La haine...
Je ne pouvais lire que la haine dans ces yeux émeraudes. Les sentiments m’avaient peut-être été étrangers durant de longues années, mais j’étais capable de voir toute l’aversion et le ressentiment que leur propriétaire avait à mon égard. Je me savais responsable de son malheur, et pourtant... je m’étais enfui comme un lâche...
J’aimais trop la vie pour l’abandonner, voilà tout. J’avais fini par prendre conscience des nombreuses merveilles que ce monde avait à offrir. Je ne voulais tout simplement pas les lâcher. Il me restait encore tant de choses à voir dans ce magnifique pays qu’était Equestria...
Mais alors, pourquoi ? Pourquoi ma vie n’avait-elle plus le même goût ? Pourquoi ne prenais-je plus plaisir à rien depuis ma rencontre avec cette jument ? Pourquoi le remord m’enlaçait depuis ce jour où je m’étais arrêté à cette ferme ?
N’aurait-il pas mieux fallu que jamais je ne m’éveille aux sentiments ? Que je demeure la pathétique créature que j’étais destiné à être ? Certains disent que les ignorants sont les êtres les plus heureux en ce monde. C’était peut-être vrai. Avoir découvert ce qu’était un coeur m’a précipité dans mon malheur...
Mais quand exactement ai-je acquis cette conscience ? Je crois bien que ce fut ce jour-là. Celui qui devait voir le triomphe de notre espèce changeline et de notre reine, sa majesté Chrysalis. Le jour du mariage unissant le capitaine de la garde royale Shining Armor et la princesse Mi Amore Cadenza.
Hélas pour nous, il nous fallut lutter avec de nombreux imprévus. Des imprévus si conséquents qu’ils provoquèrent notre défaite. Nous fûmes envoyés dans les cieux par un champ de force né de la puissance de l’amour des futurs époux. Maintenant que j’y repensais, c’était sacrément ironique d’être battu par l’amour, quand on était supposé s’en nourrir.
Nous autres changelins n’avons qu’une faible conscience de nous-mêmes. Occasionnellement, il nous arrive de rire, de nous mettre en colère et d’avoir des agissements individuels, mais pouvait-on vraiment parler d’une personnalité propre ? Non. En vérité, seule la reine Chrysalis était dotée d’une réelle pensée. La reine était la seule dont l’intellect se révélait à même de nous diriger.
Bien entendu, c’était elle qui avait subi le contrecoup de ce fiasco. Dépitée, elle avait craché sur le sol aride du désert où nos troupes avaient fini par atterrir. Elle ne digérait absolument pas sa défaite face aux poneys. En particulier cette licorne... Twilight Sparkle. Elle hurlait encore et encore son nom, déclarant que tout était de sa faute, que sans elle, tout se serait passé comme prévu.
Une partie de notre reine voulut charger à nouveau la capitale équestrienne afin de laver l’affront subi. Cependant, sa logique la poussa à nous faire revenir sur nos terres. Peu importait pour nous son choix, nous l’aurions suivi de toute manière...
Nous fîmes donc route en direction de nos terres, à l’est d’Equestria. Il nous fallut plusieurs jours de vol pour y revenir. Plusieurs jours où la faim commençait à se faire sentir dans nos rangs, poussant Chrysalis à faire quelques détours pour que nous nous abreuvions de l’amour de créatures primitives, qui ne valait pas grand chose en comparaison de ce que les poneys avaient à nous offrir. Mais nous devions nous en contenter. Ce serait de toute manière notre lot quotidien une fois revenu sur notre territoire.
Il fut un temps où les terres que nous arpentions à la recherche de nourriture étaient pleines de vie et représentaient pour nous un véritable paradis. Mais nous ne contrôlâmes pas nos pulsions et dévorèrent littéralement l’amour des créatures environnantes. Au point que ces dernières se laissèrent mourir. A croire que l’amour était la vie...
Ce fut pour cette raison que notre reine avait posé son regard sur la terre des poneys. Elle en avait assez que nous nous nourrissions seulement de restes inconsistants à notre appétit. Elle désirait pour nous des mets de choix.
Notre reine Chrysalis faisait tout ce qu’elle pouvait faire pour nous, et uniquement pour nous, n’hésitant pas à donner de sa propre personne pour se faire, comme elle l’avait prouvé lors du mariage. Nous étions heureux de l’avoir pour reine et pas un seul d’entre nous n’aurait envisagé un seul instant de lui faire porter la responsabilité de notre échec. Enfin, heureux...
Je pensais l’être...
Arrivés dans ce que nous étions encore contraints d’appeler notre chez-soi, nous reprîmes aussitôt notre quotidien de charognards, tentant de nous sustenter de l’amour qu’il restait dans les parages. Dans le pire des cas, les plus affamés se nourrissaient du propre amour qu’ils portaient à notre reine. Cette dernière réfléchissait dans sa tanière à sa prochaine stratégie. Elle n’avait pas encore abandonné l’idée de s’emparer de l’amour des Equestriens.
Pour ma part, j’avais imité mes congénères dans un premier temps, partant à la recherche de proies potentielles. Je m’étais rapidement retrouvé près d’un étang presque asséché où je pensais avoir détecté l’amour d’une famille. Ça me semblait assez étrange, mais ma faim se montra plus forte. Il ne s’agissait que d’une colonie presque éteinte de grenouilles dont j’aspirais rapidement leurs sentiments avant de les observer quelques instants se précipiter vers leurs pertes d’un air hagard.
Je jouais un peu de la patte dans ce qu’il restait d’eau, me demandant à ce moment comment des êtres vivants pouvaient éprouver encore de l’amour dans un lieu si dévasté et qui n’était plus que l’ombre de lui-même. En tout cas, cet endroit n’était rien en comparaison d’Equestria.
Toutefois, quelque chose pour le moins curieux fit son apparition dans mon esprit étriqué. Je n’envisageais plus vraiment Equestria comme un immense festin, mais davantage comme un endroit où il faisait bon vivre. Lorsque le nom de ce pays me venait en tête, je revoyais défiler sous mes yeux vierges de toute pupille les images des habitants de Canterlot vaquant à leurs tâches quotidiennes, alors que j’attendais avec les autres l’ordre d’attaquer le champ de force.
Cette pensée m’était venue d’une façon toute naturelle, aussi simplement que le fait de respirer ou pour prendre un exemple plus frappant pour des changelins, de changer d’apparence. C’est ce qui m’avait semblé étrange. Jusqu’alors, rien ne me différenciait des autres, je considérais tout ce qui nous entourait comme de la pitance, rien de plus.
Et là... pour la première fois de mon existence, je trouvais que notre espèce était pitoyable. Nous n’avions rien pour nous amuser hormis la chasse. Mais pouvait-on parler de plaisir quand il s’agissait d’une lutte pour notre survie ? Notre société entière était basée sur notre survie en termes de faim. Tout notre temps libre consistait à chercher dans les alentours de la nourriture.
A côté, nous avions quoi ? Un pays habité par une multitude d’espèces vivant harmonieusement ensembles, s’occupant dans la joie et la bonne humeur. Bien sûr, ce que j’avais vu pouvait bien n’être que la liesse d’un jour. Après tout, on célébrait un mariage. Et pourtant, une partie de moi-même ne pouvait s’empêcher d’envier leur quotidien.
Je méditais là-dessus tandis que mes yeux contemplaient distraitement l’eau saumâtre. Même s’il était ardu de voir mon reflet dans cet étang presque asséché, une image se forma finalement sur les rides de l’eau. Mon image. Mais quelque chose avait changé.
Mon crâne, normalement dégarni, à l’instar des autres changelins, s’était vu doté d’une courte crinière en pointes. Une crinière propre pour le moment. Je fis un bond en arrière, avant de regarder tout autour de moi, pensant que quelqu’un d’autre était présent. Mais j’étais tout seul. Aussi me rapprochai-je avec appréhension de l’étang, pensant qu’il ne s’agissait que d’une vision. La même image refit son apparition. Déconcerté, je passai ma patte sur la tête et sentit la douceur du crin.
A ma connaissance, il n’existait qu’un seul changelin arborant une crinière. Et ce changelin n’était nul autre que la reine Chrysalis. Que penser de ce changement s’étant opéré dans mon apparence initiale ? Étais-je différent des autres changelins? Ou n’était-ce qu’une différence esthétique sans importance ?
Il fallait que j’en aie le coeur net. Je décidai d’en parler avec la reine Chrysalis. Je me dirigeai donc au plus profond de notre territoire, là où le soleil ne brillait plus et où seul une fragile lumière verdâtre éclairait un endroit où trônaient en maîtres incontestés les ossements de nos ancêtres.
Tout au fond de cette caverne, allongée sur un trône érigé à partir des restes de ses prédécesseurs se tenait la reine Chrysalis, réfléchissant avec ferveur à ses prochaines machinations, insensible à ce qui l’entourait. Je toussai afin d’attirer son attention. La reine leva brutalement la tête, tirée de sa réflexion avant de poser ses pupilles noires sur ma personne.
“Que veux-tu ? J’essaye de trouver une solution pour rattraper notre fi...”
Elle s’interrompit au beau milieu de sa phrase. Ses pupilles s’écarquillèrent. Elle se leva avant de s’envoler avec légèreté dans ma direction, sans prononcer un mot. Une fois à proximité, elle fit le tour de mon corps décharné, son regard fixé sur un point en particulier: ma crinière.
Elle arrêta au bout d’un moment son examen et s’allongea à nouveau sur son trône. Je n’ôtai pas mon regard de sa silhouette gracieuse, attendant qu’elle se prononce sur mon cas. Contre toute attente, elle siffla. Un petit groupe de changelins apparut, sortant d’une autre altère débouchant à la salle du trône. Chrysalis me désigna d’un air nonchalant de la patte en leur déclarant:
“Eliminez-le.”
Je regardai ma souveraine sans comprendre. Pourquoi désrirait-elle m’éliminer ? Les changelins qu’elle avait appelé ne s'intéressèrent pas à ce genre de considérations. Ils se contentèrent de lui obéir fidèlement et de déployer leurs ailes, l’air menaçant.
Comprenant que je ne ferais pas long feu si je n’agissais pas maintenant, je fis demi-tour et galopai vers la surface avant de m’envoler. Tout au long de ma traversée des tunnels, je sentais que mes poursuivants ne lâchaient pas prises. Je mis plus de force dans le battement de mes ailes. Je ne voulais pas mourir !
Un rayon de lumière, un vrai, commençait à se dessiner. J’approchais de la sortie, il me serait plus facile de les semer à l’extérieur. Je battis mes ailes du plus fort que je pouvais et m'envolai dans le ciel nuageux nimbant nos terres. Je fis le choix d’aller me dissimuler près de l’étang asséché où j’avais découvert mon changement d’apparence. Il était situé non loin de là et comportait un petit renfoncement où je pourrais passer inaperçu.
Je mis en oeuvre mon projet et m’adossa contre la paroi boueuse du renfoncement. Je vis passer au-dessus de ma tête l’escadron de changelins. Ces derniers s’arrêtèrent en plein milieu des airs. Je tremblais de tout mes membres, priant pour que je ne sois pas découvert.
“On se sépare !” finit par ordonner l’un d’eux.
Le groupe se sépara, chacun d’eux allant dans une direction différente. Je poussai un soupir de soulagement avant de frotter nerveusement ma crinière nouvelle. Ma patte s’arrêta alors dans son action. Maintenant que j’avais échappé à mes congénères, j’eus tout le loisir de songer à mon entrevue avec la reine.
J’avais réalisé que l’apparition de ma crinière avait été une transformation qui ne plaisait absolument pas à Chrysalis. Au point qu’elle veuille me faire disparaître de son territoire sans laisser de traces. Je ne comprenais pas pourquoi. La seule chose que je savais pour acquis: j’étais devenu un paria auprès de mes semblables. Et la terre qui m’environnait était à présent une source de dangers pour moi, bien qu’elle soit l’endroit où j’étais né et où j’avais passé le plus clair de ma vie.
Mon regard vide se posa sur l’horizon. Mon seul espoir était sans doute de me réfugier ailleurs. Un endroit où les changelins n’iraient pas me chercher. Ou alors un lieu où ils auraient mieux à faire. L’image de la capitale équestrienne s’imposa dans mon esprit. L’image de ses habitants à la vie bien remplie également.
J’avais le choix: rester dans cet endroit seulement présage de mort, ou m’installer à Equestria pour vivre aux côtés des poneys. Il était vite fait. Il serait plus simple pour moi de me camoufler au coeur des poneys en revêtant leur apparence qu’ici. Et je devais avouer que j’étais curieux de voir comment ils vivaient, ce que pouvait être la source de leur bonheur.
Peut-être parviendrais-je ainsi à trouver le mien...
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“Je pense que l’on devrait aller demander l’accord des princesses.”
La voix de Twilight finit par faire écho à l’interrogation de Pinkie. Le restant du groupe la regarda d’un air intéressé. Applejack en particulier qui s’empressa de lui demander:
“Accord pour quoi ?
-Tu le sais déjà : nous avions parlé de nous rendre sur les terres de Chrysalis, rétorqua la licorne mauve d’un ton un peu sec. Je crains fort qu’elles nous laissent agir à notre guise, surtout après tout ce remue-ménage.
-J’pensais que tant qu’vous étiez avec moi, y avait pas de p’oblèmes ?
-Ne prenons pas de risques et allons demander audience, jugea Twilight.”
Le groupe se mit en marche en direction du palais, à l’exception de Pinkie, qui haussa les épaules en déclarant d’un air déçu:
“Mais je parlais d’idées pour poursuivre la fiesta, moi. Ça pouvait attendre demain les problèmes !”
Elle rattrapa ensuite ses amies et se plaça à côté d’Applejack, qui lui rappela gentiment que tandis qu’elles faisaient la fête pour célébrer sa libération conditionnelle, il y avait trois Apple dans le coma. La jument rose s’excusa aussitôt. Toutefois, la fermière passa un sabot le long de sa crinière en pétard.
“C’est pour ça qu’on t’apprécie, Pinkie. Change pas.”
Quelques minutes plus tard, les juments pénétrèrent dans l’enceinte du palais. La plupart d’entre elles avaient désormais l’habitude de fréquenter cet endroit, excepté Applejack, qui n’y avait pas remis les sabots depuis le mariage de Cadence et Shining Armor. Cela lui faisait toujours un léger effet lorsqu’elle arpentait les couloirs du château des princesses. Pour une fois, cela ne fut pas le cas. Elle était davantage focalisée sur ce qui allait ressortir de leur entretien avec les princesses.
Twilight se chargea d’interpeller un garde afin que ce dernier aille prévenir les deux souveraines. Il demanda au groupe de patienter quelques minutes dans la salle regroupant tous les vitraux relatant l’histoire d’Equestria. Les yeux émeraudes d’Applejack s’arrêtèrent sur le plus récent, symbolisant la victoire du couple princier face à Chrysalis, qui n’aurait pas été possible sans l’intervention de la disciple de Celestia.
La fermière ne remarqua pas la présence de Fluttershy à ses côtés et tressaillit légèrement lorsque la pégase jaune murmura dans son oreille :
“Tu penses vraiment que la reine Chrysalis est derrière tout ça.?”
Une fois remise de sa surprise, Applejack contempla à nouveau le vitrail, s’attardant plus particulièrement sur la représentation de la reine changeline. Elle ne répondit rien à Fluttershy pendant quelques instants, avant de lui révéler finalement :
“J’suis certaine d’rien en ce moment, sucre d’orge. J’ai eu tout le temps d’y réfléchir dans ma cellule, et j’saurai pas dire qui est vraiment responsable. Mais si c’est elle, il y a beaucoup de trucs différents par rapport à sa façon d’agir.
- Comme... quoi ? s’enquit la pégase à la crinière rose.
- J’pense que ce s’rait davantage elle qui se serait chargée d’attaquer ma famille, si elle voulait se venger de moi ou de Twi. Et elle serait devenue bien imprudente pour ne pas mettre hors de circuit le véritable Fancypants. Il y a des trucs qui collent pas avec sa manière d’agir... D’un aut’ côté, j’vois pas qui d’autre qu’elle serait capable d’faire ça.”
Elle tourna les sabots pour arracher ses pupilles du vitrail et conclut sur ces mots:
“C’est pour ça qu’j’veux me rendre sur ses terres. Pour connaître la vérité.
-Et tu feras quoi... si c’est elle ? lui demanda Fluttershy.
-C’que j’ai dit : j’lui f’rais regretter d’s’en être prise à ma famille.”
La pégase baissa la tête en soupirant, l’air de penser que la situation était à nouveau au point mort. Cela dit, elle devait bien admettre que pas mal de choses avaient changé depuis le début : elles avaient une idée plus précise du responsable, ainsi de ce qui avait mis les Apple dans cet état, sans compter qu’Applejack avait fini de vagabonder dans tous les sens. Enfin, cela avait quand même pris un peu plus de deux mois. Combien de temps leur faudrait-il encore pour revenir aux jours paisibles qu’elles coulaient à Ponyville ? Les retrouveraient-ils seulement ? Le malheur d’une seule d’entre elles les affectaient toutes...
La timide ponette cessa de se tourmenter l’esprit en entendant arriver l’alicorne solaire. Toutefois, la princesse Celestia était seule à venir leur parler. Elle s’excusa au nom de sa soeur, arguant que cette dernière avait besoin de se reposer un peu suite au procès, la nuit approchant.
“Néanmoins, je pense être bien assez pour le problème qui nous occupe.” acheva-t-elle avec un léger sourire, qui disparut rapidement lorsqu’elle vit les mines sombre de sa protégée et d’Applejack.
La licorne mauve se chargea de parler au nom de ses amies, révélant à la princesse le projet qu’elles avaient en tête. L’alicorne diurne écouta attentivement les propos de sa disciple. Lorsqu’elle eut achevé son explication, la souveraine s’exprima à son tour:
“Je vois. Vous souhaitez donc vous rendre sur le territoire de la reine Chrysalis pour en savoir plus. C’est une bonne idée, et je n’ai pas de raisons de m’y opposer.”
Twilight et Applejack se regardèrent à cet instant, fières d’être parvenues à convaincre Celestia, surtout après les récents événements. L’alicorne poursuivit cependant, ramenant l’attention des juments sur elle :
“J’ai toutefois quelques conditions à poser. Si vous ne les respectez pas, vous n’irez pas là-bas ou bien je reviendrais sur notre décision de libérer Applejack.
-Quelles sont-elles ? demanda Twilight.
-Vous rendre là-bas, je suis d’accord. Déclencher du grabuge, moins. Si vous y allez, c’est discrètement. La situation entre Equestria et les changelins est très tendue depuis les événements du mariage.
-Ce sont eux qui l’ont cherché ! s’insurgea Rainbow Dash
-Certes, avoua Celestia. Mais il est hors de question de raviver le conflit avec les changelins. Equestria est en paix et j’ai bien l’intention que cela reste ainsi. Pour cette même raison, vous n’aurez pas les éléments d’Harmonie à disposition.”
Les six juments se regardèrent, interloquées. Bien entendu, elles n’auraient pas été jusqu’à demander de manière directe les éléments d’Harmonie à la régente solaire, mais elles espéraient tout du moins que cette dernière leur fasse la proposition de son propre chef. Tandis que là, elle leur refusait purement et simplement l’accès à la meilleure arme contre Chrysalis en l’absence de Cadence et Shining Armor. Avec un air d’incompréhension sur le visage, Twilight s’approcha davantage de son mentor pour essayer de défendre leur point de vue :
“Mais princesse, sans les éléments, c’est comme si vous nous envoyez dans la gueule des timberwolves ! Il nous faut de quoi nous défendre contre les changelins !
-Vous serez davantage prudentes ainsi désarmées, justifia Celestia. Le but de la manoeuvre n’est pas de défier la reine Chrysalis, mais juste de lui soutirer les informations relatives à la famille d’Applejack.
-Mais c’est… commença son élève avant d’être interrompu.”
Le sabot d’Applejack s’était posé sur ses lèvres, lui intimant de se taire. Le restant de ses amies la regardait avec une nervosité palpable. Elles savaient parfaitement que la fille Apple était capable de tout tant qu’on ne lui aurait pas rendu sa famille. Aussi étaient-elles particulièrement anxieuses à l’idée d’entendre Applejack s’adresser directement à la princesse. Néanmoins, la principale intéressée resta maîtresse d’elle-même et demanda simplement à la princesse solaire :
“Pensez-vous vraiment qu’la reine Chysalis se laissera approcher ? Si elle est coupable, on s’fera seulement capturer. Vous comptez faire quoi si ça se produit ?”
Celestia fixa fermement le regard d’Applejack afin de la sonder. L’expression de la jument ne paraissait porter aucune accusation. Elle souhaitait juste avoir une réponse satisfaisante. L’expédition était hautement périlleuse dans les conditions soumises par la princesse. Elle souhaitait simplement s’assurer qu’elle n’était pas vouée à l’échec. Ce qui pouvait lui arriver à présent ne lui importait plus, mais elle s’intéressait encore au sort de ses amies. La princesse répondit alors avec la plus grande franchise :
“La reine Chrysalis sait où est son intérêt, surtout après la défaite au mariage princier. Et si elle avait le cran d’agir de la sorte, elle trouvera ce qu’elle était venue chercher : la guerre. Quand bien même, ça ne m’enchante guère. Vous êtes trop importantes pour que je vous laisse entre ses pattes.”
Elle avait dit cela avec un léger sourire, mais les paroles qu’elle venait de prononcer était en réalité d’une très grande gravité. Ce qui était initialement une simple histoire entre deux êtres vivants était en train de devenir un drame à l’échelle du pays. Applejack et ses amies en avaient conscience, aussi la fermière demanda une faveur à Celestia : la possibilité de s’entretenir un peu avec ses amies.
“Tu peux, Applejack. Je vais aller dans mes quartiers. Envoyez Twilight me chercher quand vous aurez pris une décision.”
L’alicorne blanche sortit doucement de la salle aux vitraux avant de refermer la porte par magie. Lorsque le claquement de la porte se fit entendre, Applejack soupira tout en rabattant son stetson sur ses yeux émeraudes. Pendant ce temps, le reste du groupe s’était rassemblé derrière elle. La fille Apple se retourna et pris la parole :
“Les filles, au vu de c’qu’a dit la princesse, il serait préférable que j’y aille seule. Ce s’rait vous mettre inutilement en danger que de vous contraindre à m’accompagner pour une histoire qui me concerne seulement moi initialement.
-Te rappelles-tu l’extrait de ta sentence ? lui rappela Rarity dans un ton de profond désaccord. Tu ne dois être seule sous aucun prétexte. Et tu peux compter sur moi pour te surveiller.
-S’il le faut, je deviendrais hors-la-loi alors, suggéra Applejack. Les affaires des Apple ne devraient concerner que les Apple.”
Rainbow Dash s’interposa entre Rarity et la fille Apple avant de lui asséner un léger coup de sabot, comme si elle voulait lui faire comprendre qu’elle avait perdu la raison. Seulement après, elle s’expliqua :
“Que tu le veuilles ou non, on est déjà trop impliqué dans l’affaire. C’est nous qui avons découvert les corps sans vie de ta famille, nous qui t’avons pourchassé aux quatre coins d’Equestria pour t’empêcher de faire la plus grosse bourde de ton existence et enfin c’est nous qui avons fait le nécessaire pour te faire sortir de taule. Tu nous causes plus d’ennuis si on te laisse guider que si nous guidons.”
Applejack souhaita contre-attaquer mais la pégase azur la moucha aussitôt d’un coup d’aile :
“C’est la vérité, AJ, et tu le sais. A tout vouloir faire toute seule, tu te mets dans des situations pas possibles.
- Et puis, peu importe que tu sois seule ou non, intervint Twilight. Les risques de ce voyage ne diminueront pas pour autant.
-Et b’en, dans c’cas Twi, rétorqua Applejack, t’as qu’à venir avec moi pour faire office de chaperon. Mais je ne mettrais pas les autres en danger !”
La protégée de Celestia désigna Pinkie, Fluttershy, Rarity et Rainbow Dash du sabot gauche avant d’expliquer qu’elles avaient toutes abandonné leur vie tranquille à Ponyville dans le seul but d’aider Applejack. Elles ne pouvaient plus faire demi-tour, surtout après les récents événements. Pinkie Pie, trouvant sans doute qu’elle était trop calme depuis quelques temps, empoigna Fluttershy dans sa patte droite avant de surenchérir les propos de Twilight :
“Et plus on est de folles, plus on rit !”
Sa remarque afficha un sourire en coin et marmonna entre ses dents des paroles ressemblant à : “c’est b’en c’que vous d’vez être pour continuer à m’suivre malgré tout.”. Elle se tourna alors vers la protégée de Celestia et concéda la défaite :
“C’est bon. Vous avez gagné. Vous v’nez toutes. Tu peux aller chercher la princesse, s’il-te-plaît ?”
Twilight n’attendait que ces mots pour bouger et disparut en un flash de téléportation, tandis que Pinkie Pie entamait une sorte de valse improvisée avec une Fluttershy, tout sauf consentante. Les trois juments restantes contemplaient la scène d’un air mi-amusé, mi-consterné. Durant l’attente, les ponettes se demandèrent combien de temps durerait le voyage vers la terre des changelins. Applejack se permit alors quelques estimations très vagues :
“On sait d’après c’qu’a pu vous révéler Twi qu’les changelins habiteraient par delà le désert s’étendant après Las Pegasus. Si on s’déplace jusque là en train, ça nous prendrait à peu près une journée. Après, pour le désert ça dépendra entièrement de notre vitesse de marche. Puis, il est probable que nous restions une journée ou deux en territoire ennemi. Je tablerais donc sur une durée d’une à deux semaines.
-C’est long, constata Fluttershy, parvenue à se libérer de Pinkie en profitant d’un moment d’inattention de la bondissante terrestre.
-Depuis le temps qu’ça traîne, c’t’ histoire, ça m’fait ni chaud ni froid c’te question de durée, avoua Applejack. Tant qu’j’retrouve ma famille, ça m’est égal.”
De son côté, Twilight était parvenu devant la chambre de la princesse, celle-là même qu’elle avait ravagée lors de ses instants de déprime, et avait doucement toqué. La porte s’ouvrit sur une Celestia qui tenait un ancien parchemin en se servant de la magie. Devant la mine songeuse de sa protégée, elle lui tendit la feuille avant de lui expliquer, après lui avoir demandé de garder le secret :
“Ceci est un sort très élaboré qui permettra de multiplier grandement le champ d’action de ton sort de téléportation. Si jamais vous étiez toutes capturées et que votre détention devait se poursuivre, utilise-le pour rentrer à Ponyville. Mais je te préviens d’avance, il ne doit pas être utilisé à la légère. Cela videra entièrement ta magie pour une durée d’une semaine.”
La licorne mauve parcourut rapidement les inscriptions du parchemin avant de le ranger avec soin dans la petite sacoche dont elle ne se séparait depuis quelques temps. Elle remercia ensuite la princesse solaire avant de lui faire remarquer avec un sourire :
“Finalement, vous ne nous envoyez pas là-bas totalement démunies.
-Je ne mentais pas quand je disais que vous étiez précieuses à Equestria, révéla Celestia. Oh ! Au fait, vous êtes parvenues à prendre une décision ?”
Twilight déclara que c’était en effet le cas et commença à résumer le débat pour son mentor tandis qu’elles retournaient tranquillement dans la salle aux vitraux. Lorsque son élève lui révéla qu’Applejack avait sérieusement envisagé de se rendre seule là-bas, quitte à défier le pouvoir d’Equestria, Celestia intervint, coupant Twilight en pleine action :
“On ne peut nier qu’elle est entièrement dévouée à sa famille et ses amies. Mais il faut qu’elle comprenne qu’elle n’arrivera à rien seule. Cela lui a déjà causé des soucis par le passé, je me trompe ?
-Non, c’est vrai, concéda Twilight. C’est peut-être son seul véritable défaut à côté de son attitude bornée.
-Dans ce cas, considérons que c’est une victoire qu’elle ait accepté votre présence, jugea Celestia.”
Maîtresse et disciple ouvrirent la porte de la salle où était demeuré le reste du groupe et trouvèrent les juments déjà affairés à discuter des préparatifs pour le trajet. Twilight était un brin désappointée de constater qu’on ne l’avait pas attendu pour prendre des décisions. D’un autre côté, elle était bien forcée d’admettre que c’était un excellent moyen de conserver un temps précieux. Lorsque la princesse Celestia s’avança vers le centre de la pièce, Applejack se mit en face d’elle.
“Quel est ton choix, Applejack ?
-J’accepte toutes vos conditions, déclara avec fermeté Applejack. J’serai accompagnée de mes amies dans une infiltration du territoire changelin.”
L’alicorne sentit de la conviction dans les yeux et le ton de la fille Apple. Aussi donna-t-elle son accord. La terrestre remercia la dirigeante en s’inclinant respectueusement tout en enlevant son chapeau. Les autres en firent autant. Lorsque tout le monde fut relevé, Twilight s’exclama :
“Dans ce cas, on rentre à Ponyville !”
Les juments saluèrent une dernière fois la princesse Celestia avant de tourner les sabots et de partir du château de Canterlot. Une certaine liesse et ferveur s’étaient emparées des ponettes à l’idée de repartir à l’aventure toutes les six, ce qui n’était pas arrivé depuis quelques mois. Bien entendu, à ces sentiments s’ajoutaient également de l’anxiété ainsi que de la crainte mais sur le moment, il leur paraissait important de se borner dans le positif.
Ainsi, le petit groupe d’amies traversa avec un plaisir non dissimulé les rues de la capitale équestrienne et ce jusqu’à la gare où elles prirent chacune un billet en direction de Ponyville. Afin de ne pas ressasser ce qu’elles ne savaient que déjà trop, les ponettes ne discutèrent que de sujets triviaux, par exemple la prochaine fête que Pinkie Pie ferait, qu’elle assurait déjà comme supérieure à toutes les autres réunies. Sa prétention eut le don de bien faire rire les autres.
Une fois parvenu à Ponyville, le groupe descendit de leur wagon avant de se diriger vers le centre-ville. Une bouffée de nostalgie s’empara alors d’Applejack, qui se remémorait tous les souvenirs agréables qu’elle avait ici. En tous les cas, leur retour ne passa pas inaperçu, vu que quelques habitants du village s’étaient attroupées devant elles, dont la maire. La fille Apple fut un peu gênée d’être accueillie d’une façon presque triomphante, surtout après ce qu’elle avait pu faire. Néanmoins, elle rendit quand même le salut à celles et ceux qui étaient présents. S’ensuivit un petit discours de la maire, qui expliquait à la fermière qu’en son absence, une partie de Ponyville s’était portée volontaire pour s’occuper des terres des Apple. Applejack ne savait pas quoi répondre. Rien de ce qu’elle aurait pu dire en cet instant n’aurait pu exprimer sa reconnaissance. Toutefois, une parole malheureuse de la maire eut une réplique toute autre :
“Que diriez-vous de visiter Sweet Apple Acres ?
-NON ! rétorqua de suite Applejack.”
La bonne humeur de la jument venait d’être considérablement émoussée par cette simple question. Elle se sépara du groupe, poussant légèrement les quelques habitants sur son chemin. Elle prit alors la direction de la bibliothèque, dont la porte était ouverte et s’enferma à l’intérieur en claquant la porte. Les habitants se regardèrent avec un air d’incompréhension sur le visage. Ce fut Rarity qui prit la décision d’apporter une explication aux habitants :
“Applejack refuse catégoriquement d’approcher sa maison tant que ses proches ne seront pas sauvés. On aurait dû vous prévenir avant, mais avec les préparatifs du procès, on a complètement occulté.”
Un murmure parcourut la foule, qui ne savait que penser de la scène. C’était la première fois qu’Applejack se comportait de la sorte aux yeux du village. Toutefois, la maire leur fit signe de se taire avant d’annoncer au groupe d’un air compatissant :
“Je comprends. C’est normal au fond, nous aurions dû faire plus attention. Vous comptez rester combien de temps ?
-Nous repartons à l’aube, révéla Twilight sans chercher à masquer la vérité.”
La maire ne chercha pas à en savoir plus et demanda aux autres habitants de retourner à leurs activités. La foule se dispersa, laissant bien vite les cinq juments toutes seules. Rarity soupira un peu en murmurant que c’était à prévoir. Elle proposa alors d’aller chercher elle-même les affaires dont aurait besoin Applejack pour le voyage. Elle mit alors son projet à exécution, non sans demander à Twilight auparavant :
“Tu m’enverras Applejack au Carrousel tout à l’heure. Elle passera la nuit là-bas. J’ai une petite conversation à avoir avec elle.
-T’es sûre que ça ira ?”
La licorne blanche regarda Twilight d’un air presque offusqué avant de lui répliquer :
“Bien sûr que oui, voyons ! Je commence à être rodée avec Applejack, non mais !”
Elle laissa alors le groupe en commençant à galoper vers la route conduisant à Sweet Apple Acres. Twilight demanda alors aux trois restantes de rentrer chez elles se préparer et leur conseilla surtout de se coucher tôt avec en guise d’argumentation :
“Qui sait quand nous aurons la possibilité de dormir dans de vrais lits ?”
Ce qu’il restait du groupe se sépara alors. Twiight partit en direction de la bibliothèque. En ouvrant la porte, elle vit qu’Applejack s’était installée sur les marches en bois, une petite pile de livre à sa droite et un juste devant elle, grand ouvert. La protégée de Celestia la contempla quelques temps lire et tourner les pages avec son museau avant de se forcer à tousser, ce qui extirpa la jument à la crinière paille de sa lecture :
“T’as l’intention de lire tous ces livres d’ici demain matin ?
-N..on, répondit-elle avec un baillement. C’est juste que ces livres-là me gênaient pour atteindre celui qui m’intéressait vraiment.
-Tu pourrais les ranger quand même.”
Elle s’approcha alors de la pile et la souleva avec la magie, avant de souffler dessus pour enlever la poussière qui s’était accumulée au fil des semaines. Elle les rangea à leur place avant de se rendre compte qu’il s’agissait de la rangée consacrée à Shakeshooves. Elle se tourna alors vers son amie avant de lui demander :
“C’est Manelet ?
-Hum-Hum, fit Applejack en tournant une page. J’avais envie de lire la pièce depuis l’opéra. Histoire d’voir comment elle se finissait au final.
-C’est une tragédie, AJ, rappela Twilight. Ça ne peut que mal se terminer.
-J’en jugerais le moment venu.”
La licorne laissa son amie lire tranquillement et commença à fureter dans toute la bibliothèque. Au bout d’un moment, elle résolut de déranger une nouvelle fois son amie :
“As-tu vu Spike ?”
Applejack secoua négativement la tête. Après quelques secondes de silence, elle ajouta qu’il était sans doute à Sweet Apple Acres. Twilight se plaignit alors qu’il aurait pu penser à fermer la porte avant de partir. Puis elle se ravisa en songeant que son bébé dragon ne serait plus le même s’il n’était pas aussi maladroit.
Un quart d’heure passa dans le silence le plus total, hormis le bruit des pages qui se tournent. Finalement, n’y tenant plus, Twilight se décida à passer le message qu’on lui avait confié :
“Rarity souhaite que tu passes la nuit chez elle vu que tu n’as aucune envie de rentrer chez toi.
-J’pourrais très bien dormir chez chacune de vous, rétorqua Applejack. Enfin, au Carrousel ou ailleurs, ça fait aucune différence pour moi. Mais bon, on va dire qu’on fera ça. J’imagine déjà Rarity chouiner si j’refuse.
-Sans doute.”
Twilight alla à son tour se chercher un livre et bientôt le bruit des feuilles avait repris le pouvoir dans l’arbre bibliothèque. Quant à Rarity, elle arrivait bientôt en vue de Sweet Apple Acres, qui ne tombait pas en ruine grâce au soutien des habitants de Ponyville qui se relayaient à tour de rôle pour s’occuper des récoltes. Aujourd’hui, c’était vraisemblablement autour de Bon Bon, Lyra et Monsieur Cake de s’occuper de ces tâches.
Il allait sans dire que les volontaires n’étaient absolument pas habitués à ce genre de tâche et que le résultat final était quand même bien en dessous de ce qu’était capable de produire les Apple au mieux de leur forme. De plus, ils avaient tendance à s’épuiser beaucoup plus rapidement. Ce malheur avait eu par conséquent un avantage considérable : les ponyvilliens avaient à présent pleinement conscience de la pénibilité du travail de la famille Apple, et cela rendait l’amour qu’ils y mettaient dedans encore plus admirable. Le jour où ils sortiraient de leur coma verrait également le respect qu’on leur portait démultiplié.
Rarity poursuivit son avancée avant de s’arrêter auprès des travailleurs d’un temps pour les saluer et les remercier de leurs efforts. Ces derniers demandèrent des nouvelles d’Applejack, n’étant pas au fait des plus récents événements.
“Elle est innocentée et va bien, résuma-t-elle après quelques instants d’hésitation.”
La licorne n’osa aborder l’incident survenu peu auparavant. Mais cela avait le contrecoup de susciter la curiosité de leurs interlocuteurs, étonnés de ne pas voir la fermière rentrer chez elle. Rarity essaya de dévier le sujet sur les récoltes, refusant d’aborder un sujet aussi sensible. Cela marcha à merveille, et la styliste fut bientôt libérée sur parole.
Pourtant, une fois sur la route, elle ne put réprimer un soupir, songeant qu’Applejack était bien gentille avec ses promesses mais qu’à ce rythme, les habitants allaient retourner leur veste et proférer des rumeurs néfastes sur la terrestre orange. Rarity se demandait ensuite si son amie était au moins consciente qu’elle avait une image et une réputation à tenir. Au fond, elle savait qu’Applejack n’était pas revenue à son caractère initial, elle souhaitait toujours terminer cela toute seule et n’avait accepté d’être aidé que sous la menace.
“Tout comme chez Fancypants, murmura-t-elle à sa propre attention tandis qu’elle arrivait sur le perron.”
Elle fut toutefois interrompue dans ses pensées par une série d’aboiements joyeux. C’était Winona, toujours ravie d’avoir de la visite. Elle se précipita à la rencontre de Rarity et se mit à renifler avec ferveur ses sabots. Cette dernière la regarda avec tristesse, pensant alors qu’elle devait porter sur elle l’odeur de la propriétaire de la chienne. Elle caressa la tête de l’animal en brisant ses espoirs :
“Ta maîtresse ne souhaite pas remettre les sabots ici.”
Comme si elle avait compris les paroles de la licorne, la mine de la canidé s’assombrit. Consciente qu’elle avait fait là une erreur, Rarity s’abaissa et continua de frotter la fourrure de Winona en murmurant à l’attention de son oreille gauche :
“Mais ne t’en fais pas. Ce n’est pas qu’elle ne t’aime plus. Juste que…”
Elle cherchait les mots à employer avec peine. Même si elle était consciente d’être l’une des seules à savoir ce que dissimulait Applejack au fond de son coeur, c’était toujours pénible de le dire à voix haute. Finalement, elle trouva la formule la plus adéquate :
“... Simplement, elle a fait une promesse et elle ne peut à aucun prix revenir chez elle sans l’avoir tenue.”
L’explication parut satisfaire l’animal de compagnie d’Applejack, étant donné qu’elle asséna un coup de langue sur le visage de Rarity. En temps normal, un tel comportement aurait offusqué la licorne et elle aurait immédiatement cherché de quoi se nettoyer. Mais là, elle-même considérait que l’heure n’était plus aux caprices. Ce fut pourquoi elle prenait le geste de Winona pour ce qu’il était vraiment : de l’affection et de la compassion.
Elle se décida ensuite à toquer à la porte, qui s’ouvrit quelques instants plus tard sur la silhouette écailleuse de Spike. En voyant Rarity, le bébé dragon s’élança dans les sabots de la jument et déposa une bise… sur la joue encore humide de la jument. Révulsé, Spike se laissa tomber au sol et commença à se frotter frénétiquement les lèvres tandis que son amour secret s’excusait :
“Un petit cadeau de bienvenue de Winona, toutes mes excuses.”
Elle entra dans la ferme et eut une petite réflexion pensive en songeant que la maisonnette qu’elle avait eu à nettoyer les premières heures suivant le drame de la famille Apple n’avait pas changer. Il était clair qu’il était hors de question de bouger la moindre affaire de sa place d’origine sans avoir l’autorisation d’un des propriétaires originels. Cela signifiait aussi que la ferme était figée dans ce qu’elle était au moment de l’incident. Au final, que cela soit Applejack ou même Sweet Apple Acres, il était devenu absolument impossible d’aller de l’avant.
Une fois ce constat établi, elle pénétra dans la cuisine et prit un peu d’eau dans l’évier pour se laver la figure. Spike la rejoignit bientôt et monta sur la nappe à carreaux de la table. Quand elle eut fini, le bébé dragon l’interrogea sur le sujet de sa visite :
“Je passe prendre des affaires pour Applejack.”
Spike la regarda avec des yeux ronds. Rarity coupa court à tout pessimisme de la part du reptile en lui répondant d’un ton qui trahissait son agacement à toujours devoir se justifier depuis le début de l’après-midi :
“Non, elle a été libérée. Et j’ai pas envie d’en parler.”
Le compagnon de Twilight regarda celle qu’il aimait monter à l’étage, se demandant s’il avait dit quelque chose qui aurait pu la froisser. En vérité, il n’y était pour rien, elle était juste énervée contre le comportement d’Applejack. Elle passa dans la chambre de la cow-pony et enferma pêle-mêle dans un sac de voyage un duvet, un oreiller à motifs de pomme, une corde et une gourde.
“La connaissant, ça devrait lui suffire, constata-t-elle en examinant le contenu du sac.”
Elle le referma et le mit sur son épaule à l’aide de la magie avant de se remettre en marche. Elle s’arrêta cependant dans une autre chambre : celle d’Applebloom. Elle lâcha son poids au coin de la porte et marcha d’un pas lent pour se placer aux côtés de la pouliche. Celle-ci paraissait bien portante, exceptée qu’elle était incapable de se réveiller.
A cet instant, les paroles qu’Applejack avaient lancés au cours du procès lui revinrent en mémoire :
“comment réagiriez-vous si un jour comme un autre, vous r'veniez chez vous, seulement pour y trouver les membres de vot' famille dans un état où ils ne sont ni vivant, ni morts ? Pouvez-vous imaginer l'angoisse d'se d'mander s'ils pensent encore, ou si ce ne sont d'jà plus rien d'autre que des légumes ?’
Et en ce moment, Rarity expérimentait cette sensation. En voyant l’expression de la petite soeur d’Applejack figée, sans la moindre émotion, elle se demandait si elle rêvait dans un autre lieu, ou si elle était prisonnière ailleurs. Juste en voyant le corps sans vie de la pouliche, il était impossible de le deviner.
C’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle avait été la première à se joindre à Applejack. Elle n’avait pas menti après le gala de Blueblood : elle avait imaginé la même situation appliquée à sa propre petite soeur. Mais il fallait croire qu’il fallait vivre la situation pour pouvoir penser comme Applejack.
Le regard cobalt de la licorne se posa alors sur la table de chevet de la malade. Elle vit juste à côté de l’abat-jour la seconde moitié de la pomme qu’Applejack avait coupée pour faire sa promesse. Elle récupéra le fruit avec sa magie et l’examina davantage avant de pousser une exclamation. Si la moitié de son amie était déjà quasiment pourrie aux dernières nouvelles, celle de sa cadette était toujours aussi mûre ! Une pomme pourrie normalement en quelques jours, c’était même pour cela que la fille Apple l’avait choisi pour sceller sa promesse : cela l’obligeait à agir rapidement. Mais ce qui était incroyable pour Rarity et Applejack, c’était que la moitié de la fermière ne pourrissait qu’après certaines occasions. Et à cela s’ajoutait la découverte de la licorne blanche.
Que pouvait bien être ce fruit ? se demanda Rarity, estomaquée par ce prodige. Il fallait qu’elle en parle avec Twilight dès que possible. Elle regarda un moment Applebloom, puis fit demi-tour en adressant à l’attention de la pouliche, même si elle était inconsciente et qu’elle ne l’entendait probablement pas :
“Mais tu sais : ta grande soeur… c’est une véritable source de problèmes.”
Aucune réponse. La licorne en fut déçue, même si elle s’y attendait. Elle avait crue qu’en provoquant Applebloom, qui idolâtrait Applejack, elle l’extirperait de son sommeil infini. Peine perdue. La réponse devait être bel et bien entre les pattes trouées des changelins. Rarity sortit de la pièce, ferma délicatement la porte, récupéra le sac et descendit au rez-de-chaussée où se trouvait Spike.
Le dragon mauve s’excusa auprès de la licorne qu’il adorait, persuadé d’avoir commis une faute grave. Rarity regarda le compagnon de Twilight avec un air d’incompréhension. Elle se rappela alors l’accident dans la cuisine et expliqua à Spike que ce n’était pas après lui qu’elle en avait. Le bébé dragon se risqua alors à demander :
“Twilight a-t-elle dit quelque chose à mon sujet ? Une nouvelle affectation ou que sais-je d’autre ?
-Pas que je sache, répondit avec franchise la licorne. Et je crois bien que ça va rester quelques temps comme ça.
-Ah bon ? Pourquoi ?”
Sachant que Twilight avait une entière confiance en Spike et qu’elle aussi par la même occasion, Rarity sentit qu’elle pouvait raconter la vérité à son ami écailleux. Elle n’omit rien, du procès jusqu’à la préparation du voyage. A l’entente de ce projet, Spike s’insurgea sur le fait qu’il ne soit pas du voyage. La licorne salua le courage du bébé dragon mais lui rappela qu’il fallait qu’un des leurs reste au chevet des Apple, même si cela ne servait pas à grand chose.
Spike baissa la tête de dépit, vraisemblablement fatigué de devoir effectuer des va et viens entre Sweet Apple Acres et l’arbre-bibliothèque. En guise d’encouragement, Rarity déposa un léger baiser sur la joue du dragonneau qui se sentit presque instantanément revigoré. Quelques instants plus tard, Winona apparut à l’entrée et la licorne blanche leur demanda alors à tous les deux de veiller au repos des Apple. Un aboiement et un oui résonnèrent dans le hall pour toute réponse. L’amie d’Applejack salua une dernière fois la chienne et le bébé dragon avant de mieux serrer sur son dos le bagage qu’elle emportait avec elle.
Tandis qu’elle mettait les sabots à l’extérieur, Celestia commençait à faire se coucher le soleil. L’élégante licorne pressa alors le pas, songeant qu’il serait préférable pour elle d’être rentrée au Carrousel avant que la lune soit levée. On disait souvent que le retour paraissait plus court que l’aller, mais dans ce genre de conditions, c’était amplement vrai.
Il ne lui fallut qu’une petite demi-heure pour rentrer à Ponyville. Les habitants étaient déjà rentrés chez eux, laissant le village désert. Rarity prit la route conduisant à sa boutique tout en frissonnant légèrement à cause du vent qui commençait à s’installer. Quelques minutes plus tard, sa maison aux allures de manège fut en vue. Au fur et à mesure qu’elle progressait, elle commençait à apercevoir les contours d’une autre silhouette. Dans l’obscurité, il était assez difficile de la reconnaître, mais elle comprit dès qu’elle remarqua le stetson.
La fille Apple se tenait en effet à côté de l’entrée, attendant que la propriétaire arrive. La licorne sembla contente et satisfaite de voir que Twilight avait réussi à convaincre la plus bornée de leurs amies. Cependant, en arrivant devant la porte, elle demanda à la fermière depuis combien de temps elle se tenait là.
“Bof, j’dirais une d’mi-heure.
-Tu es folle, ma parole, tu vas prendre froid ! lui reprocha Rarity tout en ouvrant la porte. Dépêche-toi d’entrer à l’intérieur !”
Elle poussa quasiment Applejack dans l’entrebâillement de la porte avant de passer à sa suite. La styliste se dépêcha d’allumer la lumière avant de déposer son fardeau sur le sofa où elle avait coutume de faire ses caprices. Elle le désigna ensuite à son invitée, lui conseillant de vérifier qu’il ne manquait rien. Cette dernière s’exécuta aussitôt et examina longuement le contenu du sac avant de secouer la tête de façon affirmative. Elle le referma et le posa au sol.
Pendant ce temps, Rarity partit s’occuper de Opalescence, lui donnant sa pâtée préférée en guise de dîner. Le félin en fut ravi, se frottant aux pattes de sa maîtresse. Puis elle se chargea de nettoyer sa litière, tâche qui la répugnait fortement mais qui se devait d’être fait. Applejack la regarda un peu faire, avant de lui proposer son aide. La licorne prit une pelletée de déjections de la chatte avant de la mettre dans un sac. Ensuite, elle répondit à la fille Apple :
“Tu ne feras rien ce soir. Tu es mon invitée. Contente-toi de te reposer sur le sofa.”
Bien entendu, elle connaissait par coeur la nature serviable d’Applejack. Mais la licorne souhaitait qu’elle reste tranquille le temps d’une soirée. La terrestre, n’ayant pas son mot à dire, ne put que regarder son amie faire. Une fois les tâches ménagères impliquant Opalescence furent achevées, Rarity passa à la cuisine. En faisant le détail de ce qui lui restait, elle s’aperçut qu’il y avait bel lurette qu’elle n’avait pas fait les courses. Elle opta au final pour une salade de concombres en guise d’entrée, suivie d’un gratin de pommes de terres. C’était simple, mais ça avait au moins le mérite d’être nourrissant.
Elle commença à préparer les plats sous les yeux de la fille Apple, qui ne pouvant demeurer sur place plus longtemps, la rejoignit. Elle posa alors une question à Rarity :
“Pourquoi as-tu tenu à c’que j’ passe la nuit ici ? J’aurais pu le faire chez Twala.”
Tout en coupant les concombres en fines lamelles, la licorne blanche ne chercha pas à déformer la vérité et répondit en toute franchise :
“J’avais envie de te parler de ton attitude. Mais on fera ça à table.”
Elle avait déclaré cela sans regarder le moins du monde son amie, fermement focalisé sur son travail. Voyant qu’elle ne pouvait rien faire d’autre, Applejack s’installa et reprit l’exemplaire de Manelet qu’elle avait emprunté à Twilight. Elle n’en était qu’au deuxième acte pour le moment et avait donc du chemin à parcourir pour boucler la pièce.
Au moment où la cuisinière mit à chauffer le gratin, elle appela la fermière à passer à table, considérant qu’elles pouvaient déjà déguster la salade pour patienter. Elle sortit deux assiettes blanches qu’elle plaça en bout de table ainsi que deux couverts et verres, avant de servir la salade. Puis elle récupéra une bouteille de vinaigre qu’elle déposa au centre. La fille Apple lui demanda alors pourquoi elle n’en avait pas mis directement dans la salade.
“C’est bien simple, pourtant, expliqua Rarity. Les poneys n’ont pas tous les mêmes goûts : certains la préféreront avec le vinaigre et d’autres nature. C’est la même chose avec le sel et le poivre. Ça me semble important que les invités puissent se servir librement.
-J’vois, fit Applejack en récupérant la bouteille de vinaigre pour en déposer un peu dans son plat.”
Après s’être mutuellement souhaité un bon appétit, elles commencèrent à manger. Il était déjà bien tard pour cela, mais il leur était impossible de sauter le repas. Pendant un moment, seul le bruit de leurs mâchoires mastiquant les morceaux de concombres se firent entendre. Puis au bout de quelques minutes, Rarity résolut de donner une réponse à la question d’Applejack :
“Ton comportement lors de notre arrivée à Ponyville m’a froissée. J’espérais que tu te montres plus aimable et reconnaissante avec les habitants après ce qu’ils ont fait pour toi et les Apple.
-Rien ne les obligeait à le faire, rétorqua la jument.”
-Justement. Ce qu’ils ont fait est admirable et tu ne peux leur en vouloir de t’avoir proposé de passer à Sweet Apple Acres.
-J’ai une promesse à tenir, rappela Applejack.”
Comme elle venait d’évoquer le souvenir de son serment, Rarity se remémora la moitié de pomme d’Applebloom. Néanmoins, elle décida de ne pas en parler avec Applejack dans la mesure où il serait impossible de prédire sa réaction. Elle ne pouvait raconter cela qu’à la disciple de Celestia. Au lieu de cela, elle opta pour donner des nouvelles de la chienne de la fille Apple :
“Tu manques terriblement à Winona, tu es au courant ?
-J’imagine, fit la fermière en baissant les yeux.”
L’entrée se termina bientôt, et Rarity se leva pour aller chercher la suite. Le gratin venait d’être cuit à point. Au moment où Applejack fut servie, elle concéda devant son amie qu’en effet, elle avait le sentiment d’aller trop loin par instants. C’était plus fort qu’elle.
“Certes, admit Rarity, je peux concevoir que c’est horriblement dur pour toi d’entendre certaines paroles. Après tout, tu es sans aucun doute la seule en Equestria à vivre cette situation. Mais il n’empêche que quand on te tend le sabot, tu devrais accepter sans réfléchir.”
La jument orange ne répondit rien et commença à croquer dans sa part de gratin de pommes de terre. Bien que la licorne s’était elle aussi servie, elle ne mangea pas encore, semblant réfléchir à ce qu’elle bien pouvoir dire à Applejack. Mais elle ne trouva rien de plus, aussi se mit-elle à déguster à son tour. Elle se rendit alors compte qu’elle avait oublié de servir à boire. Elle récupéra avec sa magie une carafe d’eau minérale qu’elle ramena jusqu’à la table. Elle demanda à Applejack si elle en voulait un verre. Cette dernière accepta, avant de dire à Rarity si c’était tout ce qu’elle avait dire.
“C’est le cas. Maintenant, tu fais ce que tu veux de ces paroles.”
La froideur avec laquelle elle avait dit cela ne passa pas inaperçue aux oreilles d’Applejack. Le reste du repas se déroula dans un calme élyséen. Rarity débarrassa la table comme elle l’avait mis et entreprit de faire la vaisselle, malgré l’heure tardive. Elle savait qu’elle ne pourrait le faire le lendemain matin et elle refusait de laisser de la saleté pendant le périple, et encore plus de la laisser aux yeux de Sweetie Belle, qui devrait à nouveau s’occuper d’Opalescence.
Lorsque tout fut fini, elle monta à l’étage et prépara son propre sac. Elle fut bien embêtée, car elle savait qu’elle devrait voyager le plus légèrement possible, alors qu’elle se sentait obligée de prendre beaucoup d’affaires. Au final, elle opta pour le même nécessaire qu’Applejack (à l’exception notable de la corde), avec en plus une paire de lunettes de soleil, un foulard et un chapeau qui s’accordait aux couleurs du désert et qui protégeait bien des rayons du soleil. Une fois qu’elle était prête, elle descendit à nouveau en emportant avec elle un oreiller et une couverture qu’elle donna à Applejack, toujours en train de lire sur le sofa.
“Tu seras plus à l’aise pour dormir avec ça, je pense.”
La fille Apple la remercia et se lova davantage dans ce qui lui servirait de lit pour le restant de la nuit. Rarity lui fit remarquer ensuite qu’au vu de l’horaire, elle ferait bien d’arrêter sa lecture pour ce soir. Elle remonta ensuite dans sa chambre en prenant soin d’éteindre les lumières du rez-de-chaussée avant de récupéra le masque qui l’aidait à trouver le sommeil. Enfin, elle s’installa dans les draps et éteignit les dernières lumières, avec Opalescence ronronnant de plaisir à ses côtés.
Pourtant, un peu plus tard dans la nuit, la styliste se réveilla en sursaut, pris d’une envie de boire un verre d’eau. Elle s’extirpa doucement des draps pour ne pas réveiller sa chatte, et descendit une marche après l’autre avant de parvenir à la cuisine où elle se servit. Une fois sa gorge étanchée, elle repartit d’où elle venait. Mais, une fois à l’escalier, elle s’arrêta. Elle n’entendait pas Applejack dormir. Son invitée était donc encore réveillée.
La licorne se demanda alors si elle n’avait pas été trop dure avec elle et hésita un moment à proposer à la fille Apple de monter discuter un peu dans la chambre. Toutefois, elle ne savait pas de quoi parler avec elle, connaissant sa loquacité actuelle. Aussi remonta-t-elle se coucher, avec un air de regret sur son visage plongé dans l’obscurité.
Le matin, elle se leva à l’heure prévue et trouva Applejack sur sabots dans la cuisine, en train de préparer des tartines de confiture à la framboise. Rarity se frappa à la tête avant de reprocher à son invitée qu’elle était supposée ne rien faire ici. Applejack haussa les épaules et répliqua que plus vite elles seraient à la gare, mieux ce serait. L’argument parut recevable pour la licorne qui récupéra par magie une tartine et déjeuna debout, alors même qu’elle ne s’était pas encore lavée.
Le petit-déjeuner passé, elles passèrent à tour de rôle dans la salle du bain, Rarity y passant davantage de temps que son amie. Puis, elles récupérèrent leurs affaires et sortirent de la boutique, que Rarity referma, non sans avoir auparavant souhaité au revoir à Opalescence, qui était un brin sur les nerfs ce matin-là, au point d’avoir déroulé entièrement une pelote de laine avec ses griffes seules.
Il était encore tôt dans le village, personne n’était encore levé, si ce n’est ceux qui devaient s’occuper de la gare ou de l’hôpital. En parlant de gare, elles arrivèrent assez rapidement sur le quai et furent même les premières, précédant même la pourtant très ponctuelle Twilight. La disciple de Celestia arriva donc la première, suivie de Rainbow Dash, de Fluttershy et enfin de Pinkie. Les amies se saluèrent chaleureusement, tandis que Twilight en bonne meneuse, leur rappela les modalités de leurs quêtes en attendant que le train arrive à quai. Pinkie avait un peu de mal à tenir debout, vu qu’elle avait emmené avec elle son attirail de farces et attrapes. Applejack la pria fortement de déposer tout cela dans les casiers de la gare. Devant l’air triste de la ponette rose, elle lui rappela d’un ton plus calme :
“On avait dit que le strict nécessaire.”
Le train arriva à cet instant en gare. Comme pour répondre à Applejack, Rainbow Dash sortit un jeu de cartes et un paquet de jetons :
“Une partie de poker pour passer le temps dans le train, ça rentre dans le strict nécessaire ?”
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