CHAPITRE 15 - Discordant

- Facteur d’improbabilité à un contre un ! Normalité restaurée !

Zaphod faisait les cent pas. Ses sabots, ferrés par un alliage de fabulousium, produisaient des étincelles à chaque pas. « Pour l’amour de Zark, Eddie ! Nous ne pouvons pas ramasser chaque groupe de péquenauds que nous trouvons dans l’espace ! C’est usant, à force !

- Ça s’est plutôt bien passé la première fois, non, mon pote ?

Zaphod regarda les trois ponettes présentes avec lui sur le pont, et mit un peu trop longtemps à répondre à la question. « Je suppose, oui…

- On pourrait jeter un oeil à l’écran ? » Intervint Dash. « J'espère que c’est un genre d’alien bizarre. Comme un dragon, mais tout en feu ! Ou bien un monstre badass avec des tas de tentacules, ou bien un guerrier avec une armure complète ! Ça serait vraiment super génial !

- Bien sur, mon pote !

Un écran s’alluma, affichant une image des nouveaux invités. Il y eut un silence alors que chaque poney tentaient de comprendre ce qu’ils voyaient.

- Ohlavache !

- C’est eux !

- Merveilleux !

Zaphod les regarda, intrigué. « Vous… les connaissez ?

- Mon cher, ce sont, et bien, ceux qui se sont échappés d’Equestria avec nous ! Je ne peut pas croire que nous ne vous en ayons jamais parlé !

- Par Zark, non seulement on viens de ramasser pour la deuxième fois des poneys qui dérivaient dans l’espace, mais en plus vous les connaissez ?

Eddie coupa. « Non, mon pote ! On les a ramassés directement depuis la surface d’une planète ! C’est encore moins probable !

Zaphod porta son sabot sur sa tête. « Est-ce que ce genre de truc arrivera chaque fois qu’on allumera ce moteur ? Mon dieu, ça ne pourrait PAS être plus bizarre.

Cette observation était fort mal venue, car n'importe quel observateur extérieur sait bien que lorsqu’elle est énoncée, les choses ne font qu’empirer spectaculairement.

- Attendez… Est-ce bien celle à qui je pense ? » Zaphod s’approcha de l’écran et regarda de plus près la ponette rose qui sautillait en cercle avec allégresse. Il enleva ses lunettes de soleil Joo Janta 200 Super Chromatic Peril Sensitive (dont les verres virent au noir absolu au premier signe de trouble, afin d'empêcher le porteur de voir quoi que ce soit qui puisse l’alarmer), et scruta avec attention. « Je connaît cette frood-là !

- Vous… quoi ? » L’incrédulité remplaça la joie dans la voix de Rarity.

- Complètement folle, aime faire la fête, la capacité étrange de deviner l’avenir proche en ignorant les lois de la physique comme les petites règles pénibles qu’elles sont ?

- Oui…

- Ouais, c’est bien elle. Ok, je vais avoir besoin de plus d’olives. Et si elle ne FLIPPE pas carrément quand elle me verra, cool comme je suis, et bien je serais très déçu de moi-même !

***

Pinkie Pie sautait littéralement de joie. Son principal problème actuellement était que puisqu’elle avait l’habitude de sauter tout le temps, elle avait du mal à montrer à quel point elle était extatique. Elle était avec ses meilleures amies, en présence d’un vieux compagnon de beuverie perdu de vue, à bord du vaisseau le plus cher de l’univers capable de faire tout et n’importe quoi. C’était trop beau pour être vrai. Elle sautilla gaiement vers la porte la plus proche, se dirigeant par pur instinct.

- Ravi de m’ouvrir pour vous ! » Dit la porte alors qu’elle entrait en action.

- Merci !

- C’est un plaisir de m’ouvrir pour vous, et ma satisfaction de me refermer avec la certitude du travail bien fait !

- Merci !

Par mesure de concision, les petites conversations joyeuses avec la dizaine de portes qui suivirent ont été coupées de cette édition. Il suffit de signaler que le temps que nos poneys et notre dragonnet arrivent sur le pont, la surprise de voir les portes parler s’était nettement affadie, et tous sauf Pinkie en avaient assez d’entendre à quel point ils avaient illuminé leur vie d’humbles porte en passant à travers elles.

Dans un coin, au coeur du Coeur en Or, coulait un petit filet de liquide brun et doux.

Le pont était principalement occupé par Zaphod. Il était nonchalamment allongé sur le divan, sirotant une boisson comme si il n’avait que ça à faire.

Son effet fut légèrement gâché par une vague de cris exubérants et d’embrassades. Il est vraiment inutile d’essayer de décrire la joie simple d’amis enfin réunis. Il y avait des larmes de joie, des questions bredouillantes, des bribes de récits et de plus en plus de rires joyeux, aboutissant à un grand tas de poneys heureux vautrés sur le sol. Il fallut un certain temps avant que Zaphod n’estime quil pouvait intervenir sans donner l’impression de vouloir se faire remarquer. Il avait pris plusieurs verres entre temps, et ses deux têtes se sentaient un peu patraques.

« Hey, les gars, heureux que vous soyez à nouveau ensembles !

Dans le coin, invisible, le filet se changea en ruisseau.

Zaphod fut percuté par une force de la nature connue sous le nom de Pinkie Pie. « Les amis ? Je veux vous présenter mon vieux pote Zaphod !

Le câlin se déplaça rapidement sur le divan, où il engloutit un Zaphod protestant dans la convivialité générale.

Le filet se changea en torrent.

Une explosion. Une lumière fulgurante fit irruption depuis la salle des machines, qui se replia sur elle même, et se rassembla au centre de la pièce (la lumière, pas la salle des machines; l'ambiguïté grammaticale est vraiment une plaie). Tout le monde se tut, stupéfait. Ils s’éloignèrent doucement de l'étrange lueur.

Il résonnait, comme c’est la tradition dans ce genre de cas, un long rire triomphant. Il débuta profondément, secouant la pièce jusqu’à atteindre un crescendo aigu. C’était un rire qui voulait dire : “J’ai déjà gagné, le reste de l’univers ne l’a pas encore réalisé, et c’est hilarant.”

Au milieu de la pièce, une forme commença à se dessiner, et le rire cessa de venir de partout pour commencer à venir de quelque part. C’était un visage que seule une mère pouvait aimer, et encore, seulement si ladite mère était aveugle, maniaque, et dépendante à au moins quatre substances psychoactives.

Vaguement en forme de poney, mais beaucoup plus maigre, avec un museau trop long et des dents pointues mal assorties. deux yeux dépareillés dans lesquels on devinait une lueur maligne, une crinière visiblement à l’abandon qui se poursuivait jusqu’au bas du cou sur un corps reptilien, sur lequel se greffaient des membres apparemment pris au hasard dans un zoo, comme si ils n’étaient pas vraiment sûr de bien appartenir au bon animal. Pour l’instant, les quatre pattes et la queue étaient recroquevillés en boule, tremblants, alors que Discord, l’esprit du chaos, des dissensions, et à l’occasion, des sales blagues, planait devant les poneys parés d’un regard idiot.

Sa voix était aussi forte et douce que du chocolat noir, et aussi toxique que ce même chocolat après plusieurs années de marinage dans les eaux troubles de Fortis. Son rire se transforma lentement en un long cri de joie.

- Vos TÊTES ! » Il haletait comme un enfant surexcité « Vous devriez voir vos têtes ! Ah, je ne m’en lasserait jamais ! » Il se posa, son sabot et sa patte soulevant de petits nuages de poussière. « Ça valait presque la peine d’être enfermé si longtemps, juste pour sortir enfin et vous voir mourir sur place comme ça ! » Il ricana, puis tomba à la renverse dans une allégresse sans bornes.

- Discord… » La voix de Twilight était menaçante. « Qu’est ce que tummmmmmmmff ! » Sa bouche fut soudain ligotée par un ruban violet vif autour de sa tête, la réduisant instantanément au silence.

- Hé ! » Dash passa immédiatement à l’offensive, effectuant une plongée sur le draqonequus qui riait toujours. « Qu’est ce que tu crois faimmmmmmmmmmmff ! » Un ruban bleu ciel s’enroula à son tour, emprisonnant ses ailes et son museau , et elle fut arrêtée en plein élan et tomba à terre.

Discord claqua des doigts, et chacune des ponettes, ainsi que le dragonnet, se trouvèrent liés de la même façon. « C’est mieux. » Il tendit la main vers une bouteille vert foncée posée sur une table voisine. « Maintenant, je peux monologuer en paix. Est ce que l’un d’entre vous a une idée d’à quel point il est difficile de concevoir des dialogues impliquant neuf personnages ? Considérez que c’est un petit cadeau de ma part pour l’auteur. » Il tira une grande assiette blanche de derrière son oreille, puis commença à verser le contenu de la bouteille dedans. « L’incarnation du chaos, enfermée dans une prison brisable uniquement en présence de pure harmonie ! C’est parfaitement absurde, j’ADORE. » Le liquide prenait la forme d’un hamburger dans l’assiette, comme versé dans un moule invisible, et Discord s’empressa d’avaler son repas ainsi créé. « La vraie question est : que faire à présent ? » Dit-il, la bouche pleine, pulvérisant partout des petites miettes. « Je pourrais vous faire agir ironiquement en opposition avec votre élément d’harmonie, mais il est ennuyeux de faire plusieurs fois la même chose, n’est ce pas ? » Il prononça cette dernière phrase au dessus de Fluttershy, à côté de laquelle il était soudainement apparu. « Je voudrais me venger, mais je suppose que je dois être reconnaissant d’être enfin tiré de cette infernale machine, dans laquelle je suis autorisé à semer le chaos, mais seulement lorsqu’elle est allumée. Est-ce une vie, je vous le demande ! » Il disparut dans un nuage de fumée et surgit à côté de Zaphod dans une nuée de pétales de rose, et il titilla de sa serre le cou de la plus bavarde des deux têtes.

Le ruban du poney tomba, et il décida de laisser libre cours à sa mauvaise humeur. « Hé, mon pote, je sais pas qui t’est, mais t’as des sérieux problèmes de personnalité !

- Oh, ne soit pas si ennuyeux, Zaphod, tu est habituellement tellement distrayant ! Grand fan, au fait. je te demanderais peut-être un autographe, un jour. » Il le poussa du coude, et des photos peu flatteuses de Zaphod tombèrent de sa crinière.

Celui-ci essaya d’articuler une réplique cinglante, ne sachant pas trop comment réagir. Dans son esprit, ses émotions se bagarraient, et la curiosité finit par l’emporter. « Qui êtes-vous, et comment êtes-vous arrivé sur mon vaisseau ?

- Oh, mais j’y ai toujours été. » Discord étendit ses bras asymétriques « J'étais juste en train de m’amuser, en liberté dans cet univers de chaos absolu. Tout était si beau ! » Dans un mouvement exagéré, il écrasa une larme sur sa joue. « Puis, les lois de la probabilité se sont retournées contre moi. Je me suis retrouvé enfermé, quelque part, et un ennuyeux savant me regardait !

- Hein, quoi ? » Dans ces circonstances, on aurait difficilement pu en attendre plus de Zaphod.

- Une année entière passée piégé à l'intérieur d’une pépite d’or, esclave du propriétaire du vaisseau ! Je ne peux dire à quel point je suis reconnaissant que ce soit toi ce propriétaire. Tellement plus amusant que les autres solutions alternatives ! » Il se retourna et observa les ponettes, toujours bloquées, avec un mélange d’amusement et d’aversion. « Et tu m’a amené les élément d’harmonie au grand complet ! » Il se vêtit soudainement d’une robe à fleurs et d’une perruque blonde, et se serra contre Zaphod. « Mon chéri, il ne fallait pas ! » Il l’embrassa sur la joue avec un sourire malicieux.

Zaphod était profondément irrité par la présence d’un être possédant de plus étranges idées sur la mode et l’apparence qu’il n’en avait lui-même. En outre, ce “Discord” le mettait franchement en colère. « Hé, mec, je ne connaît pas le qui, le quoi, le comment, le où, et je ne peux même pas commencer à penser au pourquoi ! Mais ceci est mon vaisseau, et je veux que tu sortes tout de suite ! Si ça peux t’aider, tu peux imaginer que j’ai dans ma patte un blaster Killozapp visant ton visage. Pour t’aider un peu, j’ai inclus une aide visuelle ! » Le pistolet qu’il avait dégainé par magie était pointé sur Discord, menaçant. « J’ai oublié le reste de mon discours, mais je veux que tu sorte, par Zark, et TOUT DE SUITE !

La peur et l'obéissance étaient des choses totalement absentes de l’esprit de Discord. La robe et la perruque disparurent, et il leva les deux bras avant de commencer ‘un air moqueur :

« Pitié, ne me tuez pas, Mr Beeblebrox, chef, je n’voulait pas vous causer de problèmes. » Il tendit la main pour appuyer sur la gâchette lui-même. Un faisceau particulièrement meurtrier (Killozapp ™, plus mort que mort) éclaira la salle, se dirigea vers le corps de Discord à une vitesse un peu supérieure à celle de la lumière, mais se changea en eau à son contact ( et ce à la propre surprise du rayon).

- C’est malin, je suis mouillé, maintenant. » Annonça le draconequus à la cantonade.

S’ensuivit un silence pesant.

Zaphod appuya à nouveau, plus par curiosité qu’autre chose; il ne tirait probablement pas pour tuer. Le faisceau finit cette fois-ci sous forme de sable. Le Zillozap se changea en un pigeon qui s’envoila à tire-d’aile.

Le silence se fit à nouveau.

A présent, » Déclara Discord « je suis ensablé. Je peux continuer ? » Il claqua des doigts, muselant à nouveau Zaphod. « Bien. Maintenant, mesdames, je pense qu’il est temps de vous apporter quelques explications. Vous voyez, cette statue de moi dans les jardins de Canterlot ? Et bien, c’est le moyen par lequel Celestia me maintient hors de son petit éden, le seul endroit de la galaxie ou l’harmonie est vraiment présente. Comme c’est révoltant ! Je suis l’esprit du chaos ! Tout l’univers est mon royaume ! Ou était, jusqu’à ce que je me retrouve bloqué dans ce vaisseau… » Il s’assit tranquillement sur le sol du pont. « Mais j’imagine que même la liberté éternelle est un peu monotone. Se faire emprisonner une ou deux fois est un bon moyen de garder une part de hasard, pas vrai ? »

Il attendit une réponse, puis soupira. « D’accord, je ne peux pas monologuer pour toujours. Amusons nous un peu !