Basculement de mondes : Chapitre 5 - Quête

J'étais le premier humain arrivé à Equestria. Du moins je le pense. En tout cas, je suis le premier à le confirmer par écrit. Du moins je le pense.

Je suis arrivé contre mon gré, il y a bien des années, sans rien connaitre de ce monde et parlant une langue qui était inconnue ici. J'étais scientifique, et je me suis retrouvé transféré ici en me rendant à mes toilettes, le continuum espace-temps fait parfois de sacrées farces!

Sous ma forme de poney, j'ai appris à survivre, je me suis adapté à ce monde, j'ai appris la langue difficilement et le mode de vie. J'ai cherché un moyen pour retourner chez moi, mais rien n'y fait, je suis coincé ici. Du moins je le pense.

Alors j'écris ces lignes. Je les écris car je veux venir en aide à ceux qui pourraient se retrouver dans la même situation que moi. Je vais créer une cache pour ce livre, et laisser un parchemin le mentionnant, trainer sur une étagère. Le secret des autres mondes doit rester un secret. Si des poneys venaient à apprendre que d'autres mondes existent et qu'un humain a réussi à venir et s'intégrer à eux sans qu'ils s'en aperçoivent, la panique pourrait bien les gagner.

J'ai ma théorie concernant cette histoire de voyage entre les mondes, mais je ne peux pas en dire d'avantage ici. La cache est secrète, et l'énigme complexe, mais un poney pourrait y arriver par hasard. Bien que ma langue protège des poneys curieux, les décryptages pourraient en venir à bout, j'en sais quelque chose. C'est pourquoi j'ai créé une deuxième cache que seul un humain pourra ouvrir.

Si vous désirez en savoir plus sur cette théorie, utilisez la réponse à l'énigme que vous avez passés en entrant ici, et marchez vers elle au nord. Vous l'atteindrez, sans aucune difficulté, mais à vous de vous en rendre compte. Là bas se trouvera une seconde énigme et derrière, un message expliquant ce que vous voulez savoir, ainsi qu'un livre qui est important à mes yeux.

Vous aurez également besoin de ce qui se trouve dans ce livre.

J'espère sincèrement que ce que j'ai écris pourra vous aider, je ne suis pas un maitre en écriture, mais je sais faire des rapports clairs.

Humainement, docteur Gontran Dashung.

J'ai jeté un regard à mon ami qui avait finit de lire bien avant moi, ayant une meilleure maîtrise de l'anglais. Je lui ai fait un signe de tête et il a tourné la page.

Dissimulé dans le livre se trouvait une sorte de bout de bois rectangulaire d'une quinzaine de centimètre de long pour une dizaine de large, et quelques centimètres d'épaisseur. Le livre était découpé autour afin de le cacher. Mon ami souleva le morceau de bois par magie et nous l'avons observé.

Il était grossièrement taillé sur sa majeure partie, une extrémité était entourée par une bande en cuir, l'autre était composée de fins cisaillements et d'excroissances possédants d'étranges formes géométriques, carrées, triangulaires, etc.

Celestia, qui était jusque là restée silencieuse, demanda:

"Alors? Qu'avez-vous appris?"

Nouvel échange de regard avec mon ami. Il s'est tourné vers les princesses qui attendaient patiemment, et a annoncé:

"Ce livre a été écrit par un humain, il est venu en Equestria sous forme de poney par pur hasard. Le livre mentionne un autre endroit où l'auteur aurait caché des explications et un objet très précieux pour lui, ainsi que la manière de s'y rendre."

"Il faudrait y aller, afin d'en savoir plus." remarqua Luna. "Nous allons préparer une équipe d'exploration."

Je voyais cela venir de loin, d'autres allaient s'occuper de cette affaire qui nous concernait en premier plan. Hors de question de laisser passer cette occasion de partir à l'aventure et de sortir de ma tranquillité! Je suis intervenu:

"Le livre précise que là-bas se trouveront des choses que seul un humain pourra passer. Qui plus est, la langue parlée nous est familière, nous mettons moins de temps que vos traducteurs pour la comprendre."

Luna se redressa face à mon ton un peu brusque.

"Je pensais surtout à une équipe pour vous épauler. Je n'ai jamais pensé une seule seconde à vous éloigner de cette affaire."

"Ah... Oups.", j'ai pensé. J'ai rougi et détourné les yeux.

"Si c'est comme ça, alors ça va." ai-je murmuré.

"Et quelle est l'utilité de ce bout de bois?" demanda Celestia, observant toujours l'objet que mon ami déposait délicatement dans le livre avant de le refermer.

"Aucune idée, mais il le faudrait pour accéder à l'autre endroit." répondit mon ami.

"Bien! Remontons donc pour former cette fameuse équipe, emportez le livre surtout."

Nous sommes repartis silencieusement vers la sortie. Une fois de retour dans la bibliothèque désaffectée, nous nous sommes dirigés vers un endroit plus éclairé du château, à savoir un couloir quelconque avec deux gardes flanqués aux côtés de la porte à l'autre bout.

Une fois dans celui-ci, Celestia leva la tête et regarda à l'extérieur.

"Il va bientôt être l'heure de baisser le soleil. Nous verrons cette affaire demain."

Elle s'adressa aux garde.

"Il faut que vous guidiez ces deux poneys dans une chambre d'invités, et considérez-les comme tels."

Les deux gardes, une licorne et un poney terrestre, acquiescèrent en silence avant de s'avancer vers nous.

"Si vous voulez bien nous suivre."

Ils se mirent en route sans attendre de réponse, et nous leurs avons emboîté le pas. Nous nous dirigions vers une sortie sur le côté du couloir. J'ai tourné la tête en arrière pour apercevoir Celestia et Luna se dirigeant vers la sortie que gardaient les gardes. Le soleil commençait à décroitre et on apercevait déjà la lune émergeant à l'horizon.

Les gardes nous ont amenés dans une chambre somptueuse se situant dans ce que je présumais comme l'aile ouest du palais, car on pouvait distinguer Ponyville au loin. Deux grands lits à baldaquins violets, des commodes en bois ornées de vases emplis de fleurs, un grand miroir occupant tout le pan du mur gauche, et sur le droit se trouvaient des fresques représentants certains des grands moments d'Equestria, un peu comme les vitraux dans la salle du trône, mais en plus petit. Le sol était fait d'une texture très douce au toucher que je n'arrivais pas à identifier, et un grand tapis rond occupait le centre de la pièce. Il y avait trois grandes fenêtres sur le mur en face de la porte d'où on pouvait observer la région alentour, et entre-elles se trouvaient les lits. La pièce était éclairée d'une douce lumière par un lustre.

C'était quelque chose d'être ici, en tant qu'invités des princesses.

"Nous viendrons vous chercher lorsqu'il sera l'heure du repas. Si il y a un problème, appelez-nous." annonça solennellement l'un des gardes.

"Très bien." ai-je répondu en mettant une pointe de noblesse dans ma voix.

Mon ami tenta de réprimer un rire, sans grand succès. Les gardes n'y prêtèrent pas attention et se retirèrent.

Une fois la porte refermée, mon ami se tourna vers moi:

"C'est bizarre d'être là. Manger et dormir au palais de Canterlot, j'ai l'impression que je rêve. Invités des princesses..."

"Je ne m'attendais pas à ça, c'est sur." répondis-je d'un ton léger en m'avançant vers un des lits avant de m'installer dessus. "Mais nous sommes là pour résoudre une affaire importante, et qui nous concerne."

"Hm..." répondit mon ami pensif.

Après quelques instants, durant lesquels je m'étendis sur le lit, appréciant cette texture presque aussi agréable que celle d'un nuage, mon ami me demanda en hésitant:

"Tu pense que le chemin sera dangereux?

Je me suis arrêté alors que j'étais en train de m'étirer. J'ai tourné la tête vers lui et l'ai fixé. Il semblait réellement inquiet.

"C'est un humain qui a fait ça, mais je ne pense pas qu'il nous veuille du mal. Il cherche à aider. Je pense que c'est sans danger."

Blue ne semblait pas convaincu. Il rouvrit le livre qu'il avait apporté jusqu'ici par lévitation et relu le texte.

"Je comprends pas ce passage." me fit-il. "Utilisez la réponse à l'énigme que vous avez passés en entrant ici, et marcher vers elle au nord. Vous l'atteindrez, sans aucune difficulté, mais à vous de vous en rendre compte. Qu'est-ce qu'il entend par là? Qu'on marche vers l'horizon et qu'on... l'atteigne?"

Je me suis allongé sur le dos, fixant le plafond du lit, réfléchissant à la signification de cette phrase.

"La réponse c'était bien l'horizon, mais je vois pas comment on pourrait l'atteindre, c'est justement le but de l'énigme, on marche vers l'horizon sans pouvoir l'atteindre."

Nous sommes restés là à débattre sur la solution à cette question, mais rien ne nous apparaissait. Atteindre l'horizon, comment? Finalement, nous avons été tirés de notre conversation, qui tournait en rond, par les gardes qui sont venus toquer à la porte pour l'heure du repas.

Nous les avons suivis jusqu'à la salle à manger principale du château où nous attendaient Célestia et Luna déjà installées devant une grande table, pas aussi grande que ces tables démesurées que l'on peut voir dans les films parlant de chevalerie, mais assez large pour accueillir une douzaine de poneys autour. Les princesses n'étaient pas installées aux bouts de la table, mais côte à côté, en plein milieu.

Blue et moi fûmes invités à nous asseoir de part et d'autre d'elles.

Sur le coup, nous avons été tous deux surpris, on ne s'attendait pas à manger en compagnie des princesses. Deux roturiers dinant avec deux déités, comme s'y on avait prévu ça! On ignorait tout des bonnes manières, surtout des manières royales!

Nous nous sommes timidement installés, moi à côté de Luna et mon ami près de Celestia.

"Cela fait un moment que nous n'avons pas eu de visiteurs à notre table, j'espère que vous apprécierez le repas." nous fit Celestia en souriant.

"C'est surtout un grand honneur d'être ici." répondit Blue, observant plus en détail la table.

Le diner était servi, mais rien n'était dans l'excès. Les aliments me semblaient inconnus et étaient superbement présentés dans l'assiette, et seule la quantité nécessaire était présente.

"Ne soyez pas gênés surtout." rassura Luna en se tournant vers mon ami. "Faites comme chez vous et servez-vous."

Luna et Celestia commencèrent à manger délicatement, usant de leur magie pour manier les couverts et découper les mets ainsi que pour les porter à leur bouche. Après une hésitation, mon ami commença à faire de même.

Je les ai regardés un moment avant de revenir sur ma propre assiette. Pas de magie pour m'aider à manier mes couverts. J'ai regardé mes sabots, avec lesquels je n'était toujours pas très adroit, et jeté un coup d'œil aux couverts et je fut rassuré qu'il n'y en ai que trois, et pas la dizaine qu'on trouve en général aux grandes tables. Mais j'avais toujours le problème de mes sabots, sur les sabots justement.

J'ai soupiré intérieurement avant de tenter de saisir un couvert, que je faillis faire tomber mais que je parvins à rattraper au vol. La finesse n'était vraiment pas mon truc.

J'ai planté maladroitement ma fourchette dans un des aliment présent dans mon assiette, et je l'ai porté à ma bouche.

C'était succulent, je n'ai pas d'autres mots. Bien loin de l'avoine, les muffins et autres cupcakes que je mangeais quotidiennement depuis mon arrivé. Cela faisait longtemps que je n'avais pas mangé quelque chose d'aussi bien cuisiné, même avant que je ne sois un poney, ma propre cuisine était à la limite du mangeable.

Un discret coup d'œil me permis de voir que Blue avait le même avis que moi sur la nourriture.

"Pouvez-nous nous parler de votre monde plus en détail?" demanda Luna en souriant.

Blue et moi avons avalé de travers et faillîmes nous étouffer.

Luna sembla désolée.

"J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas?"

Je dû calmer ma toux avant de répondre:

"Non non, pas du tout. Votre question nous a juste surpris. Que voulez-vous savoir?"

"N'importe quoi, je me demande comment vivent les gens d'un autre monde, ce qu'ils font, ce qu'ils mangent." répondit Luna pleine d'entrain.

"Twilight nous en dit beaucoup, mais je pense qu'il est plus intéressant de l'entendre directement de la bouche de ceux qui racontent." ajouta Celestia avec sourire.

Blue et moi avons échangé un regard par dessus la table, il a haussé les épaules. Je me suis lancé sans trop savoir quoi dire.

"Hé bien, la plupart des humains vivent en rythme avec leur travail. Ils se lèvent, se préparent et vont au travail où ils voient leurs collègues. Puis ils rentrent chez eux le soir, parfois font des activités, avant de se coucher. La majorité du temps, un humain travail cinq ou six jours par semaine, la fin de semaine sert de repos pour se détendre et aussi dépenser l'argent que l'on gagne avec les jours de travail. On rencontre ses amis, on discute, plein de choses, il y a beaucoup à faire dans notre monde quand on s'ennuie. Voila la vie normale d'un humain, je pense que cela résume bien?"

J'ai interrogé du regard mon ami, qui ajouta:

"C'est surtout la vie d'un adulte que tu as décri, mais c'est à peu près ça."

Les yeux de Luna brillaient d'intérêt, elle semblait fascinée par ce que nous racontions. Celestia se contentait de manger en souriant.

"Et vous avez des... Comment dit-on? Des mains, c'est ça?" fit Luna. "À quoi vous servent-elles?"

Mon ami pris la parole pour expliquer que la grande majorité de notre monde était concentrée sur les possibilités qu'offraient les mains, et à quelle point elles étaient utiles en l'absence de magie.

Nous avons ainsi parlé à tour de rôle, en profitant, quand l'autre expliquait, pour avancer dans le repas. Luna débordait de question, et Celestia en posa quelques unes. Petit à petit, nous avions de moins en moins de gêne à leur parler, et une pointe d'humour s'ajouta à notre conversation, et cela nous fit du bien de tous rire ensemble.

Le repas se finit assez tard, et les deux sœurs nous souhaitèrent bonne nuit, et nous fîmes, bien entendu, de même. Les gardes nous reconduisirent dans notre chambre. Je me suis affalé sur mon lit sans prendre la peine de me mettre sous les draps. Mon ami, lui, s'approcha de son lit en baillant et il s'installa doucement. Alors que je fermais les yeux, j'ai sentis que j'étais délicatement soulevé et posé correctement sur l'oreiller avant que la couverture ne vienne sur moi. La corne de mon ami cessa de briller, et d'après ce qu'il m'a rapporté le lendemain, j'aurais dis "Merci, vieux." avant de me mettre à ronfler.

Je me suis réveillé assez tard dans la matinée, le soleil était déjà haut, et j'avais complètement oublié de demander quand nous partions. J'ai regardé vers le lit de mon ami, il était vide. Comme d'habitude, il s'était levé plus tôt que moi et, pour le coup, n'avait pas voulu me déranger.

Je me suis levé précipitamment, et je suis sorti de la chambre, me souvenant du chemin d'arrivé. Même si je me lève tard, je n'aime pas faire attendre les autres.

Ce n'est qu'une fois arrivé dans la salle à manger que je me rendis compte que c'était le seul chemin que je connaissais, nous étions arrivés par un détour la veille. Heureusement pour moi, j'ai un bon instinct. J'ai pris une porte qui me semblait suffisamment imposante, et après quelques détours, je parvins à retrouver le grand tapis rouge qui balisait en quelque sorte le chemin principal. Des gardes me regardèrent passer en fronçant les sourcils. Pour ma part, j'essayais de leur faire un sourire, bien que je sois embarrassé.

Je suis arrivé dans le hall, pour constater que Celestia, Luna, Blue, ainsi que les deux gardes qui nous avaient accompagnés et deux licornes m'attendaient.

Blue fut le premier à remarquer mon arrivée:

"Hé bien! Tu ne te lèves jamais tôt toi!"

"T'avais qu'à me réveiller!" ai-je répondu en riant. Je me suis tourné vers les autres. "Désolé de mon retard."

"Ce n'est pas grave." me rassura Celestia, souriante. "Nous finissions tout juste les préparatifs. Tu n'es pas en retard."

"Je te présente Guildaria et Leaf, ce sont deux archéologues." enchaina Luna.

Les deux licornes baissèrent la tête pour me saluer. L'une était grise à la chevelure blonde et portait des lunettes, l'autre était rouge à le chevelure mauve. Toutes deux portaient des sacs. Leurs marques de beauté étaient cachées par leurs habits, qui étaient visiblement conçus pour être salis. Elles ne semblaient pas franchement commodes. Luna continua en désignant les deux gardes:

"Et voici Protect White et Eyes Hight, deux gardes royaux qui vous escorterons."

Alors là, il n'était même pas question de ne pas avoir l'air commodes, c'étaient de vrai statues sans émotions. Le voyage s'annonçait long. Heureusement que mon ami était là. Je remarquais d'ailleurs que lui aussi possédait un sac d'où dépassait un morceaux du livre trouvé.

"Donc on est parti?" ai-je conclu.

"Je pense que oui." répondit Blue.

Nous nous sommes tourné vers les princesses. Elles ont acquiescé:

"Si vous avez finis tout vos préparatifs, alors oui, vous pouvez y aller. Bonne chance."

"Merci." avons nous répondu ensemble, Blue et moi.

Les archéologues se contentèrent de s'incliner, et les gardes les ont saluées. Sans un mot.

Nous sommes donc partis. Comme indiqué, nous sommes sortis de Canterlot, puis nous avons pris au nord. Une grande forêt s'étendait devant nous. Nous nous y sommes engouffrés, toujours sans un mot.

Cette ambiance commençait à me peser, et la forêt s'épaississait, la lumière commençait à avoir de plus en plus de mal à passer à travers les branches.

"Donc on est censés trouver l'horizon?" ai-je fait, plus pour briser le silence qu'autre chose. Cette question était insoluble, mais il fallait que je parle.

"C'est la seule explication, le livre dit qu'on y arrivera, mais qu'il faudra le remarquer par nous-même." ajouta mon ami qui semblait lui aussi avoir besoin de parler.

"Alors contentons-nous de garder les yeux ouverts." fit Leaf sans nous accorder un regard, nous reprochant presque de parler.

Concernant notre formation, c'était simple: Blue et moi étions en tête, derrière nous se trouvaient les deux archéologues, et sur nos côtés se trouvaient les gardes.

Nous avons continués silencieusement. Au bout d'un moment, j'en eu marre et j'ai déployé mes ailes.

"Qu'est-ce que tu fais?" demanda mon ami.

"Je vais jeté un coup d'œil! L'horizon c'est loin, on peut marcher comme ça longtemps!"

"Pas d'imprudences." fit mon ami, légèrement inquiet.

"Comme si c'était mon genre d'être imprudent!" ai-je répondu avec un clin d'œil. "Continuez à avancer, je vous rejoindrais."

Et je me suis envolé, sous le regard inquiet de mon ami. Les archéologues haussèrent à peine un sourcil à mon envol, et les gardes ne bronchèrent pas d'un poil.

Je suis parvenu à la cime de arbres, et je suis resté en vol stationnaire pour observer. Le soleil était presque au zénith, et la forêt s'étendait encore sur quelques kilomètres, mais j'en voyais la fin.

Je me suis élancé vers la lisière de la forêt, calmement. Juste après la forêt se trouvait une terre rocheuse sur quelques dizaines de mètres, qui finissait par une corniche. Toujours en volant, je me suis approché de la falaise. Elle devait faire une trentaine de mètre de haut, voir plus, et en bas, la rocaille continuait jusqu'à l'horizon. L'horizon... Comment pouvait-on atteindre quelque chose qui est inatteignable par définition?

Rien n'était visible au loin, même avec mes yeux de pégase. Juste une plaine rocheuse avec quelques arbuste chétifs par-ci par-là.

Je me suis posé sur une pointe rocheuse de la falaise, dominant la région. Je me suis assis et ai attendu. Techniquement, mes compagnons devaient me rejoindre dans quelques dizaines de minutes.

Après dix minutes à jouer à lancer des petits cailloux au bas de la falaise pour entendre leur son me revenir quelques secondes après, je m'ennuyais ferme.

Vingt minutes. Il devait y avoir 3 ou 4 kilomètres entre l'endroit où j'étais et là où je les avaient laissés. J'imaginais Blue, un peu perdu au milieu de ces personnes froides, et j'ai ricané.

J'ai décidé de reprendre mon vol, histoire de faire un peu d'exercice, en attendant qu'ils arrivent.

Je me suis élevé assez haut dans le ciel, j'avais envie de tenter quelque chose: un Sonic Rainboom. Je me suis placé dos au soleil, la forêt sur ma gauche, la plaine à ma droite. Et j'ai commencé à accélérer droit vers le bas de la falaise.

J'ai foncé, de plus en plus vite. Le vent aplatissait ma crinière sur mon dos et ma queue virevoltait dans tout les sens. La sensation de vitesse était incroyable, j'avais les babines complètement dilatées par le vent qui soufflait dans ma bouche. L'air dans mes yeux faisait aussi couler des larmes, qui s'envolaient très vite derrière moi.

Je commençais à apercevoir autour de moi la petite déformation d'air caractéristique d'un pégase qui s'approche du Sonic Rainboom. Ce n'était pas le moment de perdre ma concentration!

Et pourtant, à ce moment, j'entendis une voix me crier:

"Mais qu'est-ce que tu fous!?"

J'ai regardé sur ma gauche, à ma hauteur presque et à la lisière de la forêt, Blue me regardait avec des grands yeux incrédules. Je ne pense pas qu'il ait réalisé que cela pouvait me déconcentrer, et moi non plus d'ailleurs. Il disparu très vite de ma vision, caché par la falaise. Je n'étais plus très loin du sol.

Mon aile gauche se raidit soudain et arrêta de battre, cela entraina un brusque changement de ma vitesse, et surtout fragilisa la membrane d'air qui s'était accumulée autour de moi. Un peu à la manière de Dash dans un des épisodes, je fut brusquement projeté en arrière sous une sorte d'effet-ressort. Mais à cause de l'arrêt de mon aile gauche uniquement, cela me projeta en plus sur la gauche, contre la falaise où je m'étalais lamentablement.

Je me suis raccroché au rebord, mon aile droite battant désespérément pour me faire remonter, mais j'étais complètement épuisé, et surtout en état de choc, encore tremblant du danger dans lequel je m'étais mis tout seul, comme un débile.

J'ai essayé de remonter sur la corniche, mais rien n'y fit. Mon ami déjà accourait vers moi, mais il était loin.

Mon autre aile se crispa à son tour. Je ne pouvais plus bouger ni l'une, ni l'autre.

Déjà mes forces me quittaient, en dessous de moi le vide. J'ai regardé mon ami qui hurlait mon nom et dit:

"Désolé d'être aussi con..."

Mes sabots me lâchèrent à ce moment, et je tombais. J'ai entendu Blue hurler un "Non!", mais trop tard. C'était quand même idiot de mourir comme ça, après avoir survécu à un changement de monde, finir d'une chute alors que je suis un pégase...

J'étais vraiment stupide parfois.