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Le dernier sortilège

Une fiction écrite par Acylius.

LDS - Chapitre 9

La Princesse Luna plissa les paupières tandis qu'elle levait les yeux vers le soleil de l’après-midi. La nuit était encore loin, mais ils ne pouvaient pas attendre. Ils avaient déjà bien trop tardé.

Elle baissa le regard vers la base, en contrebas. Plus d’une centaine de pégases occupaient la piste et les terrains d'entraînement. Des dizaines d’autres volaient le long des falaises et tournoyaient autour du pic abrupt au sommet duquel était installée la station. Les escadrilles des Wonderbolts, reconnaissables à leurs combinaisons bleues, s’alignaient déjà, prêtes au décollage. Les autres pégases se rangeaient derrière eux.

Après un dernier regard sur les falaises baignées de nuages, la princesse ralentit ses battements d’ailes et se laissa descendre. Dans une courbe gracieuse, elle plana jusqu’aux baraquements des capitaines, où une dizaine de pégases l’attendaient. Ils s’inclinèrent tandis qu’elle se posait avec légèreté en face d’eux. La princesse les scruta un par un. Les capitaines d’escadrille des Wonderbolts ainsi que les chefs de patrouilles et des équipes météo étaient rassemblés pour un dernier briefing. Ils relevèrent la tête les uns après les autres. Un des patrouilleurs s’avança d’un pas.

- Princesse, fit-il nerveusement, nous avons discuté une dernière fois et nous pensons… nous pensons que vous ne devriez pas venir avec nous.

Il détourna les yeux pour ne pas croiser le regard bleu abysse.

- Vous êtes encore trop faibles, vous risquez de…

- Equestria est attaquée en plein coeur, ma soeur est gardée prisonnière, ainsi que de nombreux autres, fit Luna d’une vois forte. Osez-vous penser que je vais rester ici et renoncer à les défendre ?

Le pégase baissa la tête, penaud. Spitfire, la capitaine des Wonderbolts, s’avança à son tour, sa crinière orange vif tombant sur la capuche de sa combinaison.

- Nous ne doutons pas de vous, Princesse, fit-elle en fixant Luna dans les yeux. Nous obéirons à vos ordres, quoi que vous décidiez de faire. Mais vous ne pouvez partir ainsi, sans protection.

Elle se retourna et poussa vers Luna un coffre de bois ouvragé, qu’elle ouvrit d’une patte. À l’intérieur étaient rangés un casque, une cuirasse et des chausses de métal argenté.

- Elle était exposée dans la salle des trophées, expliqua la jument. Elle n’a pas dû servir depuis des siècles, mais elle est en bon état. J’espère qu’elle vous ira.

Luna baissa les yeux pour observer l’armure. Instinctivement, elle porta une patte à sa tête. Son sabot nu caressa sa crinière de nuit.

Les pégases qui l’avaient secourue avaient dit qu’elle ne portait pas sa couronne quand ils l’avaient rattrapée. Ils pensaient qu’elle avait dû tomber dans sa chute. En réalité, Luna était presque certaine que son diadème et ses ornements étaient toujours dans sa chambre, à Canterlot. À cette pensée, une vague de souvenirs l’assaillit. Les cris de panique qui l’avaient réveillée en plein jour, les immenses formes sombres qui obscurcissaient le ciel, les détonations et la nuée rouge qui l’avait terrassée quand elle était sortie sur son balcon. Elle s’était relevée et avait décollé, obéissant à son instinct qui lui dictait de fuir. Elle avait volé droit devant elle, luttant contre la douleur et l’épuisement, la poussière qui lui vrillait le crâne et brûlait ses poumons l’empêchant de penser à quoi que ce soit d’autre. Puis plus rien. Une patrouille de pégases l’avaient rattrapée alors qu’elle chutait en sombrant dans l’inconscience et l’avait portée à tire d’aile jusqu’à la base. Après une nuit entière de coma, elle n’avait rouvert les yeux que le lendemain. Elle sentait alors encore le poison qui lui rongeait le corps et la privait de sa magie. Elle s’était pourtant levée et avait ordonné que toutes les escadrilles se rassemblent et se préparent à l’assaut. Quiconque osait s’en prendre à elle et à son royaume devait en subit les foudres. Chaque instant comptait.

Quelques minutes plus tard, elle se présenta devant les pégases rangés sur la piste, casquée et cuirassée. Elle toisa la foule de toute sa hauteur, étincelante dans la lumière du jour, sa crinière d’ombre ondoyant derrière elle. Après une seconde de silence plus intense que tous les discours, elle se retourna, déploya ses grandes ailes couleur de nuit et décolla. Les escadrilles se lancèrent à sa suite, suivant leur princesse vers la bataille.

 

Au même moment, Célestia leva la tête vers le soupirail de la pièce qui lui servait de geôle, dans la caserne du château. Les rayons du soleil passaient enfin par dessus la cuirasse du dirigeable qui surplombait la ville et projetait son ombre sur la citadelle depuis le matin. La princesse ferma les yeux et laissa les rayons chauds et bienfaisants de son astre caresser son visage, jusqu’à ce qu’un nuage poussé par le vent vienne à nouveau masquer la lumière. L'alicorne rouvrit alors les yeux et fit une fois de plus le tour de la pièce.

Elle était maintenue captive dans une salle d’arme désaffectée, au premier sous-sol de la caserne. La pièce était grise et triste, mais convenablement aménagée. Quelques meubles et un lit de bois fournissaient un confort sommaire. Cependant, la fenêtre était bien trop petite pour permettre toute évasion par la voie des airs. De toute façon, Célestia doutait qu’elle ait encore la force de voler. Elle baissa le regard vers le collier brun qui ornait désormais son cou et la petite pierre rouge sertie en son milieu. Dire que ce vieux bouc était parvenu à manigancer tout ça sans qu’elle ne s'aperçoive de rien…

Des bruits de pas dans le couloir la tirèrent de ses pensées. Ignorant la migraine et les crampes qui l’assaillaient, elle se leva, s’approcha lentement de la porte et colla son oreille contre l’épais panneau de bois. Des claquements de sabots et des bruits de conversation se faisaient entendre, mais trop bas pour qu’elle puisse en saisir le sens. Découragée, la princesse s’en retourna vers le lit, la tête basse. D’autres bruits de pas s’élevèrent alors, plus fort que les premiers. Plusieurs quadrupèdes s’approchaient. Le grincement d’une serrure qu’on ouvre retentit et une patte poussa la porte. Un officier à cornes et plusieurs gardes se tenaient devant l’entrée.

- Veuillez nous suivre, Altesse, fit le chef d’un ton neutre.

Célestia lança un regard sévère à chacun des gardes. Puis, lentement, elle se leva, dissimulant de son mieux son mal de tête et ses courbatures. Avec précaution, deux des gardes lui ligotèrent les ailes et lui passèrent des chaînes aux pattes pour l’empêcher de galoper. L'alicorne se laissa faire, la tête haute, le regard fixe.

Quand ce fut fini, ils l’encadrèrent et la guidèrent à travers la caserne vers le château. Sur le trajet, ils ne croisèrent pas un seul poney. Tous les gardes avaient été enfermés dans les caves de la forteresse. Les habitants de la ville qui n’étaient pas parvenus à fuir à patte ou à tire d’aile étaient confinés chez eux, dans l’ombre des soldats caprésiens qui patrouillaient et du monstre volant qui planait comme un nuage d’orage au dessus d’eux. Un léger brouillard rougeâtre voilait toujours le ciel de la cité.

Ils arrivèrent enfin devant l’entrée du château, dont les portes étaient grandes ouvertes. Des dizaines d’isards et de chamois s’affairaient dans le hall. Des caisses de bois étaient empilées aux quatre coins de la pièce. Une équipe de manutentionnaires était déjà occupée à les embarquer et à les convoyer vers la terrasse, où était amarré le deuxième dirigeable. Dans l’une d’elle, Célestia reconnut la collection d’orbes à énergie arcanique qui était jusqu’alors conservée à l’institut d’études de la magie. De nombreux autres objets magiques de toutes sorte étaient entassés dans les autres caisses.

- Vous n’êtes que des pilleurs, fit Célestia à mi-voix.

- Vous vous trompez, ma chère, fit une voix râpeuse derrière elle.

Elle se retourna, les chaînes qui entravaient ses pattes cliquetant sur le sol. Namar entrait dans le hall, sa silhouette se détachant dans le clarté du jour. Tandis que tous les caprésiens s’inclinaient, il s’avança vers la princesse.

- Nous ne prenons pas ces objets pour notre propre compte. Quelle utilité en aurions nous ? Quelle utilité pourrait en avoir qui que ce soit, désormais ?

Tandis que l’activité reprenait autour d’eux, il prit la direction du couloir qui menait à la terrasse. Les gardes qui encadraient Célestia la pressèrent de leur lance pour l’obliger à suivre le souverain. La passerelle du dirigeable était baissée, formant un pont-levis entre le bord de la terrasse et le flanc de l’engin. D’autres caisses étaient empilées, que les caprésiens hissaient sur des chariots pour les transporter une par une jusque dans les soutes de l’aéronef. Namar regardait toujours devant lui, ses immenses cornes dressées au ciel.

- Vous paierez pour cela, fit Célestia. Et pour ce que vous avez fait à la bibliothèque. Nous vous le feront amèrement regretter.

L’Ibex regarda ses gardes faire entrer une autre caisse à bord du dirigeable.

- Je ne pense pas que vous en aurez encore les moyens, ma chère.

Célestia vit les gardes approcher les pointes d’acier de leurs lances pour l’obliger à avancer vers la passerelle. Elle frémit.

- Le départ est proche, fit tranquillement Namar. Je vous laisse vous installer dans votre cabine à votre aise.

- Vous ne pouvez pas m’emmener! Vous n’en avez pas le droit !

Le vieux bouquetin tourna la tête vers la proue du dirigeable.

- Si je suis bien renseigné, il fut une époque où vous-même ne vous gêniez pas pour emprisonner vos ennemis loin de chez eux. Mais rassurez-vous, vous ne serez pas notre seule invitée.

Il continua à observer le ciel tandis que les gardes conduisaient la princesse dans les entrailles de fer de l’engin.

 

Deux heures plus tard, les dirigeables s’élevèrent paresseusement au dessus de la cité. Dans un lent mouvement de rotation, ils pivotèrent pour faire face à la vallée. Les tuyères crachèrent un nuage de fumée et les deux engins se mirent en route et s’éloignèrent.

Prudemment, quelques habitants entrouvrirent portes et fenêtres pour observer les aéronefs qui faisaient voile. Les rues étaient désertes. Nulle trace de soldats ou de qui que ce soit d’autre. Prudemment, Black Marble sortit de chez lui et parcouru la rue déserte qui menait jusqu’à la place qui s’étendait devant l’entrée de la forteresse. Les portes qui menaient au château étaient grandes ouvertes. Prudemment, la jeune licorne à la robe sombre s’avança et marcha jusqu’à l’entrée du grand hall. Il jeta un regard tout autour de lui puis posa une patte à l’intérieur et continua, le bruit de ses sabots sur le sol dallé rompant le silence oppressant qui régnait là. Il n’y avait personne nulle part, ni poneys ni bouquetins. Le château semblait complètement désert. Il continua son exploration plus avant, la curiosité l’emportant sur l’angoisse qu’il ressentait. Enfin, il arriva à l’entrée de la salle du trône, elle aussi vide et silencieuse. Les portes enfoncées béaient dans leurs gonds.

Un frisson d’excitation parcourut la jeune licorne. Il n’était jamais entré dans cette pièce. Il avait déjà vu Célestia de près, mais jamais il n’avait eu l’occasion de lui parler ou d’être reçu en audience devant elle. Il regarda le grand trône or et rouge de l’autre côté, puis jeta nerveusement un oeil derrière lui. Personne ne le verrait si il entrait. Il pouvait s’approcher du trône, voir de près l’endroit d’où la princesse elle-même gouvernait le pays, là même où elle avait été prise par les soldats ennemis. Personne n’en saurait rien, à condition qu’il fasse vite. Un frisson parcourut son échine. Il déglutit puis, aussi silencieusement que possible, se lança au petit trot dans la salle.

L’épais tapis rouge absorbait le bruit de ses pas comme de la mousse. Tandis qu’il se pressait vers le trône, il jeta un oeil sur les côtés. Toutes les fenêtres à sa gauche étaient brisées, comme si une déflagration les avait faites voler en éclat. D’innombrables morceaux de verre coloré jonchaient encore le sol. Il continua, prenant soin de ne marcher sur aucun débris. Enfin, il arriva devant les premières marches.

Allait-il oser les gravir et s’asseoir tout en haut ? Il frisonna à nouveau. Non, il ne pouvait pas faire ça. Il ne pouvait pas manquer à ce point de respect à la princesse. Il se retourna et regarda la salle, toujours aussi déserte. Pourquoi les caprésiens étaient-ils tous partis si peu de temps après être arrivés ? Pourquoi abandonnaient-ils la ville un jour seulement après l’avoir prise ? Qu’avaient-ils fait de Célestia ? L’avaient-ils emmenée avec eux ?

Soudain, un bruit attira son attention et le tira de ses pensées. Il se tourna à nouveau vers le trône et tendit l’oreille. Un léger tic-tac était perceptible dans le silence de la pièce. Ça venait de derrière le trône. Il s’approcha, l’oreille toujours dressée. Prudemment, il écarta les draperies qui pendaient le long du mur, à droite des marches. Une petite porte en bois, probablement un passage pour les domestiques, étaient dissimulée derrière le rideau. Le bruit venait de là. Il posa son sabot sur la poignée, tourna et poussa. La porte pivota sans un grincement. De l’autre côté se trouvait un local grisâtre, faiblement éclairé par une unique fenêtre. La jeune licorne retint son souffle en découvrant ce qui y était entreposé.

La pièce était remplie du sol au plafond de caisses et de barils d’explosifs. Des mètres de mèches filaient et s’enroulaient les unes autour des autres, toutes reliées à une boîte en métal. C’était de là que provenait le bruit de minuterie. Black Marble se mit à trembler. Il s’ordonna de courir, mais ses pattes refusaient de lui obéir. Dans un dernier tic, le bruit s’arrêta. Une étincelle jaillit. La jeune licorne ferma les yeux.

 

Debout dans le poste de pilotage, en face des grandes fenêtres de verre renforcé, Namar regardait le nuage de fumée et de poussière s’élever dans le ciel. Les morceaux de murs et de terrasses pulvérisés retombaient dans le vide et se fracassaient au fond de la vallée. La partie du château accrochée à flanc de falaise s’effondrait avec fracas dans le vide en dessous d’elle. Une des dernières tours encore debout vacilla et tomba elle aussi dans le gouffre, tel un arbre abattu.

Sans l’ombre d’un sourire, le souverain se détourna et fixa le deuxième dirigeable, qui s’éloignait vers le Nord. Ce qui restait de magie à Equestria allait bientôt disparaître.

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