. Un de ses gardes l’aurait balayé en soufflant à peine dessus. Mais voilà, elle s’était fait avoir par surprise. Un garde ne se laissait pas avoir par surprise. Un garde était responsable. Elle avait honte de s’être laissé avoir, mais aussi peur que quelqu’un d’autre ne vienne à l’apprendre. Si Celestia se chargeait de l’affaire, ça se finirait salement.

Le premier rapport concernant l’individu banni, apporté par un patricien d’une des grandes familles lunaires en personne, ne fit qu’aggraver le trouble de Luna. Un blanc-flanc ! Un misérable blanc-flanc avait frappé la princesse bien plus que ce que son potentiel ne le lui permettait. L’affaire devait à tout prix être étouffée mais les sentiments de Luna débordèrent, et, explosant de colère, elle se retira dans sa chambre, laissant le patricien qui était d’autant plus désolé qu’il pensait au fond de sa petite cervelle zélée être la source de ce sentiment.

Elle se ré-enferma dans sa chambre, en proie à des accès de panique. Puis la fatigue l’emporta. Cette nuit, elle ne fit pas son activité et ses farces habituelles. Elle pria rapidement son chancelier de faire parvenir un courrier à sa sœur, justifiant une absence d’une ou deux nuits en prétextant la première excuse sensée qui lui passerait par la tête. Cette nuit de repos fut d’autant plus précieuse qu’elle permit à la princesse de dépasser le complexe que générait en elle cette affaire, mais également de se rendre compte de la large cruauté dont elle avait fait preuve.

Elle reprit le contexte et cherchait la vérité dans la responsabilité que chacun avait eue dans cette affaire. Elle délibéra au matin. Elle jugea finalement que cela avait été un châtiment trop rude que celui qu’elle avait décidé et elle comptait bien le réparer. En partie. Elle ne renverrait pas ce Whitepath sur la Terre, pour la simple et bonne raison que ce serait un aveu de faiblesse. Jamais dans l’histoire d’Equestria et de la Lune on ne devrait entendre parler de cette princesse qui céda devant un blanc-flanc. Non, elle le placerait quelque part où il pourrait vivre confortablement, sans éveiller de soupçons. Cela était profitable pour une ribambelle de raisons. La première était que cet arrangement permettait de garder un fond de justice dans l’affaire et qu’elle reconnaissait sa faute. La seconde était plus calculée. Si Celestia venait à apprendre la situation, au moins la sécurité de l’individu banni lui donnerait une excuse pour minimiser sa faute. Elle relut une dernière fois tous les documents qui concernaient Whitepath. Au matin, elle donna l’ordre d’atteler immédiatement son carrosse royal. L’autre part de la réparation serait plus douloureuse à accomplir, car en son âme et conscience, Luna savait, pour que le repentir soit complet, qu’elle devrait s’excuser et exposer la situation à ce Whitepath en personne.

Whitepath était déjà levé quand le réveil affichait neuf heures. C’était au moins la première bonne nouvelle de la journée, une seule nuit lui avait donné un nouveau rythme, et le café était bon. Il était à la fois morose et plein d’espoir. Morose de savoir qu’il avait déçu cette terrestre rose qui lui avait offert son aide sans le connaitre. Plein d’espoir car il attendait que l’on remarque sa disparition là-haut, sur terre. Il avait fait ses estimations, et elles se résumaient à ceci : trois semaines d’attente à compter d’avant-hier, soit dix-neuf jours d’attente est le laps de temps maximum dans lequel il espérait recevoir de l’aide, car, au début, on expliquerait cela par une fugue ou un enlèvement. Qui songerait à la Lune ? Mais la disparition sans trace restera suspecte et ceux qui s’en préoccuperont n’auront d’autre choix que de porter la requête vers une autorité plus haute. Peut-être Celestia elle-même, qui sait ?

L’idée de rencontrer une princesse dans un contexte non-hostile lui parut bizarre alors qu’il y pensait. Puis il se focalisa sur la journée à venir. Une bonne journée en perspective. Hier, en rentrant, Borehome, la bat-pony responsable de son dossier, de son travail et de son hébergement, lui avait confié son nouveau travail. Il s’agissait d’une place rêvée d’agent d’entretien pour une grande surface ! Enfin la simplicité des jours heureux où il suffisait de frotter le sol pour gagner sa vie était revenue – deux nuits sans balai formaient déjà pour lui une éternité –, d’autant plus que ne pas utiliser sa corne, même de la façon la plus triviale qui soit, avait tendance à le démanger.

Il finit son café puis partit de l’appartement, un écouteur dans l’oreille. Il y allait de bon cœur et il aurait volontiers sifflé un air dans l’ascenseur si la face renfrognée d’un vieux bat-pony avec qui il devrait le partager quelques secondes n’avait pas été figé dans une expression de gravité qui semblait la plus naturelle du monde. Lorsqu’il arriva à l’accueil, il fut surpris de trouver Borehome, un sourire vicieux aux lèvres et entourée de deux bat-pony en armure qui toisaient Whitepath de toute la hauteur que leur confiait un physique de garde d’élite. Whitepath déglutit. La peur terrible qu’il avait subie quand il avait su qu’il avait frappé Luna mais qu’il ne connaissait pas sa sanction reparut, plus terrible et paralysante. Pourtant, bien au fond de sa conscience, dans un tout petit espace, les arcanes de son cerveau lui firent venir cette sentence terrible à son esprit : « Visiblement, ce n’est pas aujourd’hui que je toucherai de nouveau un balai. »

Luna s’était parée de façon simple et avait hâté l’expédition dans un souci d’éviter le moindre trouble au banni. Ainsi, mesdames et messieurs, voyez cette princesse secouée dans un carrosse tiré par deux monstres de muscles et de crocs dont l’allure ne semble pas dire s’ils sont animaux ou bat-ponies. Le carrosse prend le pas sur tous les autres véhicules. Et ceux qui subirent un accident ce jour-là eurent la fierté de savoir que leur plâtre était le pur produit de la raison d’état. Mais sa personne royale n’avait pas à voir de telles horreurs, aussi les vitres du carrosse étaient aussi noires que les craintes qui l’affectaient quant à l’état de la licorne. Dix minutes suffirent au cortège sans grâce pour faire le trajet reliant le palais à l’immeuble correspondant à l’adresse que Luna avait vu inscrite sur le dossier de son malheureux prisonnier.

Le carrosse s’arrêta devant l’agence pour l’emploi lunaire, freinant juste assez pour épargner l’existence d’un jeune écolier espiègle qui sautillait sur le trottoir en souriant de façon fraîche et candide. Les deux mastodontes arborant l’armure traditionnelle lunaire qui évoquait avec un mauvais goût plus que prononcé les membranes des ailes des bat-ponies enlevèrent les sangles qui les rattachaient à l’attelage du carrosse, et entrèrent en foulées disciplinées dans L’immeuble.

Whitepath se voyait entraîné par ces deux colosses dont il redoutait d’autant plus la force que cette fois il ne pouvait pas s’agir d’une erreur. On l’arrêtait. Il se voyait déjà condamné à mort ou pire, enfermé dans un donjon sale et obscur, sans balai, sans café. Avant que cette pensée eût pu le faire fondre en larmes, il se retrouva dans une ambiance qu’il aurait voulu ne jamais connaître. On le fit entrer dans un carrosse à l’apparence luxueuse et qui portait directement les armes de Luna. Mauvais signe. Quand la porte se referma sur un claquement violent, il se retrouva dans une pénombre bleu foncé et teintée par endroits de points d’argent. Un mouvement de regard, et il la reconnut. Elle.

Décidément, plus Luna en savait sur ce pauvre malheureux qui avait été au mauvais endroit au mauvais moment, plus elle avait envie de se fracasser le crâne contre un mur pour effacer la honte de s’être laissée prendre un coup de la part de cette loque adolescente qui tenait à peine debout. D’ailleurs, non, il n’était plus debout, il s’étalait mollement dans une tentative désespérée de faire une révérence. Au moins il ne sera pas difficile à mater. Allons, juste un peu plus de temps à supporter la vision douloureuse de ce blanc-flanc si insignifiant et dangereux à la fois, et tout cela ne sera plus qu’une affaire casée pour le mieux.

Mais lorsqu’elle lui demanda de se redresser, le poney s’exécuta et Luna put admirer la peur et la lassitude qui marquaient son visage. La pitié prit le finalement le dessus en elle. Elle le pria de s’asseoir alors que le carrosse reprenait son allure ponicide. « Je crains que nous ne soyons déjà rencontrés une fois, dit Luna sur un ton de compassion, et ce ne fut pas pour le mieux. Whitepath regarda le sol et ne répondit rien. Cas de timidité classique, rien d’insultant. Bref, je suis là pour réparer un châtiment que je ne crois que trop brutal, comme vous avez dû le penser vous-même… »

Whitepath en croyait à peine ses oreilles. Tous ces espoirs allaient se régler aussi simplement ! Finalement, il avait eu raison, ce n’était qu’une question de temps ! Mais… au sourire sincère qui naquit sur son visage, la princesse Luna ne répondit que par une expression dédaigneuse. « Mais j’ai aussi songé à votre part de faute dans cette affaire, aussi ce ne sera pour vous qu’une atténuation de votre peine. Une atténuation conséquente.

-C’est… C’est-à-dire ? demanda Whitepath, qui avait retrouvé sa langue après cette mauvaise surprise.

-Je vais vous placer dans de meilleures conditions de… – elle avait elle-même peur du mot – détention…

-Où m’emmenez-vous exactement ?

-À la périphérie de Manemoorne. Un de mes vieux amis y tient une librairie et il a besoin d’un assistant. Au vu des circonstances atténuantes que je vous accorde et du fait que c’est le genre d’endroit où vous sembliez travailler avant, je me suis dit que c’était un bon choix.

-Mais je n’étais pas assistant à Manehattan ! Je ne faisais que balayer durant la nuit ! Il se radoucit, effrayé de sa témérité à parler ainsi devant une déesse. Avec tout le respect que je dois à votre majesté.

-Tant que vous savez classer des livres par ordre alphabétique, vous ne serez pas débordé par votre nouvelle charge. Voyez cela comme une promotion. De toute façon, vous êtes plus à l’abri à la campagne qu’entre les mains des gardes de Manemoorne. Même moi j’ai du mal à les retenir dans leur zèle. Vous serez mieux logé là-bas que dans ces appartements de ville. Je m’en assurerai. »

Une pensée furtive se figea dans l’esprit de Whitepath. Timide, mais définitivement curieux, il osa demander : « Que faisiez-vous ce soir-là dans la librairie ? » Luna darda immédiatement sur lui un regard réprobateur sur lui, puis se rétracta. « Les affaires des divinités ne sont pas celles des mortels. ». Whitepath sentit clairement que sa question avait dépassé de trop loin la marge de bienséance qu’il fallait adopter avec une déesse. Il se tut d’autant mieux que les secousses du carrosse le firent tomber, ce qui laissa Luna esquisser un petit sourire, vu comme de la cruauté par la licorne mais qui n’était simplement que de l’espièglerie.

Il est, à quelques kilomètres de l’océan de béton qu’est Manemoorne, un petit village du nom de Starcrops, et dont la spécialité était la récolte du blé lunaire. Ce devait être une trentaine de bâtiments à cette époque. Le charme et l’âme qui manquait à Manemoorne s’était reporté sur les petits hameaux de campagne, dont les habitants connaissaient un rythme de vie moins frénétique et pourtant bien plus productif qu’en ville. Ces hameaux aux maisons en forme de dômes donnaient à la nation lunaire sa personnalité, son identité. Nombreux sont les poètes et artistes qui s’y exilèrent, préférant la vie champêtre aux bureaux pour trouver matière à leur faconde. Cela s’en ressentait sur les habitants qui se montraient plus accueillants et ouverts que leurs homologues de la ville. Ils avaient le travail pour survivre et la solidarité comme base sociale, aussi tout gaillard un tant soit peu travailleur s’y serait senti à l’aise. Ces villages simples ne s’intéressaient guère à la politique, aussi le retour de Luna ne fut pour eux qu’une occasion de trinquer un soir, sans plus. Ils faisaient pousser un blé à tige blanche qui donnait une farine grise légèrement sucrée, qu’ils cultivaient selon des méthodes auxquelles eux seuls ont accès.

C’est donc cela qu’était Starcrops, mais il y avait dans ce village un élément trop exotique pour passer inaperçu. Une tour cylindrique de quinze mètres de haut et possédant deux annexes de même formes et hauteurs reliées à elle. Les étages étaient clairement visibles depuis l’extérieur, car ils n’avaient pas le même volume. En effet, le premier étage avait un diamètre bien plus grand que le rez-de-chaussée, qui avait un plus grand diamètre que le second étage. Ce bâtiment difforme était une librairie ayant pour propriétaire un bat-pony à l’esprit au moins aussi dérangé que l’édifice dans lequel il pratiquait. Son nom était Madscroll et libraire n’avait été que pour lui un débouché. À vrai dire, il était le plus vieil ami de Luna et cela mérite explication.

Lorsque Nightmare Moon fut bannie, elle ne fut certes pas reconnue par le plus grand nombre, mais une poignée de fidèles, guidés par une illumination soudaine ou simplement par désir de suivre un nouveau leader, se rallièrent à elle. Ils s’installèrent dans des montagnes, non loin de Manemoorne, où ils taillèrent une petite cité dans la roche qui faisait également office de citadelle. Nightmare Moon forma un conseil d’élite dans ce groupe de fidèle, et, déformant la nature dans ce qu’elle a de plus primaire, elle viola ses règles et accorda, au moyen d’une magie noire terrible, des Cutie Marks aux bat-ponies qui constituèrent ce conseil. De génération en génération, cela se perpétua. Mais, petit à petit, les fidèles s’éclipsèrent, lassés d’une reine qui ne faisait jamais attention à eux, et manquant de nouveaux arrivants. Une natalité décroissante relative au fait que la forteresse était mal approvisionnée en vivres encouragea ce dépeuplement. Les parents de Madscroll avaient abandonné leur fils à Nightmare Moon avant de s’enfuir, et la sombre princesse l’éleva comme un fils, sans pour autant être trop douce envers lui. Il se révélait, malgré ses mouvements d’instabilité mentale, un élève attentif, un acolyte sûr, un mage noir accompli et un archiviste brillant. Il fut le dernier à bénéficier du "privilège" que constituait une Cutie Mark. Il avait principalement en charge la grande bibliothèque de la forteresse dont Nightmare Moon et lui étaient les deux seuls occupants depuis trente années. Quand elle partit vers Equestria, Madscroll se retrouva seul jusqu’au retour de la reine de la Nuit, transformée. Madscroll eut tout d’abord un mouvement de rejet, mais sa seule famille était devant lui et le regard de Luna brillait d’une tendresse d’un genre nouveau envers celui qu’elle avait élevé et avec qui elle avait tissé des liens, même si elle n’était plus elle-même à ce moment-là.

Elle décida, au grand regret de son élève, d’abandonner la forteresse et de laisser les rouleaux souillés de magie noire qu’elle contenait y pourrir. Madscroll sauva tout de même les ouvrages que Luna jugea acceptables avant de partir. Découvrant Manemoorne et ceux qui étaient censés être ses semblables et qui le regardaient d’un drôle d’air, il déclina l’offre que Luna lui fit de devenir son secrétaire. Il demanda à la place l’autorisation de construire une librairie – dont il avait lui-même dessiné les plans – en pleine campagne, pour deux raisons. Un, éviter trop de monde et de devoir fixer sa collection dans ces immeubles qui ne lui semblaient pas appropriés. Deux, être au calme lui permettait de recevoir des sommités littéraires équestriennes dans des conditions parfaites quand cela était possible. Il avait toutefois trouvé un moyen d’entretenir des liaisons télépathiques avec son ancien professeur.

Tel était Madscroll, le tenant d’une race secrète dont il était le dernier représentant. Veillant sur ses livres comme un oiseau sur ses œufs et faisant des copies de quelques ouvrages quand la demande venait d’un personnage intéressant. Sa condition solitaire et confinée l’avait rendu paranoïaque et complètement négligé. Aussi, quand Whitepath le vit en descendant du carrosse, il ne put ne pas réprimer un frisson devant la crinière en bataille du batpony, qui était au moins trois fois plus longue que la sienne et devant les yeux asymétriques de ce spécimen ( l’un était grand ouvert et l’autre à demi-fermé.). La longue bure anachronique qui avait servi au sectaire de Nightmare Moon était toujours son habit, qu’il portait toujours avec fierté. Luna passa devant Whitepath et adressa une chaleureuse apostrophe à celui qu’elle avait élevé « Ah ! Mon cher Madscroll ! Comment va mon élève préféré ?

-Aussi bien que si l’on m’avait prévenu que l’on imposait un assistant. Enfin, vos ordres avant tout, majesté !

-Pfff… Toujours aussi formel après tant d’années. C’est triste.

-Princesse, je crois que votre présence attire les villageois et je n’ai toujours pas l’impression que cela arrange fort nos affaires… »

En effet, Whitepath avait noté, pendant qu’il admirait l’architecture du village, seule chose exotique et intéressante qu’il voyait depuis qu’il était arrivé, que des groupes de bat-ponies aux vêtements rustiques et champêtres qui semblaient tout droits sortis d’une de ces poésies au lyrisme mièvre qui vantait les mérites de la douce vie campagnarde se dirigeaient en souriant vers Luna. « Princesse, si vous me permettez de vous offrir un café… » Le mot fit revenir l’attention de Whitepath vers le libraire à l’apparence malsaine. « Mais… volontiers ! » lui répondit-elle en comprenant tristement qu’elle faudrait qu’elle cède au caractère asocial de son élève, qui n’aurait sans doute jamais de réelle compagnie dans son existence. Les trois poneys aux origines hétéroclites s’engouffrèrent dans la tour de Madscroll tandis que les gardes qui avaient tiré le carrosse gardaient jalousement la porte et empêchait le bas-peuple de satisfaire sa curiosité quant à l’arrivée de leur princesse, qu’ils appréciaient pour la forme malgré le fait qu’ils pensaient qu’elle était peu utile aux gens de la campagne.

L’intérieur de la librairie était particulièrement archaïque. Une salle en pierre ronde, sans fenêtres, éclairée par un lustre en fer sur lequel reposaient plusieurs bougies. Des torches et des bougeoirs étaient disponibles dans des étagères qui étaient sculptées dans la roche, pour limiter au mieux le risque d’incendie. Whitepath ne put s’empêcher d’essayer de revoir la librairie "Au Lecteur Ferré" dans ce ramassis de parchemins, de livres assez vieux pour avoir des reliures en cuir, des pages jaunies par les âges et tombant en poussière, mais, non, rien ne lui rappelait l’ambiance de son lieu de travail. Le seul point commun qu’il restait était l’obscurité ambiante, et encore parce qu’il avait l’habitude de travailler la nuit. Le sol était lui aussi fait de pierre, et plusieurs plans de travail et écritoires y étaient disposés et avaient l’air de servir bien souvent, bien que ce ne fut que par un seul poney. Un escalier de pierre circulaire sculpté sur le mur extérieur lui aussi, menait à l’étage et délimitait la hauteur des étagères. Le bâtiment semblait ne faire qu’un seul bloc.

Madscroll les fit monter l’un derrière l’autre sur l’escalier rocheux qui était trop étroit pour que deux poneys s’y risquent côte à côte. Le premier étage était bien plus large. Toujours tout de pierre fait. Au centre, une grande table ovale en bois précieux était entourée de chaises luxueuses mais décorées avec un mauvais goût qui tendait dans le glauque. Deux portes, des deux côtés de la salle, menaient aux bâtiments annexes. Un escalier sur le mur, et donc éloigné de celui qu’avait emprunté le groupe, gagnait le second étage d’une manière assez peu conventionnelle. Il partait du mur, comme le précédent, mais formait une spirale qui le ramenait vers le milieu du bâtiment. Les marches étaient donc plus longues en fonction de la hauteur. L’idée saugrenue avait germé dans l’esprit tordu de Madscroll qui n’avait pas trouvé de nom plus original pour cette création que "l’escalier crescendo". Celui-ci menait à chambre de Madscroll. Sur les murs, une collection de toiles de toutes époques, du temps gothique où les bat-ponies se plaisaient à représenter leurs forêts de stalagmites lunaires aux tableaux de ces artistes exaltés d’espace qui montraient la nuit par des spirales mêlant bleu, blanc et noir, formant des dégradés subtils et agréables à l’œil. Whitepath n’y fit guère attention, car en cette salle où la seule source de lumière était un trio de grandes bougies disposées sur la table, il pouvait voir le récipient qui contenait le café tant promis.

Madscroll fit asseoir ses deux invités dans l’ambiance de clair-obscur mystérieuse qui régnait dans la pièce. Il se présenta à Whitepath et Whitepath se présenta à lui. Il servit le café dans des tasses stylisées sans doute trouvées chez un antiquaire, et s’assit à son tour. Whitepath regarda Luna. Dans le jeu de lumière de la pièce, elle semblait émerger de l’obscurité, telle un être qui serait né des ombres pures avant de devenir matériel. Le son de la voix dérangeante de Madscroll tira la licorne hors de sa fascination. « Je suis toujours ravi de vous recevoir princesse, vous et votre… invité. Mais je vous assure que je n’ai nullement besoin d’aide de mon travail. ». Sa voix était parfaitement monocorde, comme si elle eût été un piano à une seule touche. « Ne voyez pas cela comme un service que je vous rends, mon cher. Mais plutôt comme un ordre auquel vous obéiriez. Un ordre de princesse, répondit Luna avec un sourire sibyllin. Madscroll se renfrogna, Luna le vit mais reprit tout de même : les chambres d’hôtes que vous prenez à charge habituellement sont toujours disponibles et utilisables ? Il soupira.

- Oui, princesse. » Il n’y avait qu’une seule chose qu’il regrettait sincèrement de l’époque de Nightmare Moon. Le tutoiement. Que Luna lui offre le « vous » du respect lui paraissait aussi contre-nature que sa Cutie Mark. Whitepath, toujours intimidé par cette réunion et n’osant parler, fit léviter la tasse de café jusqu’à sa bouche et y trempa ces lèvres. Une grimace atroce lui déforma le visage. Le liquide qu’on avait versé dans sa tasse ne pouvait pas décemment être du café concentré de façon raisonnable. Cela lui détruisait le palet, mais la bienséance lui interdisait de tout recracher dans sa tasse, comme il en mourrait d’envie. Il trouva finalement le courage d’avaler la mixture. Luna et Madscroll s’étaient tournés vers lui, ce dernier jubilait silencieusement. Luna porta la tasse à sa bouche. « J’aurais dû préciser qu’il serait préférable de ne pas préparer ton café spécial. Je trouve que tu as un usage plus que trivial de la magie d’enchantement.

-On se débrouille comme l’on peut, mais je trouve que le café des gens standards manque de goût. »

Whitepath tremblait comme une feuille. Il avait les yeux écarquillés et n’entendait rien. À part les couleurs, il lui semblait bien en cet instant entendre les couleurs. Le maître et l’élève haussèrent les épaules devant cette licorne qui semblait sous l’emprise de quelque drogue dure, ce qui en fait n’était pas loin de la réalité.

Vu que Whitepath ne réagissait plus, Luna laissa ses dernières instructions à son élève qui était prêt à les remplir à la lettre. Cela le gênait tout de même d’héberger cet individu bizarre chez lui pendant vingt et une années. Rien que ce mois-ci, il devait recevoir un prix Nobel du royaume griffon ainsi que deux auteurs équestriens pour un colloque du plus haut intérêt culturel. Cela signifierait qu’il devrait réorganiser les chambres d’hôtes et qu’il devrait faire en sorte que cet employé forcé ne vienne pas gâcher par une maladresse quelconque cette noble réunion de grands esprits. D’autant plus que ce type n’avait pas l’air d’être lui-même une sommité littéraire. Luna l’avait prévenu le matin même, lorsqu’il s’agissait de préparer la place, que ce type n’avait même pas de Cutie Mark. Il devait vraiment être une sorte de pistonné pour s’attirer ainsi les faveurs de l’alicorne de la nuit malgré si peu de mérite, mais Luna lui avait demandé de ne pas se montrer indiscret dans cet affaire.

Madscroll secoua la licorne, qui semblait revenir d’un rêve éveillé, un filet de bave au coin de la bouche. Voir le visage du bat-pony de si près fit sursauter Whitepath. « Bien, alors maintenant, le comique, voilà comment ça se passe ici : primo, les horaires, réveil à six heures, petit-déjeuner à six heures et demie, travail de sept heures à seize heures et demie avec une pause de trente minutes à midi. Compris ?

-Ou... Oui, monsieur.

- Ensuite, ton travail consistera à passer le balai, plumeau et tout le bazar. La princesse voulait que tu m’aides dans le classement des livres, mais je préfère m’acquitter de cette tache moi-même. Par mesure de sécurité.

-Je vais passer le balai huit heures par jour ?

-Ne t’inquiète pas, la poussière a eu le temps de prendre racine. Tu ne t’ennuieras pas. Ah, et, dernier point. Tu balayeras d’abord uniquement le rez-de-chaussée, le premier étage et l’annexe des chambres – il pointa une des deux portes du sabot – interdiction formelle d’accéder aux autres salles jusqu’à nouvel ordre. Tu choisiras ton lit parmi ceux de cette annexe. Pour l’instant. S’il te restait des effets personnels à Manemoorne, ils te seront rapportés dans l’après-midi.

-Je… je, j’ai tout, dit Whitepath en tâtant les poches de son manteau pour en être sûr. Le paquet de marshmallow de Pinkie y était toujours.

-Bien ! Alors au travail ! »

Il lui montra où trouver les balais et Whitepath commença sa besogne au rez-de-chaussée. Le café sur-concentré qu’il avait bu le rendait presque hyperactif. Il était plus vigilant et efficace que d’habitude. Quand vint midi, il avait nettoyé le quart du rez-de-chaussée, et Madscroll lui demanda de passer le plumeau sur les tranches de livres en rayons. « Délicatement… » avait-il ajouté à part avec un regard mauvais. Lorsque Whitepath suivit les consignes, il voyait que le bat-pony le suivait du regard, anxieux, alors qu’il essayait de se concentrer sur un essai qu’il comptait bien présenter à des connaissances intellectuelles. Aucun doute, se dit Whitepath en lui-même, inquiété par ce regard avec plus de force que l’ambiance sombre de la librairie rendait son travail délétère, si je fais quoi que soit à un de ses livres, il utilisera ma peau pour en faire des couvertures.

Avec le réflexe de l’employé, qui, sans s’en rendre compte, s’imprègne de son lieu de travail jusqu’aux recoins les plus complexes de son esprit, Whitepath ne cessait de comparer ce lieu à la librairie dans laquelle il balayait avant. Certes, il ne travaillait pas en journée, mais il restait dans la réserve, discutant furtivement avec les vendeurs, et parfois les aidait même pour s’occuper avant le travail du soir, n’ayant rien de mieux à faire. Il pouvait ainsi voir que les affaires tournaient plutôt bien, et admirait la diversité des clients : l’étudiant qui ressortait toujours avec plus de livres que ne pouvaient en contenir la bibliothèque de Canterlot, le pauvre geek qui attendait désespérément le nouveau tome de sa saga favorite, qui ne sortait définitivement pas. L’indécis qui harcelait parfois les vendeurs des heures durant pour trouver le livre qui serait à son goût. En ce lieu sombre, il n’y avait personne, rien. Rien que le petit Whitepath et Madscroll l’intellectuel ermite. Bien que l’on fût en pleine campagne, il parut curieux que personne ne vienne. Whitepath avait au moins pour qualité – défaut selon beaucoup – de bénéficier d’une curiosité parfois insolente. Il demanderait au repas.

Celui-ci arriva plus vite que la licorne ne l’aurait cru. S’asseyant à la table ovale, en face de son supérieur, il constata la frugalité du menu. Deux pains gris et informes étaient disposés devant les deux chaises des seuls occupants du lieu. Madscroll coupa net Whitepath dans son dépit en l’invitant à ne pas exiger de superflu en ce qui concernait l’alimentation, comme il le faisait lui-même. Il mordit alors avec férocité de ses deux crocs et arracha d’une seule bouchée le quart de sa portion. Whitepath ne put s’empêcher de voir son cou à la place de celle-ci. Il se décida alors à demander, au moins pour avoir un semblant de chance d’engager une conversation que briserait la glace entre lui et celui qui serait quand même son supérieur pendant vingt et un ans. « Quel genre de personnes viennent habituellement ? demanda-t-il hésitant, d’une voix tremblante. Madscroll reposa son pain, apparemment positivement étonné que quelqu’un comme Whitepath s’intéresse à ses activités.

-Eh bien, comme tu l’as sans doute remarqué si tu es déjà passé à Manemoorne, les citadins ne prennent pas le temps de lire. Les paysans ont leur folklore et s’y attachent fermement. De plus les ouvrages que renferment ce lieu sont soit rares, soit techniques, soit peu connus. Il n’y a que des spécialistes qui viennent, et rarement.

-Mais, ce ne pose pas de problèmes pour les affaires ? Le bat-pony éclata de rire.

-Penses-tu ! J’ai un accord avec la Princesse Luna, je tiens à sa disposition tout ouvrage, le plus introuvable au monde, en moins de cinq heures, sur sa demande, et cela même si ce bouquin devrait se trouver à l’autre bout de votre planète, et en échange, elle assure l’ouverture permanente de mon établissement. Mais, toi aussi tu dois connaitre la princesse. Une licorne équestrienne ne viendrait pas dans un coin paumé sur la Lune juste pour balayer. Allez, tu peux me le dire, qui t’a pistonné pour qu’on te mette dans mes pattes ? » Le lecteur le plus sensé, en cet instant, se figure le plus naturellement possible la terreur de Whitepath. Sa chaise tremblait avec lui, ce qui créait un bruit de roulement désagréable. Quelqu’un qui tenait un tel lien de proximité avec Luna le tuerait s’il savait la vérité. Il tenta d’improviser un mensonge. « Eh bien… Voyez-vous, hum. Mon oncle, qui est dans la garde de la Princesse, m’a déjà emmené sur la Lune durant mon enfance, et j’en ai gardé de si bons souvenirs que j’ai voulu revenir travailler ici… » Il mit une demi-seconde à juger la qualité de son mensonge. Il était mort.

Madscroll, qui regardait le pauvre poney tremblant, souriait à pleins crocs. Il voyait bien qu’il devait avoir des problèmes en Equestria, et que la princesse l’avait pris sous aile par pure charité. La princesse était décidément trop bonne, enfin ! Whitepath mordit timidement dans son pain, et trouva les luniens assez chanceux d’avoir une telle denrée à leurs tables. Le blé lunaire, dont nous avons déjà parlé, ne circulait pas en Equestria. Pas encore.

La nuit tomba et Whitepath choisit rapidement un lit dans l’annexe. C’était un cylindre similaire à la tour, régulier et plus petit. Il y avait une chambre par étage, deux lits par chambre, un escalier en colimaçon au centre reliait toutes les chambres. Pas de décoration, mais de l’électricité, seule concession que Madscroll faisait à ses invités. Whitepath éteignit la lumière et s’endormit bien vite.

Il fit un horrible cauchemar cette nuit-là. Il se tenait dans la librairie de Madscroll, toujours aussi lugubrement éclairée. Soudain, un mouvement. Une ombre sans forme s’échappait d’un des rayons et se mit à danser d’une façon à la fois ridicule et lugubre. Puis, en dansant, elle se mit à prendre forme. Elle ressemblait à une jument à peine adulte, la crinière et la queue droites et lisses comme cela ne se voyait jamais. Un rose-rouge affreux se mit à la colorer. Et des paroles vinrent s’ajouter à la danse. Elle s’approchait en dansant. D’abord c’était un bruissement incompréhensible, improvisé sur un air enfantin qui, avec la vision, prenait une tournure odieuse. Ce fut ensuite un chuchotement. L’ombre disparut. Et réapparut une seconde après brusquement devant lui, ses deux yeux aux pupilles bleues étaient injectées de sang. « Rends-le-moi ! » cria la vision d’une voix d’outre-tombe. Whitepath se réveilla en sursaut.

« Rends-le-moi ! Rends-le-moi ! » disait une voix beaucoup plus joyeuse et familière. Une voix qui une soirée plus tôt avait été porteuse d’espoir. Il se réveilla, surpris, la lumière était allumée et laissait voir une jument joyeuse qui bondissait allègrement à côté de son lit en répétant ses « rends-le-moi ». Whitepath était sidéré : « Pinkie, mais, enfin, qu’est-ce que tu ?

-Ce que je fais ici, mais enfin ça fait dix minutes que je le dis ! Je veux que tu me le rendes !

-Une chose à la fois, dit Whitepath qui n’aurait jamais cru possible qu’un mal de tête puisse s’attraper en une demi-seconde. Te rendre quoi ?

-Mais enfin, le paquet de marshmallows ! Je suis partie précipitamment car j’avais oublié que je devais encore célébrer la première dent de Pound Cake. J’avais oublié les marshmallows, mais ce sont les préférés de Gummy, et puis je n’allais pas en racheter, il ne faut pas gâcher. Je suis revenu au cabaret, et Batbiceps m’a dit que tu les avais pris. Alors je suis venu te les demander.

-Tiens, lui dit-il en lui tendant le paquet et en se disant qu’il était également possible d’aggraver un mal de tête en moins de temps qu’on a mis à l’avoir. Et… comment m’as-tu retrouvé ?

-Eh bien, j’ai suivi le flair de Gummy, dit-elle en sortant l’alligator édenté qui parcourait désormais le paquet en engloutissant ces sucreries.

-Comment es-tu entrée ?

-Euh… ce n’était pas fermé.

-Et… Tu es de nouveau venue avec ton véhicule ?

-En effet, j’en descends à l’instant, dit-elle avec un grand sourire.

-Mais, mais… Tu n’as pas de matériel ? Pas de casque ?

-Un casque ? Pour quoi faire ? Whitepath avait la bouche bée. Et la migraine du millénaire.

-Pour respirer dans l’espace, voyons !

-Hohohoh ! Tu es vraiment drôle, on ne peut pas respirer dans l’espace !

-Alors comment fais-tu ?

-C’est très simple, je retiens ma respiration durant le trajet.

-Na… naturellement. » Tout d’un coup, à l’idée de savoir qu’il avait un contact avec la Terre, il fut tout d’abord pris d’une sorte de sentimentalisme propre à l’exilé, et qui donnait l’orgueil d’un patriote à celui qui avant n’avait jamais fait attention à son drapeau. Mélancolique, il demanda : « Pinkie, peux-tu me donner des nouvelles d’Equestria ?

-Des nouvelles ?

-S’il s’est passé des choses intéressantes, ces derniers temps.

-Eh bien, ça va être la saison du cidre et Poneyville est envahie par les touristes. La princesse Celestia a reçu l’ambassadeur du pays des cerfs, et une de mes amies, Twilight, une princesse, voyez-vous, elle serait ravie de vous connaître, elle adore les nouveaux amis ! Donc je disais, Twilight est partie la seconder. Et puis il y a la suite de ce film, qui va sortir, comment il s’appelle, déjà ? Ah, oui ! Donut Steel 2 ! Tout le pays a hâte de le voir, moi aussi ! Même si toute mes amies se bornent à dire que ce film est une m…

-Merci Pinkie ! » Il tenait la clé de sa libération entre ses mains. En un instant, la joie remplaça la mélancolie. Elle avait évoqué une Princesse, Twilight. S’il se souvenait bien, elle avait été couronnée il y a peu de temps. Mais qu’importe, si Pinkie pouvait la prévenir, la requête aurait une chance de monter jusqu’à Celestia, et il serait de nouveau sur Terre ! Luna avait beau jouer les innocentes en prétendant améliorer ses conditions de vie en le plaçant ici, il n’en restait pas moins innocent à son propre regard. Et c’était tout ce qui comptait. « Mais… de rien ! lui répondit-elle.

-Pinkie, s’il te plaît, tu pourrais me rendre un service ? Elle colla ses yeux contre les siens, d’un air de menace qui tranchait absolument avec sa bonne humeur habituelle.

-Je t’ai déjà rendu un service, pourquoi je t’en devrais un autre ?

-Eh bien… Je… J’ai protégé les marshmallows de Gummy des voleurs ! Elle reprit un air enjoué.

-Oh ! Oui, c’est vrai ! Alors je te le dois ! Qu’est-ce que tu veux ?

-Pourras-tu dire à ton amie Twilight qu’il y a actuellement sur la Lune une licorne victime d’une injustice ?

-C’est très triste. Mais je lui dirai.

-Merci, Pinkie, vraiment.

-Ce n’est rien ! C’est pour ça que sont faits les amis !

-Juste, tu ne m’en veux pas pour ce qui s’est passé hier soir ?

-Hein ? Oh, je te l’ai dit, je suis parti en vitesse, je n’ai pas vu la fin. Enfin ça restait drôle de te voir rire devant public ! D’habitude c’est le public qui rit devant le comédien ! » La remarque fit sourire Whitepath. Qu’importe l’étrangeté de cette Pinkie Pie. Elle était sa lueur d’espoir, et la seule source d’amitié qu’il avait eue depuis son arrivé sur la Lune.

Tout à coup, elle eut un spasme, et un autre. Ses oreilles se mirent à trembler et à se rabattre sur son visage, puis elle cligna des yeux à la manière d’une épileptique, enfin, ses genoux se mirent à trembler comme si tous ses nerfs s’étaient déréglés. « Pinkie… Tu... Tu vas bien ?

-Le signal, le signal ! Oh my gosh, une porte va s’ouvrir !

-Je ne vois pas de quoi avoir peu… »

Avant qu’il n’eût fini sa phrase, la porte de l’annexe s’ouvrit, laissant apparaître l’expression furieuse de Madscroll. « Qu’est-ce qui se passe, ici ? » Il était venu à cause du bruit suspect dans la chambre de son hôte. En ouvrant la porte, quelle ne fut pas la vision d’horreur. Une jument équestrienne d’une couleur qui lui était complètement inconnue et dont l’expression joyeuse l’affectait profondément. Mais comment a-t-elle pu venir ici ? Elle a dû trouver quelqu’un pour la faire venir. Lui, cette licorne pleine de secrets qui balayait d’un air innocent, c’était sûrement un sorcier ! Pas un pratiquant des arts sombres, comme lui, mais un mage saboteur qui venait invoquer des choses roses et mignonnes dans sa librairie où il conservait l’ambiance austère de son enfance. Sur les nerfs, il s’avança. La jument bondit devant lui en un éclair, ce qui lui causa une terreur intense. « Bonjour, la chauve-souris ! C’est quoi ton nom ? » La voir de près torturait les nerfs de cet esprit qui ne connaissait que peu de couleurs vives. Il devint pâle de terreur et s’effondra par terre.

« Ha… il a pas l’air d’aller très bien. Monsieur ?

-Douce Celestia, Pinkie, tu ne vois pas qu’il fait une crise ?

-Ah… Zut.

-Bon sang, bon, on va faire comme ça, toi retourne sur Terre et préviens la Princesse Twilight, moi, je vais essayer de faire en sorte qu’il vive. »

Il essaya un massage cardiaque approximatif. Mais le patient ne risquait rien sachant qu’il s’était juste évanoui. Par mesure de sécurité, Whitepath sortit, aidé par Pinkie pour tenir le corps de Madscroll. Ils le portèrent dehors, et se séparèrent devant la tour. Ce jour-là, quelques âmes nocturnes affirment avoir vu un poney rose s’envoler dans l’espace avec un hélicoptère à pédales formé de sucres d’orge géants. Les cadavres de bouteilles qui étaient à leurs côtés lors des témoignages, au matin, conduisirent plus d’un à penser de façon sceptique vis-à-vis de l’anecdote. Whitepath en faisait partie. Il vit que toutes les lumières du village n’étaient pas éteintes, et prévint un paysan qui allait appeler les secours. Ce ne fut pas nécessaire. Trois bat-ponies arrivèrent en volant près du lieu où ils virent Madscroll gisant au sol. Deux le prirent en charge et le troisième demanda à Whitepath de vouloir le suivre bien poliment.

Luna s’apprêtait à s’endormir, repensant à cette journée bien remplie quand une douleur horrible frappa à l’intérieur de sa tête. Cette douleur, ce n’était pas la sienne, c’était… c’était son élève, Madscroll qui souffrait, envoyant inconsciemment un message télépathique à la Princesse, qui se traduisait dans ce cas d’urgence par une émotion pure. Il s’était passé quelque chose de terrible. Et Luna hurla. Pas de douleur, mais d’inquiétude. Et ce hurlement fit grand bruit dans Manemoorne, la position du palais ayant été favorable à la propagation de ce son qui annonçait de grands malheurs. Elle ordonna à sa garde personnelle la plus rapide d’aller secourir son apprenti, un des êtres qui lui était le plus cher, et de ramener Whitepath, qu’elle savait instinctivement coupable. Quand les ordres furent accomplis. Elle resta trois heures, morte d’inquiétude au chevet du bat-pony, dans l’hôpital privé du palais. Quand celui-ci ouvrit les yeux, il raconta tout ce qu’il avait vu, non pas par des mots, mais par des images qu’il envoyait à l’esprit de la princesse. Elle y reconnut Pinkie Pie, l’élément du rire. Elle tremblait de rage. Elle ne savait pas comment Whitepath était parvenu à appeler du secours, mais il l’avait fait, et maintenant il était trop tard pour intercepter le poney aux trois ballons.

Quoi qu’il en soit, il avait prouvé qu’il voulait activement s’échapper. Elle devait le garder près d’elle pour être en sécurité. Elle donna ses ordres au geôlier qui le gardait dans une cellule de haute sécurité, alors qu’il rattrapait son sommeil. « Puisqu’il ne sait que balayer, ce parjure, vous lui ferez balayer le musée. Il ouvre dans un mois et il manque de personnel. Puis baste ! Faites le commencer maintenant ! ». Elle hurla cette dernière phrase grâce à la voix royale de Canterlot, ce qui réveilla Whitepath, qui était trop fatigué pour comprendre ou se sentir coupable de quoi que ce soit. Son chancelier, un bat-pony vieux et formel, l’apostropha et lui fit savoir que Celestia voulait la voir immédiatement à Canterlot. « Soit » se dit-elle. Sans préparation, ni cérémonie, et toujours la rage au ventre, elle partit.

Elle arriva en quelques minutes, ce qui n’était pas un exploit, pour une déesse. Elle se posa sur la plus haute tour alors que la nuit était déjà très sombre. Elle entra dans le bureau de sa sœur en grommelant. Sa sœur l’attendait, un air de gravité au visage. « Tu m’as l’air bien morose ma sœur.

-Tu crois ? lui répondit Luna d’un air d’ironie.

-Oh, je te recommande de baisser d’un ton. Je t’ai fait appeler à cause d’une lettre, non en fait, de deux lettres. L’une m’est parvenue ce matin, l’autre il y a quelques heures.

- Et ? grogna Luna, énervée et épuisée.

-La première vient de ton chancelier. Elle me dit que tu es actuellement sujet à des bouffées de stress intenses. Je vois cela dit la princesse du jour d’un air de dédain. La seconde vient de ma chère élève et de notre récente collègue, la princesse Twilight Sparkle. Luna prit peur et écarquilla les yeux. Il se trouve que son amie, Pinkie Pie, a débarqué chez elle en pleine nuit pour lui apprendre que tu aurais injustement un prisonnier. Elles ont rédigé la lettre que j’ai reçue ce soir. Cette lettre, elle l’a également envoyée à Cadence, au cas où il te serait tenté de lui mentir sur tes intentions. On y trouve également le nom et la description du personnage susdit.

-C’est un mens…

-Tatatatata ! Chère sœur, laisse-moi finir, dit ironiquement la princesse du jour qui était fatiguée et qui comptait bien passer verbalement ses nerfs sur sa sœur, qui l’avait bien mérité après tout. Je sais qu’il n’y a que toi qui puisses bannir les gens sur la Lune, je suis donc allée voir à Manehattan, la ville d’origine de ce jeune homme. J’ai cherché des traces de ta magie et je suis tombée sur cela, dit Celestia en brandissant le terrible pin que Luna n’avait pas pu remettre au malheureux Whitepath. C’est marrant, sœurette, je n’ai jamais pu comprendre tes jeux nocturnes, et pourtant, ce n’est pas faute d’y avoir réfléchi avec toutes les plaintes qui m’arrivent de la campagne et que je place sous silence parce que tu es ma sœur. » Luna suffoquait de honte. Elle était vaincue. Celestia, malgré sa crinière lumineuse mal coiffée et ses cernes, sourit devant ce constat : « Pour cette occasion, ma sœur, permets-moi de te demander de changer de comportement. Je te suggère, oh, pardon. J’exige que tu relâches ce jeune homme et que tu présentes des excuses publiques à sa famille.

-Et sinon ?

-Les autres plaintes peuvent toujours être gérées elle aussi, fais-moi conscience, petite sœur, tu préfères ma justice approximative à la droiture d’un juge correct. » Luna acquiesça. Elle repartit vers la Lune sans saluer sa sœur, qui n’avait même pas dit bonsoir.

Whitepath aurait pu être bien malheureux dans les circonstances que nous venons de voir. Il n’en fut rien, et pour une seule et unique raison : il était bien trop fatigué pour ressentir quoi que ce soit. Quand les bat-ponies arrivèrent, il n’eut d’autre choix que d’être escorté au palais en urgence, et pour cela il fallait voler, et les émotions fortes le fatiguaient. Non seulement, il avait eu une demi-nuit, un cauchemar, et ce qui suit, mais en plus Luna avait ordonné qu’il se remette au travail maintenant. Il trouvait cela amusant avec le recul. Sur Terre, il devait chercher à tout prix des endroits à balayer. Sur la Lune, la princesse le priait de balayer partout, à la campagne ou à la ville, en carrosse, en char ou en sabots, il fallait tout balayer. Tout le temps. Partout. Peut-être qu’en fondant une entreprise de nettoyage ici, il ferait fortune, et avec tout cet argent, il aurait une belle collection de cafetières. À lui et à personne d’autre.

Il tombait de fatigue toutes les cinq minutes, alors le garde qui le surveillait lui tapotait l’épaule, doucement, parce que ça faisait peur de voir ce pauvre type tombant de sommeil marmonner en balayant qu’il était le souverain héritier de tous les placards à ballets d’Equestria, et que tout de même, c’est cruel de faire une pareille chose. L’habit bleu des nettoyeurs de musées est déjà suffisamment ridicule sans qu’on ait à le faire porter à des gens qui meurent littéralement de sommeil. Sinon le musée était calme. Les nombreux pots et objets précieux qui ont été récupérés pour la plupart dans la vieille forteresse des montagnes de Nightmare Moon dormiraient bien une nuit de plus. Si celui qui l’avait visait la poussière plutôt que les socles qui soutenaient des pièces fragiles. Soudain, une ombre bouge à travers le dôme en verre de l’édifice. On le brise. Qu’est-ce que ? se demande le garde, mais il n’a pas le temps de répondre. Dans l’ombre, un gourdin est venu embrasser sa nuque sans protection. Il tombe. Pour Whitepath, les voleurs n’ont pas besoin d’armes. Le malheureux s’endort tout seul. Les mystérieux assaillants de l’ombre l’emmènent avec eux.

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Craïnn
Craïnn : #12265
Lovechafou29 janvier 2015 - #12262
Ta fiction est vraiment bien de plus tu représente super bien pinkie
Merci. Pour quelqu'un qui admire l'élément du rire, le mal représenter serait fâcheux. ^^
Il y a 3 ans · Répondre
Lovechafou
Lovechafou : #12262
Ta fiction est vraiment bien de plus tu représente super bien pinkie
Il y a 3 ans · Répondre

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