Inquiet, Squabble traîna ses serres sur le sol poussiéreux de Griffonstone, les yeux plissés pour bien analyser les environs, à la recherche des responsables de la capture de l’équipage et de ses quelques douleurs lancinantes. La base d’opération des mercenaires devait se trouver en ville et le nom “Compagnie Tachetée” laissait assez d’indices pour permettre au perroquet de savoir quoi chercher.
A plusieurs reprises, il soupira et donna l’impression de vouloir abandonner ; les bras serrés autours des côtes, la douleur devait le faire douter de ses capacités à renverser la situation. Il finissait toutefois par gonfler le torse, ébouriffer son plumage et repartir en chasse, sous l’indifférence des griffons en train de vaquer à leurs occupations.
Après presque une heure de recherches infructueuses, un grand bâtiment délabré à la périphérie de la capital avait devant ses portes une paire de griffons armés et, surtout, chacun à moitié tachetés. Le matelot resta à bonne distance, caché à l’angle d’une ruelle à une bonne cinquantaine de mètre et une poubelle devant lui afin d’être encore moins visible.
Il pouvait voir les sentinelles peu attentives, assises de chaque côté de la porte, leurs armes posées négligeament à côté d’eux. Ils ne devaient pas s’attendre à une quelconque forme d’hostilité, surtout pas de la part d’un individu sans armes et à l’allure inoffensive. Puis son regard loucha un peu plus quand son attention fut captée par un des déchets juste devant son bec de bois et celui-ci se fendit en un sourire.
Les griffons tachetés discutaient pour passer le temps, sans vraiment surveiller les environs, mais des caquètements les rappelèrent à la réalité ; face à eux approchait avec une démarche chaloupé un drôle d’oiseau aux yeux perturbants, une bouteille vidé à la main et des cris aviens ridicules plein la gorge. Les sentinelles attrapèrent leur arbalète, par réflexes, sans pour autant pointer leur carreau sur l’énergumène.
De légers rires se firent entendre quand le perroquet mima une arbalète avec sa bouteille, puis il approcha d’un des gardes tachetée, la bouteille en avant comme pour lui en offrir… même si elle était vide. Son comparse devint hilare à la vue de sa gêne quand l’étranger lui brandit l’objet sous le bec… son sentiment de malaise était dépourvu de méfiance.
Avec une rapidité surprenante, Squabble se saisit de l’arbalète et l’arracha des serres de son propriétaire, pour lui fracasser le crâne avec. L’autre sentinelle eut besoin de quelques secondes pour comprendre la façon dont les événements tournaient et sa tentative de tir fut déviée par la bouteille jettée sur lui ; le carreau disparut au-dessus de Griffonstone. Avant de pouvoir comprendre ne pas avoir le choix et devoir appeler à l’aide, son crâne subit le même sorte et une arbalète s’y fracassa.
Les deux gardes mis hors d’état de nuire, le perroquet au bec de bois laissa son arme contondante de fortune et se saisit d’une épée avant d’entrer par la grande porte.
…
Depuis leur capture par les mercenaires, la bande de pirate n’avait pas dit un mot, exception faite de Lix et son répertoire d’insultes. Une fois arrivé dans le sous-sol du siège de la Compagnie Tachetée, leurs liens avaient été enlevés, mais seulement une fois les quatre prisonniers mis dans une cellule.
La crasse, le désordre et la mauvaise lumière prodiguée par une lampe cabossée donnait une ambiance lugubre à l’endroit ; la seule chose encore en parfait état se trouvait être les barreaux d’aciers de la grande cellule, plutôt spacieuse mais dont le seul confort se trouvait être une paillasse, occupée par Gilda. Aucun des trois pirates ne l’avait blâmée, mais la griffonne s’en voulait et aucun d’eux ne savaient quoi dire.
Mullet se contentait de rester contre les barreaux, à observer chaque détail, écouter le moindre bruit. Lix avait entreprit un travail de décoration et se servait d’une pierre pour graver des insultes supplémentaires sur les murs afin de passer le temps. Seul Boyle semblait réellement se préoccuper de Gilda, mais restait assis dans un coin, les bras croisés, une expression pensive sur le visage.
Le silence semblait s’être installé depuis une éternité quand le regard du pirate borgne se tourna brusquement vers la porte ; quelques bruits, furtifs, précédèrent son ouverture avec fracas.
“J-je vous en prie, madame…” bafouilla une jeune voix hésitante.
“C’est damoiselle,” rétorqua d’un ton glacial la griffonne quand elle rentra dans la pièce.
La nouvelle venue se mouvait avec une grande élégance et son visage se voulait impassible, même si le plumage de sa tête était ébouriffée et sa longue queue féline rousse battait furieusement l’air. Elle n’était pas tachetée, contrairement au griffon à sa suite dont l’arrière-train blanc était constellé de noir. Malgré sa carrure plus imposante et les armes à son harnais, le soldat baissait sa tête blanche entouré d’un bandeau de plumes sombres.
“Gytha ?” s’écria la griffonne emprisonnée, une joie sincère dans la voix. “Gytha !
- Cette petite est sous la protection de la Guilde marchande de Griffonstone !” tonna la dénommée Gytha.
Le jeune griffon eut un frisson de peur et décrocha le trousseau attaché à son harnais, au-dessous de son épée. Il approcha avec beaucoup d’hésitation la lourde clef, mais Gilda se releva brusquement.
“Non. Je resterais ici tant que mes amis seront aussi enfermés.
- Gilda…” soupira la harpie, “laisse tomber cette lubie de te faire des amis et laisse-moi te sortir d’ici.
- Si ça n’est qu’une lubie, que fais-tu ici alors ?”
La griffonne rougit et détourna le regard, visiblement contrariée.
“Petite idiote…” soupira Gytha. “Guntram ne va pas tarder à arriver.”
La griffonne à la longue queue rousse s’assit gracieusement sur une caisse et empêcha le jeune griffon de filer d’un regard impérieux ; il attendrait, avec sa précieuse clef. Le silence revint brièvement, mais Mullet avait quelques question et se tourna vers Gilda pour en quérir.
“Tu peux nous expliquer ?” demanda-t-il poliment.
“Gytha tient le principal comptoir de commerce avec les royaumes voisins. Je lui ai soumis l’idée il y a plusieurs mois de créer un genre d’union des commerçants de Griffonstone ; il y a encore pas si longtemps, chacun faisait comme il voulait et c’était vraiment n’importe quoi. Maintenant, on peut passer par elle pour passer des commandes précises et vendre à l’étranger.
- Ingénieux…” commenta le pirate à la crète rouge, admiratif.
“Cela force aussi la confiance entre nous.
- Nous ?” l’interrogea subitement Boyle. “Tu veux dire…
- Oui. Je… je suis pâtissière.” avoua-t-elle, une moue gênée au coin du bec et du rouge sur les joues.
“Y a pas de honte à l’être, petite,” ajouta Lix. “Moi j’ai toujours fait la tambouille pour ces gros idiots et ça ne m’a jamais empêché d’être une pirate !”
L’atmosphère devint plus détendue et Gilda semblait beaucoup moins préoccupée par l’idée de les avoir involontairement laissé tomber dans un traquenard. Quand des bruits de pas se firent entendre dans la pièce adjacente, elle se sentit prête à faire face au chef de le Compagnie Tachetée… mais la porte laissa passer une tête piquetée de brun familière.
“Gislin !” s’écria Gherild à l’attention du jeune griffon. “Viens immédiatement, on a un intrus et il est coriace !
- Quoi ?! M-mais les ordres…
- C’est moi qui donne les ordres, alors viens avec moi tout de suite !!”
Le griffon au derrière blanc tâché de noir trembla un moment, avant de s’élancer derrière sa supérieure. Gytha posa un regard plein d’incompréhension sur Gilda, retourné par cette dernière à Mullet.
“Je crois qu’on vient nous chercher,” lâcha avec un sourire satisfait le perroquet borgne.
…
Une immense salle occupée principalement par de larges tables et des tabourets accueillit Squabble, dont le regard analysa méticuleusement l’endroit. Derrière lui se trouvait la sortie et de l’autre côté de la grande pièce se trouvait une autre double-porte ; une autre sortie, ou peut-être pas à en juger par le lourd cadenas utilisé pour sceller l’accès. Une quarantaine de portes se trouvaient à droite et à gauche, la moitié placée à l’étage sans aucun moyen de les atteindre, sinon avec des ailes.
Il n’y avait personne lorsque le pirate entra mais cela n’allait pas durer. Avec rapidité il slaloma entre les tabourets pour se précipiter de l’autre côté et étudier le cadenas. Celui-ci retenait un mécanisme assez sophistiqué, à base de tiges plantées dans le sol et le plafond, impossible à rétracter sans utiliser la poignée. Sans la clef, impossible d’ouvrir les deux battants…
Pourtant, le pirate ne se démonta pas et, avec un peu de recul, il fonça pour passer au travers des planches en bois, dans un état lamentable ; les griffons ne semblaient pas très doué pour l’entretien de leurs bâtiments, la serrure imposante et le cadenas tenait encore quand un des battants arborait désormais un trou béant.
Le pirate se remit rapidement debout et eut un caquètement à la sonorité grossière : c’était une simple réserve remplie de matériel et non pas les cellules… De l’agitation se faisait déjà entendre dans le grand hall derrière lui. Squabble avait besoin d’un plan.
Rapidement il inspecta du regard les tonneaux, caisses et sacs entreposés, éclairés par une fenêtre pourvue de barreaux. Il n’y avait aucun indication, mais le perroquet aux yeux fous reconnut la plupart des substances et objets à disposition, à portée de serres. Des griffons se massaient déjà près du trou laissé par l’intrus ; un sourire se dessina au coin du bec de bois de ce dernier.
Une vingtaine de griffons étaient massés devant la porte de la réserve. Les plus proches avaient dégainés leurs épées, les autres étaient en vol, arbalètes prêtes à tirer. Quand des petites billes furent lancées devant eux, la plupart ne réalisèrent pas ; seuls quelques uns eurent le temps de cacher maladroitement leurs yeux.
Un flash intense frappa la majeure partie des mercenaires de cécité. Les rares à avoir pu échapper à cela purent voir une forme sortir rapidement par le trou et commencer à fracasser le crâne des griffons aveuglés ; sans réfléchir, des carreaux fusèrent en direction de l’assaillant, mais celui-ci avait pris un imposant couvercle de caisse et laissa les projectiles se ficher dans le bois épais.
De nouveaux griffons sortirent dans le hall et le regard de Squabble s’arrêta un moment sur la responsable de la mise aux fers de ses amis ; sans arrêter de frapper ses adversaires avec un gourdin improvisé, il suivit du regard Gerhild éviter le combat pour prendre une des portes sur le côté. Sans hésiter, il jeta son arme sur un arbalétrier, mit les lunettes de son casque en place et extrait de sa poche un petit sachet de poudre. Celle-ci, une fois jetée au sol, explosa en un brouillard blanc imperméable ; la plupart des griffons se mirent à crier et pleurer, mais Squabble était protégé et se dirigea précipitamment vers la porte où il avait vu se diriger Gerhild, sans oublier d’assommer à coups de poings quelques autres griffons.
La pièce était petite et comportait une trappe, ouverte, et une table couverte de papiers. Méfiant, le perroquet avança prudemment et observa l’accès au sous-sol : des barres formaient une échelle et il put apercevoir Gerhild en train de remonter.
Avec un sourire mauvais, Squabble jeta une bille et une poignée de poudre dans le trou et savoura le bruit produit par le flash et l’explosion de bruit de brouillard, suivi des cris de surprise et de dégringolade. Quand il descendit, il découvrit Gerhild et un autre griffons, blottit dans un coin, incapable de voir. Toujours souriant, Squabble prit leurs tête entre ses serres et les cogna l’une contre l’autre pour les assommer.
La pièce était mal éclairé, mais les contour d’une porte se dessinait à l’opposé de l’échelle, derrière laquelle se trouvait de la lumière et des éclats de voix. Le perroquet approcha et reconnut la voix de Mullet ; sans plus attendre, il ouvrit la porte en grand avec un caquètement victorieux.
“Squabble !” s’écria Boyle avec joie.
“On a failli attendre,” commenta Lix avec un air malicieux.
Seules Gytha et Gilda ne partageaient pas la joie des pirates, pour seulement afficher une incompréhension totale face au perroquet et son étrange allure…
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