Chapitre VII: Le Langage des Fleurs

La conversation courait déjà à bâton rompu quand Startail revint de la cuisine. C'était principalement Twiligth qui parlait. Elle tentait de répondre de façon la plus concise possible aux questions de Den Mother.

Le poulain amena un plateau bien chargé. En plus d'un pot de miel et d’une assiette de biscuit, il y avait une théière et sept tasses avec coupelles, toutes du même service, de la porcelaine blanche décorée à l'encre, du bleu de Prusse, avec des motifs floraux très délicats. Une des tasses était fendue, tandis que plusieurs des coupelles étaient ébréchées.

Ces objets avaient du vécu. Le style était vieillot, c'était le type de vaisselle que Granny Smith aurait pu trouver en magasin dans sa jeunesse, et même alors, c'était déjà démodé. Non, pour ce service à thé, sa place est dans un musée.

«Donc si j'ai bien compris vos explications, vous avez obtenue votre rang à la suite d'une expérience particulièrement hasardeuse et dangereuse. Elle fut réalisé à partir d'un sort laissé inachevé par un puissant mage licorne, mort depuis longtemps, expérience qui au demeurant fut à un crin de tourner à la catastrophe et affecta profondément vos compagnes, et ce sans les en avoir averties au préalable. Et c'est grâce à cet exploit que vous vous êtes élevée au rang de princesse.

- Hum ce que je vous ai dit était vrai, d'un certain point de vue(*), Twilight avait la désagréable impression d'être revenue en première année d'étude de magie face au pire de ses professeurs.

- Écoutez, maredame Soccer, repris Applejack au secours de son amie, ce qu’on essaye de vous dire, c'est qu'on a été envoyées ici par une puissante magie parce qu'il y a un problème et nous sommes là pour aider à le résoudre.

- La Princesse Celestia elle-même nous a donné mandat pour intervenir dans tout Equestria, et même au delà, insista Rainbow.

- Oui, sans doute.»

Le ton, remplie d'une morgue souveraine, transmettait très bien sans le dire l'intention de botter en touche. Profitant de la diversion apporté par l’arrivée de son jeune fils Startail de la cuisine, elle changea de sujet :

«Merci mon petit, pose le plateau ici. Puis-je vous servir, Altesse ? »

Twilight mit une fraction de seconde avant de comprendre que c'est à elle que l'on s'adressait.

«Faite, je vous prie.»

La réponse empreinte de politesse était venue de façon machinale à la bouche.

«Et bien mon fils, ne reste pas planter là, on dirait une baleine échouée. Invite donc ces jeunes pouliches à aller jouer dehors, vous avez sans doute plein de choses à vous dire entre poney de vos âges. Et laissez les grandes personnes entre elles. Nous avons beaucoup de choses à nous dire».

La dernière phrase n'était qu'un murmure.

***

Il fallait s’éloigner un peu à travers les bois pour arriver à cette clairière. Une vieille balançoire finissait de pourrir, une cabane lovée dans un immense arbre creux qui avait connu des jours meilleurs lui faisait face. Un chien se tenait allongé au travers de l'entrée. Les différences avec le QG des “Chercheuses de Talent” étaient minimes.

Appel Bloom soupira, la tête lui tournait. Elle avait fini par abandonner la discussion, le regard dans le vague.

Près d'une demi-heure qu'elle et ses deux amies étaient là. Autant la veille pouliche était effrayante, autant ce poulain était... exaspérant. Il ne cessait de poser des questions pour immédiatement y répondre par quinze voire vingt suppositions toutes plus farfelues les unes que les autres avant même d'écouter la moindre explication ou début de réponse que les trois pouliches pourraient lui apporter. Ce n'est que quand il reprenait son souffle qu'on pouvait en placer une. Parfois il utilisait un vocabulaire complètement vieillot, d'autre fois il faisait des phrases sans queue ni têtes, inventant es mots à l'occasion.

Sa dernière question était à quoi ressemblaient leurs maisons, il les avait tour à tour imaginées vivant dans une grotte, une tente, un phare, comme des nomades dans des chariots, un château en bonbon, ou encore une bulle de savon géante.

«Mais arrête de parler à la fin ! explosa Sweetie Belle. Tu es pire que Pinkie Pie !

- Pardon, son air pataud peinait, c'est juste que Mam' Soccer ne me laisse jamais parler, Astro ne m'écoute jamais et Avon, malgré toutes ses qualités, il répond pas. C'est la première fois que je parle à d'autres poneys.

- Tu n'as jamais connu personne d'autre ? s’étonna de Scootaloo.

- Enfin, si, il y avait papa Hook et oncle Chise, mais ils sont partis alors que j’étais trop jeune pour m'en souvenir ... Il en avait d'autre avant, mais eux aussi ils sont partis avant ma naissance.

- Ils sont partis loin ? Insista Bloom, se ré-intéressant soudain à la conversation.

- Pour Papa Hook on ne sait pas, il partit un jour et il n'est jamais revenu, mais pour oncle Chise, non c'est vraiment pas loin. On va le voir souvent, si vous voulez, on peut y aller, c'est pas très loin.

- Oui allons y, enchaîna la ponette couleur crème anglaise. D'accord, il faut juste qu'on s'arrête prendre des fleurs, Mam' Soccer dit qu'il faut toujours se présenter avec des fleurs, c'est plus poli.

- Encore des fleurs, soupira Scootaloo, décidément, c'est une manie chez ta mère.

Si vous étiez arrivées avec, je suis sûr qu'on vous aurait mieux accueillies répliqua Startail.

- Difficile de faire pire», grinça Bloom.

***

Il fallut de nouveau passer par le labyrinthe de petits sentiers maillant les frondaisons. Entre les épais buissons de ronces et les toutes aussi denses touffes de fougères, il était impossible de se balader à sa guise dans cette forêt.

Startail semblait connaître chaque parcelle du terrain, il avançait avec aisance en tête du groupe, guidant les autres. Heureusement, il s'arrêtait régulièrement pour attendre les pouliches, car sinon il les aurait largement distancées.

Avon ne cessait d'aller et venir, incapable de se fatiguer. Les mises en garde de la veille faites par Twilight sur le risque de se perdre dans ces bois ressemblaient de moins en moins à des paroles en l'air d'une adulte coincée.

Apple Bloom, en bonne fille de sylvicultrice, remarqua que la portion de forêt traversée était jeune, trente ans tout au plus. Fut une époque où ces bois étaient entretenus, elle n'était pas spécialiste, mais elle estimait que la déshérence remontait à une dizaine d'années environ. Il lui faudrait demander à sa sœur, mais elle était presque sûre qu'avant on avait tenté de faire des champs ici avant de replanter ce bois

Au bout d'un petit quart d'heure, le quatuor arriva à un bosquet différent. Déjà, c'était des feuillus, la petite Apple reconnue sans mal des érables, les encoches et les seaux accrochés au tronc aidant. Les arbres avaient été plantés, tous alignés au cordeau. Les plus vieux ne devaient pas être loin d’être centenaires.

Ici, le sous-bois était dégagé. Le sol était recouvert du tapis rouge et orangé des feuilles mortes, par endroits une tâche verte sombre, surmontée d'une tige agrémentée d'une petite fleur blanche à cinq pétales aux reflets roses.

«Voilà les Roses du Feu Chaleureux, ou Hellébore. On sentait la fierté chez Startail. Mam' Soccer dit que ce sont les seules à fleurir en cette saison. C'est mon arrière arrière-grand-mère qui les a ramenées des contreforts des Montagnes de Cristal.

- C'est vrai qu'elles sont jolies, lui accorda Sweetie Belle.

- Il faut juste faire attention en les cueillant, lui assura le poulain, c'est un poison assez violent.»

Se disant, il alla récupérer un couteau caché au pied de l'un des sceaux

«Il habite loin d'ici ton oncle ? demanda Sootaloo.

- Non, pas trop. Tout en parlant, Startail découpa un morceau d'écorce ou il y glissa les quelques fleurs ramassées. Avec votre allure d'escargot, on devrait y être dans la demi-heure.

- Autant ! J’espère qu'on pourra manger arrivé chez lui, je commence à avoir faim, protesta Apple Bloom.

- Hum non, ça va pas être possible de manger là bas, on va devoir faire un détour. Je sais où on peut faire escale si vous avez une fringale. La côte n'est pas loin et si on se dépêche, on y sera avant que la mer ne soit trop haute.»

La marche reprit, il fallut monter puis redescendre une colline.Comme on était toujours en sous-bois la visibilité était limitée, mais sur la descente l'odeur iodé puis le bruit du ressac le confirma, la mer n'était pas loin.

Arriver sur le rivage, Startail et Avon se jetèrent à l'eau. Le poney disparut sous les flots de longues minutes avant de revenir en tenant entre les dents une sorte de laitue. Apple Bloom en profita pour récupérer quelques pignons de pin pour agrémenter la salade. Une fois ramassée de quoi faire un petit en-cas, il fallut trouver un abris, il s'était remis à bruiner.

« Ce n'est pas mauvais, on dirait vraiment une salade ce truc, commenta Sootaloo.

- Un peu trop salé par contre, fit remarquer Sweetie Belle.

- À quoi t'attendais-tu de quelque chose que l'on vient de ramasser au fond de la mer, argua Apple Bloom.

- Ho, ça, c'est parce qu'on ne l'a pas rincé, objecta Startail, sinon, c'est bien moins marqué.

- Mais comment tu fais pour nager avec une eau aussi froide ? le questionna Sootaloo.

- Vous la trouvez froides ? Elle est un peu fraîche, c'est vrai, mais pas de quoi fouetter un chat.

- Mais tu n'as même pas de combinaison, s'exclama Apple Bloom

- Une combinaison ? Je ne vois pas ce que c'est. Mais non, c'est pas difficile, je fais ça depuis que je suis tout petit, Mam' Soccer dit souvent que je savais nager avant de savoir marcher.

 Une combinaison,c'est ça, se disant Scootaloo ouvrit son sac et elle en sortit la sienne.

-Cela permet de garder ton corps au chaud dans une eau froide. Avec on peut nager plus longtemps sans risquer l'hypothermie, expliqua Sweetie Belle.

- Vous savez quand même nager ? demanda le poulain.

- Bien sûr qu'on sait ! répondit scandalisée Apple Bloom. On n'est pas des bébés !

- Ce n'est pas ce que cela donnait à croire quand hier, j'ai vu Scootaloo tomber à l'eau.

- Ça comptait pas, je n'étais pas prête et je n'avais mon matériel ! se défendit avec véhémence l'intéressée. 

- Je veux bien voir ça, la défia Startail Je te parie que je te bats à une course. 

- Chiche! Je me change et on va voir ça. 

- Pas de raison qu'il n'y ai que vous qui vous amusiez. Je participe aussi, lança Apple Bloom.

- Moi aussi, fit la dernière du trio, on participe toutes.

- Whouf

- !Je crois qu'Avon concourt lui aussi », commenta Sweetie Belle.

Quelques instants plus tard, on avait trois ponette-grenouilles sur la plage

« Qu'est donc que ces drôles de fer que vous avez aux sabot ? Et avec vos grosses lunettes, vous êtes ridicules, rigola le poulain

- Ça ? Mais c'est des palmes voyons, tout en parlant Scootaloo agita l'un de ses sabots.

- Et ces lunettes, ce sont des masques de plongée, griffon béotien, rétorqua Sweetie Belle.

- Prêts ? demanda Apple Bloom.

- Prêts ! répondirent en cœur les autres

- Partez !»

À partir de là commença une après-midi de jeux aquatiques et de rigolade. Si Startail était plus grand et plus entraîné, le matériel, surtout les palmes, compensèrent largement en faveur des juments.

Tous étaient dans l'eau depuis bien deux heures quand Avon se mit à aboyer

« Et bien qu'est-ce qu'il a ton chien ? s'étonna Sweetie Belle.

- Allez, on rentre, il va bientôt faire nuit se contenta de répondre Startail.

- Déjà, protesta Scootaloo.

- Oui, il vaut mieux être de retour avant l'obscurité si l'on ne veut pas fâcher Mam' Soccer, reprit le poulain. 

- Attends, ton chien sait quand rentrer ?! s’exclama la petite licorne. 

- Je vois ce qu'il y a exceptionnel, dit en un haussement de garrot Apple Bloom, Winona aussi en serai capable.

- Et ton oncle ce n'est pas grave si on ne va pas le voir aujourd'hui? s’inquiéta Sweetie Belle. 

- Oh ne t'inquiète pas, là ou il est, il ne va pas bouger, et on pourra toujours y aller demain la rassura Startail.

(*) en français dans le texte