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Whitepath ou la résignation vaine. [...]

Une fiction écrite par Craïnn.

Chapitre 2 : Une prestation cauchemardesque

Désespéré et tombant de fatigue, Whitepath se résigna à entrer dans le bâtiment devant lequel on l’avait si violemment laissé choir. Si ce n’avait été le nom du service, rien ne distinguait ce bâtiment du précédent, tant les deux intérieurs étaient similaires. Il s’avança péniblement vers l’accueil, timide et gêné de ne pas savoir comment formuler sa demande (Il est en effet délicat d’obtenir des services lunaires qu’ils vous aident quand ils savent que vous avez porté atteinte à leur dirigeante), mais il n’eut pas à s’embarrasser de cela longtemps. En effet, la bat-pony qui tenait l’accueil, beaucoup plus jeune que la vieille qu’il quittait, le regardait d’un air de haine forcé. Elle portait des lunettes pareilles à celle que la vieille portait, et sa coupe en chignon manquait de la rendre ridicule, mais pour ce qui était des bureaucrates au style improbables, Whitepath avait donné.

Elle le toisait donc d’un regard qui démontrait au choix, soit une haine primaire des équestriens, soit qu’elle n’ignorait pas le geste dont s’était rendue coupable la licorne vacillante devant elle. La seconde réponse était la bonne. Elle rompit le silence d’un ton imprimé d’une gravité de ministre. « Inutile de vous présenter ou de demander quoi que ce soit, votre dossier m’a été envoyé. Je traiterai votre demande si vous acceptez de signer ce formulaire », dit-elle en lui tendant le papier. Elle avait fait résonner sa voix à travers toute la large pièce de l’accueil, comme pour se donner une grande prestance, effet qui n’eut d’autre conséquence que de maintenir Whitepath réveillé, lui qui était trop fatigué pour continuer à se plaindre sur son sort. En dehors de ces deux personnages, la grande pièce était entièrement vide, ce qui rendait doublement caduc l’effet oral de la jument.

Whitepath prit le papier alors que la bat-pony commençait à taper sur son ordinateur. Il le lut rapidement, avec toute l’intention qu’une personne dans son état pouvait en porter. Pensant qu’il était ridicule de s’attarder plus longuement, sachant qu’il n’avait pas le choix et qu’il menaçait de s’endormir d’une minute à l’autre, il prit un stylo relié par un socle de plastique par une chaînette et signa le bas du papier d’un sabot tremblant et maladroit. Il rendit machinalement le papier alors que sa pensée se focalisait sur l’image sacrée et salvatrice d’un édredon tendre, d’une couette épaisse et d’un matelas moelleux.

« Bien, dit la jument alors qu’elle posait la feuille dans un tiroir situé sous son bureau. Maintenant, vous n’ignorez pas que ce contrat vous lie à l’obligation de trouver un emploi ? » Whitepath acquiesça, cette condition ayant été évoquée avec violence par le terrible bureaucrate Strongeye quelques minutes plus tôt. « Très bien, reprit-elle. En tant que responsable de votre dossier, je m’occuperai de votre insertion dans notre milieu, vous commencez demain. » Whitepath écoutait sans rien dire tout en pensant à la sainte trinité de la literie qui ornait désormais ses fantasmes de confort éperdus. « Aussi je vous attribue ce qui ne sera que le travail d’un soir. Avez-vous déjà été dans le monde du spectacle, Mr… Whitepath ? La question était si inattendue qu’elle rendit un brin d’énergie à notre héros.

-No… no… non madame, pourquoi cela ?

-Parce que la liste des emplois qui correspondent à votre dossier m’indique qu’il est temps de vous y essayer. » Notre pauvre Whitepath avait cru naïvement que cela ne pouvait pas être pire, et ce le fut. Il tenta de comprendre, et surtout de chercher une échappatoire à la situation. « Je n’ai aucune autre alternative ? demanda-t-il en retenant son souffle.

-Non, je n’ai que cette proposition, et vous êtes prié de vous y conformer. À moins que l’air frais des rues de Manemoorne ne vous soit plus rassurant qu’un logement décent. »

Il céda. « Et que devrai-je faire exactement ?

-Vous êtes engagé comme intermittent du spectacle au bâtiment culturel. Il y a une soirée préparée demain soir en l’honneur de la future inauguration de notre musée. Ce sera une soirée de spectacle libre, il vous faudra juste impressionner le public par une démonstration de force, tour de magie, acrobatie, ayez juste de l’imagination. Il faudra que vous soyez prêt pour demain à vingt et une heure.

-Mais je ne sais rien faire de tout cela ! se lamenta Whitepath, excédé par l’impossibilité croissante de la demande.

-Ça ou la rue, rappela la jument avec un sourire inique.

-Je… je trouverai, conclut Whitepath, vaincu par la fatigue et la pluie de malheurs qui s’abattaient sur lui.

-À la bonne heure ! Maintenant, nous en venons à la partie qui vous intéresse, suivez-moi. »

Il obéit alors que la bat-pony quittait son bureau, un trousseau de clés dans son sabot. Elle prit un couloir qui s’enfonçait dans l’immeuble et alla vers un ascenseur, qu’elle appela. « Vu que vous êtes nouveau, je vais vous expliquer comment on fonctionne ici, lui dit la jument sans le regarder. Dans cet immeuble, nous avons nos bureaux mais aussi les appartements des employés ainsi que de ceux qui ont recours à nos services pour trouver du travail, comme vous. Il n’y a pas de salaire versé mais vous avez tout le confort moderne : chauffage, eau courante, électricité. » L’ascenseur s’ouvrit. Ils entrèrent et la jument reprit : « Toute demande particulière qui a pour but d’apporter du superflu à votre confort doit être manuscrite et devra passer par moi, et elle vous sera accordée en fonction de votre mérite. Des produits alimentaires de base vous sont apportés une fois par semaine. Tout est déjà meublé et prêt. ».

L’ascenseur s’ouvrit sur un couloir entièrement tapissé de moquette rouge et où les murs avaient été décorés avec des panneaux de bois vernis et stylisés qui donnaient au couloir une intimité et une ambiance qui tranchait agréablement avec le gris habituel des bâtiments de Manemoorne. Ils suivirent une suite de couloirs qui aboutirent sur la chambre marquée par une petite plaque dorée au numéro 564. « Ceci est votre chambre. Tout y a été préparé pour votre confort... » dit la jument en ouvrant la porte. Whitepath sentait bien que le mot régicide restait coincé dans ses cordes vocales. Il la suivit dans l’appartement où elle venait juste d'allumer la lumière.

L'appartement était de taille raisonnable, convenu pour le confort d'un seul poney. Il était sobrement tapissé de papier peint rouge avec de la moquette sur le sol. Une unique fenêtre, qui faisait les dimensions de la chambre, aurait pu laisser une vue magnifique, si le paysage ne se résumait pas au triste champ de gratte-ciels qui composait Manemoorne. Pourtant, on y apercevait des bouts d'un bâtiment de couleur bleu de nuit, aux courbes harmonieuses et qui dépassait les autres en taille, ce qui était un exploit, et en grâce, ce qui était chose facile. Nous y reconnaissons le palais de Luna de Manemoorne, dont l'inauguration du musée qui y était rattaché avait mis les hauts services sens dessus dessous. Plus loin, en tendant le regard, on apercevait un bâtiment petit, bas, informe et aussi gris que les autres tours sans âme et sans esthétique de la ville. C'était le bâtiment culturel où le destin de notre héros allait se jouer dans moins de vingt-quatre heures.

Le reste de l'appartement nous intéressera que peu : un lit simple avec lampe et table de chevet, sur laquelle gisait un réveil matin, un frigo, un support avec plaques de cuisson, une salle séparée pour les besoins hygiéniques et naturels et des placards fournis de produits de première nécessité était le lot de cet habitat qui méritait de plein droit l'épithète de confortable. « Vu que vous avez l'air de dormir plus que de m'écouter, finit par lui dire la jument qui s’embêtait en vain à souligner longuement tous les avantages qu'avait en son exil ce prétendu meurtrier, je pense que je vais simplement vous laisser les clés sur la table de chevet. » Elle les posa. « Et, lorsque vous partirez pour votre travail demain, il faudra me les redonner et justifier chacune de vos éventuelles sorties. En tant que responsable, je suis en droit de tout savoir sur vous. Si vous ne me trouvez pas à mon poste, faites demander Mlle Borehome. ».

Elle partit en vitesse, faisant claquer la porte à sa sortie et jurant à voix haute dans le couloir avec toute l'amertume que sa conscience professionnelle avait jusque-là retenue. Whitepath, sans se retenir, éteignit la lumière et bondit sur le lit pour s'endormir dans la seconde. Un sommeil mielleux et sans rêves.

Lorsqu'il se réveilla, le réveil afficha onze heures. Ce ne fut que l'appel du ventre qui poussa Whitepath à s'extraire à regret du lit. Il se rendit alors compte qu'il avait dormi vêtu de son manteau toujours souillé par la marque poussiéreuse laissée par le sabot de Strongeye. Alors ses sentiments se focalisèrent sur son aventure de la veille. Plus il y méditait, plus il convenait de se laisser faire. Certes il était innocent, car même s'il avait frappé Luna, ce n'était pas en connaissance de cause et de toute façon son coup était trop faible pour avoir fait le moindre petit dégât, mais de l'autre côté, allez expliquer à ces charmants poneys lunaires miséricorde pour une atteinte, même minime, portée à leur déesse. De plus répliquer ferait que sa situation s'envenimerait, et se priver de cet appartement était bien le dernier malheur possible. Quant à ceux qui étaient là-bas, sur terre... Il essayait de ne pas y penser. Il se demanda juste une fois comment ses connaissances réagiraient. Après tout c'est vrai ! Il ne pouvait pas réagir sur la lune, mais en Equestria, ce serait facile. Il s'accrocha à cette pensée et à cet espoir pour se donner un ersatz de motivation. Il déjeuna goulûment et prit plaisir à saisir dans ses sabots la cafetière de l'appartement, qui lui ramena à elle seule une vague de franc plaisir qui compléta cette pensée positive.

Une fois qu'il eut déjeuné, qu'il se fut lavé et qu'il eut lavé son manteau, il regarda de nouveau le réveil qui indiquait quinze heures. Il n'avait toujours pas trouvé de tour à proposer en ce qui concernait la mauvaise passe du soir mais il avait son idée. Il irait dans les coulisses le plus tôt possible afin de demander conseil ou de tirer profit du matériel mis à sa disposition. Il reprit un café et partit. Il ferma sa porte, descendit à l’accueil où il remit sa clé à la dénommée Borehome, qui se montrait plus franche et plus agressive dans son expression que la veille.

Il sortit et demanda son chemin aux passants, ce qui l'amena en une demi-heure devant la porte du bâtiment dont l'architecture s'était vue désertée par toute forme de bon goût. Nous avons déjà mis un point sur sa petitesse, mais pas sur sa difformité monstrueuse. Un hall, qui formait, vu de l’extérieur, un pavé plus large que long, s'étendait en offrant accès aux différentes salles et donc services. Il est inutile de préciser qu'une salle de cinéma ne tient pas dans les mêmes dimensions que celles d'un café-théâtre. Cela constituait la tare de la bâtisse, qui reliait à on hall des cubes de proportions et volumes variés qui auraient volontiers plu au plus servile des critiques avant-gardistes si le gris de Manemoorne n'avait pas possédé ce bâtiment.

Whitepath franchit le seuil de la porte automatique et s'adressa à l’accueil – demande dont nous tairons les détails, n’ayant que trop fréquenté les poneys de bureau dans ce récit. On lui indiqua les coulisses de la salle dans laquelle il devait se préparer. Il s'y dirigea sans attendre. Si les bureaux de Manemoorne ne sont que trop gris pour être habités de cette âme que les architectes accréditent parfois à leurs ouvrages, les murs de l’intérieur de ce pseudo-lieu de culture n'étaient que trop décorés. Des ensembles de décorations murales aux couleurs agressives semblaient représenter maladroitement les étapes importantes de l'histoire de la Lune. Whitepath, sans être critique d'art, ne put se retenir d'une moue de dépit face à cette tentative d'un peuple de bureaucrate de s'essayer à un domaine aussi peu conventionnel et prédictible qu'est l'art. Les figures n'avaient pas été bâclées, mais supposaient que tout n'était que le résultat d'un pur calcul géométrique. Et à raison. S'il avait continué son chemin, Whitepath aurait aperçu le peintre qui préparait les traits qui prédisaient un dessin célébrant le retour de Luna sur son trône. Il venait de lâcher le compas géant qu'il avait utilisé pour faire la tête et prenait maintenant sa règle et son rapporteur pour le reste du corps.

Whitepath arriva dans le sombre couloir qui menait à la scène. Là, sur un plancher éclairé de lumières éparses, des bat-ponies préparaient leurs démonstrations d'artiste du soir. Tours de force, musique, acrobatie, magie, tous les amusements primaires étaient rassemblés. Whitepath garda le souvenir notoire d'un bat-pony déguisé en clown, et qui, malgré tous ses efforts, ne parvenait pas à quitter l'air sérieux propre à son espèce. Mais une vision plus frappante dirigea le regard de notre héros alors qu'il cherchait avec une anxiété certaine ce qu'il présenterait au public le soir même. C'était, au milieu de tous ces bat-ponies qui ressemblaient plus à des tortionnaires qu'à des gens amusants – même en habits de clowns – qu'il remarqua une equestrienne. Une terrestre, d'un rose bonbon remarquable. Une crinière et une queue plus ébouriffées que si une tornade les avait mélangées. Trois ballons en Cutie mark, deux de couleur bleue et un de couleur jaune, un peu au-dessus. Outre que l'aspect exotique de l'apparition, qui était déjà impressionnante, même pour une terrestre, faisait grand effet au milieu des autres artistes, qui la regardaient avec curiosité, elle galvanisa les espoirs de Whitepath qui voyait en elle, soit une autre bannie, soit une artiste émigrée. Dans les deux cas, il était décidé à lui parler, car le sourire qu'elle affichait en préparant ce qui semblait être un canon bleu relié à des roues qui avaient des motifs de fleurs était des plus agréables. Enfin quelqu'un qui ne le regarderait pas avec haine !

Il s'approcha, timide. « Ex... Excusez-moi

-Hein ? » dit la terrestre en se retournant. Elle fit une expression surprise en voyant Whitepath. « Ho my gosh ! Ils ne sont donc pas tous partis ?! s’écria-t-elle

-Qui est parti ? demanda Whitepath, confus.

-Mais enfin ! La troupe d'artiste equestrienne venue faire le spectacle hier soir ! »

En effet, même sur terre, la situation culturelle de la Lune était connue. Ainsi Celestia avait pris l'initiative d'envoyer une ambassade d'artistes afin de donner l'exemple à ceux de la lune.

« Il y avait des equestriens hier ? reprit Whitepath.

-Plein ! Au moins trente ! Mais tu n'es pas supposé le savoir ? Nom de Celestia ! Tu as loupé la navette ! hurla la terrestre rose.

-Qu... Quoi ?

-Hein... attends, tu n'étais pas ici, hier, je me trompe ?

-A... Absolument pas.

-Alors tout va bien ! Elle reprit un grand sourire et se concentra de nouveau sur le canon.

-Je... Je dois vous demander... Elle se retourna en une demi-seconde, faisant sursauter Whitepath.

-Ouiiii ?

-Vous parliez d'une navette et d'autres equestriens... dit poliment Whitepath qui voyait son billet de retour dans le récit de la jument.

-C'est exact ! Pourquoi ?

-Eh bien voilà, j'ai eu heu... un… accident. Depuis je suis coincé ici, et... je voulais savoir si... Il hésitait, lui dire toute la vérité était suicidaire.

-Vous voulez rentrer ? Je suis désolée mais la navette est partie.

-Mais vous, vous allez bien rentrer ?

-Oui.

-Donc vous avez un véhicule.

-Oui, mais il ne contient qu'une seule place. » Whitepath, sans se décourager, se rétracta à son espoir précédent, à savoir l'aide de ses proches. Mais il n'arrêta pas ici cette conversation. « Ho... dommage, et, puis-je vous demander pourquoi vous et d'autres equestriens étiez ici.

-Ho ! Hé bien Celestia a demandé à des artistes volontaires de faire une représentation sur la lune. Et je suis venue.

-Mais alors pourquoi n'êtes-vous pas partie avec les autres.

-Ho... Ça, c'est parce qu'il y avait cette licorne bleue habillée en magicienne avec un ego comme ça fit-elle en se dressant et en écartant les bras le plus qu'elle put. Et qui m'avait volé mon museau une fois. Je n'ai pas voulu passer ou voyager avec elle. Alors j'ai pris mon propre moyen de transport et je vais faire mon show ce soir ! » Whitepath, troublé par cette histoire de licorne bleue, se demandait quel type de véhicule pouvait faire un trajet Terre-Lune aussi simplement que cela. Mais il fut interrompu dans ses pensées par la terrestre. « Mais je ne t'ai pas vu avant et... héééé... attends une minute, dit-elle en concentrant son regard sur son visage. Nope, je ne te connais pas. Oh Celestia, c'est horrible, nous ne nous sommes même pas présentés ! Comment tu t'appelles ? demanda-t-elle avec une expression d’anxiété.

-Mon nom est Whitepath et...

-Enchantée Whitepath, je m'appelle Pinkamena Diane Pie, mais mes amis m'appellent Pinkie Pie ou Pinkie ! Son visage avait repris un grand sourire. Ça devenait effrayant.

-Enchanté Mlle Pie…

-Nous ne sommes donc pas amis ? demanda Pinkie en faisant la moue.

-Ah... Désolé... Pinkie...

-Oh my Gosh ! Un nouvel ami ! C'est super-méga-giga génial ! hurla de joie Pinkie, attirant les regards des bat-ponies et détruisant du même coup l'ouïe de Whitepath, qui se demandait quel pêché il avait commis pour mériter cela. Oupsie, désolée... reprit-elle en voyant tant de regards braqués sur elle. Et à l'adresse de Whitepath : et donc, tu participes au spectacle de ce soir ?

-Oui.

-Mais c'est super ! Moi aussi ! Tu vas faire quoi ? Ho ! Ho ! Laisse-moi deviner, tu vas te servir de ce grand manteau comme d'un parachute en sautant d'une échelle, non, non, tu es une licorne, tu fais de la magie ! C'est cela ! Hein, c'est cela ?

-Honnêtement je n'ai aucune idée de ce que je ferai. L’enthousiasme de Pinkie Pie à poser des questions s’effondra devant un silence de déception. Elle plongea un regard presque meurtrier dans celui de Whitepath. Celui-ci frissonna.

-Pas … d'idée ! Mais c'est horrible ! On ne vient pas sur scène sans idée ! Quel genre de démon es-tu pour dire des horreurs pareilles ?

-Je... je n'ai pas choisi de monter sur scène Mlle... euh... Pinkie. Je n'ai reçu cette responsabilité que hier.

-Mais comment est-ce possible ?

-C'est… Il hésita devant les grands yeux bleus de Pinkie. C'est un secret ! dit Whitepath avec un rire nerveux.

-No problemo Roberto ! Je serais une bien mauvaise amie de vouloir savoir les secrets des autres. Mais, ma conscience de fêtarde professionnelle m'interdit de laisser les choses dans cet état. Je dois t'aider ! Il y avait dans ces paroles quelque chose de vaguement gênant et de profondément réconfortant. Néanmoins l'alternative n'était pas de l'instant. Il accepta.

-Bien, dit Pinkie, tout d'abord, c'est quoi ton truc ?

-Mon truc ?

-Ce que tu fais d'habitude.

-Je balaye. Le visage de Pinkie exprimait la déception la plus complète.

-Tu … balayes ? Ce n’est pas divertissant, ça ! Bon, on va essayer autre chose, c'est quoi ta Cutie Mark ? » Je pense avoir ici suffisamment parlé du sujet pour ne pas avoir à développer la sensibilité de la question. Mais Whitepath savait cette fois que mentir ne mènerait à rien. De plus son instinct lui disait que Pinkie avait ce petit quelque chose qui fait que l'on a la confiance d'une personne sans la connaître. Il détourna tout de même le regard. « Je… Je n'en ai pas.

-Hahahahaha ! Ah, c'est donc ça ! Tu es un comique ! Hohohoh ! Pas de Cutie Mark ! Hahahaha ! Excellente ! Je la ressortirai absolument à mes amies. Elle se calma brusquement quand elle vit l’œil rougi de Whitepath lâcher une larme d'une taille conséquente. Ho... Ho... Je... Je suis vraiment désolée. C'est... C'est juste que... les Cutie marks, ça ne dépasse pas l'enfance. Sans vouloir t'offenser.

-Il n’y a pas de mal, sanglota Whitepath, qui était devenu la cible des lazzis de quelques bat-ponies. Pinkie mit son sabot sur son épaule. « Allons, je dois me faire pardonner, c'était honteux.

-Non, vraiment Pinkie, ça v...

-Ça va ?! Comment ça, ça va ? Je viens de te ridiculiser et je t'ai fait une promesse ! Une véritable amie ne devrait pas faire de peine à ses amis ! » Le fait d'être appelé ami par quelqu'un suffisait à panser les sentiments blessés de Whitepath. De plus, la façon d'agir absolument absurde de cette jument lui donnait irrésistiblement envie de sourire. Il parvint à retenir ses larmes et tenta vaguement un sourire à son tour. « Je t'assure que tu ne m'as nullement fait de la peine, Pinkie.

-Alors tout va bien. Bon, si tu ne peux rien faire, il faudra faire semblant... Ho ! J'ai une idée ! lança tout à coup Pinkie.

Whitepath, impatient de connaître l'idée qui avait germé si vite dans la tête de Pinkie et motivé à l'idée que la providence lui envoie un tel soutient dans ces heures sombres, observait attentivement la terrestre rose qui fouillait dans une espèce de sac. Elle en sortit quelque chose de vert. Elle se retourna vivement, un petit reptile dans les sabots et un grand sourire aux lèvres. Whitepath sursauta. Nouvel éclat de rire chez les bat-ponies. « Douce Celestia, demanda Whitepath qui avait posé le sabot sur son cœur, qu'est-ce que c'est que cela ?

-Hihi ! N'aies pas peur ! C'est juste Gummy, mon alligator domestique !

-Ne pas avoir peur ? Il pourrait mordre !

-Mais non, il n'a pas de dents ! » Et, comme pour attester les dires de sa maîtresse, le petit alligator bondit, la mordit à la jambe, puis à la crinière et enfin au dos. Aucune trace de morsure et de douleur ne semblait affecter Pinkie. Puis, elle le prit et le reposa à terre, où Whitepath observa de plus près l'animal. En avoir peur était en effet ridicule, il était petit et avait plus de chances de noyer quelqu'un dans sa bave que le saigner à mort. Il avait deux larges yeux où des rayons violets semblaient converger vers ses pupilles en amande. Ce regard était à la fois vide mais menait à la fascination, comme si le sens de la vie se cachait derrière eux. Whitepath ne paraissait pas convaincu. « Il... il est très mignon, mais, que pourrait-il faire pour m'aider ?

-Eh bien, tu as remarqué que ses morsures ne sont ni dangereuses ni douloureuses.

-Oui...

-Hé bien affirme que ton talent est la résistance à la douleur ! Monte sur scène et fais-toi mordre devant tout le public ! » Il analysa l'idée. Elle n'était pas si mauvaise, compte tenu de la situation. « Je prends. Mais il y a un hic. Les gens de devant verront bien que ton alligator est édenté. Ils hurleront au scandale.

-Hum... peut-être... Mais, ho ! J'ai une autre idée ! » Elle retourna à son fatras. Un immense bat-pony s'approcha alors de Whitepath « Pourquoi devrais-tu tricher sur ton prétendu talent alors que les autres se donnent de la peine à faire comme il faut ? Pinkie répliqua, en sortant un paquet de bonbons de son sac. « Tu te crois mieux, Batbiceps ? Ou tu veux que le public sache que tes altères de titane sont en polystyrène et que c'est moi-même qui te les ai fournies ? » L'immense bat-pony s'éloigna en grommelant. « Voilà, j'ai ce qu'il faut ! dit Pinkie en montrant un paquet de petits marshmallows qu'elle tenait dans son sabot.

-Tu comptes en faire quoi exactement ? demanda Whitepath.

-C'est simple, regarde. » Elle ouvrit le paquet et prit une bonne poignée de sucrerie. Elle en donna une ou deux à Gummy, puis, tout en lui maintenant la bouche ouverte, elle plaça des marshmallows sur les gencives de l'alligator, de façon à former un dentier suffisamment large pour qu'il n'ait pas la capacité de gober une de ses ''dents'', mais avec suffisamment de marge pour qu'il puisse mordre.

« Je... Je n'y aurais jamais pensé... avoua Whitepath, à demi-convaincu par un stratagème aussi grossier qui portait pourtant son avenir sur la Lune.

-Allons... Tout ira bien ! Maintenant il faut tester ! » Elle bondit pour sortir un sifflet hors de son sac. Et dès qu'elle souffla dedans, le reptile aux yeux violets, désormais armé d'un dentier qui le rendait ridicule et terrifiant à la fois, bondit sur Whitepath, qui, par réflexe, ne put s’empêcher de reculer. La terrible morsure lui provoqua un chatouillement et un petit rire. « Non, ce n'est pas encore ça, dit Pinkie, tu ne dois ni reculer, ni rire. On a encore quelques heures pour t’entraîner, ça devrait aller. »

Il fallut trois quarts d'heure pour faire stopper les frayeurs de Whitepath. Au bout de ces délais, il ne reculait plus. Mais le contact d'une matière douce comme les sucreries sur sa peau l’emperchait de ne pas rire. Le temps passa, mais en vain. Le spectacle commença, aussi il fut impossible de continuer à pratiquer dans les vestiaires, aussi continuèrent-ils dans la loge. On finit par appeler Pinkie Pie pour lui faire savoir qu'elle passait dans cinq minutes. Whitepath se fit un reproche devant elle : « Je t'ai empêchée de répéter, constata-t-il. Tu ne m'en veux pas ?

-Nooon, penses-tu ! J'ai l'habitude de mon numéro. Mais toi, tu en avais besoin.

-Et pourquoi faire cela ? Tu me connais à peine ?

-Peut-être, mais je sais sentir les amis, et par-dessus tout. Jamais on ne dira que Pinkamena Diane Pie a laissé une fête avec un défaut. Jamais. »

Elle partit en vitesse. Whitepath la suivit, par curiosité, il voulait voir son numéro. Elle faucha son canon avant de monter sur scène, saluant chaleureusement le public de bat-ponies qui ne savait jamais comment réagir aux différents numéros. La salle connut un élan de panique général quand Pinkie tourna le canon vers eux. Le coup partit, laissant les premiers rangs recouverts de confettis et de serpentins. Peu de bat-ponies rirent à cette farce, et ceux qui le firent furent considérés comme des originaux jusqu'à la fin de leurs jours. Pinkie disparut de scène et revint, ramenant un autre canon, et un autre et un quatrième. Elle les disposa aux angles de la scène. Puis, elle se faufila dans l'un, tira la cordelette, et partit du canon pour traverser gracieusement la scène, et atterrir dans le tuyau d'un autre canon. De ce tuyau, elle repartit en faisant la même chose, et elle recommença, encore et encore... Avec des figures, des poses, et surtout, toute l'agilité dont on peut exiger d'un acrobate de légende. Au début, des bats-ponies plus sensibles que les autres partirent en exclamations tragiques. « Elle va se tuer ! Elle va se rompre le cou ! », puis la salle partit en exclamations coordonnées. Les Ohhh ! Et les Waaaah ! fusèrent de partout devant ce ballet aérien. Finalement, Pinkie interrompit un de ses vols pour retomber sur la scène en une pirouette qui se terminait par une révérence adressée au public.

L'adresse déployée dans cette dernière manœuvre valut à Pinkie des vagues, des torrents d’applaudissements frénétiques. Whitepath, qui avait été aux premières loges, fut un des plus fervents admirateurs de cette prestation. Impressionné tout d'abord, il flatta par la suite la providence qui l'avait fait tomber sur cette terrestre pour l'aider. Mais il déchanta vite. Il se rendit compte qu'il devrait passer après Pinkie. C'est à dire offrir le plus misérable des spectacles après ce ballet hypnotisant. Le trac le saisit un instant quand il fut moment de paraître sur scène. Ce ne fut que le sourire que Pinkie lui adressait depuis les coulisses de l’autre côté de la scène qui lui donna le courage nécessaire. Il parut, Gummy et son sourire ignoble sur un sabot. Ses pas sur les planches de la scène résonnaient dans toute la salle, tant personne ne soufflait mot. Il se retrouva là. Seul en face de ces poneys importants qui soupaient entre chefs de service, les tables rondes des premiers rangs et leurs occupants couverts de confettis et de serpentins.

Il prit la plus grosse inspiration de sa vie. « Ladys et Gentlemans. Moi, Whitepath, à la fourrure d'acier, vais, devant vos yeux ébahis, résister aux morsures de Gummy, le petit allig... léviathan, le petit léviathan ! » L'emphase et la gestuelle surjouée qu'il avait mis dans cette présentation confirma à Pinkie son statut de comique, du moins dans un cadre moins douloureux que précédemment. Complice de la mystification prévue, elle tira son sifflet et souffla dedans. Gummy bondit d'un seul coup, et écrasa allègrement son dentier sur la jambe de Whitepath, qui n'était toujours pas immunisé aux chatouilles. La salle sauta de surprise au mouvement brusque de la bête. Whitepath eut un frémissement de lèvres imperceptible. L'exercice continua cinq bonnes minutes, mais la salle semblait lassée. « Oui, il ne réagit pas quand on le mord ? Et ? » fut à peu près la pensée de tous, jusqu'à ce que Whitepath, ne tenant plus son expression sérieuse face aux démangeaisons, plissa la lèvre, juste assez pour que les poneys du premier rang puissent s'en inquiéter. Pinkie elle aussi s’inquiéta, mais pour d'autres raisons. Le plissement se transforma en suite de grimaces indescriptibles et une horreur mêlée d'étonnement prit les premiers rangs. La clameur s'étendit à toute la salle lorsqu'il éclata de rire, rire qui fut pris par un râle de douleur par toute l'assemblée. On cria au scandale et on appela de l'aide pour le jeune poney sur scène. Car le peu de considérations que les bat-ponies accordent à l'art leur ont permis de faire abstraction d'une mauvaise performance pour réagir vite quand une vie était en jeu.

Ce fut finalement Pinkie qui tira Whitepath et Gummy vers les coulisses. Ce premier s'y crut à l'abri de tout public, et se laissa aller à un franc éclat de rire. Ce son résonna tellement fort que les spectateurs le crurent définitivement à l'agonie. Et ceux qui ne revirent plus Whitepath après cet épisode de leur vie ne retournent plus à la salle, pensant que son fantôme hantait les lieux. L'assemblée se calma et sortit car de toute façon le spectacle était fini. Quand Whitepath reprit ses esprits. Il appela sa complice d'un soir : « Ho ! Ho ! Pinkie ? » Aucune réponse. Il regarda dans la coulisse, personne. « Pinkie, où es-tu ? » Il commençait à s’inquiéter. « Pinkie ? Tu ne vas pas oublier Gummy ? » Soudain, le bat-pony que Pinkie avait nommé plus tôt Batbiceps vint devant lui. « Pinkie est déjà partie. Elle avait trop honte de ce que tu as fait pour te saluer. Merci d'avoir gâché la soirée, minable. » Il partit.

Sentant une certaine tristesse l'envahir, Whitepath, seul dans les coulisses, posa son regard au sol. À l'endroit où il avait été en train de ''mourir'' de rire, une poignée de marshmallows gisaient par terre. Ceux qui avaient été utilisés par Pinkie pour lui sauver la mise. Il n'avait jamais été friand de ces sucreries, sûrement à cause de la rumeur enfantine qui affirme qu’elles sont faites de poneys blancs qu'on aurait découpés en morceaux. Il jeta ceux-là à la poubelle et trouva le reste du paquet dans les coulisses d'où il était venu sur scène. Il le mit dans une poche de son manteau avant de rentrer chez lui.

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Craïnn
Craïnn : #21973
constantoine15 juin 2015 - #21970
Ho mon dieu, Craïnn a participé en secret à l'écriture de la S5 :D
Illumimanety confirmed.
Il y a 3 ans · Répondre
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constantoine
constantoine : #21970
Craïnn15 juin 2015 - #21968
après la récente vue d'un épisode, il se trouve que Gummy et Whitepath avaient les mêmes problèmes dans la vie. Coïncidence ? Je ne pense pas...
Ho mon dieu, Craïnn a participé en secret à l'écriture de la S5 :D
Il y a 3 ans · Répondre
Craïnn
Craïnn : #21968
constantoine22 janvier 2015 - #11633
Très bon chapitre !
Le passage qui m'a tout bonnement éclaté c'est la description du regard de Gummy
après la récente vue d'un épisode, il se trouve que Gummy et Whitepath avaient les mêmes problèmes dans la vie. Coïncidence ? Je ne pense pas...
Il y a 3 ans · Répondre
Craïnn
Craïnn : #11655
constantoine22 janvier 2015 - #11633
Très bon chapitre !
Le passage qui m'a tout bonnement éclaté c'est la description du regard de Gummy
Merci. Je dois dire que ce regard me fascine toujours.
Il y a 3 ans · Répondre
constantoine
constantoine : #11633
Très bon chapitre !
Le passage qui m'a tout bonnement éclaté c'est la description du regard de Gummy
Il y a 3 ans · Répondre

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