« C'est une blague ?! »
Twilight n'arrivait pas à savoir si le poney qu'elle avait en face d'elle se payait sa tête ou si son air sérieux était bien réel, ses paroles l'avaient si surprise qu'elle en avait fait tomber le paquet. La licorne se retourna pour crier : « Rarity ? Tu es là ? » Toujours aucune réponse.
Elle se précipita dans la grande salle pour retrouver son amie, mais tout était désert.
« Rarity ? C'était toi le coup du mur ? Ce n'est plus drôle, allez sors de ta cachette ! »
Mais seul le silence et l'air courroucé du vieux gentlecolt lui répondit.
Au milieu de grands immeubles à l'aspect étincelant et à la peinture toute fraîche, Rarity reprenait ses esprits et observait les alentours. Quoi qu'il se fût passé, elle n'était plus dans la forêt Everfree. Avisant alors un jeune étalon qui lisait le journal non loin d'elle, elle se rapprocha de lui pour lui demander :
« Excusez-moi mon cher, j'ai été quelque peu bousculée dernièrement, où suis-je ? La dernière fois je me trouvais à Ponyville, mais visiblement ça n'est pas Ponyville… »
Levant le nez de son journal, l'étalon la regarda puis répondit :
« Non, en effet, on est à Manehattan ici pouliche ! »
Elle se sentit défaillir, devant l'absence de manières de cet étalon ou devant l'énormité qu'il venait de lui dire, cela elle ne le savait pas. Mais Manehattan était à plusieurs jours de vol de pégases ! Il était inconcevable qu'elle ait put parcourir cette distance en un battement de cils ! Se ressaisissant, elle rétorqua :
« Non non non non, c'est impossible ! Je me trouvais bien trop loin d'ici, cet endroit ne peut pas être Manehattan.
- Croyez ce que vous voulez, je connais pas votre Ponyville là, mais ça c'est du Manehattan tout craché. »
Et ce faisant il dévoila son journal et les lettres capitales du quotidien apparurent à la jument d'ivoire ainsi que le gros titre « Daily Hoof – L'Empire Stalion Building tout juste achevé ! ».
Se contorsionnant la nuque pour lever les yeux vers le sommet du bâtiment qui lui faisait face elle put distinguer les pégases-ouvriers qui apposaient les dernier rivets de l'antenne, ils étaient aussi gros que des parasprites vu d'en bas.
« Tout le monde l'appelle déjà l'E.S.B., il est impressionnant n'est-ce pas ? » lui dit l'étalon en désignant le gratte-ciel.
Rarity se sentit défaillir à nouveau.
« Écoutez mademoiselle, je ne sais pas qui vous appelez comme cela mais ma ponette très spéciale s'appelait Rarity et est malheureusement défunte, il y a maintenant quinze années de cela ! Paix à son âme, je vous saurais grès de respecter sa mémoire, jeune pouliche ! »
Cela ne rimait à rien, pourquoi son amie était-elle introuvable ? Qui était cet inconnu qui prétendait être marié à une autre Rarity ? Qui la harcelait avec des messages incompréhensibles ? Et surtout, l'ultime question qui n’arrêtait de lui donner des vertiges plus elle y réfléchissait : pourquoi, pourquoi était-elle la cible de tout ça ?
Tendant un sabot tremblant, elle rassembla le mystérieux paquet au sol et, après l'avoir ouvert, souleva à ses yeux son contenu. Des lettres, de nombreuses photographies jaunies par les outrages du temps, dont les bouts cornés étaient plus qu'éloquents sur le passé voyageur de son ancien propriétaire. Mais toutes représentant la même jument, de portrait, de profil ou encore de face, toutes lui rappelaient le visage de son amie introuvable. En passant de plus en plus vite d'une photo à l'autre, elle dit à haute voix, dont les tremblement trahissait le doute qui s'emparait peu à peu d'elle : « Elles se ressemblent vraiment, c'est étrange, ma Rarity ne m'avait jamais dit qu'elle avait une ascendante qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, sûrement le hasard n'est-ce pas ? »
C'est alors qu'elle la vit. Elle, cette unique image monochrome, représentant juste une jument de trois quarts face. Une jument blanche, à la coiffure impossible et aux trois cristaux sur le flanc. Si jusqu'alors elle s'était raccrochée à la coïncidence, plus aucune n'était possible ici. Twilight le savait, aucun poney ne possède de cutie mark ayant déjà existé ou identique à un autre poney. Pas aussi identique que ça. Elle devait l'admettre, Rarity avait été pour une raison où une autre envoyée dans le passé et était désormais morte. Non, c'en était trop, c'était impossible à accepter pour la licorne lavande.
« Ça ne se peut pas, ces images sont fausses ! »
Et elle se précipita dans la grande salle, piétinant le colis de son amie disparue et laissant sur place le vieil étalon qui tentait de garder sa contenance malgré son regard outré.
Twilight courait sans but, les salles et les couloirs défilaient devant ses yeux embués de larmes. De temps à autre, elle criait le nom de son amie mais seul le mutisme de la pierre, encore et toujours, répondait à ses appels. S'enfonçant dans les ruines du château, elle commençait à errer dans une aile où elle ne s'était jamais rendue auparavant, bien plus sombre, plus inquiétante. Comme si elle avait déjà été abandonnée lorsque le château était encore debout, mais la licorne ne s’arrêta que lorsqu'elle déboucha sur une grande salle sans issue. Cependant l'absence d'issue n'était pas ce qui l'avait fait interrompre sa course folle.
Face à elle, sur un grand mur nu pouvait se distinguer un message, partiellement effacé par le temps : « DÉSOLÉ TWILIGHT, M… …… … …… AR LES PÉGASES PLEUREURS » Encore un message qui semblait lui être adressé, sa tête lui tourna. Comment cela était-il possible et qui était capable de lui parler à travers le temps ?
Twilight reprit ses esprits, une vraie disciple de Celestia ne prenait pas peur deux fois pour la même raison tout de même. C'est alors qu'elle baissa les yeux pour observer la salle dans laquelle elle se trouvait, et regretta d'avoir fait cela.
Trois, elles étaient trois à cacher leurs larmes pétrifiées derrière leurs sabots de granit. Toutes ces sculptures d'êtres ailés semblant torturés de chagrin. Instinctivement, Twilight recula d'un pas et, heurtant quelque chose, porta son regard un instant vers ses sabots pour vérifier où les mettre. Un instant puis elle les releva, un instant cependant trop long. Lorsqu'elle regarda de nouveau ces étranges statues son cœur rata un battement. Elles avaient bougé. L'une s'était relevée, l'autre tendait un sabot en sa direction et la dernière ne cachait plus ses yeux vides. Ces grands yeux sans pupilles, leur simple regard semblaient pénétrer la licorne jusqu'aux tréfonds de son esprit et y chercher la moindre faiblesse, la moindre faille dans laquelle s'engouffrer.
La main glacée de la terreur s'empara de Twilight. Seule la voix dans sa tête qui lui hurlait de s'enfuir le plus vite possible, loin de ces aberrations, et de courir pour sa vie, eut raison de l'engourdissement qui prenait ses pattes et les figeaient comme la pierre qui constituait son cauchemar éveillé.
La licorne violette courait aussi vite que ses pattes le lui permettait mais derrière elle, elle les entendait, quelques raclement sourds, des objets heurtant la trajectoire de ces choses. À chaque fois qu'elle trébuchait, elle craignait sa dernière heure venue et se relevait plus promptement, allant encore plus rapidement si cela était possible. Elle ne voulait pas tourner la tête, ne plus penser à ces pupilles lisses, sans âme. Sainte Celestia, elle ne se rappelait pas que ces couloirs étaient si désespérément longs, ni qu'elle avait erré si longtemps. Lorsqu'elle enfonça une énième porte et que le grand hall s'offrit à son regard, elle se permit alors un coup d’œil en arrière, Ils étaient là. Près, trop près. Sa course redoubla et, claquant la grande porte derrière elle, se servit de sa magie pour sceller cette dernière.
C'est sous les martèlements de ces créatures que Twilight s'enfuit au cœur de la foret Everfree. Elle ferma les yeux pour penser à ne plus voir ces sinistres sculptures, les coups ne s'entendaient plus. Mais si la ponette lavande n'en ferma que plus fort ses paupières, aux fenêtres défoncées et en ruine, cinq statues ailées et immobiles la regardaient. La suivant de leurs regards vides, suivant la fuite éperdue de leur proie qui s'éloignait.
Si la licorne était paniquée la veille, lorsqu'elle était revenue du château en ruine, elle était désormais terrifiée. Plut-il à Celestia qu'elle oublia les précédents événements, mais elle ne le pouvait pas. Car là-bas avait disparu Rarity et elle ne reviendrait plus. Abattue, elle grimpa silencieusement les marches de la bibliothèque pour ne pas réveiller Spike, elle ne voulait pas risquer de devoir expliquer l'heure à laquelle elle rentrait ni la tête qu'elle devait certainement avoir actuellement. Sur son bureau, le maudit livre était encore là, ouvert sur cette double page incompréhensible. Cependant Twilight nota que les lignes étaient réapparues, mais à un autre endroit sur la page. Se refusant tout d'abord à s'en approcher de nouveau, la curiosité finit par l'emporter et elle put lire cette unique ligne : « Les gens ne comprennent pas le temps. »
À peine eut-elle achevé de lire cette phrase qu'une seconde apparut en-dessous : « Les gens pensent que le temps est une simple progression linéaire de cause à effet. » Si ces phrases n'avaient aucun sens pour leur lectrice, au moins ne l'interpellaient-elle pas directement. Tout juste commençait-elle à réfléchir sur la phrase qu'une suivante se dessina sous les yeux de Twilight : « En fait, d'un point de vue non-linéaire et non-subjectif… » l'écriture s'interrompit quelques instants, avant de reprendre plus hésitante « comme une grosse pelote de... wibbly-wobbly timey-wimey... trucs. » Et dire que la licorne commençait à réfléchir sérieusement sur le problème !
« La dernière phrase n'était pas du tout du niveau des autres », s'amusa-t-elle à haute voix.
Puis elle remarqua qu'une autre ligne se formait : « En effet, elle m'a un peu échappé celle-là... »
La lectrice fit un bon en arrière, elle bégaya :
« Que... vous ne pouvez pas m'entendre c'est impossible ! »
Une autre ligne : « Oh, mais je peux t'entendre. »
Les nerfs de la pauvre jument cédèrent, elle referma violemment le livre puis courut se réfugier dans son lit pour ne plus rien voir, ne plus rien entendre. Pour s'abriter derrière toute la tiédeur d'une couette réconfortante. Néanmoins durant la nuit, son esprit la travailla, et à force de réflechir sur les mots qu'elle avait lus et sur ce qu'elle venait de vivre, une idée s'imposa en elle. Elle devait impérativement se renseigner davantage à propos de ces créatures de pierre et sur ce que pouvait bien receler comme mystères le temps. Aucun livre dans sa bibliothèque cependant, à sa mémoire, ne contenait la moindre information sur lesdites créatures et le seul mage qui ait jamais fait des recherches sur le temps était, à sa connaissance, Starswirl le barbu. L'obligation de se rendre à la bibliothèque royale de Canterlot se présenta alors à Twilight. Qu'à cela ne tienne, elle s'y rendrait le lendemain au plus tôt en laissant une note à Spike pour ainsi éviter de douloureuses explications. C'est sur cette décision que la licorne violette s’endormit, un peu rassérénée par ce qu'elle avait prévu de faire.
La lune gibbeuse projetait ses rayons laiteux sur la ville endormie. Personne dehors sous les étoiles luisantes. Personne pour remarquer que le pont du village venait de s'orner de deux nouvelles œuvres de pierre en moins de temps qu'il n'en faut pour battre des cils. Personne pour noter que, étrangement, elles étaient toutes deux tournées vers le grand arbre du village.
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rainbownuit: #6764