Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

MAI - My Arcane Intelligence

Une fiction écrite par lnomsim.

Chapitre 14 - Un train pour Fillydelphia

Chapitre 14 : Un train pour l'enfer

Scribbe marche devant nous, assez loin devant pour ne pas nous entendre, bien que le bruit des bulldozers et des camions suffisent pour couvrir le son de nos voix. Envolés la petite ville tranquille de campagne, le ciel bleu et l'air frais. Il m'a fallu une semaine de plus que ce qu'avait prévu le médecin fou pour que je me fasse à mes 'nouveaux' sabots, et que je puisse de nouveau marcher sur mes pattes arrière. Trois semaines que Madame la Baronne de Coltbaten ne me lâche plus d'un œil.

Et malgré tout ce temps, y compris celui que j'ai passé à l'hôpital, la poussière des ruines de Green Pasturges n'a toujours pas fini de retomber. Les files de camions bennes et les patrouilles incessantes de soldats ne sont pas là pour arranger les choses. Il n'y a plus un seul arbre qui tienne encore debout sur les trottoirs, ni même un trottoir qui n'ait pas un morceau arraché ou abîmé par les roues de tous ces véhicules. Ou par les traces de combats encore visibles un peu partout. J'ai l'impression d'être dans une zone de guerre.

Sur les façades qui sont encore attachées à leur bâtiment, je peux voir des marques de brûlures ici et là, signatures de sorts offensifs qui ont étés échangés. Il y a même des mares de sang séchées ici et là, que ce soit sur les murs ou sur le sol. Et pourtant, je suis là, simplement à suivre la licorne blanche, accompagnée de Coltbaten, me contentant d'éviter de me faire bousculer par un garde, ou de mettre mes sabots tous neufs dans quelque chose de regrettable, comme des restes de poneys… Mais j'ai l'impression de ne pas être là, je suppose qu'en temps normal je serais surprise, voir dégoutée… mais maintenant ? Non, je ne ressens rien, j'ai juste l'impression de regarder une photo prise dans un pays lointain.

Ça, ce n'est pas Equestria, ça ne se peut pas. Ce n'est pas Green Pasturges non plus. Autant de destruction et de désolation… C'est impossible, pas chez nous, après tout, les poneys ne tuent pas, ou du moins, ils ne laissent pas les restes de leurs victimes pourrir dans les rues au simple profit de la reconstruction. L'air est rance, l'odeur de mort et de poussière règne en maître, suivie de près par celle des gaz d'échappement. Il y a tellement de véhicules lourds que je peux sentir le mana venir picoter contre ma peau. J'en ai le poil qui se hérisse, et pourtant, non, je ne ressens rien.

Même lorsque nous avons quitté l'hôpital, un bon quart du bâtiment avait disparu, les gravats étaient toujours là, le parc avait été envahi par des centaines de tentes médicales. Les autres parcs que nous croisons en traversant ce qui reste du centre ville ont étés reconvertis à diverses fonctions. Certains sont des postes militaires, comme le montrent leurs miradors et fortifications, d'autres servent à regrouper les gravats avant que d'autres camions ne viennent les chercher. D'autres encore servent de crématorium improvisé d'où s'échappe une odeur qui m'est étrangement familière.

Coltbaten marche à côté de moi en silence. Elle porte toujours son uniforme de l'aéronavale, mais personne ne semble lui prêter attention. Je crois que c'est à moi qu'elle parle, mais sa voix me semble distante, perdue dans le brouhaha de la ville morte. Je me contente de bafouiller quelque chose que je ne comprends pas moi-même quand j'ai l'impression qu'elle me pose une question.

Sans même m'en rendre compte, nous avons laissé le plus gros de la ville derrière nous et sommes retournées dans la 'campagne'. Des rangées et des rangées de camions, de caisses de matériel et de conteneurs sont déchargés d'une flotte de dirigeable comme je n'en ai jamais vu. Il doit bien y en avoir une vingtaine, cinq au sol, le reste plongeant toute la zone dans la nuit en masquant le peu de soleil qui filtre à travers le nuage de poussière et de fumée de la ville. Qui eut cru qu'une si petite ville puisse mobiliser autant de monde ?

Scribbe s'approche d'un poney en uniforme bleu, près de la plate-forme de déchargement d'un des dirigeables. Il lui rend son salut militaire, et après quelques échanges de mots, s'approche de Coltbaten et moi.

"Vice-amiral." Il la salue rapidement, mais ne me prête pas la moindre attention.

"Capitaine," lui répond la pégase. "Je vois que les opérations de chargement avancent bien."

"Nous venons juste de finir de charger le Macintosh, au plus vite nous serons partis d'ici, au mieux ce sera, je ne peux plus supporter cette odeur."

Coltbaten se contente de hocher la tête. "Les Richs semblent plus pressés de s'approprier la ville que de faire les choses dans l'ordre. Je n'arrive pas à croire que l'armée ait mobilisé autant de matériel pour une si petite ville."

"Il y a probablement plus de militaires ici qu'il n'y avait d'habitants avant la guerre."

"En comptant le personnel civil et les survivants, il y a approximativement un tiers de plus que la population avant l'attaque," intervient Scribbe, je ne l'ai même pas vue s'approcher. Il faut croire que j'avais raison de penser qu'il y avait beaucoup de monde.

"Du gâchis, ils auraient dû partir il y a plus d'un mois, on a pas vu la trace d'un Me depuis plus de deux mois dans la région, toutes les cellules ont été démantelées et les maquis sont sous contrôle. Les princesses ne contrôlent même plus leur armée…" souffle Coltbaten.

L'étalon ne réagit pas, il se contente simplement de changer de sujet, sans que la moindre émotion ne passe sur son visage. "Votre cabine est prête, vice-amiral."

"Je n'embarque pas, j'ai réussi à obtenir des princesses qu'elles nous envoient un train. Nous serons à Fillydelphia avant vous. Je vous laisse le commandement de la flotte jusqu'à ce que j'aie terminé l'affectation que m'ont donnée les princesses. Une fois que vous aurez délivré le matériel à Fillydelphia, ramenez la flotte à Baltimare, sauf contrordre."

L'étalon la salue de nouveau et retourne vers la plate-forme du dirigeable. Une fois dessus, elle remonte lentement vers le reste de l'appareil, une dizaine de mètres au dessus du sol. Puis c'est à nous de repartir. Nous ne marchons pas longtemps, juste ce qu'il faut pour atteindre un long bâtiment encore intact, duquel s'échappe deux longs tubes montés sur une longue butée. Bien sûr, le seul train capable de joindre Fillydelphia est le Maglev, le train de l'horreur… pour moi, aucun véhicule terrestre ne devrait dépasser Dash-I… Qu'est-ce que je dis, aucun poney ne devrait dépasser le mur du son…

Lorsque nous arrivons à la gare, cette dernière est gardée par plusieurs autres soldats, la lance à l'épaule ou l'épée au fourreau. Ces derniers, contrairement à ceux de la ville ont l'air plus détendus, au bord de l'ennui. Mais ils se raidissent tous lorsqu'ils nous voient arriver. Ils lèvent tous le sabot à la tête quand Coltbaten entre dans le bâtiment, cette dernière leur rend leur salut et leur demande de se remettre au repos.

"Vous pourrez disposer lorsque nous serons parties, la flotte a bientôt fini de charger et est prête à appareiller."

"Bien, madame," lui répond un des étalons. C'est maintenant que je remarque que la plupart d'entre eux sont des pégases. Tous des membres de la marine, je suppose.

Le tube est aussi vide que les quais, et aucun train en vue. Coltbaten tourne la tête vers la droite et me jette un regard en coin. Je dois légèrement tourner la mienne dans sa direction pour que mon œil puisse voir les siens. J'y décerne une légère malice, comme sur son sourire.

"Je pense que je dois préciser que je ne me sens vraiment pas bien en train."

Son sourire s'élargit. "Je sais."

"Il n'y a pas un autre moyen de se rendre à Filly ? Night St-"

"Je ne suis pas Night Stalker," me coupe-t-elle sèchement. "Nous avons plus de trois mois de retard, pas question de perdre une minute de plus. Si vous connaissez un moyen de transport plus rapide, je suis toute ouïe."

"Non, je réagis vraiment très mal aux transports rapides…"

"Est-ce que j'ai l'air d'en avoir quelque chose à faire ?" demande-t-elle froidement, sans pour autant que son sourire ne la quitte.

Oh oui, elle a l'air d'en avoir quelque chose à faire, mais pas dans le sens que j'aimerais. Moins d'une seconde plus tard, le train apparaît comme par magie au niveau du quai, s'arrêtant net après avoir voyagé plusieurs heures au dessus de la vitesse du son. Voilà, c'est pour ça que je refuse de monter là-dedans, comment les poneys font pour ne pas se briser la nuque lors des phases d'accélération et de décélération ? Si on peut encore appeler ça comme ça. Oui, je sais, les tubes et le train sont encore plus chargés en sorts que les joyaux des couronnes. Mais ce n'est pas pour me rassurer.

Lentement, le champ magnétique dans le tube baisse en intensité et l'ensemble de wagons cylindriques se pose sur le fond matelassé du tunnel. Les sas du quai viennent se coller aux portes du train, et après une courte phase de dépressurisation, les portes s'ouvrent. Avec la présence de gardes, et le fait que nous soyons en campagne, la faible occupation de la gare ne m'a pas vraiment surprise. Mais c'est la première fois que je vois un train aussi vide. Une fois que Scribbe, Coltbaten et moi sommes entrées, les portes se referment, nous laissant toutes les trois prisonnières de ce train fantôme.

Puis les sas se rétractent vers le quai. Je sens le train se soulever pour quitter le sol. Le tremblement dans mes jambes toutes juste remises s'intensifie lorsque nous quittons la sécurité de cette bonne vieille terre. Les deux autres juments sont déjà assises et ont mis leur ceinture, je me dépêche de les rejoindre. Lentement, le train se met à avancer, laissant le quai derrière lui. Puis une fois sorti de la gare, le paysage de l'autre côté de la baie vitrée se transforme en une traînée de couleurs floues tandis que peu à peu le tunnel visuel se dessine vers l'avant du train. En quelques secondes, Green Pasturges a disparue derrière nous et seule la Foal Mountain arrive difficilement à nous suivre. Quelques minutes et elle disparaît à son tour pour laisser place à la montagne suivante.

"Nous serons à Fillydelphia dans environ deux heures. Si vous ne supportez pas les transports rapides, ne regardez pas par la fenêtre." Coltbaten accompagne le geste à la parole en fermant le rideau à côté de nos places.

Deux heures, si je ne dis pas de bêtises, ça fait un peu plus de deux mille kilomètres, et dire qu'il nous avait fallu cinq jours pour faire la même distance en taco. Bah, c'est pas cinq jours, mais si je veux me débarrasser des vertiges dûs au train, je peux toujours essayer de dormir.

"Profitons-en pour faire un bref rappel des derniers évènements. J'aurais voulu le faire plus tôt, mais votre état ne le permettait pas, et notre emploi du temps à Fillydelphia va être assez chargé. Scribbe, si tu veux bien."

Je suppose que ça veut dire que je peux m'assoir sur mes deux heures de sommeil… au moins j'espère que ça me distraira du voyage.

La licorne active sa magie et tous les autres rideaux du wagon se ferment, nous plongeant dans l'obscurité, même si la lumière extérieure continue de flasher par très courts intervalles contre ces derniers. Elle pose un appareil sur la table devant nous, le projecteur holographique s'allume et nous montre la carte d'Equestria.

"Pour le moment, c'est encore le chaos, mais nous savons que tout à commencé il y a trois mois, peu de temps après la dernière transmission du capitaine Night Stalker." Une lumière rouge s'allume au pied de la Foal Mountain. "Il y a eu une intrusion dans le réseau interne de la garde municipale, des fichiers ont étés volés et le système purgé. Peu de temps après, la garde royale a reçu une alerte indiquant que le poste était attaqué. Le message n'est jamais parvenu en entier. L'enquête que nous avons mené plus tard indique que c'est à cause de la destruction du poste." La licorne marque une pause et se tourne vers moi, Coltbaten me fixe toujours de son regard froid. "Les logs de votre implant à ce moment coïncident. Vous étiez présente pendant toute la durée de l'attaque sur le poste, vous êtes entrée juste avant et sortie juste au moment de l'explosion."

Son ton n'est pas accusateur, et ses yeux sont totalement inexpressif, mais en ce qui concerne Coltbaten, elle a la mâchoire serrée et je sens son regard s'intensifier. "Une chose que vous vous êtes bien gardée de mentionner pendant mes interrogatoires," ajoute-t-elle.

"Peu de temps après," reprend Scribbe, "nous avons reçu des alertes similaires un peu partout dans le pays." Plusieurs points rouges s'allument… un peu partout sur la carte. Pour ce que je peux voir, la majorité sont dans des zones campagnardes, il y a bien quelques points dans des petites villes, mais aucune des villes importantes n'a de marqueur.

"Vous remarquez quelque chose ?" me demande Coltbaten.

Mis à part mon observation sur les zones rurales, non pas vraiment, mais il ne sert à rien de pointer l'évidence. "Non ?"

Elle grogne puis soupire. "Quasiment toutes ces zones ont un point commun, ce sont des villages ou des villes où la proportion de lowcasts est supérieure à ceux d'implantés. Dans tous les cas, et sans exceptions, il y a eu trois cibles principales : toute figure d'autorité, massacrées en un temps record, les uppers, idem, et les bâtiments publics, saccagés ou simplement détruits, seules les infrastructures de première nécessité ont étés conservées."

Et je suis censée savoir ça juste en regardant une carte ? Je n'ai plus mon implant pour rappel. Bien que je doute que ce soit le genre d'information qui circule sans filtre sur le Grand Réseau.

Scribbe reprend la parole à la place de la pégase."Mais ça nous ne l'avons découvert que plus tard, dans les premières heures, et même les premiers jours, tout ce que nous savions c'était que les postes de gardes de toutes ces zones avaient signalé un soulèvement avant de devenir muets."

"J'ignorais qu'il y avait des postes de garde dans les villes lowcast." Il n'y en avait pas dans celle dans laquelle nous nous étions arrêtées avec Night Stalker, et il n'y en a pas à Low Garden. D'ailleurs je remarque qu'il n'y a aucun indicateur à proximité de Canterlot ou Ponyville.

"Généralement, il n'y en a pas," répond Coltbaten. "C'est aux mairies de nous prévenir de ce genre d'évènements, certaines en ont eu le temps. Pas d'autres."

"Toujours est-il," reprend Scribbe, "ces attaques étaient si soudaines et éparpillées qu'il a été impossible de réagir avant de comprendre ce qu'il se passait. La dernière fois qu'un soulèvement d'une telle ampleur a eu lieu, c'était lors de la révolution, il y a plus de deux-cents ans. Sauf que cette fois nous n'avons eu aucun signe avant que les attaques ne commencent. Durant les premières semaines nous avons renforcé la sécurité dans les grandes villes et confiné les Lowcasts partout où c'était possible. Une fois fait, nous avons commencé à rassembler les différentes armées tout en récupérant des informations sur les différentes zones d'insurrection. Puis nous avons commencé une campagne de reconquête du territoire, qui a duré plusieurs mois."

"Il s'est avéré que les rebelles étaient bien mieux organisé que ce que nous croyions, il y a eu beaucoup d'embuscades et de résistances. La première phase de reconquête a été un énorme échec. La plupart des armées sont des milices à la solde des uppers, incapable de suivre les ordres de l'état major…" intervient Coltbaten.

"En parallèle, un groupe des forces spéciales avait été envoyé à Green Pasturges pour tenter de vous récupérer, vous et le capitaine," reprend Scribbe, "et autant dire qu'ils ont trouvé bien plus qu'ils n'étaient venus chercher. Une bonne partie de la ville était déjà en ruines, mais elle était aussi fortifiée. Les services spéciaux ont pu confirmer la présence de Scarlet Day et Green Pasturges est devenue une cible prioritaire. Inutile de dire que l'implication des Me dans l'insurrection des lowcasts a renforcé la chasse aux sorcières."

"Et puisque l'armée était incapable de rester organisée ou d'avancer sans se faire massacrer par les rebelles, on nous a demandé, à la marine, de réorganiser ce foutoir ; transport de troupes et de matériel, reconnaissance, appui au sol, bombardements tactiques. Avant que l'armée n'ait posé le premier sabot dans les rues de Green Pasturges, la majorité des fortifications avaient disparues, il n'a plus suffit que de cueillir les dernières poches de résistance. A l'heure actuelle, nous avons repris le contrôle de la quasi-totalité du pays. Il reste bien quelques zones encore chaudes…" Les points rouges sur la carte disparaissent les uns après les autres jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une dizaine. "Mais ce n'est qu'une question de jours avant que tout ne rentre dans l'ordre."

"Les bonnes nouvelles maintenant, si on peut les appeler comme ça. Scarlet Day n'est plus une menace, elle a préféré se faire gazer dans son bunker plutôt que se rendre, il n'y a pas de doutes quant à savoir qu'elle a probablement déjà été remplacée, mais pour le moment, ça nous fait gagner du temps. Les Me sont désorganisés et ça nous a grandement aidé à prendre le reste du pays."

"Attendez, Scarlet est morte ?" je m'entends demander.

"Oui," répond simplement la licorne. "Son corps était facilement identifiable, il était avec celui des autres poneys dont nous vous avons montré les photos à l'hôpital. Pour le moment, sa mort et ses circonstances n'ont pas étés rendues publique, seuls le gouvernement, les princesses et les services spéciaux sont au courant."

Je ne sais même pas quoi penser de cette nouvelle… "Est-ce que ça veut dire que je n'ai plus à m'inquiéter des Me ? Scarlet avait une dent contre moi, je suppose que ça me libère de ma dette."

Coltbaten me lance un regard d'incompréhension. "Une dette ? Aucun poney à ma connaissance n'a eu de dette envers ces terroristes. Il faut vous réveiller, ce qu'ils vous faisaient était du chantage, votre vie contre leur volonté."

"Oui, j'en suis parfaitement consciente, mais d'un autre côté, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils m'ont sauvé deux fois la vie-"

"Tout comme nous, et deux fois après qu'ils vous aient mis mortellement en danger."

Et pourtant, la seule fois où je suis morte c'est à cause de la 'protectrice prophétique' que m'ont envoyées les princesses…. De toute façon, ça ne sert à rien de tergiverser là-dessus, si Scarlet est morte, ça fait une emmerdeuse de moins dans ma vie. Ile ne me reste plus qu'à espérer qu'après Fillydelphia, les princesses me laisseront tranquille et que je pourrais rentrer chez moi.

"Vous n'avez pas vraiment l'air concernée par ce que nous venons de vous dire," me fait remarquer Coltbaten.

"Je devrais ?"

"Est-ce que vous comprenez au moins votre implication dans tout ça ?"

"Quelle implication ? Si je fais le calcul, j'ai été dans le coma pendant à peu près deux mois, et complètement droguée pendant le mois suivant. J'ai perdu deux sabots, la moitié de mon visage et l'usage d'un œil. Donc non, excusez-moi de ne pas me sentir concernée. Je n'étais même pas consciente pendant les évènements."

Scribbe me regarde avec ses yeux vides puis se tourne vers Coltbaten, qui serre les dents. "Je n'arrive pas à croire ce que je suis en train d'entendre, est-ce que vous avez seulement entendu comment tout ça a commencé ?!" s'exclame la pégase.

"Je n'ai pas eu besoin de l'entendre, je l'ai vu, j'étais aux premières loges. Mais c'est tout, j'étais une spectatrice, et une victime, je n'ai rien à voir là-dedans."

"Alors comment vous expliquez votre présence à l'épicentre de tout ce bordel ?! Vous êtes entrée dans le poste avant que ça commence et en êtes sortie juste après que tout parte à vau-l'eau ! Et pour couronner le tout, les logs de votre implant sont quasiment illisibles ou manquants après ça ! Vous êtes le seul poney encore vivant qui sache ce qui s'est passé ce soir-là, alors oui, vous êtes plus qu'impliquée !" Elle ponctue son coup de gueule en plaquant ses sabots sur la table, faisant tomber le projecteur et la carte.

"Quoi ? Vous essayez d'insinuer que c'est de ma faute ?! Que c'est moi qui ai fait tout ça ?"

"Non ! Je ne sais pas ! Je ne sais même pas qui vous êtes, ce que vous racontez après l'attaque du poste ne correspond à rien."

Quoi, elle est encore bloquée là-dessus ? Comment je pourrais être quelqu'un d'autre que moi-même ? Je n'ai pas le temps de rétorquer, Scribbe se racle la gorge et lance un regard désapprobateur à la pégase, ce qui la coupe dans sa tirade.

Coltbaten se porte un sabot à la bouche, soupire et respire un grand coup. "J'étais en première ligne à Green Pasturges. Les princesses m'ont directement commissionnée pour faire partie du groupe de reconnaissance. Nous sommes arrivés deux semaines après l'insurrection. Ils avaient pris le temps de fortifier la ville, jusque là, nous étions parfaitement préparés. C'est lorsque nous sommes entrés que nous avons étés pris au dépourvu : partout dans les rues, il y avait des poneys figés sur place. La plupart d'entre eux étaient morts, certains pour des raisons évidentes étaient tombés au sol où ils pourrissaient, alors que d'autres tenaient encore debout, rongés par la vermine.

Mais nous étions uniquement là pour la reconnaissance, faire un état des lieux, repérer les positions stratégiques, enquêter sur ce qu'il s'était passé, nous ne sommes restés que deux jours. Le temps de mettre à jour nos cartes et de retracer les évènements depuis l'attaque. Accessoirement, nous devions découvrir ce qu'il vous était arrivé, à vous et Night Stalker. Nous avons repéré le QG des Me et l'avons pris d'assaut. Nous n'étions pas assez nombreux ni assez équipés pour un assaut prolongé. Nous les avons repoussés jusqu'au fond de leur bunker où ils ont fini par se barricader. C'est dans ce bunker que nous vous avons trouvé. Guère en meilleur état que les corps en décomposition dans les rues. La moitié du visage en lambeaux, couvert par des linges pour limiter le risque d'infection, les deux jambes arrière brûlées et fracturées." A l'entendre, je sens la douleur revenir et chacun des pores de mon visage s'enflammer. Les sabots tremblants, je sors un cachet de la petite boîte dans l'une de nos sacoches et l'avale. "Un miracle qu'ils aient réussi à vous maintenir en vie aussi longtemps.

Quant aux Me, nous leur avons laissé l'occasion de se rendre, occasion qu'ils n'ont pas prise, nous comptions les gazer pour les forcer à sortir et les capturer. Mais au lieu de ça…" son visage se tend, celui de Scribbe reste complètement impassible. "Ils sont restés, nous les avons entendu s'étouffer et agoniser pendant plusieurs minutes, tout en nous empêchant d'entrer pour aller à leur secours, ils sont allés jusqu'à barricader la porte avec leur corps," dit-elle la voix légèrement tremblante. Nous vous avons récupérée, ils avaient pris soin de détruire la majorité de leurs documents, nous sommes partis avec le peu qui était récupérable et les avons laissé sur place.

Trois jours plus tard, j'étais de retour à la tête de ma flotte, l'armée attendait en bordure de la ville tandis que nous bombardions toutes les positions que nous avions repérées. Nous étions assez haut pour éviter les attaques en provenance du sol, mais pas assez pour ne pas voir tous les corps laissés à l'abandon disparaître sous les tapis de bombes.

Nous n'avions reçu qu'un ordre précis, anéantir les Me, coûte que coûte. Pendant des heures nous avons lâché bombes après bombes. La poussière n'était même pas retombée lorsque les troupes au sol ont lancé l'assaut, nous avons continué à les appuyer jusqu'au soir, après que les derniers résistants se soient rendus.

Les combats ont encore duré quelques jours, il y a bien encore eu de petites escarmouches avec le peu d'insurgés qui avaient réussi à se cacher. Après ça, ma flotte a été chargée de servir d'appui feu dans le reste de la région puis au soutien logistique. Je n'ai remis les sabots à Green Pasturges qu'une semaine après la reprise de la ville. C'était un charnier. Des morceaux de corps partout, il y avait des civils près des zones de bombardement, certains étaient encore en vie dans les décombres.

Il y avait tellement de corps que nous ne pouvions même pas les enterrés, les conditions sanitaires de la ville étaient telles que nous avons dû tout brûler."

Elle tremble presque entièrement maintenant, ses yeux, d'habitudes froids, déversent toute leur haine sur moi. "Vous avez déjà vu la tête d'un poney après qu'il soit mort asphyxié ? Les veines de son visage éclatées, ses yeux exorbités, l'écume…." Je lève les yeux au ciel, elle veut vraiment jouer à ça ? Avec moi ?

"Et tous ces corps, l'odeur, ces poneys en décomposition encore debout, leurs restes après les bombardements, les charniers… Je ne suis pas entrée dans l'armée pour ça, pas pour détruire et tuer ceux que j'ai juré de protéger. Les poneys ne tuent pas."

Oh, ça y'est, elle a terminé ? "Je suis sûre que ça a du être très dur pour vous…" j'essaye de me retenir pour ne pas grogner. Non, je n'ai peut être jamais vu un poney s'asphyxier, mais le court voyage à travers Green Pasturges a suffit pour que je vois certains de ces restes, pour que les respire et que je me trouve couverte de leurs cendres. Pas étonnant que j'aie encore ce sale arrière goût dans la bouche. Mais j'ai vu pire, j'ai vu un monde mourir, non, j'en ai vu deux, et je suis morte avec eux. Ce n'étaient peut-être que des rêves mais je sais ce que j'ai ressenti… Que ce soit là bas ou ici…

"Vous vous êtes déjà prise une bombe dans la figure ? On vous a déjà trifouillé le cerveau pendant qu'on vous faisait la conversation ? Ou peut être que vous avez vous-même dû vivre dans un corps en putréfaction pour que finalement celui-ci s'éteigne… Mais que dis-je ,ce sont des broutilles , je devrais vraiment arrêter de me plaindre, imaginez si vous aviez été violée, qu'une deuxième bombe vous explosait à la figure en pulvérisant le poney qui essayait de vous aider, voire des dizaines de vies disparaître sous vos yeux en l'espace d'un instant. Ils vous regardent, étonnés, déboussolés, et la seconde suivante, ils ne sont plus là, il n'y a plus que de la poussière. Non ! Attendez, j'ai mieux ! Vous vous êtes faite tabasser, arracher le visage et casser les deux pattes arrière pour détruire la putain de machine que les princesses vous ont demandé de détruire, alors qu'elles n'en connaissaient même pas l'existence ! Tout ça pour que la première jument bien habillée ayant vue une poignée de poneys mourir à plus de cent mètres du sol vous accuse d'avoir détruit la moitié du pays !!! De rien !!! Vous avez dû vivre ces dernières semaines bien plus difficilement que moi, j'en suis certaine !" Quelle connasse !

Je bous tellement que presque sans m'en rendre compte, j'avale un autre cachet. Je sens ma tête exploser sous un feu d'artifice, je m'entends gémir de plaisir lorsque mon sang se transforme en coton. Oh oui…. C'est de ça que j'ai besoin… c'est nettement moins puissant que ce qu'ils me donnaient à l'hôpital, mais ça me permet d'oublier un instant où nous nous trouvons. Avec le glissement du train dans le vide, j'ai vraiment l'impression de voler. Mais ça reste de la sacrée daube, je sens déjà les effets s'estomper pour ne plus laisser que l'antidouleur agir. Je m'apprête à en reprendre un autre, mais quelque chose m'en empêche.

Coltbaten me regarde avec un mélange de choc et de colère. La brume s'évapore rapidement et mon œil se concentre sur mes sabots, retenus par une aura blanche. Le regard de Scribbe, lui en revanche ne laisse aucun doute, je l'ai déjà vu à plusieurs reprises, de la désapprobation.

"Est-ce que… Est-ce qu'elle vient vraiment de faire ce qu'elle vient de faire ?" balbutie Coltbaten, encore sous l'effet de la surprise.

Surprise que je ne tarde pas à partager lorsque son sabot vient s'écraser dans un claquement sonore contre la partie plastifiée de mon visage. "Vous êtes complètement inconsciente !" crie-t-elle. "Vous voulez faire une overdose ? Vous pourriez mourir !"

Je ne ressens presque pas la douleur, le médicament fait plus que son effet et le plastique a l'avantage d'être moins sensible que les os. Ça a l'air tellement irréel, j'en viens à me demander si je suis vraiment ici. Rien n'a de sens. Rien de tout ça ne devrait exister. Il ne devrait pas y avoir de jolie petite ville de montagne puant la mort et couverte des cendres de ses habitants, sous le regard médusé d'une armée en surnombre ou de démolisseurs au regard médusé qui ne semblent même pas affectés. Je ne devrais pas avoir à porter la responsabilité de tout ça. Je ne devrais même pas être mêlée à ça, je n'aurais pas dû avoir à vivre tout ça… Ma poche de poison me manque tellement…

Non, qu'est-ce que je dis, je ne devrais pas y penser, c'est ma vie d'avant qui devrait me manquer, mais elle me semble si lointaine, et ce train va si vite, je ne suis pas prête de la rattraper. Mourir… j'ai déjà essayé. Est-ce que je serai libérée maintenant que je n'ai plus mon implant, ou est-ce que Nightmare Moon reviendrait me tourmenter ? Ah… mourir, c'est comme dormir sans se réveiller, pas vrai ? J'aime dormir… Le geste est presque mécanique, j'essaye de tendre le sabot pour reprendre un cachet.

Un nouveau coup de sabot au visage me ramène furtivement à mes sens, c'est vrai que mes sabots sont toujours prisonniers de l'aura de la licorne. Est-ce que c'est moi ou il fait chaud ? J'entends des bruits, des murmures, des voix étouffées, je ne comprends pas leur sens, parfois j'ouvre l'œil et je vois des formes. La sueur perle sur mon visage, mes sabots se mettent à trembler et je m'effondre sur la banquette.

Je continue de flotter à la vitesse du son, Equestria défile derrière un écran opaque, une pégase rose fait tomber la pluie qui vient me rincer le visage. J'ai envie de vomir, mais je suis trop fatiguée pour ça. Quelque chose se colle à mes lèvres et je me sens gonfler, je suis une montgolfière, je m'envole un peu plus. Ma poitrine s'écrase et tout mon air chaud s'échappe, je retombe vers cette masse grise à moitié décomposée, mi-poney, mi-résine, mi-plastique. Oui, ça fait trois moitiés mais je divague, et, hmm… Encore ce contact chaud et humide contre mes lèvres… Je me rappelle comment ça a commencé…

Oui, c'était aussi doux, un peu violent aussi. Lorsque j'avais ouvert les yeux, elle était là, la jument noire, elle m'avait emporté et elle devait me protéger… est-ce que si j'ouvre les yeux maintenant elle sera de retour ? Est-ce qu'elle me ramènera chez moi ? Est-ce qu'elle prendra soin de moi ?

Je suis si fatiguée… le train continue de défiler, le paysage vert disparaît peu à peu pour foncer vers une brume épaisse jaunâtre. Il neige, et il pleut, de la cendre et des morceaux de poneys. J'ai presque l'impression que c'est un temps normal. En regardant par la fenêtre, je peux voir les squelettes de Canterlot au loin, le peu de soleil qui traverse le nuage transforme leurs ombres en un rictus mauvais. Mais je les laisse rapidement derrière moi pour Ponyville. Elle n'a pas fière allure, les saules pleureurs ont versé leurs dernières larmes, les pavés sont abîmés et rendent le sol impraticable, pourtant je reconnais ce quartier à travers la poussière. Devant moi se dresse une longue barre d'immeuble gris, je me sens chez moi, un poney m'attend à l'entrée, je ne distingue qu'une grande silhouette ailée, mais je sais que qui que soit ce poney, il est là pour moi.

La silhouette s'approche de moi et colle ses lèvres aux miennes.

J'ouvre les yeux, mon œil droit entre directement en contact avec une marre sombre dans laquelle je pourrais me noyer si la surprise et l'adrénaline n'enflammaient pas mes veines. Je donne un grand coup de mes quatre sabots et envoie voler le poney au dessus de moi. Hum… cette scène me semble familière.

Coltbaten se relève, échevelée, et s'essuie la bouche d'un revers de la patte. Scribbe est effondrée sur sa banquette, semblant dormir. Le rush d'adrénaline s'estompe et je reprends finalement mes esprits. La lumière tamisée du wagon continue de flasher régulièrement et silencieusement à travers les rideaux pendant que nous filons vers Fillydelphia.

Je suis trempée, Coltbaten aussi apparemment. Je regarde à mes sabots, non, je n'ai pas vomi. Ces prothèses en résine sont vraiment pratiques, je n'ai ni senti le coup partir, ni l'impact lorsque j'ai réussi à la repousser. Je pense que je pourrais m'y faire plus rapidement que je ne le pensais. Maintenant, reste à savoir pourquoi elle était allongée sur moi… à m'embrasser… nue… Elle ne porte plus sa veste qui est restée sur sa banquette.

"Vous n'êtes pas croyable…" finit par dire la pégase. "Lire vos logs est une chose, vivre l'expérience Free Will en personne, c'est une toute autre expérience… vous êtes complètement folle…" Elle avance lentement et vient s'asseoir à côté de moi, sur ma banquette, le regard vide, porté au loin.

Le silence dure comme ça pendant un moment. Scribbe continue de dormir sans faire le moindre bruit. Finalement, Coltbaten prend une grande inspiration et se tourne vers moi. "Je n'ai pas été totalement honnête." Et je n'ai aucune idée de pourquoi elle dit ça. Son regard d'habitude dur semble complètement perdu. "Je n'ai pas 'lu' vos logs au sens propre du terme. Je… je préfère cent fois les horreurs que j'ai pu voir de mes yeux à Green Pasturges que…" Elle prend une nouvelle inspiration. "Savez-vous que les princesses ont du avoir un accès direct à votre implant pour en lire les données ? Ça ne devrait pas être si étonnant que ça au final." Elle marmonne la dernière phrase. "Avant de me renvoyer à Green Pasturges, elles ont insisté pour que je… partage votre experience…"

Oh… je sens où ça va finir, encore de la pitié…

"Savez-vous pourquoi l'endoctrinement existe ?" me demande-t-elle.

"Vous voulez la réponse courte ou la réponse longue ?" je lui réponds platement.

"Je suis une upper, je l'ai toujours été. La liberté dont nous jouissons est une illusion. Il y a ce mur au fond de notre esprit, quoi que nous fassions, nous nous y heurtons tous les jours, certains se persuadent qu'ils ont appris à le dompter, à vivre avec, mais ce sont des mensonges, ils se voilent simplement la face, font semblant de l'ignorer… Beaucoup pensent que nous serions bien mieux sans ce mur, si nous étions entièrement libéré de l'endoctrinement. Pas nécessairement pour les bonnes raisons, voire même le plus souvent pour les raisons qui justement justifient l'endoctrinement.

Même si j'en ai toujours compris l'utilité, j'ai toujours vu l'endoctrinement comme les murs d'une prison, auquel on aurait oublié d'ajouter les barreaux. Ce qui n'est pas plus mal, c'est ce qui m'a permis de ne jamais penser à ce qu'il pouvait y avoir au-delà de ce mur.

Mais vous… vous êtes une chose de laquelle nous protège l'endoctrinement… votre esprit a beau être libre de toutes contraintes, vous êtes… j'ai eu l'occasion de revivre toutes les horreurs que vous avez vécue depuis Apple Tech. Mais… rien de tout ça ne permet de justifier qui vous êtes. J'avais peur, mais je suis allée fouiller plus loin, la liberté dont vous jouissez a fait de vous un monstre.

Vous êtes sombre, rien en vous n'inspire l'harmonie, qu'elle soit induite ou naturelle… Vous prenez la liberté qui vous est offerte et vous la tordez, vous la pliez dans tous les sens au point qu'il n'en reste plus qu'une masse difforme et répugnante… Savez-vous de quelle couleur est votre aura sur les lunettes ?" Elle ne me laisse pas le temps de répondre. "Noire, elle est aussi noire que votre esprit, mais pas un simple noir, un noir malade, repoussant. Vous ne m'inspirez pas la pitié mais le dégoût. Dans un certain sens, j'ai l'impression que vous méritez ce qui vous arrive… Et le pire dans tout ça… c'est que j'ai l'impression que vous en êtes consciente, mais plutôt que de vous battre, rendre les choses meilleures, vous vous contentez d'accepter…

Vous continuez de tout absorber, de tout mélanger dans votre esprit malade, d'agrandir cette masse difforme qui vous écrase… Si c'est ça la liberté qu'offre le MAI, alors je suis contente que l'endoctrinement existe, et je regrette d'avoir un jour pu effleurer ce qu'il y avait de l'autre côté du mur."

Sur ces derniers mots, elle se tait et son regard redevient distant.

Je n'ai pas vraiment compris à quoi servait ce monologue si ce n'est faire passer le temps. Si elle voulait m'apprendre quelque chose, c'est raté. Après tout, ne suis-je pas le poney du jugement dernier, n'est-il pas normal que je sois aussi sombre et monstrueuse ? Non, il faut que j'arrête avec ces conneries, je vais finir par me convaincre que ces prophéties à la con existent.

Je ne sais même pas quoi répondre. Faut-il seulement que je réponde ? Moi-même suis d'accord avec elle, l'endoctrinement a ses raisons d'être, et personne ne devrait y échapper, pas plus les uppers que les lowcasts. Ou encore moi. Pourtant, je reste fière de n'entrer dans aucun des moules, ça prouve que je suis moi, je ne suis pas ces millions de poneys formatés, je suis juste Free Will. Un poney différent, et qui souhaitait vivre une vie tranquille.

Je n'ai demandé à personne qu'on vienne me chercher et me mettre entre les sabots de 'poneys' sociopathes ou traumatisés par leurs propres actions. Me tenir responsable pour toutes ces morts est irrationnel. Je ne pourrais même pas faire de mal à une mouche, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. La seule chose à laquelle je sois bonne, c'est de faire voler des pégases lorsqu'elles ont leur bouche collée à la mienne.

"Tout ça pour dire," reprend-elle tout de même,"Je suis convaincue que les princesses ont fait une erreur en vous confiant une telle responsabilité." Au moins une chose sur laquelle nous sommes d'accord. "Et pour bien des raisons, mais il n'appartient qu'à vous de me donner tort."

Pour qui est-ce qu'elle se prend ? "Je n'ai rien à vous prouver."

"Non." Dit-elle en se tournant vers moi, elle plonge ses yeux dans le mien. "Mais c'est à vous seule qu'il appartient de trouver la lumière. Il n'appartient qu'à vous de choisir votre destinée."

Je la regarde en haussant un sourcil. "Quoi, qu'est-ce qui est arrivé à la jument dévastatrice de mondes qui doit vous obéir au… sabot et à l'œil…" je ne sais pas pourquoi, mais cette expression me fait bizarre maintenant.

La jument semble se reprendre et l'espèce de détresse qui semblait habiter son regard s'évanouit pour redevenir sérieux et réfléchit. "Monstre ou pas monstre, les princesses vous ont placée sous ma protection, j'ai vu assez de poneys mourir, alors je vous ordonne de vivre et de réussir dans la tâche qui vous a été confiée. Vous êtes la seule à en avoir la capacité, que vous le vouliez ou non. J'ignore ce qui nous attends réellement à l'autre bout du tunnel, mais nous nous devons d'y parvenir."

J'aurais honte à sa place, en prononçant ces mots, mais je suppose que c'est mieux que de la pitié. Je n'aime pas vraiment les ordres, mais c'est plus facile de les suivre que d'agir de ma propre initiative. Je me contente de hocher la tête. J'ai l'impression de sourire, mais ce doit être sous l'effet de la drogue. Coltbaten aussi sourit… et ça fait peur.

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Note de l'auteur

Merci à Kawete pour la relecture.
Et une petite pensée pour Py7thon qui était le premier relecteur de l'histoire.

Chapitre précédent Chapitre suivant

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

AuRon
AuRon : #47858
Dans ce cas, ayons une pensée pour lui.

Merci de poursuivre, suivre Free Will m'a véritablement manqué.
Il y a 7 mois · Répondre

Nouveau message privé