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Le Fruit de la Vengeance

Une fiction écrite par Usui.

Chapitre 17 : Contre-attaque

Twilight était repartie en direction du château de Canterlot une fois sa visite à Symphonia terminée, l'esprit chargé de pensées. En effet, le lieu où était tenu emprisonnée Applejack était à proximité du palais. La licorne repensait à ce qu'il s'était passé dans la salle de classe, à la colère qu'avait éprouvé sa professeur de musiques lorsqu'elle avait abordé le sujet de l'opéra. La disciple de Celestia avait fait de son mieux pour que la musicienne n'en veuille pas à la fermière, mais elle n'était qu'une personne parmi d'autres. La fille Apple s'était quand même mis à dos l'opinion publique !

Ce triste constat avait l'inconvénient de rappeler à Twilight que les autres s'affairaient à mettre sur le cas l'avocat conseillé par Celestia afin de défendre leur amie. La jument mauve ne savait rien de ce Truth Commander et cela l'angoissait profondément. Elle comptait vraiment sur le bagou de Rarity pour parvenir à rallier l'étalon de leur côté. La licorne coupa à travers les jardins du château, en se téléportant lorsqu'il y avait des haies ou des buissons sur son chemin. Au bout d'un moment, elle finit par apercevoir les murs de la prison de Canterlot.

Autant le château des princesses était visible à des kilomètres à la ronde, autant ce lieu était dissimulé avec précaution, comme si celles et ceux à l'origine de sa construction tenaient à faire oublier son existence au reste d'Equestria. Ce qui en soi n'avait rien de choquant : les citoyens équestriens vivaient dans une époque paisible, il était important de maintenir ce calme, en leur faisant oublier le plus possible la présence d'une autorité veillant au grain. Ainsi, il n'y avait en temps normal que peu de gardes patrouillant dans les rues, étant donné qu'ils étaient surtout là pour intimider ceux qui auraient des idées malveillantes en tête. Bien sûr, les mesures s'étaient renforcées suite à l'assaut des changelins au cours du mariage de Shining Armor et de Cadence. Mais ces dispositions avaient le bon goût de ne pas se faire trop visibles aux yeux des habitants.

En parvenant devant les grilles en fer débouchant sur la cour de la prison, Twilight repensa à ce que lui avait dit Applejack peu avant son arrestation : le responsable de l'état des Apple était un changelin. Rarity avait également corroboré les propos de la fermière lors de leurs retrouvailles. La protégée de Celestia avait presque aussitôt commencé des recherches à la bibliothèque de Ponyville, espérant y trouver un remède au mal frappant la famille d'AJ. Cependant, il n'existait pratiquement aucun ouvrage traitant des changelins. Ces créatures conservaient autour d'elles une aura de mystère. Tout ce qu'Equestria savait de cette espèce était qu'elle se nourrissait d'amour et qu'elle pouvait revêtir l'apparence de n'importe quel être vivant. Or, l'état des Apple impliquait bien plus que la perte de leur amour. Leurs esprits tout entiers avaient disparu. Il n'y avait eu aucun précédents de changelins capables d'absorber autre chose que ce sentiment.

Tout le problème était là : elles avaient après tout ce temps découvertes ce qui était responsable de cet étrange affliction, mais pas comment ou pourquoi. Ce qui faisait qu'elles étaient presque encore au point de départ. Le pourquoi intriguait fortement Twilight : pourquoi seulement les Apple ? Était-ce une nouvelle manigance de la reine Chrysalis ? La jument mauve, une fois sa réflexion au point mort, avait demandé à la princesse solaire l'autorisation de se lancer en compagnie de Rainbow Dash en direction du territoire des changelins, situé à l'est. Toutefois, l'alicorne avait rejeté cette idée, arguant que son élève devait être présente pour aider son amie. Et Twilight savait qu'elle avait raison. Applejack traversait l'une des passes les plus difficiles de son existence et il fallait qu'elle ait près d'elle tout le soutien possible, à commencer par ses amies.

La licorne patientait devant l'entrée durant une dizaine de minutes. Le soleil était déjà haut dans le ciel et ne tarderait plus à se coucher. Il fallait que Rarity et les autres se dépêchent ou elles ne pourraient pas parler à Applejack. En observant l'astre solaire, Twilight se rappela de la fois où elle était devenue complètement obsédée par l'idée de remettre un rapport sur l'amitié à son mentor. Étrangement, elle se sentait beaucoup moins affolée cette fois alors que la situation était bien plus importante. La jeune surdouée pensa à cet instant qu'elle devait avoir un bien curieux sens des priorités.

Elle posa ensuite son regard sur la route et vit finalement les silhouettes de ses amies se dessiner au lointain. Elle poussa instinctivement un soupir de soulagement, pourtant elle n'était aucunement certaine que tout s'était bien passé de leurs côtés. Le groupe mené par la licorne blanche accéléra le pas en apercevant Twilight qui agitait son sabot avec fébrilité à proximité de la grille. Lorsqu'elles ne furent plus qu'à quelques mètres d'elles, Twilight se risqua à demander si tout s'était bien passé.

« C'est bon, répondit Rarity avec un léger sourire. Il est sur le cas.

-Ça n'a pas été trop dur de le convaincre ? se demanda la disciple de Celestia.

-C'était aussi facile que de se renverser un sac de farine sur le corps, » jugea une joyeuse Pinkie Pie.

Personne ne comprit l'analogie de la bondissante terrestre. Twilight préféra en revenir aussitôt au sujet initial et questionna ses amies au sujet de Truth Commander :

« Comment est-il ? Vous le croyez capable de faire sortir Applejack ?

-Il est vraiment gentil et serviable, mais... commença Fluttershy.

-... un peu original dans son genre, » conclut la pégase azur.

La disciple de Celestia parut un peu perplexe devant ces informations. Elle aurait peut-être dû se joindre au groupe pour lui rendre visite. Elle se dit néanmoins que l'alicorne solaire ne leur aurait pas conseillé un mauvais avocat. L'essentiel était que Truth Commander ait accepté le travail. C'était bien la première bonne nouvelle depuis une semaine !

« Il a déjà commencé à travailler, expliqua Rarity. Il s'occupe des formalités administratives afin d'avoir accès aux informations sur l'affaire. Il prendra contact avec Applejack demain ou après-demain.

-Je vois, fit Twilight. Bon, c'est pas tout de causer ici, mais le temps passe. Il faut qu'on entre avant que l'heure des visites soit terminée. »

Ses amies hochèrent la tête. Twilight employa sa magie pour ouvrir les grilles. Ces dernières grincèrent. Le groupe s'engagea dans la cour tout en contemplant le bâtiment où était enfermée leur amie. La prison ne paraissait pas en être une de l'extérieur, on aurait simplement dit une annexe au palais de Canterlot. Cette impression disparut bien vite lorsque Twilight et les autres pénétrèrent à l'intérieur. Les murs étaient sombres et humides tandis que les gardes s'affairaient à leurs tâches. Ils étaient vêtus d'une armure argentée qui contrastait avec celles portées par leurs homologues que l'on pouvait voir quelquefois dans les rues et en permanence au château.

L'un d'eux, un étalon terrestre corpulent à la robe pourpre et à la crinière cendrée s'approcha du petit groupe pour leur demander la raison derrière leur présence en ces lieux.

« Nous venons rendre visite à mademoiselle Applejack, avoua sereinement Twilight. La princesse Celestia nous a donné une autorisation écrite pour lui parler, étant donné que son cas est assez particulier... »

Elle sortit de sa sacoche un parchemin qu'elle tendit au garde. Ce dernier lut attentivement la missive avant de la rendre à la jeune licorne en lui déclarant :

« Bien, je vais vous y conduire. Cependant, j'ai le regret de vous informer que seules deux parmi vous pourrez lui rendre visite à chaque fois. »

Twilight se mordit les lèvres. Elle n'avait pas prévu cela. Il fallait choisir les deux qui iraient voir la fermière dans sa cellule. En voyant que les regards de ses amies se posaient une fois encore sur elle, la protégée de Celestia les interrogea :

« Qui parmi vous souhaite absolument voir AJ, là, maintenant ? »

Le silence fut le seul écho à sa réponse. Toutefois, Fluttershy, Rainbow Dash et Pinkie Pie s'effacèrent doucement pour faire place nette à Rarity. La blanche licorne, surprise, se défendit :

« Moi ? J'ai été beaucoup plus aux côtés d'Applejack que vous autres ces dernières semaines ! Ce serait égoïste de ma part d'y aller et de prendre la place de l'une de vous.

-Justement, c'est toi qui est la plus à même de lui parler dans son état actuel, expliqua Fluttershy. Si tu n'avais pas été là, l'opéra aurait été encore plus catastrophique.

-Si je n'avais pas été là, Applejack n'aurait pas été à l'opéra et on n'en serait pas là, rétorqua la blanche licorne. D'une certaine manière, c'est de ma faute. Elle ne voudra probablement pas me parler... »

Rarity s'apprêta à rebrousser chemin mais Pinkie Pie s'interposa entre elle et la porte, avant de plaquer son sabot contre la bouche de la licorne tout en lui déclarant :

« Tu as été son soutien moral pendant un mois. Tu l'as aidé à progressé dans sa quête, même si tout ne s'est pas passé comme prévu. Tu ne crois quand même pas qu'elle t'en veuille parce qu'elle s'est retrouvée coincée ici ?! Alors, t'y vas sans discuter, compris ?! »

Elle avait souri en prononçant sa dernière phrase, ce qui rassura Rarity qui avait eu un peu peur sur le coup. Elle repoussa délicatement le sabot de son amie avant de frotter avec élégance son visage. Elle répondit ensuite :

« D'accord. Si vous insistez, j'irai avec l'une de vous. Cependant, Pinkie Pie, ce serait bien que tu évites de mettre ton sabot contre mes lèvres. Ce n'est pas très hygiénique, tu sais ? »

Confuse, la ponette rose s'excusa. La première place était par conséquent prise, restait à choisir parmi les quatre autres. Twilight fut pensive à ce sujet, car chacune d'elles avaient de bonnes raisons de parler à Applejack. Toutefois, Pinkie Pie ne lui laissa pas le loisir de réfléchir à son aise en sortant de nulle part un ensemble de baguettes, l'une d'elles étant marqué d'un trait rouge.

« On va tirer cela au petit bonheur la chance, proposa-t-elle. Celle qui tirera la baguette avec le trait rouge ira voir AJ. Vous en pensez quoi ? Pour éviter toute tricherie, ce sera Rarity qui les tiendra tout en les enroulant dans ce foulard. »

Elle sortit aussitôt un foulard assorti à la couleur de sa robe et de sa crinière et confia le tout à la licorne blanche qui enroula les baguettes dans l'étoffe. Une fois certaine que les baguettes semblaient similaires, elle fit léviter l'ensemble entre les quatre juments. Chacune s'empara d'une baguette tour à tour et serra le sabot contre l'objet. Rarity leur donna le signal pour dévoiler leurs baguettes. La baguette marquée était arrivée entre les sabots de...

« Rainbow Dash, conclut Rarity. »

La pégase fit de son mieux pour masquer sa joie, par respect pour ses amies. Ces dernières firent place aux deux juments pour qu'elles puissent accompagner le gardien qui avait observé toute la scène d'un air intrigué et amusé. Rarity et Rainbow Dash commencèrent à suivre le gardien dans un étroit couloir en jetant un dernier regard en arrière aux autres qui se contentèrent d'un simple :

« Dites-lui qu'elle nous manque, on compte sur vous ! »

Tandis qu'elles marchaient dans le couloir, les deux juments regardaient autour d'elles les quelques cellules vides s'amassant sur les côtés. Applejack devait se sentir seule. Le gardien leur expliqua sur le chemin :

« Comme vous pouvez le constater, il n'y a pas grand monde ici. Il n'y a pas beaucoup de criminels à Equestria. La plupart des crimes ne mérite pas un enfermement dans cet endroit. C'est pourquoi on dit souvent entre matons que notre travail consiste à maintenir ce lieu propre. On a été vraiment surpris d'accueillir parmi nous cette fille. Car entre-nous, je ne la trouve pas bien méchante...

-Elle ne l'est pas, répliqua l'athlétique pégase.

-Mais on ne se retrouve pas ici sans raison, non ? se demanda le gardien. Elle doit bien avoir fait quelque-chose...

-C'est le cas, déclara Rarity. Mais ce n'est pas aussi grave que ce que pensent les habitants du pays. »

L'étalon fut déconcerté par les propos tenus par la pégase et la licorne. Néanmoins, il ne poursuivit plus la conversation au cours de la dernière minute de marche. Le trio parvint finalement à la cellule d'Applejack. Le gardien frappa les barreaux pour attirer l'attention de la prisonnière. Cette dernière était penchée sur la fenêtre à regarder le paysage, sa crinière flottant au vent. Applejack tourna la tête et vit le maton accompagné par Rarity et Rainbow Dash.

« Je n'ai pas besoin d'en dire plus. Je vais vous laisser parler en privé. Vous avez vingt minutes, ajouta-t-il à l'attention de celles qu'il guidait. »

La pégase et la licorne remercièrent le maton tandis qu'il s'enfonçait dans le couloir, tandis qu'Applejack se leva pour aller en direction de la grille. La fermière paraissait fatiguée et commençait à avoir des cernes sous les yeux.

« J'me s'rais 'tendue à voir Twi. »

C'était la première parole qu'elle avait prononcé depuis des jours. Sa voix semblait éraillée aux oreilles de ses deux amies qui se regardèrent d'un air triste. Rarity lui révéla alors qu'il ne pouvait y avoir que deux visiteurs par jour et comment ils avaient choisi. Applejack se mit à rire un peu lorsque la licorne lui expliqua l'idée de Pinkie Pie pour trancher :

« En v'là une qui garde le moral. C'est tout elle. »

Pendant une dizaine de secondes, il n'y eut comme seul son que le bruit du vent passant à travers les fenêtres. Les trois juments se contentaient de se dévisager silencieusement. Finalement, la licorne se décida à demander :

« Tu as reçu mon colis ? »

Pour toute réponse, Applejack se décala sur la gauche pour laisser apparaître sa table de chevet où reposait son chapeau. Elle revint ensuite à sa place pendant que son amie poussait un soupir de soulagement :

« Ouf, j'ai cru que le gardien ne pourrait pas te le donner avant ton transfert, ou pire, qu'il ne te le donnerait pas du tout.

-Les matons ont été sympas 'vec moi, avoua Applejack. En tout cas, y m'ont pas fait de crasses. Y m'ont pas vraiment parlé non plus, faut dire. Au moins, les princesses savent bien choisir leurs soldats. Y demeurent impartiaux, les bougres... »

Rainbow Dash se décida finalement à intervenir dans la conversation, impatiente de prendre des nouvelles de son amie même :

« Et sinon, toi, ça va ? Tu m'parais pas au meilleur de ta forme. »

La fille Apple soupira un peu avant de répondre à la pégase d'un ton blasé :

« Honnêtement, j'aimerais bien m'dégourdir un peu les jambes à l'extérieur. C'est assez frustrant d'rester enfermé ici à rien faire d'autre qu'lire, r'garder la fenêtre, manger, faire ses besoins et dormir. J's'rais curieuse de t'voir à ma place Rainbow. Tu d'viendrais folle au bout de deux jours...

-Je veux bien t'croire... » fit la pégase azur.

Rainbow Dash jeta un coup d’œil à l'intérieur de la cellule et remarqua un livre posé sur le lit d'Applejack. Elle fronça les sourcils afin de voir la couverture du roman qu'elle lisait. La fermière remarqua la curiosité de la pégase et s'empressa de lui répondre :

« C'est Daring Do et l'île de la Sorcière d'Or. Heureusement qu'j'avais ce bouquin pour me tenir compagnie, j'sais pas ce que j'aurais fait sans ça.

-T'en es où ?

-Au duel entre Daring et Shutter Memory lors du procès, révéla la fermière.

-C'est presque la fin, c'est cool, annonça Rainbow avec un sourire.

-Parle pour toi, j'ai plus rien derrière à bouquiner. »

Une nouvelle fois, le silence tomba entre les trois juments. Rarity et Rainbow Dash se disaient avant de la voir qu'elles auraient beaucoup de choses à lui dire et au final elles ne parlaient presque pas. Ce fut cette fois Applejack qui se décida à briser la glace :

« Sérieusement, vous v'nez pas ici pour causer de trucs inutiles. Z'êtes là pour me parler du procès, non ? Alors, allons-y. »

Ses deux amies furent très surprises du calme apparent d'Applejack. Elles s'attendaient à la voir impatiente de sortir et là... elle paraissait simplement désabusée. Elle donnait l'impression de n'attendre rien de particulier. Rainbow Dash se lança la première dans les sujets sérieux :

« On t'a trouvé un avocat. Il est un peu bizarre, mais on pense toutes qu'il pourra te faire sortir d'ici.

-J'y crois pas, rétorqua de suite Applejack. Tout joue contre moi dans ct'histoire. En plus, tout s'empile en c' moment : un avocat est passé m'voir pour m'annoncer que les frères FlimFlam avaient porté plainte contre moi et qu'ils souhaitaient m' rencontrer dans deux jours. J'ai accepté, mais sincèrement, j'suis fichue...

-Dis pas ça, Applejack. »

Rarity essaya de la réconforter et de lui remonter le moral. La licorne ne savait pas ce qu'il s'était passé entre l'arrestation de la jument et leur visite, mais celle-ci semblait avoir abandonné tout espoir. Son amie tenta de lui rappeler ce qui la faisait se battre :

« Tu penses un peu à ta famille ?

-Quelle famille ? Les légumes alités à Sweet Apple Acres ? Ils savent même pas que j'suis en taule.

-Tu sais qui est le coupable ! s'insurgea Rarity. Si on te sort de là , on partira toutes ensembles pour t'aider à traquer ce changelin !

-Hypocrite. »

Le mot avait tranché dans le vif. Rarity et Rainbow Dash furent abasourdies. La licorne fut si choquée qu'elle parvint seulement à articuler une suite de mots incohérents, tandis que son amie demanda à Applejack de répéter.

« J'ai dit que Rarity était une hypocrite. Quand c'est un poney, faut pas lui faire le moindre mal, par contre quand c'est un changelin, vas-y AJ, tu peux le tuer, si ça t'fait plaisir ! J'avais déjà constaté ça à l'opéra quand on a compris pour les deux Fancypants. Mais sache une chose, très chère Rarity, c'est qu'une vie en vaut une autre ! Ma vengeance est pas légitimée par l'espèce ! C'est juste que j'peux pas laisser celui qui a mis ma famille dans ct'état se barrer sans avoir payé ! Et c'est exactement ce qui se passe avec moi : j'ai commis des crimes, le peuple réclame justice. J'vais pas fuir et assumer les conséquences de mes actes. »

En entendant ce petit discours, Rarity, bien qu'encore en état de choc avait compris une chose : Applejack n'avait pas encore abandonné sa vengeance. Ce projet était encore bien vivace dans son esprit, seulement camouflé par les nombreux obstacles qui se mettaient sur sa route. Une fois que la licorne eut repris ses esprits, elle décida de jouer sur ces éléments :

« Soit. Je suis une hypocrite. Mais toi, tu es une menteuse. Paradoxal, quand on est censé être garante de l'élément d'honnêteté, n'est-ce pas Applejack ? Tu avais juré sur cette demi-pomme... »

Elle désigna vigoureusement du sabot le chapeau d'Applejack, où était dissimulé le fruit à l'intérieur, avant de poursuivre :

« ...tu avais juré sur cette demi-pomme que tu ferais tout pour sortir ta famille de sa léthargie. Tu crois que c'est au fond de ta cellule que tu vas y changer quelque chose ? Ou pire, tu comptes sur nous pour les guérir ? Est-ce là tout ce que vaut ta parole, Applejack ? Pas étonnant que ce fruit soit devenu si noir ! »

Rainbow Dash voulut s'interposer pour calmer le jeu, mais la pégase sentait au fond que c'était ce que désirait Rarity. Aussi se contenta-t-elle simplement de rester sur le côté tandis que la licorne blanche enchaîna les reproches :

« Je sais que tu n'as pas mis le feu volontairement à l'opéra ! Greedy Jewel a menti dans son témoignage. Même dans l'état de rage dans lequel tu étais, tu n'aurais jamais fait ça ! Et tu m'avais dit que t'avais payé les frères pour le mal que tu leur avais fait ! Tu peux t'en sortir ! Au moins, diminuer drastiquement les charges retenues contre toi ! Il faut juste que tu veuilles te battre ! »

Applejack donna un coup de sabot dans les barreaux, les faisant résonner entre eux. La jument se retourna ensuite pour jeter un œil à son stetson d'un air troublé. Rarity continua ensuite son sermon, d'un ton plus calme, mais où l'on pouvait encore percevoir une critique acerbe :

« Pourquoi t'obstine-tu à ce point à mentir ? Pourquoi continuer à mentir aux autres ? Et surtout , pourquoi tu te mens à toi même ? Ne représente-tu pas l'élément d'honnêteté ?»

La fille Apple récupéra la demi-pomme au fond de son chapeau et commença à jongler avec, tout en tournant le dos à ses deux amies. Néanmoins, elle prit la peine de répondre à la licorne :

« Dis-moi un peu, Rarity : ça vaut quoi la franchise, dans un monde rempli de menteurs ? Tu l'as dit toi-même, Greedy Jewel a menti. Les frangins ont menti. L'changelin a menti. Tu m'as menti. Pourquoi s'rais-je la seule jument honnête d'Equestria ? En quel honneur ? »

Rarity dût admettre que son amie se défendait bien dans son argumentation. Mais elle refusait d'accepter la défaite et de laisser Applejack à son sort. C'est pourquoi elle rétorqua avec assurance :

« Oui, je t'ai menti en affirmant que je n'étais pas en contact avec les autres. Cependant, je n'ai jamais tenté de te mettre des bâtons entre tes sabots. J'étais sincère lorsque je te rejoignais dans ton projet de vengeance. Tu avais le courage de ne pas cacher tes intentions. C'est pourquoi tu vaudras toujours mieux que ce Greedy Jewel, même au bord du gouffre.

-Ma franchise m'a conduit ent' ces murs, Rarity, déclara la cow-pony. On vit dans un pays où le mensonge est récompensé. Qu'il soit anodin ou grave...

-Montre l'exemple dans ce cas, en tant que garante de l'Harmonie, conseilla la licorne. Change les choses au lieu de te bercer d'illusions. »

Applejack cessa de jongler avec ce qu'il restait du fruit, avant de l'examiner avec attention. Elle déclara ensuite avec un soupir, toujours sans accorder le moindre regard à la licorne qui ne détournait pas un seul instant le sien de son côté.

« Tu lâches jamais l'affaire toi...

-J'ai été à bonne école, répliqua la blanche licorne. Même au sabot du mur, tu parles encore de te venger.

-Dans c'cas, c's'rait mieux d'me laisser moisir là, tu penses pas ? J'vais encore mettre le boxon dans le pays si j'suis r'mise en liberté.

-Ça n'arrivera pas, intervint Rainbow Dash. Si jamais tu fais à nouveau n'importe quoi, je serais là pour te mettre une bonne droite ! »

La pégase azur se cabra alors sur ses jambes arrières avant de mimer une série de coups de sabots. La cow-pony se mit alors à rire. Elle ne s'attendait pas à ce que ses amies la soutiennent à ce point. Rarity regarda la pégase d'un air amusé. Cette dernière avait été parfaite, Applejack semblait avoir récupéré la volonté de se battre. La prisonnière fit à nouveau entendre sa voix, celle-ci semblant plus vigoureuse que les minutes précédentes :

« Entendu. J'vais pas abandonner. Quand ct'avocat passera, j'vous promets de faire de mon mieux pour l'aider à préparer ma défense. Mais j'accepterai la sentence qui s'ra prononcé par les deux princesses. J'refuse de fuir comme l'aut' changelin... »

Elle marqua une pause, l'air pensive, ses deux amies la contemplant avec attention. Applejack leur fit alors la demande suivante :

« C'est pourquoi j'voudrais...non...j'veux qu'vous sortiez ma famille de là, même si j'reste enfermée dans c'te prison. »

Elle tendit ensuite son sabot à travers les barreaux. Instinctivement, Rainbow Dash en fit de même. Leurs deux sabots se touchèrent, signe qu'elles avaient conclu un marché. Rarity pesa le pour et le contre de son côté, avant de lever à son tour son sabot qui rencontra celui d'Applejack une fois que Rainbow Dash eut enlevé le sien. Rarity y mit beaucoup de force, comme si elle voulait faire comprendre à la fermière l'étendue de sa détermination.

Tandis qu'elle les regardait faire, la pégase azur s'éleva légèrement dans les airs avant de brandir son sabot bien haut en lançant d'une voix des plus résolues :

« On te fera sortir d'ici, c'est à toi de secourir ta famille, pas à nous. L'échec n'est pas permis. Non...il n'est plus permis ! Pas après tout ce qui est arrivé ! Cette histoire aura une fin heureuse et je proclame cela en rouge ! »

La licorne et la terrestre contemplèrent un moment Rainbow Dash avec une expression mi-effarée et mi-amusée sur le visage. Leur amie venait de faire une référence au roman que lisait Applejack, qui avait la particularité de comporter des textes écrits à l'aide de différentes couleurs. Et le rouge, seulement employé par l'antagoniste Golden Butterfly, signifiait que le propos tenu avait une valeur de vérité absolue, pas besoin d'apporter de preuves concrètes : le sens était bel et bien avéré. Le procédé repose bien entendu sur la confiance mutuelle s'établissant entre l'auteur, qui est supposé fournir une énigme solvable, et le lecteur, qui doit être certain qu'il a les cartes en sabot pour la résoudre.

« T'es pas GB, Rainbow, tes mots ont aucune réelles valeurs, rappela Applejack. Mais j'ai envie d'vous faire confiance. J'perdrais pas sans avoir lutté férocement. »

La voix de la jument avait récupéré à présent toute sa force et toute sa franchise. Ses amies avaient l'impression d'avoir devant elles la véritable Applejack, celle présente avant le début de cette histoire : une forte et sincère jument.

Des bruits de sabots se firent entendre le long du couloir, devenant de plus en plus forts à mesure que les secondes s’égrenaient. Le trio revint à la réalité de façon brutale : la visite était terminée. Rainbow Dash salua la fille Apple d'un geste de sabot tandis que Rarity fit part de ces dernières paroles à la prisonnière :

« N'oublie pas : dans deux jours, l'avocat passera. Réfléchis bien à tout ce dont tu pourrais lui parler, la moindre information lui sera utile. Et demain, deux autres passeront te voir parmi Twilight, Pinkie et Fluttershy.

-Pigé, » répondit brièvement la cow-pony.

La licorne prit alors à son tour congé avant de se retourner à nouveau, se rappelant qu'elle avait oublié une certaine chose :

« Au fait, Applejack, tu nous manques à toutes. »

Cette dernière ne prononça pas un mot et regarda partir son amie, réjouie. Elle pouvait au moins toujours compter sur elles, quoi qu'il arrive. Ses pupilles émeraudes se posèrent sur le livre, toujours posé sur le lit. Elle s'affala dessus avant de reprendre sa lecture. Le procès allait bon train entre les deux protagonistes, d'abord alliés pour devenir ennemis par leurs visions des choses. Daring Do privilégiait une vision scientifique du mystère, là où Shutter Memory optait pour une explication basé sur l'instinct et les sentiments. Leur adversaire avait exploité cette contradiction de façon à les briser. Et elle asséna le coup de grâce qui lança le début des hostilités sur cette simple phrase :

« Je garantis que cette énigme est solvable. »

Lorsqu'elle eut lu cette phrase, la fille Apple referma d'un coup sec l'ouvrage avant de le ranger à sa place. Elle avait conscience qu'on venait de lui donner un avertissement : il était temps pour elle de fouiller ses souvenirs et d'élaborer sa propre théorie. Par conséquent, elle s'allongea confortablement sur le lit pour réfléchir aux événements tandis que le soleil laissait place à l'astre lunaire dans le ciel...

Applejack ne s'endormit pas très tard cette nuit-là, elle avait besoin d'un sommeil réparateur si elle voulait être en forme pour accueillir le prochain duo qui lui rendrait visite. La nuit se passa sans incident particulier et le repos de la jument ne fut troublé ni par un rêve, ni par un cauchemar.

Elle se leva aux aurores le lendemain matin, cela eut le bon goût de lui rappeler ses heures de labeur à Sweet Apple Acres, étant donné qu'elle ne travaillait qu'à partir du midi sur les docks de Manehattan. Elle déjeuna et fit sa toilette avant de se poser à nouveau sur son lit, toujours en train de penser à sa théorie pour le roman. Elle tenait impérativement à la peaufiner avant de lire la vingtaine de pages qui lui restait. C'était après tout son seul passe-temps en dehors des visites.

Néanmoins, une pensée n'ayant rien à voir avec le livre de Daring Do traversa son esprit : et si elle tentait d'appliquer ce genre de raisonnement à sa propre expérience ? De remettre les pièces en ordre pour comprendre ? Jusqu'à présent, elle n'avait fait que galoper dans l'inconnu, désirant seulement se venger, à n'importe quel prix. Pourtant, il lui fallait comprendre... il lui fallait comprendre pourquoi elle avait dû en arriver à cette extrémité. Même si elle parvenait à accomplir son dessein, il resterait au final un grand vide dans les pensées de la jument qui ne trouverait jamais de réponses : Qu'était la graine initiale ayant germé jusqu'à lancer cette mésaventure ? Se venger était une chose, comprendre pourquoi en était une autre. Applejack commençait à réaliser cela...

Des bruits de sabots extirpèrent la jument aux couleurs de l'orange de ses pensées. En tendant l'oreille, elle s'aperçut qu'ils n'étaient pas à la même cadence, certains sons pouvant être qualifiés de « frénétiques ». Applejack s'approcha des barreaux pour écouter plus attentivement, son oreille droite en direction de la grille.

« Bouh ! »

La fermière fit un bond en arrière en direction de son lit, surprise par ce bruit nouveau. Une fois remise de ses émotions, elle en chercha la source, avant de s'arrêter sur une silhouette rose bonbon.

« Pinkie Pie... » soupira-t-elle.

Applejack se rapprocha d'elle pour la saluer. Au même instant, Twilight arrivait en compagnie d'un gardien. Ce dernier réprimanda la jument hyper-active, étant donné qu'elle était censée le suivre. De son côté, la licorne adressa un vague geste de sabot à la fille Apple, qui lui rendit aussitôt.

Les formalités d'usage passées, le maton laissa les juments discuter entre elles. Pinkie Pie s'appropria presque la totalité de la conversation, ne cessant de harceler Applejack de questions sur la vie en prison auxquelles elle ne pouvait répondre que par « oui » ou par « non ». Elle se serait crue à la place de son frère.

Toutefois, la cow-pony parvint à prendre avantage d'un moment de répit, tandis que la jument rose cherchait une autre question à poser. Applejack s'adressa alors à Twilight, restée silencieuse depuis le début :

« C'est b'en beau d'causer d'moi, mais j'veux savoir comment ça s'passe dehors. 'Faites quoi ? »

La disciple de Celestia sortit de son mutisme et expliqua à son amie que le restant du groupe donnait un coup de sabot à Truth Commander dans le traitement des pièces relatives à l'affaire. Applejack lui demanda alors si cela avait été autorisé par les princesses. Twilight hocha la tête de façon négative, en lui répondant ensuite qu'elle ne faisait qu'accélérer la procédure afin d'aider l'avocat terrestre qui avait encore le plus gros du travail à faire.

« D'ailleurs, tu te rappelles qu'il passe demain ? lui demanda la licorne.

-Ouep.

-Il sera accompagné de Fluttershy. Et....

-Et ?

-Il te fera sortir temporairement de ta cellule, ajouta-t-elle. Les FlimFlam demandent à te rencontrer. Et ils aimeraient que cela se fasse dès demain.

-J'sais, j'avais déjà accepté, révéla Applejack. Mais j'pensais pas que les avocats étaient présents.

-Ils seront là pour faire office de témoins pour les éventuels accords, expliqua Twilight

-B'en. »

La conversation se poursuivit sur des sujets plus anodins, vu que Pinkie avait enfin déniché tout un nouvel arsenal de questions à poser à son amie. Cette dernière répondit patiemment à chacune d'entre-elles, même les plus saugrenues. Twilight vit néanmoins que le temps approchait de la fin. Aussi se prêta-t-elle à son tour au jeu des questions-réponses :

« Dis-moi AJ ?

-Ouep ?

-Si tu sors, tu comptes faire quoi, concrètement ? »

Applejack s'attendait fatalement à ce qu'on lui pose cette question à un moment ou à un autre. Elle avait eu le loisir d'y réfléchir à son aise, en particulier lors du début de la matinée. Sa réponse ne se fit guère attendre :

« R'partir à la r'cherche du changelin.

-Rarity et Rainbow m'avaient prévenu, mais je voulais m'en assurer. Tu lâches pas ta vengeance, donc ?

-Non.

-Tu te rends compte où ça t'a mené jusque-là ?

-Ouep. Mais certaines choses changeront si j'sors de là, Twala'.

-Je savais que tu me répondrais de la sorte, avoua Twilight avec un demi-sourire. Certaines choses changeront en effet si tu es libérée. Tu peux en être sûre. »

Le gardien était de retour, signe qu'il était temps pour Pinkie Pie et Twilight de laisser leur amie. La disciple de Celestia se montra plus chaleureuse dans ses adieux que lors de son arrivée. Pinkie resta fidèle à elle-même de son côté. Les deux juments sortirent ensuite de la prison en compagnie du garde. A l'extérieur, Pinkie Pie fit remarquer à son amie qu'Applejack semblait avoir la forme, ce à quoi la licorne répondit :

« Il y a eu de l'amélioration par rapport à ce que nous ont raconté Rainbow et Rarity. Cependant, je ne sais pas vraiment si c'est une bonne chose...

-Ben quoi ? se demanda Pinkie. AJ me semble presque normale !

-C'est là que le bât blesse, expliqua Twilight. Je ne sais pas ce qu'elle pense en ce moment. J'ai beau la croire sur parole, je n'ai aucune idée de ce qu'elle a en tête.

-Un peu comme moi, alors ? »

Twilight ne put s'empêcher de rire un peu devant l'innocente réflexion de son amie avant de lui répondre d'un air plus sérieux :

« C'est pas la même chose, Pinkie. Toi, tu es imprévisible, mais cette facette de ton caractère ne présente que peu de dangers. Dans le cas d'Applejack, c'est plus... disons « compliqué » à définir. Je ne crois pas qu'elle-même puisse t'expliquer ce qui passe au fond d'elle. Encore faudrait-il déjà qu'elle veuille en parler. Mais toujours est-il qu'elle est source de bien plus de tracas que tes surprises... »

La bondissante terrestre regarda Twilight avec de grands yeux, essayant de comprendre les propos de la licorne. Cette dernière mit un certain temps à constater le malaise de la jument rose étant donné qu'elles marchaient. Ce fut lorsqu'elle se rendit compte que Pinkie demeurait silencieuse depuis cinq bonnes minutes qu'elle comprit. Elle prit alors la peine de la rassurer :

« Pinkie, ne t'en fais pas. Applejack est une jument forte. Elle s'en sortira si on l'aide toutes. Chacune à notre manière. Ton rire et ton sourire lui serviront de soutien moral. Donc, ne te tracasse pas. Ça, c'est mon domaine. »

Elle se désigna avec fierté du sabot, sous le regard ahuri de son amie qui pouffa de rire quelques secondes plus tard. Twilight en rougit d'embarras et essaya de détourner la conversation sur un sujet moins ridicule :

« Bref... On va aller donner un coup de sabot aux autres au cabinet de Truth Commander. Je pense que notre bienfaiteur voudra sans doute jauger l'état d'esprit de sa cliente pour savoir comment il devrait l'aborder. »

Le lendemain matin, Applejack était en train de tripoter machinalement du sabot son livre. Elle s'était occupée tout le restant de la journée précédente en élaborant sa théorie. Elle était parvenue à en trouver une qui semblait plausible, mais elle se demandait si elle devait lire les dernières pages. Elle sentait que ses idées comportaient encore quelques failles même si elle ne parvenait pas encore à les désigner clairement. Elle s'était tournée côté fenêtre et ne cessait d'ouvrir et refermer le livre, saisie par l'hésitation.

D'une certaine manière, elle n'avait pas envie de finir sa lecture pour plusieurs raisons. Pour commencer, elle ne voulait pas en ressortir frustrée à l'idée que sa théorie puisse être fausse. Elle avait passé tellement de temps à l'élaborer, n'hésitant pas à revenir sur d'anciens passages du roman afin de s'assurer des moindres détails. Mais ce n'était pas le seul souci. Elle songeait également qu'en finissant sa lecture, elle n'aurait plus de quoi s'occuper durant toute la durée de son incarcération.

Bien entendu, elle pourrait toujours demander à Twilight de lui rapporter un autre ouvrage depuis la bibliothèque de Ponyville, mais la fille Apple devait avouer qu'elle avait pris un goût certain pour les œuvres dites « policières ». Sauf qu'elle s'opposait à un obstacle de taille : il n'y avait pas énormément d'ouvrages appartenant à cette catégorie, la faute à une époque qui se voulait paisible. Peut-être tenait-on là la raison derrière l'échec commercial de Daring Do et l'Ile de la Sorcière d'or ?

Néanmoins, la fermière était bien tentée de s'orienter vers d'autres genres. Par exemple, elle avait envie de lire Manelet, mais elle se rappelait cruellement que c'était en partie à cause de cette tragédie qu'elle en était là. Aussi préférerait-elle éviter de la lire. Mais pourquoi pas une autre œuvre de Shakeshooves ? Elle demanderait à Twilight si elle pourrait s'en occuper à sa prochaine visite.

« Hum... Applejack ? Est-ce que l'on te dérange ? »

La fermière se tourna soudainement de l'autre côté et vit Fluttershy qui la contemplait avec appréhension derrière les barreaux. Applejack se lever afin de serrer les sabots de la pégase jaune avec chaleur en lui disant qu'elle était contente de la voir.

« T'es toute seule ? Demanda-t-elle.

-Non... ton avocat est là. »

Elle s'écarta doucement pour permettre à la terrestre de voir l'étalon supposé la défendre. Un terrestre à la robe café au lait arborant une courte crinière grise. Applejack interpella l'étalon :

« Vous v'nez pas saluer vot' cliente ?

-Je pensais que vous auriez préféré parler avec votre amie en premier lieu, répondit Truth Commander. Mademoiselle Fluttershy ne vous a pas vu depuis un moment et j'ai donc pensé qu'il serait malvenu de ma part de m'immiscer dans vos retrouvailles. »

Applejack examina l'avocat avec attention avant de penser que Rarity et Rainbow Dash ne s'étaient pas trompées en le décrivant. Effectivement, il était particulier. Une fois son examen de l'étalon café au lait achevé, elle déclara à l'attention de ce dernier :

« C'est très gentil à vous de penser à ça, mais j'préfère qu'nous nous présentions conv'nablement.

-Je comprends, annonça l'étalon en s'approchant de la cellule. »

Truth Commander tendit un sabot à Applejack. La jument fut tentée de cracher sur le sien comme elle avait l'habitude de le faire, mais se retint en songeant qu'il s'agissait d'un inconnu et qu'elle devait paraître irréprochable. Par conséquent, elle se contenta de serrer le sabot de son défenseur.

« Je m'appelle Truth Commander, et je suis celui qui défendra votre cause devant les princesses.

-J'suis Applejack et j'vous remercie d'avance pour vot' aide. »

Les deux terrestres se dévisagèrent un moment tout en continuant de serrer leurs sabots respectifs. Truth Commander s'écarta ensuite sans dire un mot de plus pour laisser parler Fluttershy, qui ne voyait pas trop comment entamer la discussion au point qu'Applejack la précéda :

« J'vais bien, Fluttershy. Fatiguée, mais ça va. Et les autres, elles s'en tirent bien ? »

La pégase hocha affirmativement de la tête, avant de s'étaler plus en détails sur le sujet. Le reste de la conversation se fit naturellement, à présent que Fluttershy était décoincée. Le temps passa rapidement aux yeux de tous, y compris pour ceux de Truth Commander, qui prenait un certain plaisir à suivre leur échange tout en lisant quelques notes qu'il avait lui-même griffonné sur un petit calepin avec une reliure en cuir noir.



L'heure des visites se termina et il était temps pour Applejack et son avocat de rencontrer les frères FlimFlam. Truth Commander rangea son calepin avant de faire signe à Fluttershy de venir vers lui. Lorsque la pégase ne fut plus qu'à un mètre de lui, il lui demanda :

« J'aimerais que vous alliez chercher vos amies à mon cabinet. En particulier mademoiselle Rainbow Dash et mademoiselle Rarity. Je vais avoir besoin de leur parler après les accords. Il faudrait dans l'idéal qu'elles soient devant la prison lorsque j'en aurai terminé avec les frères et Applejack. Vous pensez en être capable ?

-Je...je pense...

-Bien, je compte sur vous. »

Fluttershy fit un geste timide du sabot à Applejack et Truth Commander avant de s'éloigner dans le couloir avant même l'arrivée du gardien, histoire de lui faire gagner du temps. Après son départ, le terrestre s'approcha de sa cliente avant de lui donner quelques instructions pour la suite des événements :

« Bien, nous allons participer à des accords à l'amiable. Je pense que vous l'aviez déjà compris, mais il ne fait pas de mal de le rappeler. Il vous sera donc possible d'alléger les charges retenues contre vous, moyennant une compensation pour les frères. Dans la mesure du possible, vous devriez accepter ce qu'ils vous proposent, étant donné que votre cas est déjà difficile à défendre. Et surtout, il serait bon que vous gardiez votre calme face à eux.

-Pourquoi ?

-Ils seront également accompagnés en toute logique d'un avocat, et il ne fait aucun doute que ce dernier sera à l'affût de la moindre erreur de votre part de façon à charger plus encore votre cas. J'ai cru comprendre via vos amies que vous étiez promptes à vous emporter, en particulier depuis quelques mois. Pour résumer, nous sommes en position de flagrant désavantage et il y a de grandes chances que la situation bénéficie aux frères. »

Applejack soupira en entendant ces instructions. Certes, elle n'avait pas le caractère facile, mais de là à dire qu'elle ne savait pas se contrôler... Truth Commander observait de son côté la réaction de la jument avec une expression de curiosité sur le visage, tandis qu'une paire de gardiens armés de hallebardes arriva afin d'ouvrir la cellule. La fermière en profita pour se dégourdir un peu les jambes tandis que le petit groupe avançait le long du couloir avant de bifurquer au niveau d'un escalier en colimaçon formé de pierres. Au moment de le monter, l'avocat expliqua à Applejack que la salle où aurait lieu les négociations se situait dans la prison elle-même. La jument hocha la tête d'un air déçu. Elle espérait pouvoir sortir du bâtiment.

« Tant pis, j'attendrais l'procès pour ça... »

Le second étage de la prison était moins sombre et plus aéré que le précédent. Quelques rayons de soleil diffus illuminèrent légèrement le couloir, accompagnant les pas des gardiens, de l'avocat et de la fermière. Ils finirent par s'arrêter au niveau d'une petite porte boisée que l'un des deux matons ouvrit avant de pénétrer dans la pièce. Le restant ne tarda pas à suivre.

La pièce n'était pas très grande et était agencé dans un style pour le moins simple : un sol dallé en pierre, une table rectangulaire en plein cœur de la salle, avec quelques chaises en bois disposés tout autour. Seule fantaisie : les fenêtres ovales qui arboraient un motif que l'on aurait pu assimiler à une rosace.

Hormis le premier garde, désormais posté sur le côté droit de la porte, la pièce comportait déjà trois occupants. Deux d'entre eux étaient déjà assis confortablement au bout de la table. Il s'agissait de Flim et de Flam, vêtus comme de coutume de leurs habituels canotiers. Le troisième étalon restait de son côté debout. C'était un poney terrestre à la robe couleur lavande et portant une courte crinière écarlate soigneusement lissé. On ne pouvait pas dire sur le moment à quoi ressemblait sa cutie mark, en raison de son costume trois pièces qui recouvrait la majeure partie de son corps. Ses yeux arboraient des iris d'un vert pomme semblant lancer un regard plein de malice sur ce qui les entouraient.

Flim et Flam n'esquissèrent aucun mouvement tandis que l'étalon s'approcha spontanément de l'entrée pour saluer Truth Commander. Il se présenta sous le nom de Lies Cutter, avocat des frères FlimFlam.

« … et également de M.Greedy Jewel. »

Son apparence tranchait radicalement avec celle de Truth Commander, qui était vêtu bien plus simplement pour l'occasion d'une veste en cuir. Néanmoins, l'avocat d'Applejack serra avec vigueur le sabot que son confrère lui tendit. L'étalon café au lait partit ensuite saluer les deux frères qui ne daignèrent pas se lever, tandis que leur avocat saluait cette fois Applejack, avec plus de froideur néanmoins. Le deuxième garde se chargea de verrouiller la porte avant de se poster sur le côté gauche.

« A présent que tous les participants sont réunis, je propose que nous nous installions tous afin de discuter tranquillement autour de cette table » lança Lies Cutter.

Son homologue approuva son idée et invita sa cliente à s'asseoir en lui désignant une place située en face des FlimFlam. La cow-pony obéit à son injonction et voulut enlever son stetson avant de s'apercevoir qu'elle l'avait laissé dans sa cellule... Elle se frappa du sabot droit sous le coup de la honte, ce qui fit doucement rire les deux frères. Flam se permit alors une remarque tout en lissant sa moustache :

« La prison ne semble pas vous faire du bien, mademoiselle Applejack.

-N'importe qui perdrait ses repères en étant enfermée dans une pièce aussi petite, jugea celle-ci en rejetant sa crinière sur le côté.

-Dans ce cas, que diriez-vous si l'on vous donnait les chances de vous en sortir dans une semaine devant les princesses ?

-C'est pour ça qu'j'suis venu pour vous parler, pas vrai ? Alors, qu'est-ce qu'on attend ? J'suis prête à vous entendre. »

Lies Cutter s'éclaircit alors la gorge avant d'exposer les conditions pour que la plainte des frères soit retirée d'un ton qui se voulait le plus clair possible :

« M. Flim et M. Flam ici présents ont matière à porter plainte contre mademoiselle Applejack suite aux violences subies par ces deux étalons pendant leur voyage à Las Pegasus. M. Flam en particulier présente des marques de strangulation vraisemblablement dûes à une corde. Ces blessures ont été constaté par un médecin de Canterlot qui a tout consigné dans ce rapport. »

Il sortit alors d'une sacoche disposé à ses sabots un petit ensemble de feuilles qu'il transmis immédiatement à Truth Commander. Ce dernier parcourut avec attention le rapport tandis que son confrère poursuivit en interpellant directement la cow-pony :

« Réfutez-vous ces faits, mademoiselle ? »

Applejack jeta un regard à son défenseur qui ne semblait lui prêter aucune attention avant de secouer sa tête de façon négative en ajoutant :

« En effet, j'ai menacé ces deux étalons. J'ai même étranglé M'sieur Flam.

-Dans ce cas, il semble évident que vous devez leur rembourser un montant équivalent à la valeur du préjudice.

-J'ai pas des masses de Bits pour ça, j'crains b'en.

-Mes clients ont connaissance de la situation financière de votre famille. C'est pourquoi ils seraient prêt à se montrer magnanimes. Étant donné qu'ils travaillent d'une certaine manière dans le domaine de l'agriculture, ils seraient prêts à effacer leur plainte s'ils pouvaient détenir légalement les terres de Sweet Apple Acres appartenant depuis des générations à la famille Apple dont vous êtes l'héritière légitime.

-Grosso modo, vous voulez l'bail de Sweet Apple Acres ? » résuma Applejack en s'adressant directement aux frères.

Ces deux derniers répondirent affirmativement dans une synchronisation parfaite. La fille Apple les regarda avec une lueur de dégoût dans son regard. Elle baissa la tête pour masquer son expression, ainsi que ses sabots avants de façon à ce que personne dans la salle ne puissent noter les spasmes de fureur qui secouaient ses membres. Applejack avait une envie folle de se jeter sur les commerçants ambulants pour leur fourberie. Toutefois, elle se ravisa en jetant un regard furtif à son avocat, qui avait lâché le rapport du médecin pour la regarder avec appréhension.

A présent calmée, la jument considérait avec attention la proposition des frères. Si elle acceptait de donner le bail, il serait beaucoup plus simple de la faire acquitter. Mais d'un autre côté, en agissant de la sorte, elle mettrait sa famille sur la paille. Simplement pour retrouver sa liberté... Applejack avait promis à Applebloom qu'elle la sortirait d'affaire avec Big Mac' et Granny Smith le plus rapidement possible. Mais si elle donnait Sweet Apple Acres aux FlimFlam, ça ne faisait que plonger dans un plus grand malheur encore sa famille...

La fermière repensait à ce que lui avait dit Truth Commander dans la cellule. Si elle avait le moyen de s'en sortir, il fallait qu'elle en fasse usage. Toutefois, elle devait pour cela sacrifier le logement de sa famille. Aucune solution n'était bonne au final. Alors Applejack trancha d'un ton ferme :

« J'refuse. »

Les deux frères, qui s'attendaient à une réponse positive, furent littéralement estomaqués d'entendre cette simple parole. Leur avocat se chargea de retranscrire en mots leur surprise :

« Vous savez que vous n'avez presque aucune chance de vous en sortir si vous déclinez leur offre ? De plus, je tiens à vous rappeler que si vous perdez le procès, le résultat sera similaire : vous perdrez Sweet Apple Acres au profit de mes clients, mais vous serez de surcroît en prison. Réfléchissez-y à deux fois. »

Applejack regarda alors Lies Cutter d'un air farouchement déterminé. L'avocat des FlimFlam fut décontenancé par un tel illogisme. La jument enfonça alors le clou en ajoutant :

« Si Sweet Apple Acres m'appartenait à moi seule, j'aurais cédé le bail. Mais c'est pas l'cas. C'te terre appartient à toute la famille Apple et c'est pas à moi de décider d'son sort. Et j'trouverais bien une solution pour vous dédommager autrement qu'en vous cédant c'terrain.

-Devons-nous donc prendre cela pour un non ?

-Ouep, et j'resterai là-dessus. Fin des négociations. Maître Truth Commander, gardiens, si vous voulez b'en m'reconduire dans ma cellule, siouplaît. »

La cow-pony se leva de son siège avant de saluer respecteusement l'avocat de la partie adverse. Cependant, elle n'en fit pas de même avec les frères qui étaient restés assis tout le long de l'entretien. Truth Commander se leva à son tour et salua ses adversaires avant de suivre sa cliente, qui attendait patiemment que l'un des gardiens ouvre la porte.

Une fois sortie de la pièce, Applejack laissa échapper un long soupir tout en commençant à marcher en direction de sa cellule. Elle jeta un coup d'oeil à son avocat, qui demeurait stoïque, avant de murmurer quelques mots d'excuse à l'attention de ce dernier.

« Je ne vois pas pourquoi vous vous excusez, répliqua-t-il avec douceur.

-Vous m'aviez conseillé d'accepter leur proposition si elle s'montrait raisonnable, rappela la jument. Pourtant, j'ai refusé en bloc.

-Vous pensiez que c'était raisonnable ? Ils ne demandaient rien de moins que le foyer et le gagne-pain de votre famille. A votre place, j'aurais décliné également. »

La fermière contempla quelques instants les yeux azur de l'étalon, qui paraissaient illuminés d'une lueur de respect, avant de regarder à nouveau le sol, les marches se rapprochant dangereusement. Au cours de la descente, elle s'adressa à nouveau à son bienfaiteur :

« N'empêche que j'vous facilite pas la tâche sur c'coup.

-Ce n'est pas catastrophique, ne vous en faites pas. Et pour être franc, je préfère que cela ce soit passé ainsi.

-Pourquoi ? »

La jument n'eut pas de réponse immédiate de la part de Truth Commander, qui prenait le temps de réfléchir. Le petit groupe commençait à s'engager dans le couloir conduisant à la cellule d'Applejack lorsqu'il se décida finalement à déclarer :

« Et bien, je pense que de nombreux poneys dans une situation semblable à la vôtre auraient avant tout pensé à leur bénéfice personnel et se seraient débarrassés du bail sans états d'âme. Pourtant, vous avez pensé en priorité au devenir de votre famille avant de vous lancer. Je ne peux m'empêcher de trouver cela admirable. Je ne vous cache pas que votre attachement aux valeurs familiales est un point qui joue en votre faveur et qu'il nous faudra mettre en exergue.

-Comment ça ?

-Dans votre cas, il ne fait aucun doute que vous êtes responsable des nombreux actes qui vous sont reprochés. Même vous, vous ne le niez pas. C'est pourquoi il nous faudra mettre en évidence la présence de circonstances atténuantes de façon à rallier l'opinion à votre cause.

-J'vois. »

Le peu qu'il restait à faire du trajet se passa dans le silence le plus total. Lorsqu'Applejack fut à nouveau enfermée, les gardiens sortirent en signalant à Truth Commander qu'il disposait encore de cinq minutes pour régler divers détails avec sa cliente. L'étalon café-au-lait les remercia avant de se poser dans un coin. La fille Apple le regarda un moment avant de lui demander :

« Vous pensez quoi d'votre adversaire ?

-Il me semble très professionnel, ma foi. Ce sera difficile de le déstabiliser lors du procès, mais ce n'est pas impossible, vous y êtes parvenue lors de l'entretien. Il jouera surtout sur les actes en eux-mêmes.

-C'qu j'voulais dire, c'était plutôt :est ce que c'est quelqu'un d'honnête ? »

L'avocat sortit à nouveau son calepin de sa veste en cuir pour prendre quelques notes. Tout en mâchouillant son crayon, il tenta de donner son opinion à la jeune jument :

« Che penche. Vous chavez, che n'est pas parche qu'il défend des perchonnes malhonnêtes qu'il l'est forchément. Les avocats che contentent de faire leur travail : défendre les chens, peu importe leur orichine. La chustiche tranchera bien, de toute fachon. »

Applejack avait globalement compris ce qu'avait voulu dire Truth Commander, même si elle avait dû se concentrer de toute ses forces pour le comprendre. Elle s'assit ensuite sur son lit, sans lâcher l'étalon des yeux. Ce dernier continuait d'écrire dans son carnet. Elle pensa qu'il s'agissait sans doute de ses notes relatives à l'affaire et n'osait plus l'interrompre dans sa tâche. Toutefois, l'étalon sentit sans aucun doute le trouble de sa protégée, étant donné qu'il arracha ses yeux de son carnet tout en retirant également son crayon de la bouche :

« Vous savez, vous avez le droit de me parler. C'est même nécessaire, si vous avez bel et bien l'intention de rejoindre vos amies à l'extérieur dans une semaine.

-J'me demandais pourquoi vous avez accepté un cas aussi difficile ? Si vous échouez, ça pourrait ruiner vot' carrière.»

Truth Commander éclata de rire en entendant les questions de sa cliente. Devant l'incompréhension de cette dernière, il expliqua que ses amies lui avaient également posé cette question avant d'ajouter d'un air las tout en haussant les épaules :

« Je me demande parfois si je ne suis pas fou pour que les gens réagissent de la sorte.

-P'têtre b'en.

-J'aime votre franchise, mademoiselle Applejack, ainsi que celles de vos amies. Vous ne fuyez pas vos fautes, contrairement à d'autres. C'est sans doute la raison qui m'a poussé à vous défendre. Voyez-vous, je place la vérité et la justice au sommet de mes valeurs. »

Il se remit sur ses sabots avant de s'approcher des barreaux, l'air plus sérieux, avant de poursuivre sereinement :

« Certains placent le bien et le mal ou encore l'ordre et le chaos tout en haut de cette échelle. Pas moi. Je pense qu'il s'agit de concepts vides de sens. Rien n'est blanc ou noir, tout est une nuance de gris. Vous qui avez assisté à la représentation de Manelet, dites-moi un peu : qui est le méchant de la pièce ? »

La réponse d'Applejack ne se fit guère attendre :

« L'oncle, b'en sûr ! S'il n'avait pas tué son frère, rien n's'rait arrivé ! »

Truth Commander soupira tout en secouant sa tête. La fermière ne comprenait pas où il voulait en venir. Satisfait de l'avoir piégée, il exprima sa vision des choses :

« Pridehoof n'était peut-être pas le tyran que tout le monde prétendait qu’il était. Rappelez-vous, le père de Manelet avait éliminé celui de Stronghorn en duel pour s'emparer de son territoire. Sous le règne de Pridehoof, ce dernier était disposé à négocier avec Stronghorn. Le tyran n'était probablement pas celui que l'on pensait, dans ce cas.

-Ça n'a aucun rapport avec c'que j'vous ai demandé ! se plaignit la fille Apple.

-J'y viens. Mais prenons un exemple plus concret : vous avez des tracas avec les changelins, si je ne m'abuse ?

-Comment vous êtes au courant ?!

-Vos amies en parlent suffisamment au cabinet, révéla Truth Commander. Mais pensez-y : pourquoi le peuple de la reine Chrysalis a-t-il attaqué Canterlot au cours du mariage princier ? Pour se nourrir. C'est la nécessité qui a poussé Chrysalis à nous envahir, pas une volonté de faire le mal. »

La cow-pony comprenait peu à peu ce que voulait dire son avocat, mais essaya quand même de débattre en sa compagnie :

« Mais alors, pourquoi ma famille a subi ce sort ?! Par vengeance ?!

-Est-ce que la vengeance est un sentiment maléfique ? Vous qui désirez ardemment vous venger d'un changelin, croyez-vous pour autant que vous êtes un être malfaisant ? »

La jument baissa les yeux à cet instant, essayant de considérer ces propos. Elle n'avait jamais pensé un seul moment que ce qu'elle faisait était mal, elle croyait au contraire que c'était un juste retour des choses. C'était logique si on résumait cela de la sorte : « on m'a pris quelque chose, je prends autre chose en retour. ». Truth Commander eut un rictus de satisfaction :

« Vous comprenez ? Le bien et le mal, ça n'existe pas. Pas même à Equestria. Les être vivants suivent le chemin qui leur semblent le plus juste. Pour ma part, je pense que faire éclater la vérité aux yeux du monde est ce qui importe le plus. Je serais capable d'envoyer croupir dans cette prison mes propres clients, pour la faire triompher . Et en ce qui vous concerne, certains profitent de votre situation pour vous charger comme une mule. Je considère cela comme une dissimulation de la vérité et je ne peux pas tolérer cela. »

Les deux poneys terrestres se dévisagèrent durant de longues secondes, leurs silhouettes à peine masquées par les barreaux de la grille. Applejack commençait à cerner l'étalon. Elle avait pensé au premier abord qu'il s'agissait d'un être un peu dans la lune, mais elle s'était ravisée. A présent, elle voyait seulement devant elle un poney déterminé à tout replacer dans son contexte initial. Il n'avait pas accepté l'affaire pour la défendre elle, mais pour défendre son idéologie.

Truth Commander se rappela alors qu'il avait dépassé le délai accordé par les gardes et décida de quitter sa cliente, non sans lui donner quelques conseils auparavant :

« Je repasserais d'ici trois jours. En attendant, j'aimerais que vous vous entraîniez par rapport à ce que vous allez dire devant la cour lors du procès. L'impression qui se dégagera de vous aura une influence considérable pour décider le verdict. Aussi, quand vos amies passeront vous voir, il serait bon que vous vous serviez d'elles en guise d’aides. Me suis-je bien fait comprendre ? »

La fille Apple hocha la tête en signe d'assentiment avant de se lever pour serrer le sabot de l'avocat à travers les barreaux. Elle lui faisait désormais entièrement confiance. Cet étalon avait les compétences pour la faire sortir, elle en était persuadée. Truth Commander disparut quelques instants après de son champ de vision.

Applejack se retourna et vit son exemplaire de Daring Do posé sur le matelas, ne demandant qu'à être ouverte. La jument se décida finalement. Il était temps pour elle de lever le voile sur le mystère de Golden Butterfly. Elle retrouva sa page et commença à lire posément :

« Daring Do ne reconnaissait plus l'étalon qui l'avait aidé tout au long de son voyage sur l'île de la sorcière d'or. Shutter Memory n'avait plus le même entrain que lorsqu'il enquêtait à ses côtés. L'étalon à la crinière de feu ne considérait plus le mystère de Golden Butterfly de la même façon. Néanmoins, il se dressa devant son amie avant de lui annoncer, comme s'il s'agissait d'un avertissement :

« Daring, sans amour, tu ne comprendras pas la vérité... »

Pendant ce temps, Truth Commander était sorti de la prison en s'excusant auparavant auprès des gardiens pour avoir tardé. Devant les grilles, il aperçut Fluttershy, en compagnie de Rainbow Dash et de Rarity. Surpris, l'avocat questionna la pégase jaune :

« Vous n'avez pas pu amener Twilight et Pinkie Pie ? »

Fluttershy hésita un peu avant de répondre :

« Euh... Twilight devait vérifier quelque chose à la bibliothèque de Ponyville. Quant à Pinkie Pie... J'ai eu beau chercher, je ne l'ai pas trouvé... »

Truth Commander soupira de déception avant de s'approcher de la pégase, qui pensa aussitôt qu'elle allait se faire sermonner avant de se recroqueviller sur elle-même. Aussi fut-elle agréablement surprise en sentant le sabot de l'avocat lui frotter doucement la tête tout en la rassurant :

« Ne vous en faites pas, j'avais essentiellement besoin de mademoiselle Rainbow Dash et de mademoiselle Rarity.

-Pourquoi donc ? Demanda immédiatement la pégase azur.

-Je veux que vous me fassiez sur la route menant à mon cabinet une nouvelle fois le récit détaillé des événements de Las Pegasus et du Carmanegie Hall. »

Les deux juments acquiescèrent d'un signe de tête. Le groupe se mit alors en marche, s'arrêtant quelquefois lorsque Truth Commander vérifiait quelque chose dans son calepin ou prenait de nouvelles notes à l'intérieur de celui-ci. Ils arrivèrent en vue du cabinet au moment où la licorne finissait de raconter sa vision des événements. L'avocat les remercia alors chaleureusement avant d'ajouter :

« Bon, c'est ce que je pensais. Il y a bien des failles à exploiter. Mademoiselle Rainbow, vous êtes bien certaine qu'ils y consignent vraiment tout ?

-Oui, ils me l'ont dit eux-mêmes lorsque je les ai questionné.

-Bien, avec un peu de chance, on les aura à leur propre jeu, affirma l'avocat. Mademoiselle Rarity, il va falloir que vous fassiez quelque chose pour moi et au plus vite, si possible, la semaine va s'écouler très rapidement et notre contre-attaque doit se montrer parfaite. »

Truth Commander ne se trompait pas : les sept jours les séparant du jugement d'Applejack s'écoulèrent sans même qu'ils ne s'en rendirent compte. Les visites et les déplacements s'enchaînèrent les uns après les autres, édifiant petit à petit une défense que le groupe espérait imparable...

Le jour fatidique arriva. La fille Apple se leva à l'aurore pour se préparer mentalement à l'épreuve qui l'attendait. Elle coiffa soigneusement sa crinière ainsi que sa queue et au moment d'enfiler son stetson sur la tête, elle murmura à sa propre attention :

« Il est temps d'assumer ta part des responsabilités, ma grande. »

Un gardien arriva alors dans la pièce et ouvrit la grille tout en annonçant qu'il était l'heure. Il examina quelques secondes la jument orange avant de lui demander :

« Vous n'emportez rien d'autre que votre chapeau ?

-Pas la peine. J'reviendrai ici quoi qu'il arrive.

-Vous partez perdante ?

-Pas vraiment. Mais inutile d'se trimballer un bouquin à l'audience... »

Le garde haussa les épaules avant de faire signe à Applejack de marcher devant lui. La fille Apple s'exécuta et s'élança hors de sa cellule. Le moment était venu pour elle de se battre pour sa liberté...

Ce même matin, ses amies avaient de longs cernes sous leurs yeux en déjeunant dans leurs chambres respectives gracieusement attribuées par les princesses. Elles n'avaient pas beaucoup dormi de la nuit, sous l'effet du stress. Cela ne s'était pas manifesté de la même manière selon leurs caractères. Certaines étaient terriblement inquiètes telles Twilight et Fluttershy, qui envisageaient directement la pire issue possible. De leur côté, Rainbow Dash et Pinkie Pie brûlaient d'impatience à l'idée de ce procès et étaient déterminées à ce qu'Applejack soit remise en liberté. Rarity se situait quant à elle entre ces deux extrêmes.

La licorne avait exigé que ses amies soient parfaites du point de vue vestimentaire. C'est pourquoi elle avait fait fi de son épuisement pour coudre sur le tas quelques robes d'aspect sobres et élégants, ni trop chatoyants (elles ne se rendaient pas à un défilé) ni trop sombres (et elles n'allaient pas non plus à un enterrement). Elle était donc partie sur la base de la tenue inachevée qu'elle avait faite pour Twilight à l'occasion de l'anniversaire de cette dernière, tout en optant pour des teintes plus ternes. Elle avait rencontré quelques difficultés avec la robe de Rainbow Dash en raison de son apparence naturelle brillant de mille feux, mais était parvenue après quelques efforts à concevoir une robe légère, ample, arborant en guise de teinte dominante une couleur ocre. Le même souci s'était posé pour Pinkie Pie, mais elle s'en était tirée en optant pour un ensemble bleu marine. Les trois robes restantes ne lui avaient causé aucun problème cependant.

Elle aurait bien souhaité en coudre une également pour Applejack, mais cette dernière s'y était farouchement opposée. La campagnarde désirait comparaître sous son apparence coutumière. Elle ne voulait pas s'embellir ou même s'enlaidir. Elle souhaitait se montrer aux yeux de tous telle qu'elle était au quotidien. Rarity avait insisté, mais avait dû se résoudre à abandonner. Elle ne pouvait pas vaincre l'obstination de son amie à chaque fois.

Le restant de ses amies n'avait pas eu droit au même traitement de faveur de la part de la styliste qui se chargea elle-même de les habiller et de les coiffer méticuleusement. Perfectionniste, elle commençait à faire traîner les choses jusqu'à ce que Twilight lui fit constater d'un ton sec :

« Rarity, on est suffisamment présentable. Si tu continues à changer des détails, on va arriver en retard à l'audience. J'ai pas envie que l'on se fasse remarquer. Alors, arrête. »

La licorne blanche s'arrêta en soupirant, l'air de dire que l'apparence était un atout décisif. Néanmoins, elle consentit qu'il était temps pour elle et le restant du groupe de se rendre à la salle de Thaymis. Ce lieu, situé à proximité des jardins royaux, demeurait en général méconnu du grand public. Celui-ci tirait son nom de Thaymis, une jeune pégase qui avait vécu lors des premières années ayant suivi le conflit des trois tribus. Il restait encore quelques troubles à cette époque entre les membres des trois espèces de poneys, imputables en grande partie aux différences existant entre les lois des trois races. C'est pourquoi Thaymis est venue avec l'idée d'appliquer un code unique aux trois tribus, mêlant les points forts de chacune des trois autres. Cette initiative fut si bien accueillie que Thaymis est devenue par la suite membre honoraire de l'institution législative terrestre. Ce code fut suivi avec application par les citoyens équestriens et est encore en vigueur aujourd'hui, même s'il se faisait très discret. Il était en effet très rare qu'un procès se tienne à Equestria, étant donné que la plupart des crimes étaient considérés comme mineurs dans une société arborant des codes aussi pacifiques. Toutefois, cette possibilité n'était pas exclue, raison pour laquelle l'existence d'un endroit tel que la salle de Thaymis était encore d'actualité.

Comme la prison de Canterlot, la salle de Thaymis était soigneusement dissimulée par les bosquets et autres arbres du jardin. Il fallut donc un peu de recherches et de tâtonnements de la part des juments pour trouver le petit bâtiment. Celui-ci tranchait radicalement avec l'aspect bien entretenu du jardin en se présentant sous un aspect vétuste, presque délabré. Certaines briques s'étaient détachées des murs. L'impression générale qui ressortait de ce lieu était celle d'un endroit dont l'existence était parvenu à se faire oublier au fil des siècles.

En s'approchant de la porte, Twilight ordonna à Pinkie Pie de se taire une fois qu'elles seraient entrées à l'intérieur et que si la jument rose avait des questions à poser, c'était le moment ou jamais. Celle-ci sembla réfléchir un long moment avant de finalement interroger la licorne mauve sur le sujet suivant :

« Ça va se décider comment le verdict ?! Ce serait bien qu'on sache sur quoi on va devoir se focaliser pendant le procès !

-Bonne question, Pinkie, constata Twilight avec un peu de surprise. D'après ce que j'ai pu en lire, ce serait les princesses qui décideraient d'un commun accord du verdict et de la sentence. »

Pinkie Pie laissa échapper un soupir de soulagement avant d'annoncer qu'il n'y avait pas de soucis à se faire vu que les princesses étaient de leur côté. Hélas pour elle, la disciple de Celestia la contredit immédiatement :

« Non. Les princesses vont devoir se baser sur l'opinion ressentie par le public de la salle. On dit souvent qu'un bon souverain est à l'écoute de son peuple, pas vrai ? Et bien, un procès d'Equestria est une application de cette maxime.

-Mais c'est complètement injuste ! intervint Rainbow Dash avec fougue. La salle doit être remplie de spectateurs mécontents de l'opéra, là ! AJ part perdante !

-C'est bien vrai, renchérit Rarity. Il n'y avait pas d'autres méthodes pour juger les citoyens, Twilight ?

-A vrai dire... cela ne fonctionnait pas vraiment de la sorte à l'époque des trois tribus d'après ce que m'en a raconté la princesse Celestia. Elle est restée très évasive sur le sujet, mais je crois qu'elle avait évoqué le fait que le pouvoir judiciaire était entre les sabots d'une Chancellerie terrestre. Celle-ci sélectionnait un groupe nommé jury parmi ses membres les plus influents n'entretenant aucun rapport avec l'affaire traitée tandis que le chancelier appliquait le verdict et la sentence décidée par ce même jury. »

Ses amies se posèrent un instant afin de retourner les propos de la licorne surdouée dans leurs esprits. Un tel système leur semblait plus juste pour tous les partis s'affrontant au cours d'un jugement. Fluttershy, demeurée silencieuse depuis le début de la conversation se fit involontairement la porte-parole de toutes :

« Pourquoi ne pas avoir gardé ce principe ?

-Les institutions ne sont plus les mêmes depuis l'ascension au trône des deux princesses. Beaucoup d'institutions et de pouvoirs tournent en grande partie autour d'elles. C'est le cas du pouvoir judiciaire. Bref, ce sera difficile de convaincre certaines personnes dans cette salle qu'Applejack n'est pas le monstre issu du Tartare que les journaux ont présenté, mais ce n'est pas impossible ! »


Elle repensait en prononçant ses paroles à son entrevue avec Symphonia, la semaine précédente. La compositrice en voulait terriblement à la fermière d'avoir en quelque sorte saboté son opéra, mais avait fini par se laisser convaincre devant la défense acharnée de Twilight. Cette dernière conclut alors sur le fait qu'il fallait garder espoir avant d'ouvrir les battants de la porte d'entrée de la salle de Thaymis...


Si la salle paraissait misérable vue de l'extérieur, il en était autre chose pour son intérieur, qui était de son côté correctement entretenu avec un sol dallé en marbre, des bancs en bois cirés, un balcon aux rambardes dorées surplombé par un magnifique vitrail représentant Celestia et Luna, se tournant autour à quelques centimètres l'une de l'autre, comme si l'artiste avait voulu montrer qu'en dépit de leurs différences, les deux alicornes ne faisaient qu'une, aptes à rendre le verdict le plus équitable qui soit. Bien que sombre, la salle était baignée d'une douce lumière colorée émanant du vitrail.


La salle était déjà bien rempli niveau poneys venus spécialement pour assister à cet événement, rarissime dans l'Histoire contemporaine d'Equestria. On ne pouvait entendre que de courts bruits de respirations, quelquefois accompagnés de légers murmures se confondant presque avec la brise. Les amies d'Applejack s'avancèrent le long de l'allée centrale, ignorant les quelques regards qui se posaient sur elles, certains spectateurs reconnaissant les interprètes de l'opéra « maudit ». Elles s'installèrent au premier rang, sur le banc situé à gauche. Et elles attendirent. L'attente fut longue, pesante. Une grande bataille n'allait pas tarder à commencer et tous ceux présents dans la salle de Thaymis percevait ce sentiment que l'on ne ressentait habituellement que lors des minutes précédant un combat.


Les portes donnant accès au balcon s'ouvrirent lentement, dévoilant peu à peu les silhouettes contrastées de Celestia et Luna. Les deux sœurs marchèrent d'un pas digne en direction de la rambarde et contemplèrent la foule de poneys aux origines diverses qui s'étaient réunis en ce lieu aujourd'hui. Le regard de l'alicorne solaire s'attarda avec sévérité sur sa protégée, qui le lui rendit en remplaçant cependant cette sévérité par de la détermination.


Luna s'éclaircit un peu la gorge avant de se lancer en utilisant la voix royale traditionnelle de Canterlot, faisant sursauter la majeure partie du public :


« CITOYENS EQUESTRIENS ! NOUS SOMMES REUNIS EN CE LIEU AUJOURD'HUI AFIN DE PROCEDER AU JUGEMENT D'UNE JUMENT ! »


Celestia s'approcha de sa cadette avant de lui chuchoter à l'oreille de baisser le volume, étant donné que les poneys n'allaient sans doute pas tenir l'intégralité du procès dans ces conditions.


« Oh... excuse-nous » murmura en retour Luna.


L'alicorne nocturne se concentra afin d'adopter un ton qui se voulait puissant, mais agréable pour les autres équidés présents dans la salle de Thaymis. Elle reprit alors son discours :


« A l'issue de ce jugement, ma sœur et nous-mêmes décideront du destin de cette jument ! Nous savons que certains ont durement souffert de ses prétendus agissements ! Toutefois, nous souhaitons vous rappeler qu'il est important avant tout de rétablir la justice ! Aussi nous vous demandons de juger avant tout les actes, pas ses conséquences ! »


Ceux présents dans la salle l'écoutaient parler avec attention. Depuis sa place au premier rang, Rainbow Dash ne pouvait s'empêcher de penser que le cœur prévaudrait sur la raison parmi les spectateurs de l'opéra. Pour eux, Applejack était coupable et devait être punie en conséquence. La pégase aimait en général les défis, mais là ça relevait de l'impossibilité !


Rarity, qui se trouvait à sa gauche se pencha délicatement sur le côté pour la rassurer :


« Maître Truth Commander a suffisamment de cartes à jouer pour renverser la situation. Toi qui aime le poker, tu devrais apprécier le spectacle. »


Son amie gloussa nerveusement en écoutant l'analogie de la licorne blanche, avant de poser à nouveau son regard inquiet sur les princesses. De sa voix puissante, Luna demanda la chose suivante :


« Que l'on fasse entrer l'accusée. »


Un petite porte en bois de hêtre située à gauche et en dessous du balcon s'ouvrit à ce moment, laissant passer deux gardes, Truth Commander et enfin Applejack. Cette dernière, seulement vêtue de son stetson, s'avança avec dignité en direction du petit promontoire en marbre faisant directement face à la balustrade des princesses. Dès son apparition, des huées se firent entendre, redoublant d'intensité au fur et à mesure que la fille Apple approchait. Luna réclama alors le silence dans la salle avant de rappeler :


« Nous devons être stoïques et par conséquent ne rien laisser paraître de nos sentiments personnels. Les huées en font partis et sont donc proscrits dans la salle de Thaymis ! »


Lorsque le silence fut revenu dans la salle, Celestia prit pour la première fois la parole en public afin de s'adresser directement à la fermière, qui contemplait avec un air de fierté les deux princesses :


« Accusée, présentez-vous. »


La jument à la crinière paille prit une longue inspiration et se concentra afin de réduire au maximum son accent pour être la plus compréhensible possible aux oreilles de tous :


« J'me nomme Applejack. J'travaille aux champs de Sweet Apple Acres, qui appartiennent à ma famille, les Apple, depuis quatre générations.

-Savez-vous pourquoi nous vous jugeons aujourd'hui ? demanda l'alicorne diurne

-Oui.

-Vous êtes accusée d'avoir menacé plusieurs personnes, voire en malmener physiquement certaines, ainsi que d'avoir incendié le Carmanegie Hall, salle de spectacles située à Manehattan. Ceux ayant porté plainte contre vous se trouvent sur le banc de droite situé derrière vous. »


Applejack se retourna dans la direction indiquée par Celestia et vit assis les uns à côté des autres les frères FlimFlam, Greedy Jewel, leur avocat Lies Cutter et enfin un quatrième étalon terrestre. Celui-ci, assez corpulent avait une robe violacée et arborait une crinière or coupée de près. Il portait également le bouc au niveau de son visage. Il s'agissait de Fullbits, le propriétaire du Carmanegie Hall, qui avait perdu une quantité considérable de Bits en raison de l'incendie. Il serait visiblement également défendu par Lies Cutter, qui devenait par extension le seul adversaire de Truth Commander au cours de ce procès.


Chacun d''entre eux était vêtu d'une tenue élégante de circonstance. Si cela ne changeait guère grand chose en ce qui concernait l'avocat, Fullbits et Greedy Jewel, cela donnait une toute autre vision pour les frères commerçants. Ces derniers avaient en effet troqué leurs chemises rayées et leurs canotiers en faveur de costume deux-pièces et de hauts de formes. Ainsi, il était toujours aussi aisé de connaître leur lien de parenté.


La jument de Sweet Apple Acres ne les examina pas très longtemps et son regard se dirigea bientôt à nouveau sur les princesses. Elle put constater néanmoins l'air de roublardise qui semblait régner chez les deux frères et Greedy Jewel. Celestia reprit ensuite la parole lorsqu'elle fut certaine qu'Applejack était attentive :


« Nous allons à présent dresser une liste exhaustive des faits qui vous sont imputés. Pour commencer, vous auriez pris en otage M. Flam de façon à extorquer des informations à lui et son frère aîné, M. Flim. De surcroît, M. Flam aurait été étranglé par vous. Ensuite, vous avez menacé M. Greedy Jewel de façon à ce qu'il vous introduise auprès de Sir Fancypants, absent aujourd'hui. Enfin, vous auriez mis le feu à l'opéra de façon à empêcher ce dernier de s'enfuir. Ces trois affaires seront prises en charge par Maître Lies Cutter pour le côté plaignant. Si vous avez également un avocat, veuillez le présenter dès maintenant.

-Oui, vot' majesté. Celui qui assurera ma défense au cours de c'procès sera Maître Truth Commander. »


A l'entente de son nom, le terrestre s'avança en direction de sa cliente d'un pas nonchalant. Il contrastait vraiment avec son adversaire, étant donné qu'il était venu dans le plus simple appareil. Cela ne manqua pas de faire grincer des dents la sélène alicorne qui fit remarquer aussitôt à son attention :


« Maître, vous et votre cliente auriez pu faire un effort et vous habiller en conséquence ! On ne croirait pas que vous êtes avocat au premier abord ! »


Truth Commander se racla la gorge avant de lui répondre avec déférence :


« Votre majesté, ma cliente et moi-même nous présentons à vous vêtus de la sorte car nous pensons d'un commun accord qu'il est inutile d'espérer tromper les yeux du public, de votre sœur et de vous même. L'apparat n'est que fioriture et notre plaidoirie n'aura guère besoin de ce genre de procédés fallacieux. Au contraire, je pense que cela nous desservirait plus qu'autre chose. C'est pourquoi je vous prie de croire qu'il ne s'agit pas là d'un manque de respect à l'égard de tous ceux étant présents en ce moment même. »


Quelques chuchotements et murmures parcoururent l'assemblée. Pinkie Pie ne put réprimer de son côté un sifflement admiratif, avant d'ajouter à voix basse :


« Il parle vraiment bien. »


Twilight lui fit signe de se taire. Toutefois, elle prit quand même la peine de lui expliquer qu'il s'agissait là de la première qualité d'un avocat. La force des mots était une qualité importante au cours d'un procès, où la situation pratique ne penchait pas toujours en faveur de l'avocat plaidant. Il fallait donc embellir au maximum et faire passer subtilement les idées.


« Et maintenant, plus un mot, Pinkie.

-T'es mal placée pour dire ça, Twilight, après ta petite explication, » fit constater Rainbow Dash.


La disciple de Celestia ne répondit rien et garda ses yeux braqués droit devant elle. Truth Commander avait réussi à échapper au courroux de la princesse Luna, qui lui avait répondu qu'elle comprenait ce qu'il avait voulu dire et interpréta cela comme une preuve de franchise. Ce qui lui permit de rebondir sur le sujet du serment. Il était dans la tradition du pays que chaque personne présente dans la salle de Thaymis prête serment de dire toute la vérité si celle-ci était amenée à témoigner.


A ce moment-là, Luna ordonna à tous ceux qui étaient en contrebas de se lever, de pointer leur sabot avant droit sur leur poitrine en déclarant d'une voix forte et sincère : « Je jure de dire en ce lieu la stricte vérité. ». Le public se leva à l'unisson afin de prononcer la phrase demandée par l'alicorne lunaire, faisant légèrement trembler les murs de la salle. Satisfaite, elle laissa sa sœur aînée annoncer le commencement du procès et demanda à Lies Cutter d'aborder l'affaire FlimFlam.


Ce dernier s'avança pour se placer entre le promontoire et la balustrade, étant ainsi certain que tout le monde l'entendrait. Il avait pris avec lui une petite liasse de feuille. En les voyant, Twilight sembla perplexe et pensa qu'il s'agissait d'une erreur de sa part d'amener avec lui ses notes préparatoires. Aussi fut-elle surprise de le voir poser cette liasse dans un coin à portée de sabot pour lui avant d'approcher d'Applejack sans rien.


« Mademoiselle Applejack, soyez sincère et répondez à mes questions : avez-vous menacé mes clients, les frères Flim et Flam ?

-Oui, je l'ai fait. »


Un frisson d'excitation parcourut les membres du public. De leur côté, les commerçants jubilaient. La fille Apple était en train de se coincer elle-même. Ils n'étaient plus qu'à quelques heures de s'emparer de Sweet Apple Acres, ce terrain qui représentait pour eux une telle promesse de richesse. Comme pour enfoncer le clou, la jument ajouta :


« C'était dans les environs de Las Pegasus, il y a plus d'un mois.

-Bien, vous reconnaissez donc ces faits. Permettez-moi de vous poser une nouvelle question : Avez-vous étranglé M.Flam à l'aide d'une corde ?

-Tout à fait. »


L'assistance était au bord de l'explosion. La plupart des poneys présents dût se retenir de traiter Applejack de tous les noms d'oiseaux possibles et imaginables. Pour eux, elle avait le culot de reconnaître ses crimes et de ne même chercher à en atténuer la gravité. C'était pour ces gens la preuve d'un je-m'en-foutisme incroyable.


Lies Cutter récupéra à ce moment ses feuilles et les agita devant Applejack et Truth Commander. Il fit alors d'un ton plus agressif :


« Très bien ! Dans ce cas, il est inutile de recourir à ce rapport ! »


Il déchira sur ses paroles les papiers avant de les jeter avec violence dans les airs. Ces derniers retombèrent au sol tels les confettis qu'avait l'habitude d'employer Pinkie Pie lors de ses fêtes. Ce geste impressionna les poneys assistant au procès. Fluttershy bredouilla d'une voix faiblarde :


« Mais... il est fou de faire... ça... »


Même si Twilight n'avait pas entendu le moindre mot de ce qu'avait dit la pégase jaune, elle forma inconsciemment une réponse au sein de son esprit qu'elle ne partagea avec personne d'autre qu'elle-même. L'adversaire de Truth Commander était malin : la preuve qu'il comptait employer contre la fille Apple étant devenue inutile, il s'en est servi de façon à accroître la hargne du public à l'égard de l'accusée. Cette montée agressive risquait de faire pencher la balance en faveur des frères. « C'était finement joué », songea la licorne surdouée.


Celestia intervint alors pour essayer de ramener le calme dans la salle de Thaymis. Elle fit remarquer ensuite à l'avocat qu'il devait éviter de s'emporter de la sorte en public, ce à quoi à ce dernier répondit :


« Veuillez excuser mon emportement, mais quand j'entends des choses pareilles dites avec tant de sérénité, j'ai tendance à perdre mes moyens. Reprenons, si vous le voulez bien : vous n'avez pas dédommagé mes clients par rapport au mal que vous leur avez causé. Et c'est pourquoi j'estime que justice doit être faite et ce que demande mes clients en guise de compensation n'est pas si...

-Objection. »

Lies Cutter se retourna immédiatement vers son adversaire qui venait de l'interrompre en plein milieu de sa démonstration, puis vers les princesses, qui détenaient le droit d'accorder ou non l'intervention de la partie adverse. Les deux alicornes se dévisagèrent quelques secondes avant de hocher la tête en parfaite communion. Celestia accorda par conséquent l'objection de Truth Commander. Ce dernier fit frapper un peu ses sabots de satisfaction avant de se lancer dans sa première intervention :


« Navré de vous contredire, Maître Lies Cutter, mais ma cliente a bel et bien dédommagé messieurs Flim et Flam.

-Vous avez des preuves étayant vos dires ? l'interrogea l'avocat des plaignants, une lueur de défi émanant de ses yeux.

-Pas sur moi, je dois bien concéder. Mais ça peut se trouver. Majestés, je souhaite faire témoigner mademoiselle Rainbow Dash, le puis-je ? »


Luna donna son accord à l'étalon terrestre qui s'empressa de faire signe à la pégase azur de le rejoindre. Cette dernière mit un peu de temps à réagir, surprise qu'on fasse appel à elle pour ce genre de situation. Une fois qu'elle eut pris conscience de ses responsabilités, elle fonça rejoindre les avocats. La situation lui donnait l'impression d'être une nouvelle fois sur les planches du Carmanegie Hall. Elle avait le sentiment de participer à une scène de théâtre. Truth Commander la remercia alors pour sa contribution, qui fut cependant mal reçue par l'avocat des FlimFlam :


« Je tiens à vous rappeler que votre témoin est une proche de l'accusée. Elle serait capable de déformer son récit de sorte à la sauver.

-Pour ce que j'ai à lui demander, aucune déformation ne sera possible, rétorqua avec assurance l'avocat. Mademoiselle Rainbow Dash, il me semble que vous aviez tenté avec deux autres amies d'empêcher ma cliente de nuire aux frères. Est-ce avéré ? »


La pégase regarda rapidement Applejack avant de répondre à son avocat :


« Oui. Lorsqu'elle a contraint Flam à démarrer leur engin, je suis partie à leur poursuite en volant. Je suis, sans vouloir me vanter, plutôt rapide, voyez-vous.

-Tenez vous-en aux faits, rappela l'étalon terrestre.

-D'accord. Pinkie Pie et Fluttershy ont mis plus de temps à me rejoindre, car elles avaient dû se trouver un moyen de transport. Bref, j'ai retrouvé les frères quelques minutes après la fuite d'Applejack. J'ai ensuite demandé à savoir ce qu'Applejack avait découvert et ils m'ont tendu leur livre de compte tout en m'expliquant certains détails de leur altercation.

-Intéressant. Par curiosité, avez-vous lorgné au niveau de la dernière page manuscrite ?

-Je.. je crois que... »


Par réflexe, la pégase cyan plaça ses sabots sur sa bouche. Elle venait de comprendre où Truth Commander souhaitait en venir. Ce dernier ne se priva pas d'enchaîner aussitôt :


« Je crois surtout que la réaction de notre amie ici présente est très éloquente. Si certains dans cette salle n'ont toujours pas compris, le livre de compte que mademoiselle vient d'évoquer a de fortes chances de contenir des traces du dédommagement de ma cliente ! »


Flim et Flam perdirent très rapidement leur sourire triomphant et commencèrent à transpirer. Applejack savoura intérieurement leur malaise. L'avocat lui fit signe cependant pour lui rappeler que ce n'était pas encore gagné. Aussi, il poursuivit :


« Je demande donc une suspension de séance le temps que les gardent royaux s'emparent de ce livre de compte de façon à ce que nous puissions en examiner le contenu ici-même. Seriez-vous prêt à m'accorder ce souhait, majestés ?

-Objection ! Intervint Lies Cutter. Ce genre de preuve aurait dû être examiné avant que le procès se tienne !

-Pour que vos clients en profitent pour enlever le passage incriminé ? suggéra le défenseur d'Applejack. S'il est avéré que ma cliente les a dédommagé , il est évident que ces deux-là sont des crapules profitant du malheur de leur rivale pour la délester de ses terres. A leur place, je n'hésiterais pas à effacer toute trace du paiement de mademoiselle Applejack. C'est pourquoi je n'ai rien dit avant. »


Un brouhaha commença à emplir l'atmosphère de la salle à l'évocation de ces nouvelles informations. Le public ne savait plus quoi penser de la situation et commençait à débattre vivement entre eux jusqu'à ce que Luna intervienne à grand renfort de voix royale traditionnelle :


« SILENCE ! »


Le calme revint peu à peu dans la salle. Celestia éleva à son tour la voix :


« Maître Lies Cutter, votre objection est rejetée. Je pense qu'une suspension fera le plus grand bien à tous. Nous allons demander au prince consort Shining Armor d'effectuer une perquisition sur le véhicule des frères. Pendant ce temps, l'accusée retournera en cellule. Maître Truth Commander, libre à vous de la suivre. »


Ce dernier déclina poliment la proposition de l'alicorne solaire avant de la remercier pour avoir accepté la pause. Les deux alicornes disparurent peu après de la vision du public. Il en allait de même pour Applejack.


La première réaction de l'étalon terrestre fut d'aller en direction des amies de sa cliente. Pinkie Pie voulut le serrer contre elle, mais l'avocat s'esquiva avec élégance tout en expliquant :


« C'est encore trop tôt pour se réjouir. Rainbow Dash n'était pas sûre d'elle lorsqu'elle m'avait raconté les événements de Las Pegasus. Il se peut qu'il n'y ait rien dans ce carnet. De plus, si on arrive à se débarrasser des frères, il reste toujours le souci majeur : l'incendie. Dans le meilleur des scénarios possibles, il me paraît hautement improbable que nous nous en tirions sans au moins devoir verser une somme considérable à Fullbits. »


Les propos de l'étalon avait eu le don de jeter un climat glacial sur le reste du groupe. Twilight s'y attendait un peu, néanmoins. Quant à Rarity, elle conserva sa détermination. Elle conseilla à l'avocat de ne pas hésiter à faire appel à elle si nécessaire. Celui-ci lui répondit en retour :


« Mais j'en ai bien l'intention, très chère. Sans votre aide, c'est perdu d'avance. Mademoiselle Dash était la clé de voûte de notre victoire face aux FlimFlam, et vous, vous êtes celle pour remporter la prochaine bataille. Bon, le passé est sans doute inapproprié vu que cela reste à confirmer, mais j'estime que nous avons l'avantage. »


Par la suite, la disciple de Celestia le complimenta sur la façon qu'il avait eu de gérer le procès et sur l'objection qu'il avait placé au bon moment. L'étalon terrestre détailla alors un peu plus ses agissements :


« Le but était de déstabiliser au maximum Maître Lies Cutter. En le coupant en plein milieu de son discours, je suis parvenu à le titiller suffisamment pour qu'il commette des erreurs. Au vu du déroulement des événements, il n'aurait pas dû se risquer à l'objection, il vient de perdre en crédibilité auprès du public.

-Mais... Applejack reste très mal partie... fit remarquer Fluttershy.

-Bien entendu, annonça-t-il. Mais c'est ce genre de petits détails qui vont peu à peu équilibrer la balance, voire même la faire pencher en notre faveur. Il faut pas lésiner sur ce genre d'attaques. »


La conversation se poursuivit pendant de longues minutes. Les amies d'Applejack tentaient de sortir les vers des naseaux de Truth Commander pour savoir ce qu'il comptait faire pour la deuxième phase du procès. Cependant, l'étalon à la robe café au lait détourna toutes ces questions en déviant le sujet de la discussion sur des thèmes plus triviaux, par exemple l'allure magnifique des princesses d'Equestria ou encore les débats qui éclataient peu à peu entre les poneys assistant au procès. Ce détail ne manqua pas d'échapper à Twilight, qui parut alors perplexe. Est-ce que l'avocat avait au moins une stratégie pour l'incendie ?


Les portes d'accès au balcon s'ouvrirent alors à nouveau, annonçant le retour de Luna et Celestia. L'alicorne diurne employait sa magie pour maintenir en suspension dans les airs un petit carnet. Pendant ce temps, sa cadette demanda à ce que l'on fasse entrer à nouveau l'accusée dans la salle de Thaymis. Rainbow Dash déclara alors à l'attention de Rarity que tout s'était mis en place rapidement.


« En effet, avoua la licorne. Ils sont bien organisés au palais. Mais je pense que les princesses veulent avant tout que le jugement ne traîne pas. »


Le silence fut à nouveau imposé par les alicornes qui révélèrent avoir trouvé le livre de comptes des deux frères. Par mesure de sécurité, ce serait elles qui vérifieraient le livre. Celestia posa délicatement le carnet sur la rambarde avant de se servir de sa corne pour tourner les pages. Les feuilles disparaissaient les après les autres à une grande vitesse, dissimulées par d'autres. Lorsqu'enfin elle s'arrêta, sa sœur se pencha à son tour pour regarder la page qu'elle fixait. Quelques instants plus tard, l'alicorne solaire leva la tête et regarda les frères avec une expression de mépris avant de déclarer à l'attention de la salle :


« Il y a bel et bien trace d'un paiement de la part de l'accusée à la date des événements de Las Pegasus. J'ajouterai qu'en plus de ce paiement, Flim et Flam ont été également dédommagé par les amies d'Applejack. »


Le visage des deux commerçants pâlit à vue d’œil, à mesure qu'ils réalisaient qu'ils étaient piégés comme des rats. Lies Cutter se tourna dans leur direction et haussa les épaules tout en soupirant, l'air de leur dire « Je ne peux plus rien pour vous à ce niveau ». La sélène alicorne s'arracha bientôt de la vue du carnet et demanda à son aînée à lui parler quelques instants. La minute suivante se passa dans le silence le plus total, le bruit du vent étouffant les murmures des deux alicornes souveraines. Finalement, Luna s'approcha à nouveau de la rambarde pour annoncer :


« Notre sœur et nous-mêmes avons décidé de rejeter la plainte des frères Flim et Flam, en raison de ces preuves nouvelles. Par ailleurs... »


Elle s'interrompit pour chercher ses mots, son regard sévère se posant sur les escrocs, avant de reprendre d'un ton dur :


« ...Pour avoir menti à l'intérieur de la salle de Thaymis, trahissant par là même le serment de franchise qu'ils ont prêté, nous condamnons les frères à rembourser la moitié du dédommagement perçu pour l'incident de Las Pegasus. »


En entendant cette sentence, Pinkie Pie et Rainbow Dash bondirent de leur banc tout en se frappant de joie leurs sabots. Plusieurs poneys dans la salle lancèrent un regard courroucé aux deux juments, dont la princesse Luna qui les pria ardemment de contrôler leurs émotions dans cet endroit.


A cet instant, Lies Cutter retrouva sa place entre Applejack et les princesses, un brin déconfit, mais n'ayant pas encore perdu la volonté de lutter. Il se gratta légèrement la crinière du sabot avant de reprendre à nouveau la parole :

« Soit. Maître Truth Commander, vous êtes parvenus à montrer que votre cliente était capable d'assumer ses responsabilités en remboursant ses victimes. Néanmoins, je suis curieux de voir si elle se montrera capable d'en faire de même pour l'incendie du Carmanegie Hall. »


L'avocat des plaignants tentait de faire comprendre à l'assistance que l'affaire de Las Pegasus ne constituait qu'un échauffement et que son adversaire n'avait pas à se pavaner de cette maigre victoire. Les choses sérieuses allaient enfin commencer. Lies Cutter prit la décision d'interroger une seconde fois Applejack :


« Mademoiselle, vous êtes accusée dans le cadre de cette affaire d'avoir menacé mon client, M. Greedy Jewel puis d'avoir incendié volontairement le Carmanegie Hall. Avez-vous des choses à ajouter par rapport à ces affirmations ? »


Gardant en mémoire le fait que l'avocat lui faisant face ne faisait que son travail, la fille Apple se montra des plus conciliantes et lui répondit en toute honnêteté :


« C'est en parti vrai. J'ai b'en menacé M'sieur Greedy Jewel. Mais j'ai pas volontairement fichu le feu à l'opéra.

-Cela vous ennuierait-il de détailler un peu plus votre version ?

-Non, pour sûr !

-Dans ce cas, pourquoi avez-vous menacé mon client ? »


Applejack expliqua alors à son interlocuteur qu'elle souhaitait être introduite par l'ancien banquier auprès de Fancypants. Lies Cutter lui demanda alors ce qu'elle avait à faire avec le noble étalon. La réponse qu'il obtint se montra concise :


« J'le soupçonnais d'être responsable de l'état d'ma famille, comme les frères. Si c'était l'cas, j'avais l'intention d'me venger. »


La plupart des poneys dans la salle regardèrent la cow-pony avec des yeux ahuris. Seuls ceux au courant de cette information demeurèrent sans émotion. Un peu déconcerté par la simplicité du propos d'Applejack, l'avocat se ressaisit pour se montrer sarcastique :


« Vous venger, rien de moins ? Etes-vous au courant que se faire soi-même justice est proscrit par la loi équestrienne ? Rien qu'en admettant ce simple fait, vous devriez être emprisonnée ! Mais revenons-en au sujet initial : je présume que vu que vous avez mis le feu à la salle, Sir Fancypants était selon vous coupable ? »


La fermière secoua sa tête pour nier les propos de l'avocat avant de lui répondre de façon plus précise :


« Sir Fancypants n'était en rien responsable. Et j'me répète, mais j'ai pas incendié l'opéra d'façon volontaire ! Eclairez-moi également : est-ce que se faire justice soi-même est toujours interdit si la cible de cette vengeance n'est pas un citoyen équestrien ?

-Que voulez-vous dire ?

-Tout simplement que l'objet de ma vengeance n'est pas un poney, mais un changelin ! »


Une vague de surprise et de panique ébranla l'assemblée. Les changelins seraient de retour pour envahir à nouveau le pays ? A l'étonnement de tous, Lies Cutter éclata de rire en se donnant des coups de sabot sur le crâne. Lorsqu'il parvint à récupérer son calme, il déclara d'un ton doucement moqueur :


« Ridicule. Insinueriez-vous qu'un changelin avait revêtu l'apparence de Sir Fancypants ?

-J'insinue rien. J'dis qu'un changelin était dans la salle et que c'est lui qui a mis ma famille dans le coma. Demandez à Rarity, elle vous révélera qu'elle a parlé au véritable Fancypants.

-Ben voyons ! Ne prenez pas les poneys présents dans la salle de Thaymis pour des imbéciles sans cervelles ! Je sais pertinemment que cette Rarity est une de vos proches. Mais allez, je vais vous faire cette faveur et devant vous le témoignage de votre amie. Je convoque donc mademoiselle Rarity à venir nous rejoindre ! »


L'élégante licorne déglutit. Elle adressa un regard inquiet à Truth Commander, qui n'était pas encore intervenu une seule fois depuis le début de la seconde phase du procès. Ce dernier resta figé dans son coin. Rarity et ses compagnes se demandaient ce qu'il attendait pour lancer une objection...

La convoquée se leva doucement et avança d'un pas mal assuré en direction de l'endroit où se tenait l'avocat de Greedy Jewel et Fullbits. L'ancien banquier eut un rictus triomphant en la voyant marcher de façon aussi erratique. Le directeur du Carmanegie Hall demeurait de son côté stoïque. La licorne parvint finalement à proximité de Lies Cutter, qui la remercia pour sa coopération avant d'enchaîner aussitôt sur son « interrogatoire » :


« Bien, mademoiselle Rarity, quelles informations pouvez-vous nous apporter pouvant mettre en évidence la présence d'un changelin dans la salle ?

-J'étais... j'étais avec le véritable Fancypants.

-Voilà qui pose un léger souci de cohérence, réalisa Lies Cutter. Car non seulement mon client affirme avoir passé la soirée avec Sir Fancypants, mais ce dernier s'est refusé à tout commentaire sur l'affaire ! Par conséquent, vous n'avez aucune preuve !

-Objection ! »


Le défenseur d'Applejack s'était enfin décidé à intervenir. Il ne regarda même pas son adversaire, ses yeux s'étant posé immédiatement sur les deux juges. Ces dernières prièrent l'avocat d'exposer le but de son intervention :


« Il est vrai que seul Sir Fancypants lui-même est en mesure de confirmer avoir parlé avec mademoiselle Rarity. Cependant, de là à dire qu'il n'existe aucune preuve pouvant établir avec certitude la présence de deux Fancypants dans la salle, c'est un brin exagéré.

-C'est impossible, se défendit son adversaire.

-Oui, si je ne devais compter que sur le témoignage de Rarity. Mais pensez un peu à l'agencement de la salle : aux niveaux des loges réservées aux invités d'honneur tels que Sir Fancypants, il est improbable de voir autre chose que la scène. Cependant, cette contrainte ne s'applique pas aux spectateurs situés en-dessous. C'est pourquoi je demande une dérogation exceptionnelle aux princesses afin de faire voter l'assemblée ici présente, étant donné qu'elle est constitué en grande partie de spectateurs de l'opéra. Les faire voter pour savoir si oui ou non ils ont vu deux étalons dont le physique correspond à celui de Sir Fancypants. »


Les deux sœurs se parlèrent en privé. Il était d'usage de ne pas recourir à des votes à sabot levé dans le cadre d'un procès. Mais il était aussi coutume d'accorder des chances de victoire équitables entre les deux camps. Sachant que la défense était en manque de preuves, Luna et Celestia accordèrent la demande de l'avocat, ce qui contraria fortement son rival qui s'emporta brutalement :


« Majestés, je trouve intolérable l'attitude de Maître Truth Commander depuis le début de ce procès ! Il n'arrête pas de bafouer les règles établies afin de défendre sa cliente !

-Je considère qu'il n'y a pas de règle précise à suivre lorsque l'on se fixe comme but d'établir la vérité. Je pense que c'est cette dernière qui sera bafouée si l'on établit pas dès maintenant la présence des deux Fancypants !

-Arrêtez de vous disputer, ordonna avec fermeté Celestia. Notre décision est prise : celles et ceux ayant assisté à l'opéra sont priés de lever leurs sabots s'ils pensent avoir vu deux Sir Fancypants. »


Un silence pesant s'ensuivit. Les membres du public semblaient perdus dans leurs pensées, essayant de fouiller leurs mémoires respectives. Il était ardu pour eux d'avoir à se remémorer l'incendie de l'opéra. Ils avaient en effet bien cru y rester. Néanmoins, lentement, des sabots se dressèrent dans les airs. D'abord un, puis deux et ainsi de suite. Bientôt, ce fut pas moins d'une quinzaine de sabots qui firent leur apparition. Cela eut le don de réjouir Truth Commander qui en tira parti :


« Je doute que tous ces poneys aient souffert d'une hallucination. Aussi, je pense que nous avons la preuve via ces témoignages qu'il y avait bien deux Fancypants dans la salle. »


Il jeta un regard de défi à Lies Cutter, qui commençait à manquer de solutions pour retourner la situation. Si son adversaire prouvait la présence d'un changelin, le témoignage de Greedy Jewel sur lequel ce procès est basé serait remis en cause. Et il y avait trop peu d'éléments impliquant directement la responsabilité d'Applejack pour pouvoir la faire condamner. Il était au sabot du mur et tentait de réfléchir à toute vitesse pour relancer les débats. Quoi qu'en disait Truth Commander, il n'avait pas de déposition de Fancypants. Il pouvait donc jouer sur cela et il ne s'en priva pas :


« Sir Fancypants est une personnalité de grande importance. J'imagine qu'il n'aime pas parfois être dérangé en plein plaisir. Il a pu par conséquent faire appel à une doublure. Tant que ce n'était pas un changelin, la déposition de mon client reste valable. Qu'en dites-vous, Maître ? »


L'avocat d'Applejack haussa les épaules et se rétracta tout en invitant son rival à poursuivre ses questions à l'attention de la licorne blanche. Twilight et les autres le fixèrent avec des yeux ronds.


« Attends un peu là, il lâche l'affaire ? s'insurgea Rainbow Dash avec un murmure.

-Chut, je pense qu'il a une idée en tête, » rétorqua la disciple de Celestia.


Lies Cutter s'essuya le visage avec le sabot, bien content d'avoir enfin pu opposer une parade face aux attaques de son adversaire. Il s'apprêtait à reprendre son interrogatoire, mais fut précédé par Rarity :


« A vrai dire, il y a moyen de prouver que ce n'était pas une doublure. Avec un témoignage de Sir Fancypants lui-même. »


L'avocat des plaignants rappela une nouvelle fois que Fancypants avait refusé de témoigner. Rarity afficha alors un grand sourire sur ses lèvres avant de poser une question très simple à Lies Cutter :


« Savez-vous au moins pourquoi il n'a pas souhaité venir ici ?

-Il s'est refusé à tout commentaire, il n'y a pas besoin d'en connaître la raison ! »


La licorne ne prêta aucune importance à sa remarque et poursuivit avec un soupçon d'insolence dans la voix :


« Sa compagne Fleur de Lys est malade depuis quelques semaines déjà. Elle a contracté une maladie bénine, mais dont les symptômes sont assez contraignants. Sir Fancypants a été obligé par elle de se rendre à l'opéra, ce qu'il a fait de mauvaise grâce. Cependant, il tient absolument à rester à ses côtés jusqu'à ce qu'elle aille mieux. Voilà pourquoi il ne veut pas témoigner

-Mais ça n'a rien à voir avec notre affaire, jeune fille !

-Bien au contraire. »


Sur ces derniers mots, Rarity sortit d'un pli de sa robe un parchemin, soigneusement noué à l'aide d'une rose à la teinte inhabituellement bleutée. Elle le leva bien haut dans le ciel en annonçant :


« Ceci est le témoignage manuscrit de Sir Fancypants. Je le lui ai demandé au cours de cette semaine de façon à pouvoir défendre le plus efficacement possible mon amie. »


Elle dénoua la rose avant d'ouvrir le parchemin qu'elle ouvrit sous les yeux de tous avant de commencer à le lire en y mettant le ton :


« Moi, Sir Fancypants, atteste n'avoir parlé qu'à une seule jument lors de la représentation de Manelet s'étant tenu au Carmanegie Hall : mademoiselle Rarity, à qui j'ai confié ce message. J'atteste également ne jamais recourir à un procédé aussi fallacieux qu'une doublure. Je ne connais pas également personnellement un certain M. Greedy Jewel. Princesses, si vous voulez bien vérifier l'authenticité de cette lettre. »


Elle fit alors léviter la missive et la fleur en direction de Luna et Celestia, sous les yeux stupéfaits de Lies Cutter et Greedy Jewel. Celestia examina attentivement la lettre avant de révéler qu'il s'agissait bien de l'écriture du noble étalon, ayant déjà reçu par le passé des faire-parts écrits de sa propre corne. Elle ajouta de plus que le fait de nouer avec une rose ses parchemins étaient une habitude de la licorne. Luna éleva donc à nouveau la voix :


« Au vu de ces éléments nouveaux, nous déclarons irrecevable le témoignage de M. Greedy Jewel. Toutefois, l'accusée a reconnu l'avoir menacé et incendié de manière involontaire la salle de M. Fullbits. C'est pourquoi le jugement tient toujours. Nous arrivons au terme des témoignages et des présentations de preuves. Accusée Applejack, si vous souhaitez vous adresser à l'assemblée une dernière fois avant que nous procédions au verdict, vous le pouvez. »


La cow-pony hocha affirmativement la tête avant de se tourner en direction du public. Elle posa son chapeau, qu'elle avait conservé sur son crâne durant la totalité du procès, sur le promontoire avant de s'adresser à l'assemblée :


« Je vais pas m'chercher des excuses, ni essayer d'obtenir vot' pardon. J'ai commis des actes condamnables : j'ai menacé, voire maltraité des poneys dans le but d'obtenir des indices dans ma quête de vengeance. J'ai mis inutilement en danger la vie de plusieurs d'entre-vous en essayant d'empêcher ma cible d's'enfuir . Non, j'aimerai simplement attirer votre attention sur des détails, rien d'plus. Mettez-vous un instant à ma place : comment réagiriez-vous si un jour comme un autre, vous r'veniez chez vous, seulement pour y trouver les membres de vot' famille dans un état où ils ne sont ni vivant, ni morts ? Pouvez-vous imaginer l'angoisse d'se d'mander s'ils pensent encore, ou si ce ne sont d'jà plus rien d'autre que des légumes ? C'que j'veux dire par là, c'est qu'il n'est pas si difficile d'en être conduit à ces extrémités, car soyons francs : qui n'aime pas sa famille ? On peut avoir des conflits de temps en temps avec elle, mais il n'empêche : ce sont les gens les plus proches de soi que l'on peut rencontrer dans sa vie. J'vous demande pas de me pardonner, seulement de me comprendre. Je ne suis pas un monstre, seulement une jument comme les autres qui a tout perdu et qui réclame justice, comme vous en ce moment même. C'est pourquoi j'terminerai ainsi : si vous êtes incapables d'éprouver de l'amour, vous serez incapables de me comprendre. C'est tout c'que j'avais à dire. Merci pour vot' attention. »


L'instant succédant à ce monologue d'Applejack fut d'un calme elysien. Pas un son ne sortit de la bouche de poneys. Il se contentèrent de dévisager l'accusée d'un air perplexe. Mais plus encore, celles qui contemplaient la scène avec la plus grande attention furent les deux alicornes souveraines. Elles observaient les réactions du public avec la plus grande minutie. Au bout de plusieurs minutes, Celestia rompit le silence :


« Nous allons à présent nous retirer un moment le temps de délibérer. Nous vous prions de bien vouloir patienter un peu. »


Les deux princesses s'éloignèrent aussitôt de la vue du public. Tous ceux présents dans la salle étaient dans l'expectative, même si quelques uns affichaient des réactions pour le moins singulières : Truth Commander et Rarity souriaient par exemple, tandis que le visage Applejack ne montrait aucune trace d'inquiétude ou de confiance. Elle attendait juste le verdict avec patience. Fullbits de son côté semblait surtout s'inquiéter sur le devenir incertain de son opéra. Et finalement, les sœurs firent pour la dernière fois leur apparition. Ce fut Luna qui se chargea d'annoncer la décision :

« Notre sœur et nous-mêmes déclarons la remise en liberté de l'accusée. Cependant, l'argent qu'elle doit récupérer des frères Flim et Flam sera attribué à M. Fullbits pour l'aider à reconstruire le Carmanegie Hall. La somme restante sera donnée par don de notre part afin de promouvoir la culture de notre beau pays. Pour en revenir à l'accusée, nous ajoutons une condition à sa liberté, au vu de ses projets : elle devra rester en permanence avec au moins une de ses amies proches. En aucun cas, elle ne devra se retrouver seule. Ses expériences passées ont montré qu'elle était moins prompte à laisser libre cours à son tempérament agressif lorsqu'elles étaient dans les parages. A cette seule condition, nous tolérons sa quête de vengeance. Nous espérons que cette décision convienne à chacun d'entre-vous. »

Peu à peu, des applaudissements retentirent dans la salle de Thaymis. Peu après, celle-ci tremblait sous le fracas des sabots s'entrechoquant les uns sur les autres. Un tel signe ne trompait pas : la décision des juges était juste pour chaque camp. Applejack accepta de tout son être le choix des princesses et sauta du promontoire pour rejoindre ses amies, qui l'enlacèrent dans leurs sabots. Il s'agissait cette fois de véritables retrouvailles.


Tout le monde applaudissait à tout rompre dans la salle, même Lies Cutter ou Fullbits, qui ne s'étaient pas montrés particulièrement compatissants lors du procès. Un seul ne s'était pas joint à l'allégresse générale : Greedy Jewel, qui avait quitté sans mot dire la salle de Thaymis, dépité. Cela n'avait pas manqué d'échapper à Applejack.


Truth Commander alla saluer de façon très amicale son rival, qui accepta sans broncher la poignée de sabot tendu par l'étalon café au lait. Il lui fit néanmoins savoir qu'il avait été bien sournois pour sauver sa cliente, ce à quoi l'avocat d'Applejack répondit :


« Je suis resté dans le cadre des lois du pays et j'ai rétabli la vérité. Ces deux conditions étant respectées, peut-on vraiment parler de malice de ma part ? »


Il éclata de rire avant de complimenter Lies Cutter sur ses compétences et que sa seule véritable erreur avait été sa tendance trop fréquente à s'emporter au cours du procès. Il ajouta cependant que la lettre de Fancypants avait scellé dans tous les cas sa défaite. L'étalon alla ensuite voir le groupe d'Applejack. Cette dernière le remercia pour son aide précieuse avant d'avouer que son seul regret était de ne pas avoir pu coincer Greedy Jewel.


« Détrompez-vous, rétorqua Truth Commander. Il n'a pas récupéré le moindre argent et il a littéralement perdu la face au cours de ce procès. Il n'a aucune chance de pouvoir gagner ses entrées dans la Haute-Société à présent. »

La jument eut un léger sourire à cette pensée, qu'elle évacua bien vite de son esprit pour profiter de sa réunion avec ses amies. Elles quittèrent la salle de Thaymis, échangeant leurs pensées, impressions et sentiments sur le procès. Pour un peu, Applejack se serait crue revenue à l'époque où elle coulait des jours heureux à Ponyville. Jusqu'à ce qu'une innocente parole de Pinkie Pie la fit revenir brutalement à la réalité :

« Bon, on fait quoi maintenant ? »


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Usui
Usui : #207
Si, je connais bien sûr l'univers de Phoenix Wright, simplement je n'ai jamais eu l'occasion de jouer à la série. Du coup, j'ai préféré poursuivre ma liste de références au visual novel Umineko no Naku Koro ni, certes moins connu, mais qui est très intéressante ^^
Il y a 4 ans · Répondre
Piapiou
Piapiou : #201
Tu as manqué une belle occasion de faire une référence à l'univers d'Ace Attorney ^^
M'enfin si tu connaissait pas, je peux pas t'en vouloir x)
Il y a 4 ans · Répondre

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