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MAI - My Arcane Intelligence

Une fiction écrite par lnomsim.

Chapitre 10 - Green Pasturges - Première nuit

Chapitre 10

Le soleil vient percer mes paupières encore fermées, m'arrachant un grognement. Pourquoi faut-il toujours que les nuits soient si courtes ? J'en discuterai la prochaine fois que je verrais Princesse Luna.

"Encore cinq minutes..." Je murmure la bouche pâteuse, encore endormie.

Mais le sort semble en avoir décidé autrement. Sans crier gare, le sol se met à trembler autour de moi et je suis ballotée dans tous les sens. Toute trace de fatigue semble m'avoir abandonnée lorsque je me retrouve sur mes quatre sabots. Ou trois et demi, la douleur dans ma patte avant gauche me rappelant ma mésaventure d'hier soir.

Je regarde autour de moi à travers mes yeux voilés par une nuit trop courte, un peu secouée, et éblouie par ce maudit soleil qui ose m'agresser de si bon matin. Je retombe sur mes hanches en voyant où je me trouve, me sentant assez bête.

Bien sûr que ce n'est pas un tremblement de terre, ils ne sentent généralement pas le charbon et ne font pas le bruit d'un moteur. Pourtant, si l'autocart n'a pas les meilleures suspensions qui soient, il ne m'envoie généralement pas valdinguer d'une banquette à l'autre comme c'est actuellement le cas.

Essayant de me tenir du mieux que je peux, je regarde par la fenêtre, pour voir qu'au lieu de nous diriger vers le village afin de reprendre la voie royale, nous sommes en fait sur le chemin de terre le quittant par le nord. C'est tout sauf la direction de notre destination, et je doute fortement que ce soit l'itinéraire le moins long.

Je me demande s'il y a eu un changement de plan, mais si c'était le cas, Princesse Luna m'en aurait parlé cette nuit, je suppose. Je commence à sortir mon attirail pour me préparer à rejoindre Night Stalker au cochet, me rappelant que mon écharpe n'a pas plus eu l'occasion que moi d'être nettoyée. Je me demande même laquelle de nous deux est la moins propre, elle n'est qu'imbibée de suie. En revanche je suis non seulement recouverte de cette dernière sur une bonne partie de mon corps, mais aussi de sueur, d'herbe et de terre suite à ma course folle de la veille.

Enfin, ce n'est pas en me lamentant que ma situation ou celle de l'écharpe souillée vont s'arranger. J'enfile juste ma paire de lunettes après en avoir frotté les verres du revers de la patte. Ce n'était probablement pas une bonne idée, mais au moins la crasse que j'y ai étalée me protégera de la lumière, j'espère.

Je sors par la fenêtre et longe le toit pour rejoindre la pégase noire, me mettant une patte devant le museau pour éviter d'aspirer trop de fumée. Elle ne porte pas son chapeau de cheminot ridicule ni ses lunettes de protection. Elle a l'air étrangement absorbée par la route devant nous, je ne sais même pas si elle a remarqué ma présence à ses côtés.

Je reste assise là sans rien dire, attendant qu'elle tourne la tête ou dise quelque chose. Mais seuls les bruits du moteur et des roues sur le chemin mal entretenu perturbent le silence lourd et pesant. De toute évidence, si je veux mes réponses, c'est à moi de faire le premier pas.

"Où est-ce qu'on va ?" Je demande pour briser la glace.

"Green Pasturges." Répond-elle simplement sans tourner le regard.

Elle est avachie dans son siège de conducteur, le cou plié et la tête penchée en avant, comme si ses épaules étaient en train de porter le poids du monde, accompagné d'une mauvaise nuit de sommeil. Surement moins pire que la mienne, elle n'a pas eu à se lamenter et chercher des réponses, découvrir que son compagnon était une sorte de monstre attaquant son hôte. Et surtout elle a pu profiter du confort d'un bon bain et d'un lit douillet.

Tout ce dont j'ai eu droit, c'est une course folle avec un sabot fendu et le sol dur du véhicule. Bien que je sois probablement la seule à blâmer pour ce dernier point. Pourquoi je ne me suis pas couchée sur la blanquette ? Peu importe ! Je ne suis jamais allée à Green Pasturges, mais ce n'est certainement pas le bon chemin.

"Je croyais que Green Pasturges était à l'est ?"

"Elle l'est."

"Et nous allons au nord."

"Oui, nous y allons."

"Pourquoi pas vers l'est si nous allons à Green Pasturges ?"

Elle prend une grande inspiration et se tourne enfin pour me fixer dans les yeux. Et j'aurais préféré qu'elle ne le fasse pas. Ils sont emplis de rage et son museau crispé de colère. Par simple réflexe, je recule dans mon siège, mais il n'y a pas vraiment de place où aller.

"Ecoutes, pourquoi tu ne me foutrai pas la paix ? Retourne tranquillement dans ta petite cabine confortable, et laisse-moi faire mon travail. Je t'ai assez vue et entendue pour le moment."

Certainement pas ! J'ai autant de raisons de lui en vouloir pour hier soir qu'elle en a pour moi. Je ne suis pas un simple objet avec lequel elle peut jouer puis se débarrasser lorsque je ne l'intéresse plus. Depuis notre rencontre elle n'a cessé de me frustrer avec le mystère qui l'entoure, et juste à cause d'un petit incident, c'est à moi de subir sa mauvaise humeur ? Eh bien qu'elle ne compte pas sur moi pour accepter ça !

"Il faut qu'on parle !" Je lui dis d'un ton sec.

"Pas maintenant." Grogne-t-elle en reportant son attention sur ce qui nous fait office de route.

"Si, maintenant, j'ai réfléchit comme vous me l'avez demandé et j'en suis sortie avec plus de questions que de réponses, il est temps que vous y répondiez. Maintenant !" J'insiste en frappant du sabot contre le plancher.

Elle me lance un regard meurtrier, les pupilles contractées. "J'ai dit Pas. Main.Te. Nant !"Hurle-t-elle le visage crispé par la colère.

Je recule surprise par son éclat d"humeur et manque de peu de tomber par dessus bord. Je me rattrape de justesse à la plateforme et m'affale à ma place, le cœur palpitant, me remettant du choc.

Je ne comprends pas ce qui lui arrive, avant l'incident d'hier soir je ne l'avais jamais vue aussi énervée. Même pendant son altercation avec Duc Morgan, elle n'a pas eu recours à la violence, ni été si froide. Mais je veux mes réponses et je suis bien déterminée à les obtenir. Déglutissant douloureusement, je penche ma tête vers l'extérieur, regardant le chemin mal entretenu défiler sous nos roues. Les cailloux viennent claquer bruyamment contre les cercles en bois et la terre se soulève en un énorme nuage de poussière derrière nous. Chaque passage dans une petite crevasse ou sur une grosse pierre fait trembler le véhicule, nous faisant parfois sauter de nos places.

Je trouve que nous roulons anormalement vite compte tenu de nos suspensions et de l'état de la chaussée. Qu'elle soit à bout de nerf est une chose, mais est-ce une raison pour conduire si imprudemment ? Un nouveau soubresaut et je dois encore me retenir pour éviter d'être éjectée. Je doute que retourner dans l'habitacle soit une bonne idée, si je venais à tomber je serai bonne pour me casser une patte.

Une idée vient d'apparaître dans mon esprit. C'est une idée stupide, mais en regardant mon sabot gauche, je me dis que ces derniers temps c'est tout ce dont je suis capable. Et puis, qu'est-ce qu'une patte cassée ? Je suis déjà morte une fois, je suis sûre que plus rien ne peut m'atteindre. Je crois...

"Si vous refusez de répondre à mes questions, j'arrête et je m'en vais. Je préfère subir le courroux des princesses ou Scarlet Day que continuer mon voyage avec une psychopathe !"

"Bonne chance avec ça." Répond-elle sombrement. "Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, on est en train de rouler, mais si tu veux partir, je t'en prie, bon vent."

Si elle croit que c'est ça qui va m'arrêter. Je me penche à nouveau au dessus de la plateforme, c'est le moment que choisit l'hésitation pour m'envahir. Courage Free Will, tu as survécu à une bombe, à la torture et à la mort, une chute de deux mètres lancée à pleine vitesse ne peut rien te faire.

J'avale bruyamment, évaluant les chances de m'en sortir indemne, chances que je trouve relativement basses, mais quand je repense à la denture qu'à fait ma camarade dans la porte sous la colère, je me dis qu'avec elle les chances de survie sont aussi faibles.

"Estimation des dégâts suite à une éjection de véhicule; multiples fractures, trauma crânien, hémorragies internes, risque de paralysie ou perte de fonctions motrices. Pensez à attacher votre ceinture de sécurité lorsque vous prenez la route."

Sérieusement ? C'est maintenant que cette stupide voix choisit pour intervenir ? J'étais vraiment prête à le faire et voilà que je suis comme bloquée, à moitié penchée dans le vide, paralysée par la peur. Tout à coup je me rappelle à quel point deux mètres peuvent être hauts et à quelle vitesse nous roulons.

Je dois admettre que si cette antiquité avait une ceinture de sécurité, je serais bien tentée de la mettre, là maintenant. Je m'apprête à reprendre ma place quand le véhicule passe sur une grosse pierre. Le temps semble soudainement s'arrêter, je peux voir l'essieu avant se soulever légèrement, le choc être absorbé par la chambre à air, mais ce n'est pas suffisant. La roue avant commence à quitter le sol avant que l'autocart ne retombe lourdement sur ses quatre appuis.

L'ennui c'est que moi je suis toujours en l'air et je sens mon propre poids m'attirer vers le sol. Les yeux écarquillés de terreur, je m'égosille en voyant les portières passer devant moi tandis que mon point d'impact se rapproche dangereusement. Je m'apprête à ressentir le choc quand deux sabots me saisissent par la taille et je me sens emportée, voyant le sol s'éloigner à nouveau.

"Mais tu es complètement malade !" Me hurle Night Stalker en me balançant sur le toit du véhicule qui commence à ralentir.

Je m'affale sur le ventre, la gorge brulante d'avoir crié et les yeux brouillés par des larmes de peur. J'essaie de me relever, mais retombe sur le côté, toujours sonnée par le choc, j'en ai encore le souffle coupé. La jument noire se pose à côté de moi et replie ses ailes en me fixant dans les yeux, un mélange de peur et de colère marquant son visage. Les sourcils froncés et la mâchoire serrée, elle se met à faire les cents pas sur place complètement paniquée et marmonnant dans sa barbe.

Finalement elle s'arrête à quelques centimètres de moi, baissant la tête pour coller son visage au mien, ses yeux gris réduits à deux petits points pénétrant mon regard effrayé, je sens la panique revenir et tente de me relever sans succès.

"Tu tiens tant que ça à avoir tes réponses ?" Dit-elle presque dans un murmure en se passant une patte dans sa crinière ébouriffée.

"C'était un accident." Je réponds le souffle court.

"Un accident stupide." Rajoute-elle déçue. "Encore, comme hier, comme au château. Des accidents, encore des accidents, toujours des accidents, tu n'apprends donc jamais ?"

Elle me dévisage de la tête à la queue, son regard scrutant la crasse m'enveloppant, s'arrêtant légèrement sur chacun de mes bleus, puis sur ma patte blessée. "Qu'est-ce que c'est que ça ?" Demande-t-elle en la pointant du sabot.

J'hésite un instant avant de répondre, attendant de retrouver une respiration normale et assez de forces pour m'éclaircir les idées. Est-ce que je dois lui dire la vérité ? Je suppose que si je veux mes réponses, le mieux est de lui dire ce qui s'est passé après qu'elle m'ait laissé hier.

"Je..." Je commence en essayant nouveau de me lever. Au final je parviens tout juste à m'assoir, les jambes avant légèrement tremblotantes. "Je vous ais vue hier soir avec le maire, ce que vous lui avez fait après le repas. J'ai paniqué, je suis tombée." Je termine en lui montrant mon sabot.

"Oh." Dit-elle en baissant la tête, évitant mes yeux et plaquant ses oreilles. "Un autre accident..."

Non, je ne pense pas que ce soit la chose la plus importante à retenir de ce que je viens de dire. Vous vous êtes transformée en monstre devant mes yeux, j'attends des explications, pas de vous voir vous apitoyer sur mon sort.

"Qu'est-ce que c'était, hier, avec le maire, qu'est-ce que vous lui avez fait ?"

Elle se retourne vers moi, me regardant dans les yeux. Elle me fixe, le regard neutre, semblant réfléchir si elle doit continuer à penser à mon comportement ou répondre à la question. Elle lâche un soupir avant de se décider. "Ecoutes, tu veux tes réponses, tu les auras, mais... pas maintenant." Sa voix est légèrement tendue et son œil droit tique brièvement. "Tu es fatiguée, je suis fatiguée... Je ne suis pas en état de te répondre maintenant."

Elle s'approche de moi et s'arrête la tête au dessus de la mienne. Son souffle est lent et profond, pourtant elle a l'air tendue, je vois ses muscles se contracter et décontracter à intervalle irréguliers dans ses jambes. Elle plonge ses yeux dans les miens, une nouvelle tique venant contracter son œil droit et faisant battre une de ses oreilles. "Retourne dans la cabine te reposer, tu n'as pas l'air bien, tu dois récupérer. Je te répondrais quand nous serons à Green Pasturges."

Elle s'agenouille pour me tendre l'épaule et me porter sur son dos. En un battement d'ailes, nous sommes de nouveau au sol et elle tient la portière ouverte pour que je puisse entrer dans la cabine. "Tu as besoin de récupérer, tu tiens à peine debout." Indique-t-elle avec une légère tension dans sa voix.

C'est vrai que je suis fatiguée, la nuit a été courte et un tel choc n'est pas la meilleure façon de commencer la journée. Je m'allonge sur l'une des banquettes et ferme les yeux en poussant un soupir de soulagement. Peu importe le temps que nous mettrons pour atteindre notre destination, je n'ai définitivement aucune envie de quitter ma couche de fortune. Le sommeil vient petit à petit peser contre mes paupières fermées, mais refuse de m'emporter, bloqué par une étrange nervosité.

Pourquoi n'est-on toujours pas parties ? Je n'ai pas non plus entendu la portière se fermer ou le moteur redémarrer. Le seul son venant s'ajouter au léger vent à l'extérieur est un souffle lourd et légèrement saccadé, à proximité de mon visage.

Je rouvre les yeux et recule de surprise en voyant le visage de Night Stalker presque collé au mien. C'est une première, d'habitude j'y ai droit au réveil, pas quand j'essaie de m'endormir. Je sens une sueur froide couler le long de mon dos en la voyant me fixer, quelque chose ne semble pas aller chez elle. Peut être ses lèvres retroussées en un petit sourire forcé ou bien ses yeux complètements rétractés, me fixant comme un grappin et me figeant sur place.

Elle continue de me fixer, son souffle faisant s'envoler par moment les franges de sa crinière devant son visage, sans que rien d'autre ne se passe. Quasiment rien. Presque imperceptiblement, elle recommence à avancer dans ma direction, son visage avançant lentement sans jamais changer d'expression, restant bloqué sur cette démence.

"Euh... Night Stalker, tout va bien ?" Je demande sans réussir à cacher mon anxiété. "Vous me faites un peu peur."

"Chut." Murmure-t-elle. "Tu dois te reposer, tu dois dormir..."

"Je ne suis plus si fatiguée en fin de compte." Je réponds avec un rire nerveux.

C'est vrai, je n'ai plus l'impression que le sommeil puisse m'aider, la seule chose qui me permettrait de me sentir mieux en ce moment serait d'être loin d'ici.

"Tu dois dormir." Répète-t-elle dans le même soupir. "Je peux t'aider." Dit-elle en grimpant à son tour sur la banquette avant de s'allonger sur moi.

Wahou, wahou ! Trop proche, beaucoup trop proche ! J'essaie de reculer mais la paroi derrière moi m'en empêche. Elle continue à se rapprocher, jusqu'à ce que son souffle vienne sur mon visage. J'essaie de me débattre pour la faire renverser et quitter la banquette sans grand succès.

"Je peux t'aider, tu dois dormir, si tu ne dors pas, tu ne pourras pas récupérer, et si tu ne récupère pas, tu vas continuer à te faire du mal. Je dois te protéger, tu ne dois pas te faire de mal, laisse moi t'aider à dormir."

Je ne comprends rien à ce qu'elle marmonne, mais la patte qui vient se placer en travers de ma gorge, poussant fortement et bloquant l'air dans mes poumons donne un message des plus clairs. Je tente dans un premier temps de repousser sa patte avant de lui donner des coups sans obtenir aucun résultat. Elle continue de murmurer qu'elle doit m'aider, m'empêcher de souffrir, si elle n'arrête pas d'augmenter la pression contre ma gorge, je suis sûre que je ne souffrirai plus longtemps. Les ténèbres si familières commencent à m'emporter tandis que mes coups se font de moins en moins puissants, sa voix continuant la même litanie, comme une berceuse, se faisant plus lourde, plus froide et plus distante. Puis plus rien.

*****

J'ai fait un rêve. D'accord, dit comme ça, ça peut sembler banal, mais sérieusement, c'est un rêve qui me tient à cœur, un rêve assez simple, un rêve où je pourrais passer une journée sans personne pour m'attaquer. Juste une seule simple journée, pouvoir me lever après une bonne nuit de sommeil, passer une journée paisible en profitant du paysage, faire ce dont j'ai envie, et enfin pouvoir me coucher sans même me prendre une table basse dans un genou. Une journée sans avoir à souffrir ou à supporter douleur et confusion.

La première chose qui me revient lorsque je reprends connaissance, c'est celle qui ne m'a plus quitté depuis ces trois dernières semaines, la douleur. Ma nouvelle compagne pour toute une vie. Elle me flotte dans la tête, faisant vibrer mes tympans et transformant l'univers en coton, sa caresse descend le long de mon cou, marquant l'endroit où Night Stalker m'étranglait, pulsant, dessinant le contour de sa patte.

Elle pénètre ensuite dans mes poumons, d'où provient le son bruyant de ma respiration, l'air raclant contre ma trachée encore gonflée. Je tente de bouger légèrement la tête pour laisser s'échapper une toux enflammée, le regrettant aussitôt lorsque la migraine vient me rappeler sa présence. Elle explose contre mon crâne, et vague après vague vient frapper contre mes tympans pour rebondir contre chaque parcelle de mon cerveau.

J'ouvre péniblement mes yeux pour voir... rien, pour ne rien voir. L'obscurité est telle que je distingue tout juste l'endroit où je me trouve. L'absence de vent ou de courant d'air m'indique que je suis à l'intérieur, allongée sur une surface assez confortable -probablement un matelas- sous une lourde couverture.

Très lourde, je la sens peser contre mes côtes et se blottir dans mon cou, son souffle froid frottant contre mon pelage, la faisant soulever au rythme des légers reniflements que je peux entendre. Depuis quand les couvertures respirent ou reniflent ?

Elle bouge légèrement, se frottant contre moi, elle est dure et froide, à l'exception de sa partie médiane, légèrement plus souple, d'où s'échappe une légère chaleur accompagnée d'une lueur bleue. Je ne connais aucune couverture de ce genre, et même si mon tiraillement m'empêche d'avoir les idées claires, je suis sûre et certaine qu'elles ne peuvent pas non plus donner de coup de langue, partant de la base de mon cou jusqu'à ma joue pour venir murmurer dans mon oreille.

"J'ai si faim." Susurre-t-elle presque inaudible.

La voix est étrange, j'ignore si c'est le bourdonnement dans ma tête, mais elle a l'air si lointaine et... déphasée, comme si plusieurs poneys d'outre-tombe tentaient d'entrer en communication avec moi.

"Euh, Night Stalker ?" Je demande hésitante en essayant de m'éloigner de la langue un peu trop invasive et de la chose qui me recouvre.

En essayant seulement, si je peux bouger la tête au prix d'un grognement de douleur me forçant à fermer les yeux, je me trouve incapable de tout autre mouvement. Mes sabots sont attachés ensembles et sont entravé par autre chose, je ne peux même pas les bouger de quelques centimètres, me retrouvant paralysée, gisant sur le côté droit.

Finalement, la langue et le souffle froid se retirent avant que le poids me recouvrant ne s'allège légèrement.

"Tu es réveillée." Dit-elle d'une voix soulagée et impatiente.

Elle s'assied sur mes hanches, et en tournant la tête je la vois qui me fixe. Ses yeux perçant l'obscurité. Ils ne sont plus gris comme les miens, ils sont plus clair qu'à leur habitude et sont teintés de la même lueur bleue qui s'échappe de son abdomen, quant à ses pupilles, elles sont contractées en deux fentes reptiliennes.

Ce n'est pas leur apparence qui me donne des sueurs froide, mais plutôt ce que j'y lis, l'envie, une sorte de faim insatiable, elle me dévore littéralement du regard, je peux presque sentir ses yeux frotter le long de mon corps, pénétrant ma tête et... essayant de m'apaiser ?

Ca ne marche pas, plus le temps passe, plus je sens la panique m'envahir, qu'est-ce que je fais là, où je suis, pourquoi je suis attachée ?

"Si c'est une blague, elle est de mauvais goût, détachez moi." Je lui dis avec moins d'assurance que je ne l'aurais voulu. J'ai la voix légèrement tremblante et rendue rauque par ma gorge enflée.

"C'est tout sauf une blague." Répond-elle froidement. "Je croyais que tu voulais des réponses." Sa voix semble redevenir normale l'espace d'un instant, bien que je puisse toujours entendre un léger décalage entre certaines syllabes.

"J'ignore à quelle question ce genre de comédie est censée répondre, mais ça ne m'amuse plus, vous êtes allée trop loin, détachez moi !" Je crie en commençant à gesticuler, tentant de me défaire de mes liens.

Elle reste assise, continuant de me fixer sans rien dire. Même si je réussissais à me libérer, son poids continuerai à me maintenir en place. A bout de souffle, je laisse tomber et m'affale à nouveau sur le matelas, pantelante et ruisselante de sueur.

La jument noire se rallonge sur moi et vient frotter sa joue contre la mienne. La sensation est froide et légèrement râpeuse, même si elle reste plus souple que le reste de son corps. Elle se blottit contre moi et commence à passer un sabot dans ma crinière. Rien de ces gestes ou cette attention inutile ne font quoi ce soit pour me calmer. Je veux bien comprendre que la première fois où nous avons dormi ensemble était un accident, mais cette soudaine promiscuité me fait hérisser le poil au même titre que son comportement inhabituel.

J'essaie à nouveau de me débattre, mais je n'arrive même plus à bouger sous son corps.

"Chut." Murmure-t-elle à seulement quelques centimètres de mon visage, son souffle glacial venant faire tiquer mon oreille, je peux la sentir venir frapper contre le bout de son museau. "Arrête de te débattre." Dit-elle doucement. "Tu va juste réussir à te faire mal."

Pour le moment les seules choses qui me font mal sont les liens serrant mes sabots sabots et l'invasion de mon espace vital.

"Relâchez-moi." Je demande à bout de souffle.

"Non." Répond-elle simplement.

"Mais qu'est-ce que vous me vous voulez ?" Je ne sais pas si je dois être inquiète d'être dans cette position ou énervée. Bien que je sois à sa merci, pour le moment la chose la plus dérangeante est son comportement ainsi que son soudain besoin de rapprochement... intime. D'un autre côté, si elle n'était pas collée à moi, si elle ne me touchait pas, je pourrais presque trouver sa voix envoutante, apaisante.

Mais ses effets sont vite compensés par ses attouchements, son sabot quitte lentement ma crinière pour venir frotter le long de mes épaules puis de mes côtes avant de remonter vers mon buste. Je ne peux m'empêcher d'avoir des frissons après chaque passage.

Même si je ne peux pas nier que par moment j'ai espéré pouvoir partager ce genre de caresses avec elle, je ne supporte pas d'avoir à les subir contre mon gré. Ce n'est certainement pas la Night Stalker de mes désirs qui se trouve au dessus de moi, elle n'a rien de la jument forte et sûre d'elle, celle sur qui je peux compter pour me guider, celle qui essaye de me garder dans le droit chemin.

Sa force sert uniquement à assouvir ses désirs ou peu importe ce qui lui demande de me maintenir en place incapable de bouger. Sa voix ne dégage aucune chaleur, pas plus que son corps qui au contraire semble absorber la mienne.

Un nouveau frisson me court le long des côtes après un long passage de sa patte, la faisant frotter durement contre le pelage de mon ventre. Si je reste en sueur avec la froideur qui règne dans la pièce, je suis sûre d'attraper froid. Il ne manquerait plus que ça à mon palmarès.

Elle s'arrête et place ses deux pattes avant autour de moi pour m'enlacer, plaçant sa tête dans mon cou.

"Je ne veux seulement manger, j'ai si faim, et tu sembles si délicieuse ce soir." Je l'entends se lécher les lèvres pour ponctuer sa phrase, Un long frémissement remonte mon corps, faisant hérisser mon poil de la queue à la pointe des oreilles. Une partie de sa voix est emplie de passion, mais ce n'est pas celle là qui m'effraye, c'est celle reflétant son envie et sa voracité.

"Tu sais quoi ?" Reprend-elle. "Jouons à un jeu, tu veux des réponses, je veux me nourrir. Tu poses tes questions, et à chaque réponse que je te donne, tu me laisse te gouter, qu'est-ce que tu en penses ?" Dit-elle en... ronronnant ? J'ignorais que les poneys étaient capables d'une telle prouesse. Elle continue à blottir sa tête dans mon cou et recommence renifler pour ne probablement sentir que mes sueurs froides. Qu'est-ce qu'elle veut dire par 'me goûter' ?

"Très bien j'ai compris, je laisse tomber les questions." Je l'implore d'un couinement lorsque sa langue fourchue renouvelle un passage de ma clavicule jusque sur mes joues, laissant derrière elle une trainée humide. "Maintenant détachez moi."

"Non." Répond-elle avec la même monotonie. "Si tu ne veux pas jouer, je peux me passer des réponses."

Sur ceux, sa langue est remplacée par ses dents, effleurant la peau de mon cou, mordillant par endroit, puis sans prévenir, deux crocs viennent s'empaler dans ma trachée. La peau cède sous les canines aiguisées qui s'enfoncent de plus en plus profondément dans ma chair, m'arrachant un cri silencieux.

La douleur est atroce, les deux pointes progressant millimètre par millimètre, déchirant la chair et les muscles avant de pénétrer le cartilage sans effort. Pourquoi faut-il qu'elle morde là où elle m'a étranglé, la sensation irradie de la morsure, remontant le long de mes vertèbres avant d'exploser dans ma tête pour sortir en torrent de larmes par mes yeux. Si je le pouvais, mon corps serait parcourut de spasmes afin de tenter d'échapper à la souffrance.

Mais je ne peux plus communiquer avec le reste de mes membres, passé le mur de feu et les pointes acérées, il n'y a plus rien, tout est aspiré, comme si mon esprit tentait de m'abandonner, s'enfuyant par la blessure. Le sang bloqué dans ma tête et l'impossibilité de respirer me donnent l'impression que je vais exploser.

"Arrêtez..." Je murmure sanglotant. Les mots parviennent tout juste à franchir mes lèvres, l'air venant douloureusement frotter contre les deux canines, je n'entends qu'un léger son râpeux sortir, accompagné des bruits de succions de la jument noire.

La torture m'a semblé durer une éternité, pourtant, après seulement deux aspirations, Night Stalker se relève rapidement, emportant avec elle une partie de ma chair et de mon sang avant de cracher.

"Pouah ! Peur, terreur, douleur...." Finit-elle en murmurant, les deux tons de sa voix n'exprimant que dégoût et colère. "Tu ne comprend donc pas que je dois manger ?!" Crie-t-elle en donnant un coup de sabot, qui vient s'écraser devant mon visage.

Je n'ai même plus la force de réagir, gisant inerte, seuls les battements de mon cœur faisant soulever légèrement ma poitrine et les larmes coulant le long de mon visage donnent un signe de ma conscience. Conscience qui pour une fois je souhaiterai perdre pour échapper à ce cauchemar.

"Où... Où sont passé cet entêtement, cette passion, cette vigueur, cette volonté ?" Balbutie-t-elle, la panique mélangée à la confusion. "J'ai si faim Free Will, tu ne vois pas ?" Dit-elle en prenant ma tête dans ses sabots pour me forcer à lui faire face. Ses pupilles sont complètement contractées, son regard comme perdu, passant du délire à la souffrance.

Mais je n'en ai rien à faire, qu'elle en finisse avec moi et que tout ça se termine.

"Tu es là Free Will ? Répond moi ! Fais-moi un signe, s'il te plaît !" Je lève lentement les yeux vers elle, les paupières à moitié fermées et la vue embrumée par la souffrance et la fatigue. Il fait si sombre, je suis épuisée, je ne peux même pas discerner les contours de son visage. Sa silhouette lourde et froide danse su rythme de mes larmes. Juste qu'elle en finisse, le sang continue à couler le long de mon cou, apportant la seule chaleur présente dans la pièce et le peu de lucidité qui me reste avec lui.

Oui, je ne suis plus là, elle non plus, il ne reste plus que sa présence noire et monstrueuse, et ces yeux clairs, seuls source de lumière, qui s'affaiblit peu à peu. Ces yeux qui ne cessent de bouger frénétiquement, incapable de garder le focus, passant d'une émotion à l'autre, symbole de la folie de mon assaillante. Dans quelques instants je n'aurais même plus la force de garder les miens ouverts.

Qui sait, peut être que ces sensations disparaîtront aussi, je me réveillerai allongée au sol du carrosse, ronchonnant envers le soleil agressif me refusant quelques minutes de sommeil supplémentaire, ou à la perspective d'une longue journée de route sans rien pouvoir faire d'autre que d'observer dans le brouhaha du moteur Night Stalker et son chapeau ridicule.

C'est ça, je sens un sourire venir tirer mes lèvres, ça ne peut être qu'un cauchemar. Night Stalker est forte et fière, elle a dit qu'elle m'accompagnerait et qu'elle me protégerait, si hier elle s'est fâchée, c'est uniquement parce que je me suis mal comportée, je l'ai déçue. Mais il n'y a aucune chance qu'elle me fasse subir tout ça. Ce n'est qu'une mauvaise illusion de mon cerveau tourmenté, j'ai du m'assoupir après avoir téléphoné à Sapphire Night et tout le reste n'est qu'un mauvais rêve, je n'ai plus qu'à attendre de me réveiller, courage Free Will tout va s'arr-

Je suis coupée dans mon délire lorsque qu'une paire de lèvres vient se coller aux miennes. "Oui, c'est ça, l'espoir a un bien meilleur goût." Disent-elles en quittant le court contact. "Ne t'en fais pas, je saurais raviver ta passion." Ses deux voix résonnent comme l'espoir et la joie, en totale coupure avec la peur qu'elles exprimaient auparavant. Un long frisson me parcourt le corps dans l'attente de sa prochaine action, qui ne tarde pas à venir.

Ses lèvres viennent de nouveau se coller à ma bouche, s'écartant peu à peu et laissant l'air deux nos deux respiration se mélanger l'un à l'autre. Son souffle glacial me fait grincer les dents avant de me sentir envahir. Je n'ai même pas la force de lutter lorsqu'elle tente d'approfondir le baiser et entrer dans ma bouche. Je n'arrive qu'à geindre faiblement pour montrer mon désaccord. Elle ne semble pas comprendre le message puisqu'à son tour elle se met à gémir, ses vibrations venant jusque dans les muscles de ma mâchoire.

Rien ne sert de se débattre, je ne réussirai qu'a m'épuiser plus, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Rien qu'un moment à passer, j'ai juste à fermer les yeux et attendre que ça se termine. Juste un mauvais moment à passer, sa langue dans ma bouche, son sabot caressant ma crinière, descendant le long de mon épaule gauche avant de venir frotter en petits cercles sur ma poitrine, continuant sa course le long de mon ventre et de mes côtes avants de descendre de plus en plus bas.

Je sursaute légèrement lorsqu'il se met à passer sur ma cutie mark, dessinant ses contours, puis commençant à contourner mes jambes, passant mes flancs et se dirigeant vers-

"MMMMhhh!" Je m'écrie en tentant de repousser mon envahisseur. Avec une énergie dont j'ignorais qu'elle me restait, je rouvre les yeux, complètement écarquillés par la panique. En me secouant dans tous les sens, je réussis à la repousser de ma bouche, mais son sabot continue de s'approcher de sa cible.

"NON !" Je m'écrie, un filet de bave reliant toujours nos lèvres et les yeux emplis de larmes de terreur. "ARRÊTEZ CA !"

"Pitié, arrêtez...." Je finis par l'implorer en sanglotant.

Pourvu que ça s'arrête, pourvu que ça s'arrête, pourquoi est-ce que je ne peux même pas me plier en boule, je ne peux même pas trouver le réconfort de mon propre corps, je suis juste contrainte à rester là tremblante dans l'espoir que le cauchemar n'ira pas plus loin.

Et il ne va pas plus loin, il reste seulement figé, à quelques centimètres de son apogée, avant d'hésiter pour finalement se retirer. Je peux toujours sentir Night Stalker allongée au dessus de moi, mais elle commence peu à peu à se relever, balbutiant.

"Je... Je..." Elle tend un sabot vers moi mais s'arrête avant de m'atteindre.

J'enfouis mon visage dans le matelas, c'est la seule façon que j'ai de me cacher d'elle, de ne plus la voir, de sécher mon visage contre le tissus. Là, dans l'obscurité totale, il n'y a plus rien, seulement le bruit étouffé de mes sanglots et de mes hoquets. La pression sur mes sabot se relâche et je peux enfin me recroqueviller, prenant ma queue entre mes pattes avant pour y enfouir mon visage.

Là, il fait chaud, il fait doux, je suis enfin seule, je pourrais aussi m'enfuir, mais je n'en ai pas la force. La douleur et la fatigue ont prit le meilleur de moi. Je veux juste rester cachée dans ma queue ou ce matelas souillée par ma transpiration mon sang et mes larmes. J'ignore combien de temps se passe, mais les pleurs ne semblent pas vouloir s'arrêter. Si c'est un cauchemar, pourquoi ne veut-il pas s'arrêter, pourquoi est-ce que je suis toujours ici recroquevillée, et pourquoi est-ce qu'elle est toujours là, assise à côté de moi dans la pièce noire, continuant à tenter de former des mots qui n'ont aucun sens à mes oreilles.

Faites qu'elle parte ou que je me retrouve loin d'ici. Les ténèbres sont mon seul réconfort, tant qu'ils m'entourent, je ne peux pas voir ses yeux brillant ou la lueur s'échappant de son torse, je peux ignorer sa respiration ou ses mots, c'est aussi loin qu'ils peuvent me porter mais je m'en contenterai.

"Je suis désolée." Finit-elle par dire, sa voix déphasée ne portant que tristesse et désespoir. Elle paraît presque sincère, après ce qu'il vient de se passer, je doute que cette vertu existe encore en elle, est-ce que c'est une autre tentative de 'manger' ?

"Pourquoi ?" Je lui demande en tournant lentement la tête dans sa direction.

Ses yeux sont presque redevenus normaux à l'exception des deux fentes en guise de pupille et leur couleur légèrement bleuté. Ils l'humidifient peu à peu mais aucune larme n'en coule. "J'ai si faim." Encore et toujours la même litanie. "Je voulais juste..."

"Vous vouliez juste quoi ? Me violer, m'égorger, me séquestrer ?" Elle tente une nouvelle fois de s'approcher, je recule jusqu'à toucher la tête du lit pour me replier encore plus. "N'approchez pas sale monstre !" Je hurle du plus haut de ma voix, le son résonnant légèrement dans la pièce.

Elle s'arrête net et détourne le regard, seul son buste lumineux m'indique encore sa présence devant moi, le reste de son corps ayant totalement disparu dans l'obscurité. "Je ne voulais pas." Commence-t-elle, sa voix la plus grave prenant le dessus sur l'autre, toutes deux tremblantes. "C'est la faim, et ces choses horribles que tu as dites, la colère, l'envie, je ne me contrôle plus, il fallait que je mange."

Je continue à fixer le vide devant moi, là d'où vient sa voix, sans rien dire. Je ne comprends rien de ce qu'elle raconte, quelle faim ? Depuis quand la faim est-elle capable de transformer un poney à ce point ?

Après un long moment de silence, elle se retourne vers moi, ses yeux toujours humides. "Tu es toujours là ?" Demande-t-elle. Je suis tentée de ne pas lui répondre, la douleur et la fatigue sont toujours là, mais la peur fait peu à peu place à la colère. La seule chose me tenant éveillée est sa présence si proche de moi, je ne pense pas pouvoir trouver le sommeil tant qu'elle sera là.

"S'il te plaît répond moi." Implore-t-elle. Je continue de la fixer sans rien dire, ravalent mes dernières larmes et attendant qu'elle comprenne le message, elle n'a plus rien à faire ici. "S'il te plaît." Couine-t-elle. "J'ai besoin de toi, je suis désolée. Je ne voulais pas te faire de mal. Regarde, je suis de nouveau normale, je peux me contrôler, reviens." Elle finit en sanglot.

"Je veux te protéger, mais j'ai aussi des besoins, j'étais en colère, mais c'est terminé, reviens, je t'en prie."

J'ai l'impression que les rôles se sont inversés, c'est elle qui en est réduite à m'implorer, et c'est moi qui suis la cause de sa souffrance. Elle est misérable, mais elle mérite amplement la moindre once de haine que je lui dédie et de peine qu'elle peut ressentir. Elle pense vraiment que je vais retourner vers elle après ça ? Qu'elle parte, maintenant, qu'est-ce qu'elle attend, qu'est-ce qu'elle fait encore là, pourquoi dois-je encore souffrir de sa présence ?! "Partez ! Allez-vous-en ! Je ne veux plus vous voir ! Hors de ma vue sale monstre !" Je m'écrie avec plus de ferveur et de sentiments que je ne l'aurai voulu. Une nouvelle coulée de larme vient envahir mes yeux pour mouiller mes joues encore humides.

Ce ne sont peut être pas les mots que j'avais choisis avant de les prononcer. Je veux juste qu'elle parte, pas besoin de m'exciter à ce point, j'en ai un pincement au cœur en voyant son regard horrifié. C'est bien le genre de sensation dont je me passerai dans mon état actuel. Elle n'a que ce qu'elle mérite, je n'ai pas besoin de culpabiliser. La seule coupable ici, c'est elle, pas moi. Je suis la victime !

"Pardon." Pourquoi est-ce que je m'excuse ?! "J'ai mal choisi mes mots." D'accord, ils étaient un peu fort, maintenant, dis lui juste de partir. "Je-j'ai juste besoin de temps pour réfléchir." Mais non ! C'est déjà tout réfléchit, qu'elle parte ! Qu'est-ce qui m'arrive ? "Seule." Oui, c'est ça, la faire partir, qu'elle comprenne le message.

Mais elle ne bouge pas, elle reste devant moi, ses yeux me cherchant dans l'obscurité. Lorsqu'elle croise les miens, elle commence à approcher lentement. Je sens un nouveau frisson me parcourir et tente de reculer, la tête du lit me rappelant que toute retraite est impossible.

Mon cœur recommence à s'emballer et la sueur me coule du front à chaque centimètre de sa progression. Je retiens ma respiration, au bord des larmes, les yeux écarquillés par la terreur, jusqu'à ce qu'elle m'atteigne enfin, me prenant dans ses bras et me collant contre son buste, m'enlaçant, juste comme ça. "Ne t'en fais pas, je serai toujours là pour te protéger." Son souffle me court le long du dos et la terreur est lentement remplacée par le soulagement.

Sa peau dure et froide devient à ma surprise réconfortante, le ton de sa voix est redevenu naturel, même si ce léger décalage persiste, c'est probablement du à mon mal de tête et au stress de la soirée. J'avais raison, ce n'était qu'un mauvais moment à passer et tout va redevenir normal, je veux juste profiter du moment, qu'elle continue à me tenir, que je puisse finir de sécher mes larmes dans sa longue crinière douce, me perdre dans la lueur bleu de son bassin.

Il n'y a plus de drap pour nous séparer, et chaque parcelle de nos deux corps sont en contact. Les quelques bleus de notre confrontation matinale rappellent leur présence lorsqu'ils frottent sa robe, mais la douleur que je ressens n'est rien face à ma consolation. D'abord hésitante, je l'enlace à mon tour, la sensation est bizarre sous mes sabots, comme si son épiderme s'était transformé en une sorte de carapace, lorsque je referme mon étreinte dans son dos, je suis étonnée de ne pas sentir ses ailes.

A leur place, il n'y a que deux membranes qu'elle déplie lorsque nous finalement nous enlaçons mutuellement. Je peux y voir à travers la légère lueur de son tronc, perçant dans l'obscurité comme le faisaient ses yeux. Cette vision me rappelle que je ne suis pas en présence de la Night Stalker que je connais, mais elle l'a dit, elle est là pour me protéger, et ce contact en est la preuve. Lentement elle commence à basculer d'avant en arrière, me berçant en me murmurant des mots apaisants. Peu importe son apparence, peu importe ce qui vient de se passer, Night Stalker reste Night Stalker.

Je veux juste rester là, enfermée dans ses bras, l'écouter me bercer, qu'elle me serre plus fort, encore plus fort, toujours plus fort. Peut être un peu trop fort, je sens ses sabots s'enfoncer entre mes omoplates et entrer en contact avec ma colonne vertébrale.

Mon buste est collé au sien, la pression est si grande que je peux sentir chacune de ses inspirations et expirations, le battement lent et régulier de son cœur. Un nouveau battement et la pression s'agrandit, je commence à avoir du mal à respirer et ses pattes me font mal, si elle continue comme ça mes os vont se briser. Je relâche mon étreinte et essaie gentiment de la repousser, mais rien n'y fait.

"Night Stalker, vous serrez trop fort, j'ai du mal à respirer." Je murmure, l'air n'arrivant pas à entrer et sortir de mes poumons.

Aucune réponse, et l'étau continu à se serrer. Je ne peux plus inspirer ni avaler, je commence à la tambouriner de mes sabots pour qu'elle me relâche sans obtenir aucune réaction de sa part. La panique revient aussi vite qu'elle était partie, mon cerveau commence à manquer d'oxygène tandis que des points noirs envahissent ma vision, déjà obscurcie par l'absence de lumière.

L'une de ses pattes continue à m'écraser contre son buste tandis que l'autre vient me caresser la crinière à la base de la nuque. "Ne t'en fais pas, je suis là pour te protéger." Murmure-t-elle, sa voix passant tout juste le mur bourdonnant de mes oreilles. "Je suis désolée." Sanglote-t-elle. "Mais j'ai si faim."

Comment est-ce que j'ai pu être aussi bête ?! La pression est si grande que je n'arrive même plus à fermer les yeux, incapable d'avaler ma salive, je commence à écumer et mon esprit à sombrer vers un néant trop familier.

J'entends juste un lourd CRACK avant de me laisser emporter pour enfin m'échapper du cauchemar.

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LordAngelos
LordAngelos : #24245
Ah ouais ! Enfin le genre de changelin (oui parce que je pense qu'avec tout les indices ici on ne peut se tromper), enfin un qui opère comme je le voyais dans ma tête, qui n'aspire pas les sentiments par magie, mais avec ses crocs ! Rah, mais oui quoi, ils ont des crocs, ce n'est pas là juste pour le lolz, ça sert bien à quelque chose ?

Rien que pour ce détail, ce chapitre est largement mon préféré.
Il y a 3 ans · Répondre
constantoine
constantoine : #10909
Ce fut extrêmement perturbant
Il y a 3 ans · Répondre

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