En monokini noir, affalée paresseusement sur une chaise longue, la tête à demi-versée sur le côté, Spitfire se laissait chauffer par le soleil. Sous les latitudes de l’île de rêve d’Hoowaï, ce n’était pas très dur.
Tout n’était que plages de sable blanc, lagons turquoises, et oiseaux multicolores. Un décor de carte postale.
C’était vrai aussi qu’au prix où elle payait ses vacances, il valait mieux qu’elles soient paradisiaques.
Hoowaï était une île peu habitée, à des kilomètres de toute civilisation. Les villages indigènes avaient cédé la place aux complexes touristiques de luxe, et désormais, seuls les equestriens aux bourses bien garnies pouvaient s’offrir un séjour là bas. Spitfire en faisait partie. Pas qu’elle était immensément riche, mais les cachets de ses prestations en tant que chef des Wolderbolts étaient élevés, et elle n’était guère dépensière. Hormis une folie de temps en temps, comme ces quelques semaines au soleil.
Spitfire tâtonna dans le sable, à la recherche de son milk-shake. Son sabot finit par trouver le gobelet de plastique, et porter la paille à ses lèvres. Le lait coula dans sa gorge, la rafraîchissant. Mais au bout de quelques secondes, elle n’aspira plus que de l’air. Dépitée, elle secoua le gobelet sans trop y croire, comme si elle refusait d’admettre qu’elle avait déjà fini sa boisson. Elle mourrait d’envie d’en reprendre un autre. Elle adorait les milk-shakes, et avait toujours beaucoup de mal à ne pas les enchaîner. D’un autre côté, ce genre de sucreries était dure à éliminer, surtout chez Spitfire.
Céder à la tentation, et courir le risque de devoir encore repasser au sauna ? Ou bien se raisonner, et passer à côté d’un de ses desserts préférés ?
La pégase débattait avec elle-même quand on lui fit de l’ombre, l’obligeant à regarder par dessus ses lunettes de soleil fumées.
Le pelage encore dégoulinant d’eau de mer, un short de bain plaqué contre la croupe, Soarin lui souriait.
_On va faire une partie de water-polo. Chaude pour un petit match, capitaine ?
Spitfire grimaça. Pas qu’elle n’aimait pas le sport, ni se dépenser, mais elle avait déjà beaucoup nagé ce matin, avant que tout le monde n’aille se baigner. Et elle n’était pas super douée dans les sports aquatiques. Elle restait une pégase, c’était l’air son élément, pas l’eau.
_Sans façon, Soa. Je vais rester bronzer encore un peu, et je rentrerai.
_Comme tu veux.
Soarin se pencha vers la jument jaune, l’embrassant rapidement sur les lèvres.
_Pour la chance, lui sourit-il en lui faisant un clin d’oeil.
Puis, il cavala jusque dans l’eau, éclaboussant les pauvres poneys qui se trouvaient à proximité.
Spitfire le regarda quelques secondes avant de reprendre sa position initiale. Elle souffla par les naseaux.
Ça n’allait pas. Elle et Soarin, ça n’allait pas, ça ne collait pas.
En tant qu’ami et partenaire de vol, elle avait trouvé le meilleur étalon possible, même si des fois, il était un peu bêta. Par contre, depuis qu’ils s’étaient mis ensemble…
C’était un peu comme si quelque chose manquait à Spitfire, sans qu’elle ne puisse mettre le sabot dessus. Soarin restait Soarin, toujours aussi bout-en-train, avec son amour immodéré pour les tartes, et capable de grandes choses quand il le voulait vraiment, donc le problème n’était pas là.
Et au lit...ça se passait plutôt bien. Spitfire avait beau avoir eu très peu d’expériences hétérosexuelles, elle savait s’y prendre avec les étalons. Soarin lui, était parfois un peu maladroit, mais il s’appliquait, et apprenait vite.
Peut-être que c’était...ça. Hoowaï. Ce n’était pas la première fois que les deux pégases allaient en vacances ensemble, mais c’était la première fois qu’ils le faisaient en tant que couple. Il y avait un côté officiel dans tout ça, alors que leur relation avait plus évolué sur un coup de tête, sans vraiment y réfléchir.
Ce qui gênait vraiment Spitfire, c’était cette chose qu’elle n’arrivait pas à saisir. Quand elle enchaînait les petites amies, elle identifiait très vite le souci : elle se lassait rapidement de l’autre jument, et préférait rompre. Ça elle connaissait, elle savait comment faire.
Mais elle ne se lassait pas de Soarin. Elle continuait à...à l’aimer ? A le désirer en tout cas. Spitfire sentait déjà ses ailes la lancer alors que machinalement, elle portait le regard sur la partie de water-polo, où Soarin était engagé dans un duel endiablé. Rien que de voir l’eau ruisseler sur son pelage, l’écume autour de lui…
La wonderbolt se força à revenir sur terre. Calme. Il y avait beau avoir peu d’autres pégases que Soarin et elle sur la plage, ça ne voulait pas forcément dire que les autres poneys ignoraient la signification que prendraient ses ailes si elles se déployaient toutes grandes. Elle avait beau généralement se moquer de ce que pensaient les gens autour d’elle, elle savait faire la part entre espace public, et intimité.
Elle aurait toute l’occasion de se laisser aller tout à l’heure, avec Soarin, quand ils seraient tous les deux dans la chambre.
La jument se releva, enroulant son corps dans sa serviette de plage. Trottant sur le chemin de l’hôtel, elle se demandait si elle n’aurait pas besoin d’un bain froid pour se calmer les nerfs...
Le marché de l'île était pittoresque, à défaut d'être très fourni. On y trouvait pourtant tout ce qu'on était en droit de chercher dans un lieu de villégiature comme Hoowaï : abrités par des paillotes, des vendeurs proposaient fruits frais, souvenirs, et d'autres biens aux flâneurs.
Spitfire déambulait au bras de Soarin, fouinant dans les étals. Elle n'avait besoin de rien, mais ça l'amusait de jouer à la touriste, de dégoter LA chose qui la ferait craquer. Elle avait déjà commencé à céder : sous le grand chapeau de paille qui la protégeait du soleil, elle avait accroché un colifichet à une de ses mèches rousses. Un petit bijou de rien du tout, en verre poli, qui accrochait la lumière. Ce n'était pas souvent qu'elle se permettait d'être coquette. A l'académie, elle devait porter son uniforme, et en représentation, la tenue de vol était incontournable. Quand elle se trouvait avec du temps libre, elle ne s'embarrassait que très rarement de robes, de colliers, et autres accessoires. Elle se trouvait suffisamment belle sans avoir à le souligner, et quelque part voyait toutes ces choses comme une perte de temps. Elle avait mieux à faire. Une demi-heure à s'apprêter dans la salle de bain, c'était autant de temps en moins qu'elle aurait pu passer sur un terrain de hoofby, ou à répéter ses figures aériennes.
Mais comme elle se l'était dit à elle-même en passant devant le stand du vendeur de colifichets, elle était en vacances. Elle était ici pour se détendre, et faire des choses qu'elle ne faisait pas le reste de l'année. Alors pourquoi ne pas être un plus féminine qu'à l'accoutumée ?
Soarin en revanche, se comportait comme il avait l'habitude de le faire : de façon très impulsive, achetant tout ce qui lui faisait envie. Il ne restait pas cinq minutes en place, quittant toujours Spitfire pour fouiner sur un étal d'artisanat, ou d'aquarelle. Plaise au vent qu'il ne devienne jamais trésorier de la Princesse Celestia, car le pégase dépensait ses bits comme s'ils lui brûlaient le sabot. Le sac de selle du pégase s'était déjà alourdi d'une caricature, d'une statuette en bois, d'une demi-douzaine de cartes postales, tout cela sans compter bien sûr, tous les fruits que Soarin semblait engloutir comme si sa vie en dépendait.
Spitfire le laissait faire. Il était assez grand pour faire ses choix, et ils n'avaient pas de bourse commune. Si ça lui plaisait de dépenser tout son argent dès les premiers jours...
_On devrait trouver un cadeau pour Fleetfoot, tu crois pas ? demanda Soarin à Spitfire, sirotant le contenu d'une noix de coco au moyen d'une paille de couleur vive.
_Tu lui a pas déjà pris cette statuette de danseuse hoowaïenne ?
_Nan, répondit le pégase. Elle est pour Rapidfire, elle. Pour Flee, je pensais plus à une petite pierre ou un truc du genre...
Spitfire haussa les épaules. Soarin s'était mis en tête d'offrir quelque chose à tous les membres des Wonderbolts, et la liste était longue. Encore heureux qu'il ne s'occupe que des actifs, et pas des cadets ou des postulants de l'académie. Ou bien il leur faudrait trois dirigeables pour rentrer, dont deux remplis à ras-bord de cadeaux.
_Tu sais si Dash est partie en vacances ? demanda Spitfire.
Soarin jeta sa noix de coco vide avant de se gratter le menton du sabot, réfléchissant.
_Je crois qu'elle m'a dit qu'une copine zèbre l'invitait à passer quelques jours chez elle, au pays.
_A Adis-Adhayba ?
_Aucune idée, avoua l'étalon. Pourquoi ? Tu connais ?
_Un poil. Quand je vivais avec le cirque, on avait reçu une autorisation exceptionnelle de leur Empereur pour se produire à la capitale zèbre. Je me souviens plus de grand chose, j'étais toute petite quand on y est allés, mais je me rappelle encore de deux-trois détails. Comme le soleil au dessus des maisons, ou les zébreaux qui jouaient à chat sur la grande place.
_T'en a de la chance, soupira tristement Soarin. Je suis pratiquement pas sorti d'Equestria.
_Une chance pour la Princesse Celestia, lança Spitfire, le sourire aux lèvres. Te connaissant, t'es capable de créer un incident dès la frontière pour une histoire de tarte pas cuite, et précipiter tout le monde dans la guerre.
_Hé ! s'offusqua faussement Soarin. Elle était vraiment infecte la tarte qu'ils nous avaient servi sur le dirigeable. C'était normal que je me plaigne.
_Tu te plains toujours quand ça concerne les tartes, Soa, continua sur le même ton joueur.
_Y a au moins un sujet sur lequel je me plains pas, souffla son partenaire en l'embrassant.
Spitfire ferma les yeux, et lui rendit son baiser, sentant le goût de la noix de coco sur la langue de Soarin.
Elle se sentait mieux qu'à la plage. Plus détendue. Peut-être était-ce le fait qu'il fasse un brin moins chaud, peut-être parce qu'elle se laissait davantage aller avec Soarin. Quoiqu'il en soit, les doutes qui la tiraillaient ce matin étaient partis. Ici et maintenant, elle était bien, tout simplement.
_T'aurais pas intérêt à demander des réclamations, lui glissa une Spirfire rieuse.
_J'oserais pas, lui répondit un Soarin à l'avenant, tamponnant doucement le museau de la pégase du sien.
Patte dessus, patte dessous, les deux Wonderbolts se remirent en route.
Ils continuèrent leur chemin pendant encore un petit quart d'heure, ponctué de pauses lorsque Soarin voyait quelque chose qui l’intéressait sur l'étal d'un vendeur, ou qu'un de deux pégases voulait embrasser l'autre.
Lentement, le marché prenait fin autour d'eux, les paillotes devenant plus rares, et plus espacées. Au bout de quelques mètres, on retrouvait la jetée, et la mer turquoise à perte de vue.
Bon, se dit Spitfire. On va peut-être se rentrer.
Mais Soarin pointait déjà du sabot la tour en bout de la jetée, d'un air surexcité.
_Regarde Spit ! Y a un phare ! Tu crois qu'on peut le visiter ?
_J'ai l'air d'avoir la cutie mark d'un office de tourisme ?
L'ironie tomba à plat. Spitfire ne l'aurait jamais cru avant de fréquenter Soarin de manière plus intime, mais le pégase était un mordu de panoramas et de points de vue. Il lui avait un soir confié que s'il n'avait pas été Wonderbolt, il aurait tout fait pour travailler comme explorateur de haute montagne, à découvrir des paysages magnifiques.
Nul doute que ce n'était pas tant le phare, mais ce qu'on pouvait apercevoir depuis son sommet qui motivait Soarin à quasiment cavaler jusqu'au bâtiment, un bras toujours passé autour de celui de sa maîtresse.
Spitfire elle, cachait peu son manque d’enthousiasme. Elle ne comprenait pas cette lubie. S'il tenait tant à voir Hoowaï d'en haut, pourquoi ne battait-il pas des ailes plutôt que de s'embêter à payer pour monter dans un bâtiment conçu pour les terrestres et les licornes ?
Enfin...elle supposait qu'une jolie vue ne lui ferait pas de mal à elle non plus. Et elle n'allait pas laisser Soarin grimper tout seul là haut quand même.
Le couple acheta deux tickets à l'entrée du phare, avant de pousser la lourde porte en bois, et de gravir lentement l'escalier en colimaçon. Les marches, comme la tour elle même, étaient d'un gris uniforme, assez laid aux yeux de Spitfire. A intervalles réguliers, une fenêtre était découpée dans le mur, permettant de voir à l'horizon. Soarin s'arrêtait à chacune d'entre elles, le regard émerveillé.
Ils arrivèrent enfin au sommet. Soarin fut le premier à pousser la porte extérieure, et à s'engager au dehors. Spitfire avait à peine fait un pas qu'elle grimaçait déjà sous les assauts du vent, ses mèches rabattues dans les yeux.
Voilà bien pourquoi elle n'aimait pas monter dans ce genre d'endroit. Quand on était en vol, on savait comment se comporter avec le vent, comment se positionner pour qu'il donne plus de force, pour qu'il devienne un allié. Au sommet d'un phare pareil, les sabots plantés dans la pierre, les bourrasques devenaient des ennemies.
Ça ne semblait pas déranger Soarin : les pattes antérieures sur la balustrade, il avait les yeux rivés sur l'océan, un grand sourire sur le visage. Spitfire avait du mal à voir autre chose que la mer bleu-verte, et le ciel immaculé, mais voir son amant se comporter avec l'innocence d'un poulain était touchant. Elle aurait du prendre l'appareil photo.
La pégase se força à respirer profondément. L'air iodé lui ferait sûrement du bien.
Avant qu'elle ne puisse comprendre quelque chose, une bourrasque plus violente que les autres emportait son chapeau de paille par dessus le parapet. Spitfire jura et sauta à sa poursuite.
Ballotté par le vent, le chapeau bougeait de façon anarchique. Dès que Spitfire pensait mettre le sabot dessus, il s'éloignait, comme s'il voulait se moquer de lui.
Elle nota que le sol approchait plus vite que prévu. Autant pour la récupération en vol. Elle déploya grandes ses ailes pour amortir sa chute, et tomba parfaitement sur ses pattes. Elle ne put s'empêcher de s'accorder un petit sourire mental. Et dire que cette imbécile de Gabby Gums avait dit un jour que les cabrioles aériennes des Wonderbolts, c'était du chiqué !
Elle suivit du regard le couvre-chef qui tourbillonna jusqu'aux pattes d'un étalon sur la jetée.
_Désolée ! le héla t-elle en allant à sa rencontre. Mon chapeau s'est envolé et...
Elle marqua une pause, notant les couleurs très particulières du poney terrestre : une robe jaune mimosa, un crin violet. De toute sa vie, Spitfire n'avait connu qu'un étalon à porter ces couleurs.
Ce fut quand il leva le visage vers elle que ses derniers doutes ses dissipèrent. Il avait vieilli bien sûr. Il n'était plus ce poney à peine sorti de l'adolescence qu'elle avait connu. Mais ces yeux émeraudes ne la trompaient pas.
_Chocolate ?
_Spit ?
Un moment de flottement, un moment de gène. Aucun des deux ne semblait savoir comment briser la glace. Plutôt ironique si l'on savait à quel point ils avaient été proches, autrefois.
_Qu'est-ce que tu fais là ? demanda le poney.
_Ho tu sais, répondit Spitfire d'une voix qu'elle voulut aussi détachée que possible, les vacances, le soleil, tout ça.
_Pareil pour moi, sourit Chocolate.
Celestia qu'ils avaient l'air empotés, l'un autant que l'autre. La pégase avait encore du mal à réaliser ce qui se passait. Une partie d'elle refusait d'y croire, martelant que les chances de tomber précisément sur lui après tout ce temps étaient nulles.
Le terrestre semblait tout aussi gêné. Il parcourait des yeux les alentours en se grattant machinalement l'arrière du crâne, cherchant visiblement un moyen de relancer la conversation. Puis, il se souvint du chapeau, se baissa, le prit en gueule et le tendit à Spitfire.
_Merci, dit-elle, le replaçant sur sa tête.
_Pas de quoi. Je vais pas t'embêter plus longtemps, tu as sûrement des choses à faire.
Il parut hésiter un instant, puis :
_Si t'as un peu de temps dans les jours qui viennent, ça serait sympa qu'on mange un morceau ou qu'on boive un verre, non ? Ça serait bête qu'on profite pas de l'occasion, après tout ce temps...
_Ouais, acquiesça t-elle. Ça serait bien.
Chocolate s'éloigna à petits pas, souriant toujours de cet air mi-poli, mi-embarrassé.
_Bon. Ben j'y vais alors. Je suis au bungalow 6. Hésite pas à passer ou à me laisser un message par la réception. Bye !
Spitfire le regarda s'éloigner. La tête lui tournait, et son cœur battait fort. Chocolate, ici. C'était...complètement inattendu. Si surprenant qu'une voix dans sa tête lui répétait que ce n'était qu'un rêve, qu'elle avait imaginé toute la scène.
Perdue dans ses pensées, elle sursauta quand un sabot bleu lui toucha l'épaule.
_Ca va, Spit ? demanda une voix inquiète qu'elle reconnut comme étant celle de Soarin. J'ai juste eu le temps de me retourner pour te voir plonger en bas.
_Oui, répondit-elle sans le regarder, les yeux toujours rivés sur l'étalon qui disparaissait petit à petit. Le vent m'a arraché mon chapeau. Mais un poney l'a ramassé pour moi.
_C'est chic de sa part, commenta Soarin. En me rapprochant, j'ai eu l'impression que vous vous connaissiez, non ?
_C'est...
Spitfire hésita sur les mots qui allaient sortir de sa bouche. Est-ce qu'elle devait cracher le morceau ? Après tout, ce n'était pas comme si c'était un secret. Ou si c'était honteux.
C'est mon premier amour.
_C'est un ami que j'avais perdu de vue depuis très, très longtemps, se borna t-elle à dire.
_Ah bah c'est bien que vous vous soyez retrouvés, alors ! lança joyeusement le pégase.
Spitfire hocha la tête, et sans même le remarquer, se mit à frisonner. Absurde d'avoir froid sous ces latitudes. Le vent en haut du phare avait du la surprendre.
Il ne pouvait pas y avoir d'autre raison...n'est-ce pas ?
Plus tard, au cœur de la nuit hoowaïenne, Spitfire n'arrivait pas à dormir. La température était élevée dans la chambre d'hôtel, et ils avaient repoussé les draps au pied du lit pour ne pas mourir de chaud. Le grand ventilateur accroché au plafond tournait rapidement, sans vraiment rafraîchir quiconque. L'horloge, dont on distinguait les aiguilles dans la pénombre, indiquait trois heures du matin.
Soarin était roulé en boule à côté de la pégase, respirant calmement. Spitfire ne comprenait pas comment il faisait pour trouver le sommeil avec une chaleur pareille.
Elle passa un sabot sur sa joue, le ramenant empoissé de sueur. Elle l’essuya machinalement sur le protége-matelas.
Elle roula hors du lit, trottant jusqu'à la porte fenêtre. Elle la fit coulisser pour se retrouver sur le balcon.
Au dehors, il faisait un peu plus frais. Le vent était léger, mais lui donnait une impression de fraîcheur, à cause de sa transpiration. Elle avança jusqu'au rebord, regardant la mer.
C'était un autre spectacle la nuit. Rien à voir avec les tons turquoise de la journée, et sa palette infinie de couleur. Juste une mer noire comme l'encre, dans laquelle la lune et les étoiles se reflétaient comme dans un miroir. Luna savait y faire.
Pour un peu, elle comprenait l'attrait de Soarin pour ce genre de paysage.
Elle s'éventa. Mais de qui se moquait-elle ? Elle savait bien que ce n'était pas la chaleur qui l'empêchait de dormir. Elle n'avait cessé de repenser à Chocolate depuis qu'elle l'avait croisé au phare. Le terrestre à la robe mimosa était resté planté dans son esprit depuis lors, revenant sans cesse quand elle laissait ses pensées vagabonder. Elle se demandait ce qu'il avait fait ses dernières années. S'il était marié, s'il avait des enfants. S'il avait souvent pensé à elle depuis leur séparation.
Et bien sûr, elle avait revu en boucle le jour de leur rencontre.
Une rencontre si bête qu'elle avait presque honte d'y repenser : il avait suffi qu'elle perde son ballon de hoofby, qu'il se crève contre une branche d'arbre, et que Chocolate le trouve. A l'époque vendeur de jouets, il l'avait réparé, avaient sympathisé, et ils s'étaient mis d'accord pour devenir partenaires de sport. Il n'avait fallu que très peu de temps pour qu'ils deviennent plus que ça.
Le premier amour de Spitfire. Le petit vendeur de jouets et elle, la pégase qui rêvait d'entrer à l'académie des Wonderbolts.
Elle l'avait très profondément aimé, et savait que le sentiment avait été largement partagé. A l'époque, Spitfire s'était laissé allée à des rêveries, au grand mariage en blanc, à avoir des enfants avec lui. Quelque chose entre le jeu, et l'idée que peut-être, ce mirage deviendrait réalité. Qu'elle était peut-être tombé sur le bon poney du premier coup.
Mais la réalité s'était rappelé à eux : il avait dû déménager loin dans le sud, et les deux jeunes poneys s'étaient mis d'accord pour mettre un terme à leur couple. Les relations à distance ne marchaient pas.
Spitfire savait qu'ils avaient fait pour le mieux, que c'était le plus sage à faire...mais ça lui avait déchiré le cœur.
Elle avait pleuré toutes les larmes de son corps, roulé en boule dans son lit, essayant de retrouver son odeur, comme une droguée en manque.
Puis le temps avait fait son office. Spitfire avait grandi, et réussi à mettre Chocolate derrière elle. Un matin, elle avait réussi à se lever sans que sa première pensée soit pour le terrestre. Elle avait avancé : sa carrière professionnelle avait été phénoménale, passant en l'espace de dix ans, de cadette, à directrice de l'académie des Wonderbolts. Un record unique dans toute l'histoire de l'escadrille.
Sentimentalement, elle avait aussi fait du chemin : elle s'était trouvée une attirance pour les juments, d'abord avec quelques camarades de promotion, puis de façon plus globale, et si ça n'avait été sa liaison actuelle avec Soarin, elle se serait persuadée que l'hétérosexualité n'avait été pour elle qu'un essai de jeunesse.
Quelquefois, elle s'était demandé ce qu'elle ferait si elle retombait sur Chocolate. Il lui était arrivé de rester en bon termes avec certaines anciennes petites amies. Rien d'extraordinaire, mais enfin, quand elle les croisait, elle prenait le temps d'avoir un peu de leurs nouvelles, de partager quelques souvenirs. Avec d'autres en revanche, la séparation s'était plus mal passé, et Spitfire avait préféré purement et simplement couper les ponts.
A l'époque, elle s'était dit qu'elle n'aurait qu'à suivre ce que son cœur lui dirait de faire.
Mais maintenant, elle ne savait plus. Elle se sentait perdue.
Elle avait à la fois envie de revoir Chocolate, de parler du passé, de découvrir ce qu'il était devenu. Mais tout autant de le renvoyer dans les limbes, de l'enfermer dans ses souvenirs, et d'aller de l'avant, comme ce qu'elle faisait depuis qu'ils n'étaient plus ensemble. Revenir sur ses pas, c'était pas très Wonderbolt dans l'âme.
Ce fut un doux baiser posé contre le pavillon de son oreille, et des pattes qui l'enlacèrent tendrement par derrière qui lui firent penser à autre chose.
_Des problèmes pour dormir ? lui demanda Soarin, la câlinant un petit peu.
La pégase jaune ferma les yeux et laissa échapper un sourire d'aise. De toute façon, elle n'aurait pas de réponse même si elle passait la nuit entière sur le balcon à se triturer les cellules grises. Autant faire autre chose, et s'occuper de façon plus ludique.
_J'aurais peut-être besoin d'une berceuse, lui souffla Spitfire, tournant la tête pour capturer sa bouche.
S'embrassant, les deux pégases reculèrent jusqu'au lit, sur lequel ils basculèrent. Voilà de quoi avait besoin Spitfire. D'une bonne dose de présent. De l'amour de son partenaire actuel pour effacer les réminiscences de l'ancien, comme une couche de peinture neuve.
C'était un bon plan. Il était parfait, et se déroula sans anicroche. A une exception près : lorsque les yeux clos, envahie par le plaisir, Spitfire se laissa complètement aller, dans le noir, ses lèvres prononcèrent silencieusement un prénom masculin.
Et ce n'était pas celui de Soarin.
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C'est une très bonne fiction Slice Of Life, J'adore :D