Une odeur de sciure et de colle à bois flottait en permanence dans l'atelier. Twilight ne trouvait pas ça très agréable, mais les autres détenues ne semblaient pas s'en plaindre. Une dizaine de filles allaient des machines aux tables de travail, dans un ballet ininterrompu. Twilight devait avouer que c'était intéressant de voir en direct un meuble se construire, de la conception au poste informatique, à sa création physique.
L'essentiel des détenues n'avait pas cette curiosité intellectuelle. Elles étaient là parce que travailler à l'atelier leur rapportait un peu d'argent, et surtout, ça occupait leurs journées. L'une d'entre elles avait confié à Twilight que tant qu'elles étaient dans cette salle, elle n'était pas vraiment en prison, mais dans une entreprise comme une autre, et que ça lui donnait la force de tenir un jour de plus. L'universitaire n'était pas certaine d'avoir la même vision, mais elle imaginait que ça devait se rapprocher de sa soif de trouver des cours quand elle avait été incarcérée. Ce besoin de retrouver un terrain familier.
Dans l'absolu, Twilight n'avait pas besoin d'être ici. Elle avait assez d'argent sur son compte au magasin, et le travail manuel ne l'avait jamais passionnée. Mais depuis qu'Ember s'était faite jeter en isolement, Twilight avait senti le besoin de se rapprocher de ses amies, ne serait-ce que par prudence. Et si Massala préférait régulièrement aider en cuisine, Heartstrings elle, était de tous les ateliers manuels. Moins pour gagner quelques bits que pour ne pas mourir d'ennui, disait-elle à Twilight.
C'était amusant de voir à quel point l'irlandaise pouvait être si lunaire à table, et si concentrée quand elle travaillait à l'atelier. Ses mains pâles couraient sur le bois avec précision, et ses coupes étaient parfaites à chaque fois. C'était bien loin du travail de souillon qu'avait fait Twilight quand il avait fallu découper sa première planche. Heartstrings l'avait rassurée en lui disant qu'au début, tout le monde était nul ici, et avait gentiment expédié le morceau de bois sur le tas de rebuts.
Les commandes venaient des quatre coins de l'Etat, surtout des petites et moyennes entreprises qui voyaient dans le pénitencier fédéral une main-d'oeuvre bon marchée. Plus rarement, lui avait expliqué Heartstrings, elles travaillaient aussi pour des particuliers, comme cette famille de fermiers qui ne parvenait pas à garder sa grange debout plus d'un hiver.
Il y avait toute une économie liée au monde des prisons, et ça ne concernait pas que les trafics de drogue de Pie. Légalement aussi, le monde pénitencier brassait de fortes sommes.
La journée de travail touchait à sa fin. Par la fenêtre de l'atelier, on voyait le ciel se nimber d'orange et de rouge. Twilight se surprit, peut-être pour la première fois, à ne pas calculer encore combien de fois elle devait voir le soleil se coucher pour être libérée. Est-ce que ça voulait dire qu'elle se faisait à la prison ? Ou justement qu'elle commençait à perdre pied ?
_Encore une bonne journée de faite ! dit Heartstrings, déposant ses outils dans l'armoire de rangement.
Sur le côté, un gardien avec un bloc cochait des formulaires, et s'assurait qu'aucune détenue n'emporte un outil hors de la pièce.
_Tu vois, c'était pas si terrible, la rassura l'albinos, brossant un peu de sciure hors ses cheveux blancs.
_Je pense quand même que je ferais pas menuiserie en sortant d'ici, tempéra Twilight d'un sourire.
_Nan, bien sûr que non. Comme nous toutes, tu sors d'ici et tu mets à profit ce que t'as appris ici pour dévaliser une banque.
Le maton lui jeta un regard noir, du genre “sérieusement ?”.
_Je blague, chef, se défendit l'irlandaise en faisant un clin d'oeil. C'est évident que Sparkle ira voler des déchets nucléaires. C'est plus dans son domaine.
C'était si absurde que le gardien esquissa une ombre de sourire. Il cocha quelques lignes sur son bloc, et fit signe aux deux détenues de circuler.
Heartstrings quitta la pièce la première, Twilight sur les talons.
_Tu sais, lui-dit elle par dessus son épaule, j'ai entendu parler d'une autre prison par des filles qui y étaient, elles m'ont dit qu'elles bossaient à l'extérieur. Bon, rien de fou, du genre ramasser les déchets en ville, ou planter des arbustes, mais au moins, elles étaient dehors pendant le temps de travail.
Twilight se voyait mal en train de jardiner, ou de nettoyer une rue, mais elle pouvait comprendre l'attrait que devait avoir un paysage sans barreaux.
Le repas se passa bien, et pour une fois, Massala et Heartstrings évitèrent leurs débats interminables. C'était reposant. Même le dîner, composé de riz sauté était plus agréable que d'ordinaire. Twilight se permit même de finir l'assiette de Massala, qui n'avait plus faim.
Twilight bâillait agréablement en cheminant vers sa cellule pour la soirée. La journée avait été fatigante et bien remplie. Sans nul doute qu'elle dormirait bien cette nui...un voile noir lui tomba brusquement sur le visage.
Avant qu'elle ne comprenne quoi que ce soit, elle se sentit soulevée par le creux des bras, et tirée par les jambes sans autre forme de procès.
Twilight essaya de se débattre, de donner des coups de pieds, mais elle ne sentit que du vide au bout de ses chaussures de sécurité. Ses mains, désespérées, essayaient de s'accrocher à tout ce qu'elles pouvaient, et se refermèrent brièvement sur quelque chose au mur, peut-être le bord d'une fenêtre. A peine ses doigts s'étaient-ils refermés qu'on les décrochetaient de force. Twilight voulut hurler, mais le tissu lui donnait l'impression de se coller à ses narines et à sa bouche, et à la faire suffoquer.
Il lui semblait bien voir une silhouette de l'autre côté de la cagoule, mais elle n'arrivait pas à réfléchir correctement pour l'identifier. Son esprit s’emballait comme un cheval lancé au galop. Qu'est-ce qu'ils allaient lui faire ? La conduire derrière la prison pour lui coller une balle dans la tête, puis pousser son corps encore chaud dans une fosse commune ? Lui balancer de l'eau sur la tête pour faire croire à son cerveau qu'elle se noyait ?
Elle voulut faire quelques exercices de respiration pour se calmer, mais elle était trop terrifiée pour ça. Elle aspirait davantage de tissu que d'air, et mouillait la cagoule de salive.
Un bruit de portes qu'on ouvre et Twilight fut jetée au sol sans ménagement. Le béton, dur et froid lui écorcha les coudes, mais au moins elle retrouvait son sens de gravité.
Elle arracha la cagoule, hoquetant de surprise devant ce qu'elle avait sous les yeux.
Une vingtaine de prisonnières, assises sur les bancs de la cour de sport, se partageaient cigarettes et bouteilles en plastique dans lesquelles moussait un liquide vert.
La nuit tombait et les ombres des paniers de basket s'allongeaient sur le sol peint de bleu. Twilight tourna la tête, pas si étonnée de voir quelques détenues, poings sur les hanches, sourire aux lèvres.
_Pourquoi vous m'avez trainée là ? lança l'universitaire à celles qui l’avaient déplacée, s'essuyant la bouche du dos de la main.
Les filles ne répondirent pas, se bornant à rejoindre les bancs et une bouteille qu'on leur tendait.
_Pour le match, lança une voix derrière Twilight.
Cette dernière eut à peine le temps de se retourner qu'une douleur aiguë lui saisit le dos, la forçant à faire quelques pas en avant. Derrière elle, Glimmer s'était mise en position de combat, garde haute, prête à parer toute contre-attaque.
Twilight la regarda sans comprendre. Le match ?
Glimmer profita de l'indécision de l'universitaire pour attaquer à nouveau, son poing fendit l'air, frappant Twilight à la tempe. Le coup fit instantanément pulser de l'adrénaline dans son corps, et sans tout à fait réaliser, la fit aussi se mettre en position de garde.
Sur les bancs, les filles criaient des obscénités, ou encourageaient Glimmer.
Ca n'avait pas de sens, martelait une petite voix dans la tête de Twilight. Depuis l'incident des douches, Glimmer et elle ne s'aimaient pas beaucoup, d'accord, mais de là à se battre ?
Elles s'ignoraient la plupart du temps, mais c'était justement parce que Twilight en avait appris davantage, et avait voulu éviter de faire trop de vagues : Glimmer était une révolutionnaire, le genre d'esprit romantique qui aurait été tout à fait à sa place sur une barricade ouvrière pour y mourir en hissant un drapeau rouge, mais qui était née un siècle trop tard.
Ca ne l'avait pas empêchée de rejoindre une cellule d'activistes d'extrême-gauche, qui ciblait les grands groupes et les multinationales, responsables d'après elle, de tous les malheurs du monde. Les choses avaient dérapé quand Glimmer et ses compagnons de lutte avaient pris en otage la famille du PDG d'un groupe pétrochimique, et avaient exécuté leurs prisonniers dans la panique de l'assaut policier. D'après les rumeurs, seule Glimmer ne s'était pas repentie à son procès, à tel point qu'à son arrivée à Tartarus, elle aurait même essayé de relancer une pseudo-cellule révolutionnaire de détenues.
L'échec patent de cette action n'avait jamais fait que la pousser dans ses retranchements, et à lui faire considérer toute personne qu'elle prenait en grippe – comme par exemple Twilight- comme suppôt de la bourgeoisie.
L'universitaire avait cru que leur conflit resterait verbal. Elle se trompait lourdement.
L'anarchiste expédia un direct, que l'universitaire, par pur réflexe, dévia en frappant son poignet. La main de Glimmer frôla ses cheveux méchés.
_Tête d'Ampoule se réveille, c'est bien ! cria quelqu'un sur les bancs.
Une hypothèse commença à prendre forme. C'était un coup de Dash. Dash avait manigancé tout ça. Des détenues ne pouvaient pas se trouver dehors sans surveillance sans le concours des matons. Encore moins pour se battre sous l'oeil des miradors.
La physicienne déglutit. Elle n'avait jamais vraiment été confrontée à la violence physique. Si à l'école, ça c'était parfois mal passé avec certaines filles, c'était jamais que des sales rumeurs, ou des petits coups de pression. A l'université, tout ça c'était tassé, et Twilight avait passé le reste de sa vie dans un univers sécurisé, où la violence n'existait plus que dans le prisme des actualités.
Même ici, à Tartarus, elle avait été témoin de violence, pas sa victime. Elle regrettait sincèrement de ne pas avoir demandé quelques trucs de self-defense à Ember.
Glimmer se fendit, forçant Twilight à baisser la garde. La seconde d'après, les crampons de la chaussure de son adversaire lui mordaient l'épaule. Par réfléxe, Twilight y porta la main, libérant son visage qui fut la cible de la prochaine attaque de Glimmer. Un coup droit, en plein dans le nez. Avec le choc et la douleur, Twilight entendit un « clac » , et sentit quelque chose de mouillé couler sur le bas de son visage, et sur sa combinaison.
Se voir saigner alluma quelque chose dans les tripes de l'universitaire. Elle se sentit envahie par la colère, une volonté implacable de taper, de détruire. Et d'anéantir Glimmer.
Elle se jeta sur son adversaire avec une vigueur qui les surprit toutes les deux. Emportée par son élan, elle bascula sur l'anarchiste, qui se retrouva dos au sol. Twilight la roua de coups, frappant partout où elle pouvait, sur les bras, au ventre, visant le visage. Glimmer encaissait sans rien dire. Sur les bancs, les sifflets d'encouragement venaient de celles qui avaient visiblement parié sur l'outsider.
Twilight se sentit fatiguée, mais elle refusait de ralentir. La meilleure défense c'était l'attaque, et tant qu'elle dominait Glimmer, l'anarchiste ne pouvait pas lui faire du ma...
Une double détonation, comme des pétards qui explosaient sous son crâne. Glimmer venait de lui administrer une paire de claques en plein sur les oreilles.
Twilight se sentit perdre l'équilibre, victime de nausée. Comment est-ce qu'elle pouvait...
Nouvelle douleur, à la poitrine. L'anarchiste venait de frapper son sein droit. Twilight se sentit devenir bloc de sel, trop occupée à avoir mal pour penser à quoi que ce soit d'autre.
Elle avait tellement mal qu'elle ne ressentit aucune douleur quand le genou de Glimmer la percuta en pleine tête, l'envoyant coucher au sol.
Bouche en O, son propre sang qui lui coulait dessus et qui lui revenait dans les yeux, la dernière image consciente qu'elle enregistra fut les crampons de son adversaire au-dessus de sa tête.
***
Elle ne vit que du noir quand elle se réveilla. Un noir tellement profond, qui si ce n'était son corps qui hurlait de douleur sur l'ensemble de son être, elle aurait pu croire avoir rêvé le combat contre Glimmer.
Elle s'était faite écraser. Il n'y avait pas d'autres termes pour qualifier une défaite pareille.
Elle laissa aller sa tête sur l'oreiller, surprise de se trouver dans un lit si confortable et essaya d'examiner les dégâts. Dans le noir, ce n'était pas facile de voir grand chose, mais certaines zones de son corps étaient bien plus sombres que d'autres. Elle aurait de gros hématomes, le plus important serait sans nul doute sur sa poitrine. Elle approcha un doigt de son nez, le sentant protégé sous un gros pansement, et grimaça quand elle le toucha.
Au calme, son cerveau se remettait à fonctionner, comprenant mieux comment Glimmer l'avait battue. En lui frappant les oreilles, l'anarchiste avait perturbé son oreille interne, et son équilibre. Il ne lui restait plus qu'à placer une attaque vicieuse – frapper les seins – pour mettre Twilight totalement hors d'état de nuire. Ou hors d'état de quoi que ce soit.
Ses yeux s'habituaient à l'obscurité. Son ouïe accrocha le rythme régulier d'une machine à proximité. Elle porta le regard dans cette direction, distinguant une forme allongée non loin d'elle, à côté d'une installation électronique qui luisait de vert dans les ténèbres.
Elle devait sûrement être à l'infirmerie. Bizarre qu'on l'ait conduite à cet endroit après lui avoir collé une dégelée pareille : elle se serait plutôt attendue à se trainer en sang jusqu'à sa cellule.
Une colère sourde continuait de gronder en elle. Dash ne s'en tirerait pas comme ça. Le pire, c'était que Twilight ne lui avait strictement rien fait. Elle se serait bien passé de surprendre sa petite conversation avec la psy.
Mais au moins c'était clair maintenant. Dash était irrécupérable. C'était une ennemie.
Twilight allait trouver un moyen de répliquer. Elle ne se laisserait pas traiter en paillasson sans réagir plus longtemps.
Cela dit pour l'instant, son corps pesait une tonne, devait être recouvert de bleus, et elle avait mal jusque dans le dernier de ses tendons. Elle n'était pas encore assez solide pour le match retour.
Elle se préparait à se rendormir pour reprendre des forces quand elle distingua une autre forme, beaucoup plus proche d'elle.
Alors qu'elle plissait les yeux, la lumière se fit d'un coup, et Twilight manqua de crier tellement elle avait eu peur.
Pie, affublée de la combinaison orange réglementaire, sur laquelle elle avait passé une robe de chambre bleue, constellée de Z majuscules, était paisiblement assise au bout de son lit, un sourire joyeux sur le visage.
_Ah t'es réveillée, super !
Le cœur encore battant, Twilight identifia les lieux. C'était bien l'infirmerie avec ses lits, et ses rideaux bleus. Si elle en croyait les aiguilles de l'horloge murale, il devait être trois heures, que Twilight supposa du matin, à cause de la tenue de Pie. Quoique la psychopathe serait sûrement capable de porter un pyjama en pleine journée.
Pie s'était rapprochée, avançant sur les couvertures avec la souplesse d'un chat, examinant Twilight sous toutes les coutures. Comment est-ce qu'elle faisait pour ne rien peser du tout ? Elle lui marchait à moitié dessus !
_Bah ma vieille, dit la fille aux cheveux teints au bout de quelques secondes, elle t'a pas loupée. T'as du bol qu'une de mes filles m'a fait avertir que tu t'étais retrouvée dans les cercles de combat. Elle a pris sur elle de te faire transférer discretos à l'infirmerie, histoire que tu te réveilles pas trop avec des bleus sur la tronche. Après, tu sais quand même que le principe d'un combat, c'est de foutre sa branlée à l'autre pendant que toi, tu prends le moins de coups possible, hein ?
Twilight maugréa. La seule chose dont elle avait besoin après s'être faite tabasser, c'était les truismes de la caïd de la prison, même si elle pouvait lui être reconnaissante de ne pas l'avoir laissée saigner sur le béton de la cour.
_Qu'est-ce que tu me veux, Pie ?
La fille aux cheveux roses prit l'air navré, main sur le cœur, tête rentrée dans les épaules.
_Oh, désolée. Je ne voulais pas m'imposer, c'est pas mon style du tout, Sparkle, mais peut-être, sans vouloir te brusquer, juste si tu es d'accord, hein, OU ON EN EST AVEC MON PUTAIN DE CARNET !
Pie avait fini son cri en exhibant un scalpel, dont la pointe n'était qu'à quelques centimètres des yeux de Twilight.
L'universitaire aurait sans doute dû être terrifiée, mais après son passage à tabac, curieusement, elle voyait les choses différemment.
Pie lui semblait presque amicale, même si tout était dans le presque. Les mots de Fluttershy, qui jurait que la psychopathe n'attaquait pas gratuitement, résonnaient dans sa tête.
Twilight savait très bien que si elle répondait, elle mettait le doigt dans un engrenage dangereux. Mais se taire maintenant ne lui apporterait aucun autre bénéfice que se faire crever un oeil. Perdu pour perdu, autant sauter dans le gradn bain.
_Il est dans ma cellule, dit Twilight après avoir dégluti. Et j'ai trouvé un souci avec...
Elle jeta un œil autour d'elles.
_Tu es sûre que tu veux qu'on parle de ça ouvertement ?
_Si je peux entrer ici à trois heures du mat', Sparkle, je peux aussi demander à ce que l'infirmière de garde aille se cherche un café avec beaucoup de sucre dans la salle commune. Parle.
_Ta colonne des acides, répondit Twilight, faisant un effort pour se remémorer le contenu du carnet. Y a un souci, les gains ne correspondent pas aux profits attendus.
_Ca, ça peut arriver. C'est un commerce comme un autre, y a certains mois où on a moins de clients.
_Même en prenant en compte la marge d'erreur, précisa Twilight. T'as dix ou douze pour cent qui devraient rentrer et qui y sont pas. On a pas ce souci sur tes autres...
L'universitaire chercha ses mots.
_produits. Ton ancienne comptable avait relevé le même écart, toujours sur les acides, ces derniers mois. Elle avait noté en marge de t'avertir si l'écart se creusait, et j'ai l'impression que c'est parti pour durer. Si ça continue dans les mêmes proportions, tu seras à quinze pour cent de moins à la fin de l'année. Je pense que ta vendeuse empoche la différence pour elle.
Pie plissa les yeux.
_Bon.
La lame se rapprocha encore de ses yeux.
_Tout ça c'est...
Twilight aurait pu jurer toucher la pointe du couteau avec ses cils.
_Génial !
Le visage de Pie s'était éclairé, et elle ouvrait les bras de joie, manquant de couper quelque chose sur le visage de Twilight avec son couteau, tant ses gestes étaient larges et enthousiastes.
_Je saaaaavais que t'étais la fille qu'il me fallait, tête d'oeuf, dit-elle amicalement en lui frottant le dessus du crâne. Et dire que si j'écoutais Zécora, on pétait les doigts de ta pote albinos demain.
_Vous alliez quoi ? s'étrangla Twilight.
_Oh tu sais, rien de méchant, un petit avertissement sans frais pour que t'oublies pas pour qui tu devais bosser. On aurait fait ça proprement, marteau sur les phalanges, vite fait, bien fait. Sinon moi à la base, je voulais débrancher miss campagne, mais après on aurait dit que je m'acharne, dit-elle en pointant quelque chose dans la chambre.
Twilight suivit du regard son index, hoquetant de surprise en découvrant que la forme allongée qu'elle avait perçue plus tôt n'était autre qu'Applejack, intubée et amaigrie, reliée à une impressionnante batterie médiale.
_Ouais, dit Pie dans un vague geste d'excuse, j'ai peut-être un peu abusé la troisième fois où je lui ai balancé la gueule contre le mur. Je pensais que les paysannes c'était plus solide. Le côté rustique, tu vois ce que je veux dire ?
Applejack était donc en vie. Mais en très sale état. L'espace d'un court instant, Twilight eut le drôle de sentiment que si elle avait continué à se dérober face à Pie, la criminelle n'aurait eu aucun remords à elle aussi, la réduire à l'état de légume humain.
_A propos de fille solide, reprit Pie, je vais demander à Zec de te filer quelques bases en baston. Faut que tu te dépêches de guérir et surtout de défoncer Glimmer dans les jours qui viennent.
Twilight leva un sourcil.
_Une de mes filles qui se fait rétamer par une nana qui est en prison parce qu'elle aime les arbres, c'est pas bon pour ma réputation, précisa la fille aux cheveux roses. On va penser que j'engage des baltringues, et si mes filles sont pas prises au sérieux, c’est la confiance dans la société qui s'effondre. Je veux pas avoir de soucis financiers.
Le terme de “société”, bah tiens. Pour peu, Pie se serait définie comme une chef d'entreprise comme les autres, pas différente d'une vendeuse de voitures ou de gâteaux. Elle allait parler cotation en bourse et stock-options, maintenant ? L'usage du possessif lui, n'accrocha pas tant que ça les oreilles de Twilight. Peut-être que la fatigue du combat l'empêchait de se concentrer tout à fait.
En tout cas, Twilight se retrouvait donc à travailler pour Pie. Pour de vrai. La marche arrière n'était plus possible. Alors, autant essayer de jouer de ce nouvel appui :
_Je veux sa peau, dit l'universitaire en avalant sa salive.
_A Glimmer ?
_A Dash, répondit Twilight avec haine.
Un blanc passa, temps pendant lequel un peu de surprise passa dans les yeux de la malfaitrice.
_Tu deviens véhémente, toi, gloussa Pie d'un air amusé.
Elle marqua une pause, semblant réfléchir au bien-fondé de l'opération.
_Tuer la gardienne en chef, c’est un gros morceau quand même. Ça risque de faire du boucan. Mais d’un autre côté, j’ai jamais craché sur les démonstrations de force. Je veux bien t'aider, mais ça va nous prendre du temps. Y doit y avoir un quart de la prison qui roule pour elle, le reste pour moi. Mais même si on est plus nombreuses, on fera pas les fières quand on va se pointer avec nos lames de rasoir, et qu'elles sortiront le fusil et les grenades. Tu vois ce que je veux dire ?
_On va réfléchir à un plan, à quelque chose de malin. Mais pour le moment, l'objectif c'est Glimmer.
_Ca c'est l'attitude des gagnantes ma pote ! la félicita Pie d'un amical coup à l'épaule. Elle va rien comprendre notre coco de service. Mais en attendant...
Twilight prit conscience d'un poids sur sa poitrine. Y portant les yeux, elle vit que Pie avait déposé le scalpel sur les couvertures.
_Kit de bienvenue dans la boîte. T'en fais pas, je l'avais en double, dit-elle avec un clin d’oeil.
Twilight écarquilla les yeux. Est-ce que Pie blaguait, ou est-ce qu’elle avait vraiment une collection d’armes blanches ? Pour le peu qu’elle connaissait la malfaitrice, ça ne lui semblait même pas si impossible. L’image baroque d’une Pie cachant une collection complète de poignards et de dagues dans sa cellule, ou même dans les pans de sa robe de chambre s’imposait bien trop facilement à Twilight.
Dans la pièce voisine, des pas retentirent. Pie se mordilla la lèvre.
_Je vais te laisser dormir un peu. Quand les toubibs te laisseront sortir, viens me voir dans ma cellule, d'accord ? On formalisera ce que tu auras à faire pour moi. Et oublie pas que je te dois ta paye pour ce premier travail. Essaye de voir ce qui te ferait plaisir.
_Je veux ma copine, répondit Twilight sans réfléchir.
Cette fois, ce fut au tour de Pie de lever le sourcil.
_Celle qui vient me voir au parloir, précisa l’universitaire. Je veux un moment avec elle. Sans vitre de séparation, ou de gardien.
_Hihi, gloussa Pie d'une voix enfantine, l'amour, hein ? Mais c'est d'accord Sparkle, certaines filles ici ont droit aux visites conjugales, ça sera pas bien compliqué de mettre ton nom sur la liste.
La fille aux cheveux roses n'avait pas tout à fait atteint la porte que la lumière se coupait, plongeant Twilight dans l'obscurité totale. Il n'y avait guère que les machines d'Applejack pour percer dans les ténèbres.
Le corps de Twilight lui faisait encore mal, mais son esprit était en ébullition.
Elle faisait peut-être une terrible erreur, mais il avait quelque chose de sûr et certain. Depuis le premier jour, elle s'était écrasée. Elle avait baissé la tête devant la violence de la prison, elle s'était tue devant les humiliations de Dash, elle s'était bornée à ignorer Glimmer. Tout ce qu'elle avait récolté en retour, c'était une raclée. Elle avait essayé de se faire petite souris pour survivre et tenir ici, et ça n'avait pas marché.
Il était temps de changer de méthode, et de devenir une lionne.
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C'est vrai ça. Méchant Speedangel. Hop, fic en fav, en coup de coeur, pouce bleu et achète mes produits sur Amazon. Hop, hop, hop, j'ai un train de vie à Mexico à maintenir, moi !
Et parier sur Twala on va dire que t'aimes prendre des risques : ça reste encore une nana des plus normale, qui s'est jamais cognée de sa vie, jetée en pâture face à des taulardes déter'. Tu peux gagner masse de sous hein, je dis pas, c'est possible. Mais je serais toi, je garderais un oeil sur le match retour.
Elle est toujours là quand tu dors, à te regarder. Merci pour l'oubli du tiret, camarade !
Le chapitre est même pas là depuis 12h qu'on me reclame déjà la suite :)
Dans le mois, normalement, peut-être plus rapidement si la Force est avec moi. Mais tel que je me connais, je vais garder mon rythme de croisière.
Tu feras attention, à "produits. Ton ancienne comptable avait relevé le même écart, toujours sur [...]", il manque le tiret pour marquer le dialogue ;)
Bonne continuation en tout cas !