Acte IV
Scène 1
(La Salle du trône du château des deux sœurs. Celestia se tient sur son trône. Luna est à sa gauche. Hope, suppliante, se tient devant elles. Des courtisans observent et chuchotent)
CELESTIA : Alors, ce sont deux atroces semaines d’errance et de désespoir qui vous ont mené vers nous ? (Hope acquiesce) Et ces sombres nouvelles que vous nous portez... Mais ne craignez plus rien, très chère. Vous savez que vous étiez de toute façon destinée à venir vers nous, quoique les circonstances sont grandement changées. Vous êtes ici chez vous, désormais. Je serais votre tutrice, et votre amie. Et je vous promets solennellement que le criminel qui a si férocement abattu notre cousine sous vos yeux n’aura pas un grand sursis.
HOPE : Votre majesté... Je ne saurais comment vous rendre un jour les bontés que vous avez ici pour moi...
UN COURTISANT : (Bas, au public) Ce sera simple. Lâche juste ton trône.
HOPE : ... Je commencerais par accomplir les devoirs qu’exigent le lien qu’Amore a tracé de moi à vous. J’espère ne pas vous décevoir.
LUNA : Ne vous accablez point d’obligations. Quoique le passé puisse vous rappeler de sombre, nous sommes alliées désormais. Ménagez-vous. Vous sortez d’épreuves terribles...
CELESTIA : Nous vous formerons, vrai. Mais ma sœur à raison, reposez-vous d’abord. Vous n’êtes pas dans l’état d’accomplir le moindre effort de corps ou d’esprit. Bien que nos gardes vous aient trouvée dans une condition plus déplorable que maintenant, je ne prendrais pas de risque. Allez en paix, et sachez que la noblesse d’Equestria se met à votre service.
HOPE : Les remerciements que je vous dois vont au-delà de ce que les mots seuls peuvent exprimer... Mais il me faut savoir...
CELESTIA : Quoi ? Parlez, Hope.
HOPE : Quel parti prendrez-vous vis-à-vis de l’empire et de Sombra ? (Clameur sourde parmi les courtisans)
LUNA : C’est une question à laquelle il nous faut réfléchir. Nos armées sortent à peine d’une guerre contre votre nation, et l’usurpateur est en position de force là-bas. Nous pleurons notre cousine autant que le temps nous le permet mais nous ne pouvons déclarer une guerre par vengeance dans ces conditions.
CELESTIA : Oui, rien n’est encore certain. Sombra est un personnage inquiétant mais nous ne pouvons-nous pas tirer les premiers dans ce cas. Les choses vont certainement changer d’ici quelques jours, et nous vous informerons. Votre retour ne sera qu’une formalité, soyez-en sûre. Maintenant, allez vous reposer. Nous entamerons demain votre véritable éducation. (Hope fait une révérence, et sort.) Bien, ma sœur, je pense que nous pouvons ajourner la séan... (Une trompette se fait entendre et un valet annonce : )
UN VALET : Des poneys forts pauvrement vêtus ! Ils se disent fuyards de l’empire !
CELESTIA : Qu’ils entrent !
(Entre la procession des réfugiés, maigres, couverts de loques sales.)
UN REFUGIE : Princesse ! (Il s’incline) Si la pitié doit encore exister dans ce monde, c’est ici qu’elle a dû se réfugier. Je ne vois ici – et malgré la richesse du lieu – que des regards qui ne sont pas emplis de méfiance ou de crainte ! Nous venons embrasser vos sabots et vous témoigner une reconnaissance infinie... Car les rumeurs disent que vous avez recueilli notre reine ! Notre vraie reine ! Est-ce vrai ?
UN COURTISANT : Le malheureux... Il a tant perdu l’espoir qu’il expose ici plus de cœur que de politesse. Des salutations si vraies, elles finissent par se balancer au bout d’une corde.
CELESTIA : La princesse Radiant Hope est bien en ces murs, sous notre garde, mais elle se repose. Si le cœur lui en dit, et je suis sûr que c’est le cas, elle parlera volontiers avec vous, une fois que vous aussi vous serez en état...
UN COURTISANT : ... et lavé. Il y a là beaucoup de boue sur ces équidés qui se prétendent de cristal...
LUNA : Vous avez donc suivi Hope pour arriver sitôt après elle ?
UN SECOND REFUGIE : Elle vient à peine d’arriver ? Cela fait deux semaines qu’elle s’est enfuie, c’était la nuit du coup d’état... Il y avait des lumières terribles partout, et des sons tels qu’ils n’en retentiraient qu’à la fin des temps.
CELESTIA : Depuis combien de temps avez-vous donc fui ?
LE PREMIER REFUGIE : Dame ! Cinq jours, j’en puis jurer sur ma vie ! Mais la chose s’explique simplement... La princesse est une jeune personne, qui n’a jamais connu que le lieu de sa naissance, et qui a dû se perdre. Et, soyez encore remerciées, ni la faim, ni le froid, ni les chimères qui rôdent de par le monde n’ont eu raison d’elle. Moi, j’ai pu guider ce groupe... C’est que j’ai voyagé dans mon temps...
UN AUTRE REFUGIE : (se cachant dans le groupe) Il était marchand ambulant avant l’ouverture de la voie du Nord et la guerre !
(Malaise général)
LUNA : Mais pourquoi avez-vous fui si tard ?
LE PREMIER REFUGIE : Votre majesté... C’est que l’on a rien compris à ce qu’il se passait. Une nuit, on voit des lumières étranges voler dans le ciel. Sans se demander d’où vient cette aurore boréale des plus anormales, on se rendort. Et en se réveillant le lendemain, on découvre la garde envoutée, hypnotisée. On regarde au balcon du palais, et on y aperçoit, drapé d’écarlate et d’hermine, un jeune poney noir, à la mine mauvaise, dont on se rappelait la veille même comme d’un mauvais orphelin dont on ne tira jamais rien de bon. Il se dit « notre roi », annonce la mort d’une des reines les plus vertueuses de cette terre (sans vous compter), et encore, avec ça, il impose un couvre-feu. La suite, vous la devinez : quand un interdit est placé, cette fatale tentation d’y résister arrive d’elle-même. Ici, nous n’avons pas beaucoup réfléchi, d’autant plus que la justice est de notre côté. Quelques réunions secrètes dans nos caves, quelques jours de préparation... Nous nous remettions au destin, et il ne nous trahi pas. La frontière franchie, on nous apprend qu’on a vu vagabonder une jument qui nous semblait, par le récit qu’on en faisait, toute semblable à l’amie de notre ancienne princesse. Nous suivons la rumeur, pleins d’entrain et d’espoir malgré nos fripes déchirées, la faim et la froid. Elle nous emmène ici et c’est pourquoi nous frappons humblement à votre porte...
CELESTIA : Je prendrais des risques à accueillir ici des sujets qui ne sont pas les miens... Votre présence est quelque peu compromettante...
LE PREMIER REFUGIE : Majesté...
CELESTIA : Cependant nous ne reconnaissons pas comme légitime le nouveau gouvernement de l’empire.
LUNA : Cela est véridique.
CELESTIA : Je vais d’ailleurs en informer ce Sombra sur le champ. (Aux réfugiés.) Des gardes vous conduiront vers Financial Lore, mon intendant. Il tâchera de vous loger. Reposez-vous, je vous promets de vous donner une entrevue particulière avec la princesse Radiant Hope. (Les réfugiés s’inclinent et sortent) Maintenant, qu’on mon apporte mon pupitre, du parchemin et qu’un pégase parmi les plus braves d’entre tous s’apprête à larguer ma missive sur l’empire. Je n’enverrais pas de messager directement à ce monstre, cela lui ferait un otage... Bien... Nous ajournons les doléances. Elles reprendront demain à la même heure. (La cour se disperse avec tumulte. Celestia et Luna restent seules sur scène)
LUNA : Alors nous choisissons si tôt de relancer la machine guerrière... L’échec de Sapphirebridge n’était donc qu’un brouillon pour une industrie plus funeste ?
CELESTIA : Ne mens pas à toi-même. Tu sais pourquoi cela doit être fait. La route n’était qu’un prétexte pour une mission plus noble...
LUNA : J’ai toujours, toujours été de ton avis, contre mon cœur souvent. Mais l’unité du genre équin, ta chimère enfin, puisqu’il faut la nommer, nécessite-t-elle tant de sacrifices ?
CELESTIA : Tu as vu ces poneys et leur malheur... Tant qu’il y aura une barrière, la première fantaisie des peuples sera de passer outre. L’ouverture des frontières... La paix... L’entre-aide universelle... Ne sont-ce pas des choses pour lesquelles un sacrifice n’est qu’une formalité ?
LUNA : Ma sœur, je doute que manipuler l’équation du malheur soit une solution adéquate. Tu veux prévenir les souffrance future en amplifiant les présentes... Si c’est ton pari, il est bien risqué...
CELESTIA : C’est une œuvre, pas un pari. Ces bas marchands chauvins peuvent bien nous toiser en traitant d’ambitieuses, mais ils ne voient pas le sabot tendu d’un mendiant sous leur menton... Ils n’ont même pas vu l’épée au-dessus de leurs têtes. Maintenant que le fil est prêt à rompre, ils seront bien heureux de nous voir leur porter secours. Heureux le souverain qui ainsi supprime un drapeau, car il ferme une des vannes qui laisse couler le sang des nations. D’un seul coup, je compte abattre un tyran et ouvrir un monde. Ce sera irrévocable. Et quand bien même ce sera aussi sous le nom de tyran que l’on me recevra, l’œuvre sera accomplie. Je mets mon destin en gage : dans mille ans, tous verront que ce que j’ai accompli, je l’ai accompli avec plus de conscience que de passion.
LUNA : Il est vrai que les circonstances jouent en notre faveur et que les esprits faibles nous accuserons de profiter... Mais ne pas le faire...
CELESTIA : ... Serait briser un élan que nous ne retrouverons peut-être pas avant des siècles. Il faut se dépêcher d’intervenir. Si ce Sombra est doué, qu’il se fait aimer de son peuple et qu’il trouve un héritier, la chance est perdue. (Des valets entrent, apportant à Celestia un pupitre, des plumes, de l’encre et du parchemin. Elle commence à écrire sous le regard de sa sœur)
Scène 2
(Le sommet de l’empire de cristal. Sombra, en habit royal, est assis à une table, tenant au sabot une lettre.)
SOMBRA : « ... Ces dignes citoyens, que nous avons décidé de soustraire à votre détestable joug nous ont informé de tous ce que les bouches de votre empire, closes par vos soins, ne vous révèleront pas même devant la tombe... En conséquence, nous vous considérons comme parjure, régicide, usurpateur et tyran et n’auront de commerce avec vous qu’au champ d’honneur ... ». Alors il y a eu des fuyards... C’est sans importance. (Parcourant rapidement la lettre des yeux) Voilà de ces mots joliment tournés qui vous font regretter une couronne... Ce n’est pas moi qui rédigerais des menaces... Du moins pas dans ma position. Le travail n’est pas même avancé de moitié... J’ai un peuple à délivrer. Après... Oh, baste ! Vous pourrez faire ce que vous voulez avec ma vie, mais elle ne m’appartient pas pour le moment. Et ce cristal qui n’a pas eu le temps de me révéler tous ses secrets... C’est à me rendre fou. Sur le trône depuis un mois, sans expérience, haï de mes sujets, et pire, de la seule amie que j’ai eue en ce triste lieu, et me voilà à livrer une campagne qui est une enquête. Voyons... Déjà, cette lettre est un piège trop grossier pour que je vienne donner dedans. (Il plie le parchemin et le range dans une de ses poches). Elle me sera surement utile s’il me faudra riposter plus tard. Cette libération n’est qu’une étape, et il faut savoir songer à l’après. Si pour redonner un foyer à ces gens que je ne connais pas, mais que mon cœur m’ordonne d’aimer, je dois partir en guerre, cette lettre est ma garantie... Bien. Maintenant... Le cœur est à moi. Il est la clé d’une énigme qu’il m’incombe de résoudre... Oh, puis qui dois-je tromper ? Seul Amore le savait, et même sans ce sort, elle ne m’aurait rien dit... Mais si... (une pause) Non, je ne dois pas y songer... C’est mon secret, et le gage de ma future réconciliation avec Hope. Je ne t’ai pas oubliée, grande sœur. Bientôt, tu verras que je ne suis pas plus meurtrier que toi. Tant pis. Je vais tenter de retrouver cette voix sans corps qui m’a donné cette bien pénible quête. (Il prend une pose ridiculement chevaleresque) Pour la plus grande gloire de ce monde ! Hahaha ! (On entend un bruit de protestation au dehors, la joie de Sombra retombe) Cela... Ah ! Je les avais presque oubliés. Que peuvent-ils me vouloir ? Car enfin, devoir rester chez soi le soir et manger tranquillement ses réserves, brouter et dormir, la sainte orge et le lit divin, voilà bien la nuance du bourgeois cristallin.
(Un garde de l’empire envouté entre)
LE GARDE : Sire ! Une émeute !
SOMBRA : A quoi s’attendre de plus ?
LE GARDE : Ils sont à quelques rues du palais seulement... La garde tient, mais ne ripostera pas sans votre ordre.
SOMBRA : Et elle fait fort bien. Je ne tuerais personne. (Il réfléchit quelques instants, puis reprend) En réalité, c’est convenu.
LE GARDE : Que faut-il faire, mon roi ?
SOMBRA : Prenez les devants, et menez-moi devant ces mécontents. (Le garde sort) Bien. J’ai déjà fait un sinistre miracle avec ces pouvoirs. Je recommencerais. Le sort de sommeil ne m’est pas inconnu, et je profiterais de vous voir charmés pour rendre une visite au cher ami qui m’a si bien placé. Mais à votre réveil, chiens rebelles, vous pourriez bien vous trouver plus mal qu’avant, sans qu’il ne me vienne des remords. (Il sort)
Scène 3
(Une bibliothèque du château des deux sœurs. Hope, entre Luna et Celestia, étudie un livre posé devant elle. Pile d’ouvrages sur les bureaux. Les yeux de Celestia sont alourdis de cernes, elle paraît nerveuse.)
CELESTIA : ... Et c’est pour cela que le voyage astral est une méthode fort dangereuse. La fragilité de la séparation des plans...
HOPE : Princesse, je...
LUNA : Qu’y a-t-il, Hope ?
HOPE : Je n’arrive pas à me concentrer.
CELESTIA : Allons, cela ne fait qu’une demi-heure depuis la dernière pause, et c’est la quatrième aujourd’hui. Si la question planaire t’incommode nous pouvons revenir sur la botani...
HOPE : Mon épuisement n’est même plus corporel. Mes pensées sont comme prises dans une tempête à l’intérieur de moi.
LUNA : L’empire ?
HOPE : ...Et Sombra.
LUNA : Vous nous avez dit qu’il fut votre ami d’enfance, hein ?
HOPE : Oui, princesse.
CELESTIA : Hope, il faut te mettre en tête que cet attachement est contraire à toute raison. D’abord il te déconcentre. Ensuite tu dois retenir que c’est un rebelle, qu’il a fait son coup par ambition. Et s’il cache un autre motif, cela est encore moins rassurant. De plus, il te cachait bien des choses... Si ce soi-disant blanc-flanc a pu abattre une licorne de la trempe d’Amore d’un seul sort, c’est qu’il dissimulait son pouvoir. Pourquoi ? Lui seul le sait, et il restera le seul à le savoir tant qu’il ne nous dérangera pas. Allez, je vous donne dix minutes de plus si cela peut vous rendre plus réceptive.
HOPE : (pensive) Cependant, tel est l’empire du souvenir qu’on oublie pas son petit frère sans grande difficulté.
CELESTIA : Ah ! Mais c’est que vous lui pardonneriez !
HOPE : Princesse !
LUNA : Tia ! Mesure tes paroles. Tu sais que ce n’est pas simple.
HOPE : Ce n’est rien, princesse. Ce doit être les échauffourées avec Tirek. Ce va-et-vient militaire vous épuise. D’ailleurs, comment va cette guerre ? Les murs de ce château ne me permettent pas de savoir l’état du monde.
CELESTIA : Le maraud tente ses percées depuis ses terres volcaniques dans le Sud. Bientôt, je pourrais le cerner. Il vient de connaître un assez beau revers. Ses agents ont tenté d’imiter les tactiques cristallines après un repli, mais ont échoués. La guérilla ne leur réussit pas si bien qu’à vous. Ils ont déclenché un éboulement alors que notre armée les suivait au fond d’une gorge obscure, où un pont de pierre menant à une de leur forteresse creusée à même la falaise était la seule route vers leur salut. Cependant, ils ont dû confondre leurs signaux ou s’emmêler dans leur coordination, car plutôt que d’attendre que nos colonnes guerrières arrivent à leur pont, ils déploient un piège de roche qui détruit la forteresse, coupe ce pont qui était une route privilégiée vers Equestria, et plonge le reste de leur ost de malheur dans la crevasse où ils voulaient attirer les nôtres.
HOPE : (choquée) Les malheureux...
CELESTIA : Vous les plaignez ? Vous avez tort. Je ne songe pas à tuer, mais à défendre mes terres. Vous pleurez sur les bariaures qui ont fini leur vie dans cet enfer de roche ? Mais enfin, enfant, croyez-vous qu’ils pleurèrent quand Nicefield, Feedingtown, et Cherrygrace flambèrent sous leurs raids ? Croyez-vous que moi, je pleurerais plus sur eux que sur tous les orphelins qu’ils ont faits ? Les razzias de Tirek ont fauché nos campagnes. Ce qu’il s’y est passé, nul devrait le voir s’il veut rester plein de foi en la vie.
HOPE : Je... Comprends...
LUNA : Tia. Tu es épuisée. Nous devrions remettre cette leçon à demain...
CELESTIA : Non ! Ma petite Hope... Je vais aujourd’hui t’enseigner quelque chose de mieux que traverser les dimensions ou que cultiver un jardin. Régner. Être princesse, l’essence même de la responsabilité. L’horreur que l’on doit regarder en face, et qu’on ne peut s’effacer de l’esprit une fois qu’on l’a vue. Ne jamais avoir eu le pouvoir et ne jamais avoir senti près de soi l’influence de la mort, ces choses sont de la même nature. On y retrouve la même virginité de l’âme. Oui, Hope... Même ta précieuse Amore à l’expression de miséricorde n’ignorait rien de tout cela. Elle a voulu faire une exception à la règle et se tenir pour vraiment bonne avec un rebelle, et voilà le résultat... Trois mois de ta présence, la moitié de ce temps que nous sommes dans une nouvelle ère d’escarmouches... Voilà les limites de la couronne...
HOPE : (se jetant aux sabots de Celestia, presque en larmes) Princesse ! Je vous en supplie ! Je ferais tous les efforts que vous exigerez de moi, mais de grâce... Faites cesser cette avalanche de paroles qui noient mon cœur...
CELESTIA : (Calmée, elle prend la tête de Hope avec une tendresse de sœur dans son sabot) Oh... Hope... Ne crois pas que ce soit la lassitude ou le désespoir qui parle par ma bouche. Bientôt, toi aussi tu auras un trône, tes sujets t’aimeront peut-être, mais il arrivera immanquablement que tu aies à faire à d’autres Sombras. Je sais que tu es bienveillante, mais un peu de bonnes maximes achèveraient de te préparer au terrible fardeau de la responsabilité...
HOPE : (après un silence) Vous voudrez mon vasselage, n’est-ce pas ? (Les princesses restent interdites un moment) Ce n’est rien. Je vous le donne comme cela. Je croyais encore avoir des illusions pour m’emplir les yeux et la tête au moment où je franchissais le seuil de ce palais. C’est fini, maintenant.
LUNA : Mais enfin que racontes-tu là ? Ah ! Bravo ma sœur ! Tes bêtises lui sont montées à la tête. Ne l’écoute pas, Hope, il faut l’excuser, elle est si fatigu...
HOPE : ... Non, c’est réfléchi. Je ne suis qu’une apothicaire, et je veux vivre comme tel. Qu’importe la misère, j’ai déjà soigné les soudards de l’empire. J’ai vu des plaies profondes, elles ne me faisaient pas peur... Le sang me faisait penser à de la confiture de fraise liquide, et je ne songeais qu’à soigner le mal. Mais si j’avais su quelles armes se cachaient derrière ces histoires gravées dans la chair, j’aurais surement perdu encore plus la foi... Maintenant, j’ai vu la plaie de la pompe, de la pourpre et du sceptre... Pire que tout, j’ai su sa cause. Je veux bien m’engager à accompagner votre armée pour la campagne qui marquera la fin des souffrances de l’empire. Après cela, je me contenterais de faire le bien partout où je le pourrais.
CELESTIA : Enfant... Tu ne sais rien de ce que tu dis... Mais ma sœur à raison, je suis lasse. Pardonne-moi, mais nous reprendrons demain. Repose-toi également. (Hope la salue et sort)
LUNA : (souriante) Quelle chœur de l’enfer tu as déployé à toi seule ! Voilà la petite sans velléité de régence. Vrai, si tu n’étais pas princesse, tu serais actrice.
CELESTIA : Je m’attriste un peu de devoir faire cela, mais il faut que son ambition soit brimée pour que notre manœuvre n’échoue pas. Je n’ai pas d’autre candidat pour le trône impérial qui soit sous ma coupe. Et l’empire ne saurait rester stable avec autre chose qu’un cristallin sur son trône. C’est vraiment heureux que ce Sombra n’ai pas encore répondu à notre missive... Nous sommes plus mal engagés dans cette guerre que je ne laissais entendre...
LUNA : Tu y arriveras ?
CELESTIA : Mon fidèle Sword Dolt m’a assuré que sa canonnade ferait des miracles. Je l’espère pour lui. Ce petit militaire ne m’inspire pas de bons sentiments, mais ce n’est pas sa fonction, après tout.
LUNA : Et pour Hope ?
CELESTIA : Il faudra ménager un équilibre pour son humeur. Si elle se fait aussi pauvre qu’elle prétend le devenir, elle ne sera plus utile en rien. Il me semble que cela fait un temps que nous devons aux réfugiés de l’empire une entrevue avec leur reine légitime. Il est temps de rappeler Hope à son devoir en le plaçant devant ses yeux.
Scène 4
(Un grand salon du château des deux sœurs. Hope, assise au centre de la pièce, est entourée de toutes parts des réfugiés de l’empire, tournés vers elle. Elle leur sourit avec une bienveillante sympathie.)
HOPE : Enfin mes tutrices ont permis cette gracieuse entrevue... Mes chers amis, je ne saurais vous décrire la joie que j’ai de vous voir dans ces temps obscurs...
UN REFUGIE : Princesse, cette joie qui est la vôtre, nous la partageons. Hélas, c’est en suppliants et en oiseaux de malheur qu’il nous faut vous parler.
HOPE : Que voulez-vous dire ?
UN AUTRE REFUFIE : Nous désirons vous adresser des doléances.
HOPE : Je le redoutais...
LE PREMIER REFUGIE : Il circule dans le château une rumeur... Une rumeur à laquelle notre résolution s’oppose.
UN TROISIEME REFUGIE : Est-il vrai que vous avez formulé le projet d’abdiquer ?
UN QUATRIEME : Ne le faites pas, de grâce !
UN CINQUIEME : Nous mourrons pour vous s’il le faut. Mais nous ne nous appellerions plus Cristallins si on laissait marcher ces croquants du Sud à notre secours, quand votre seul nom saurait mettre en branle tout un pays.
HOPE : Mes amis... Vous le savez, les circonstances sont graves. Je n’ignore pas les visées d’Equestria sur l’empire. Les princesses veulent que je cède sur l’indépendance, alors je cède... (Abattement général.) Du moins je le leur fait croire. (Tous prennent un air attentif.)
LE PREMIER : Ah ! Vous ne nous avez pas abandonnés !
HOPE : Certes non. Ma folie qui a suivi la mort d’Amore a seule été assez forte pour m’attirer entre les sabots de ces princesses ambitieuses. D’une certaine façon, cela reste une assez bonne chose. Nous rentrerons avec une armée.
LE TROISIEME : Ce ne seront pas nos armes, ni nos bannières.
HOPE : C’est vrai. Mais Sombra doit être chassé, et je ne pense pas qu’une révolte y suffise. Laissons-nous porter par le courant, moi de partir en guérisseuse errante, et vous d’attendre mon signal pour chasser de nouveau l’envahisseur avec l’aide de l’ancienne garde !
LE SECOND : Noble projet ! Lâche celui de nous qui n’y adhère pas ! (Tous approuvent)
HOPE : Vous avez mes serments. Je ne vous laisserai pas. Mais assez de promesses de sang. Vous avez pour beaucoup de la famille là-bas, n’est-ce pas ?
LE PREMIER : Non. Mon activité incessante ne m’a pas même permis de pleurer sur la tombe de ma fille.
LE SECOND : J’ai un frère qui était manufacturier à la production des instruments à vent cristallins. Il avait tout le temps des plans des plus farfelus qu’il ne mettra peut-être jamais en application, maintenant que ce maudit couvre-feu pèse là-bas.
LE TROISIEME : Ma mère est restée avec mes deux sœurs. Elles ont des ressources, je ne suis pas inquiet.
LE QUATRIEME : Mes frères n’ont pas cette chance. Ils ne sont ni riches, ni doués, et tout pendards qu’ils soient, on ne peut avoir que pitié d’eux.
LE CINQUIEME : Je n’avais qu’un oncle dans les gardes. J’espère sincèrement qu’il est mort sans déshonneur. (Silence gêné)
HOPE : Pensez-bien à eux tous, aussi fermement que vous le pouvez. Le souvenir est le seul fil qui nous rattache maintenant à l’espoir. Je vous promets que vous les verrez libres, et heureux... (Elle regarde le premier réfugié plus attentivement.) Nous... Nous nous connaissons ?
LE PREMIER : Non. Je ne suis qu’un poney qui a perdu sa fille, puis ses illusions et son pacifisme après avoir donné à un individu en détresse des conseils que je croyais bons, mais qui ont eu des répercussions fatales. Je ne suis plus qu’un vagabond qui mourra pour que d’autres revoient leur foyer.
HOPE : (Le reconnaissant, émue.) Puis-je vous demander votre nom ?
LE PREMIER : C’est...
UN VALET : (En coulisse) Princesse Radiant Hope, nos majestés les princesses de Canterlot vous demandent...
HOPE : Oh ! Emissaire de malheur ! Voilà nos affaires abrégées... Mais n’oubliez pas mes promesses. Maudissez-moi si je ne règle pas ma vie selon elles. Allons, dispersez-vous. Je dois me préparer à affronter de nouveau cette hydre à deux têtes que l’on nomme la royauté de Canterlot. (Les réfugiés sortent ; Hope, seule, regardant autour d’elle) Ah ! Pierres de malheurs qui formez cette forteresse ! Il n’est pas un seul de vos interstices d’où je ne voie couler le fiel de l’hypocrisie. Et moi, pauvre sotte, je patauge dedans sans remarquer que cette boue est une entrave à la vertu que je ne saurais retirer. Celestia, tes leçons sont un venin dont l’application flétrit ce monde. J’ai quelque peu suivi ton principe ici. Voilà le résultat ! J’ai promis à tous, et je ne sais à qui m’en remettre. Ceux-là sont déterminés. J’ai vu la flamme dans leurs yeux. C’était comme il y a douze ans. Ces imbéciles mourraient vraiment pour moi... Au nom de quoi ? Parce que ma peau luit plus que ceux de Canterlot ou que celle de leur tyran. Ils n’y gagneront rien. Quand bien même nous aurions repris ces terres, que faire derrière ? S’enterrer sous la neige ? Guerroyer de nouveau avec Canterlot jusqu’à ce que s’égorger entre voisin devienne une habitude ordinaire ? Non... Restez silencieux. Le meilleur des attachements n’a pas de bannière... Mais vous, princesses, je vous abandonne en obéissant à vos désirs des poneys qui valent surement mieux que vous, et sur lesquels vous avez un motif de vengeance plus que certain. Oh ! Mais vous êtes « la chance de l’empire » ! Vous tracez une route, et vous la pavez de cadavres pour attacher avec une chaîne infernale les destins des miens et ceux des vôtres... Oh... Vous m’avez vaincue... Sombra... Pauvre petit frère, que je voyais toujours effrayé et souriant tristement... Que ton crime me semble peu de choses à côtés des horreurs muettes qui m’entourent. Ah, vrai. Pour que tout soit parfait il eut fallu que tu me désignas pour être ta victime. J’y consentirais de tout mon cœur, à présent. Ici, la parole et la vérité sont proscrites... Ce sont des enfants trop indécentes pour être exposées à la cour. Mais toi aussi, tu as tes sombres secrets. Je ne veux pas les connaitre. Je n’ai encore pris aucune vie, ni par responsabilité, comme Celestia s’en targue tout haut, ni directement comme ta mystérieuse conduite t’y a poussé. J’ai du mal, oui, du mal à te haïr, mais c’est une résistance que je vaincrais. Seule ma vertu est restée intacte aux milieux de ces ouragans de fumée et de désastres, et elle le restera ! (Elle sort.)
Scène 5
(La plaine enneigée et le cristal rouge dressé de l’acte III, la nuit. Sombra, toujours en habit royal, entre sur scène et se dirige lentement vers le cristal.)
SOMBRA : Te voilà, fier ami qui m’a donné avec sa confiance la quête la plus ardue qu’on ait imaginée sous l’empyrée. Tu es resté muet après avoir fait basculer mon destin. C’est une politesse particulière, mais gênante plus que tout. Tu as placé un nom sur ma vraie race. Il m’en faut aujourd’hui un sur mes actions. Le terrain est libre, le cœur que vous redoutiez tant, cette arme qui fit votre malheur est entre mes sabots. L’empire dort. Pas moi. (Il s’assied.) Par Equestria, j’ai ouï l’histoire des ancêtres équestres. On m’a fait connaitre des rois gentils ou tyranniques, rois poètes ou brutes, incapables et chanceux, ou talentueux et exposés aux retours de fortune... A moins que ce ne soit l’inverse... Enfin, que l’univers me foudroie sur place s’il y eu avant moi un souverain qui méritait si bien l’épithète de perdu. Allons, ceci est ridicule. Réponds-moi si tu en as envie... ah... Ai-je donc rêvé cette nuit-là ? Et est-ce le froid et la fatigue de l’appréhension du sommeil qui ne finit pas qui m’auraient fait entendre des chimères ? Mais non, ce pouvoir inconnu est terrible, cette connaissance funeste, elle m’est venue de toi ! Réponds ! Réponds ! Rabia ! (Il se lève violemment et s’apprête à frapper le cristal de son sabot. Il s’arrête au dernier moment.) Oh ! Puis à quoi bon ? (Le spectre d’Amore entre sur scène et regarde fixement Sombra, qui ne l’aperçoit même pas.) De toutes les oreilles de ce monde qui m’écoutaient, j’ai abattu une paire et fait fuir l’autre. La compassion meurt avec le crime. C’est justice. Mais je sens tout de même que dans cette agitation perpétuelle du monde, il me reste la force et la possibilité de faire un peu de bien... Même s’il faudra que je creuse cette terre damnée de mes sabots nus, vous serez libres, vous que l’on a méprisés jusqu’à l’effacement de votre nom de l’existence... Creuser... Oui ! Si ce cristal servait d’outil de communication, et que ce sol en regorge, il doit y en avoir d’autres ! Quel que soit la cause de ton silence, ami, je te rendrais la parole avec la liberté... Ce sera ma grande œuvre et l’histoire dira que Sombra n’était peut-être pas un juste ou grand conquérant, mais qu’un jour il brisa les murs de la plus vieille et oubliée des prisons de ce monde. Mais puisque je suis la proue qui guide le grand navire de ce projet, c’est à moi qu’il revient d’agir le premier... (Il se retourne et soupire) A tout prix... Oh, cristallins... Vous avez fait des malheurs, et la roue a tourné pour vous. Vous étiez geôlier sans le savoir, vous serez esclave en ignorant la cause de vos malheurs. Il y a une longue chaîne dans l’arsenal royal que ce bon père Worthsteel avait faite en son temps pour les besoins de la guerre. Ah ! Tout le monde en ville se rappelle bien de ce vieux forgeron sénile. Il arpentait les rues en criant (Il singe une voix de vieillard.) « Ma chaîne ! Vous verrez que ma chaîne mettra fin à la guerre ! ». Heureusement que son emportement l’a fait disparaître avant le retour de la paix... Il était insupportable... Il y avait aussi une bonne quantité de fer brut dans sa réserve ... Je leur ferais fabriquer leurs propres colliers, puis ils fouilleront les entrailles de la terre pour me trouver et m’apporter un des vôtres qui saura me parler et me dire le fin mot de cette histoire. Je les relâcherais une fois ma tâche accomplie. Oui ! Ce sera leur châtiment, et s’en sera un fameux ! (Il sort joyeusement de scène. Le spectre d’Amore rentre dans le cristal.)
Scène 6
(Le sommet de l’empire de cristal. Crépuscule. Sombra, affalé sur la table, se tient la tête entre les sabots. Un garde de l’empire entre.)
LE GARDE : Sire, la journée des esclaves est finie.
SOMBRA : (se redressant avec peine) Et ?
LE GARDE : Tous les cristaux sortis des mines sont normaux. Navré.
SOMBRA : Je m’y attendais... Ce petit manège dure depuis neuf mois. Il ne sortira jamais rien de ces damnées mines... je n’aurais pas eu la force de sauver des gens à qui il ne faudrait peut-être que tirer le bras pour le faire. Mais non. Les cristallins ne verront la fin de cette chaîne qu’avec celle de leurs vies. Neuf mois que ces malheureux se tirent les uns accrochés aux autres, le ventre creux et le dos vouté sous le poids des pierres. Ils se disent dans leurs esprits, pour se soulager, qu’ils ne font que creuser ma tombe... Et c’est vrai. Leurs enfants s’abrutissent la journée dans des maisons vides, ne sachant plus pour la plupart le visage de leurs parents... Oh, Hope, si tu me voyais maintenant, ton inclination au pardon serait balayée, et tu ferais bien de me faire subir ce que j’ai fait à Amore.
LE GARDE : Que doit-on faire de la récolte du jour ?
SOMBRA : Entreposez-la, taillez-la, laissez-la-leur, qu’ils essayent de la cuisiner... Leurs estomacs hurlent assez pour qu’ils n’y perdent rien à essayer. A moins qu’ils n’essayent de se les lancer... Les rixes sont fréquentes dans ce chenil équin où trottent des fantômes. Aliénés... Par ma faute. Il ne reste que trois silos pour toute réserve ?
LE GARDE : Oui, sire.
SOMBRA : Ouvrez-en un et faites vos rations. Je n’ai pas besoin pour moi-même.
LE GARDE : Sire, votre conseil ne désapprouvera-t-il pas cette décision ?
SOMBRA : Je suis mon conseil, esclave. Et si tu veux parler de cette bande de misérables libertins en loques que j’ai recueilli afin d’habituer ma conscience à toutes les souillures de l’esprit que l’on puisse imaginer, sache qu’ils n’ont pas d’autres fonctions... Je connaissais la plupart d’entre eux, à l’orphelinat, et jamais putain sur cette terre n’engendra de pareils fils. Je suis même sûr qu’ils leurs auraient arraché les mamelles pour les consommer avec le lait qu’elles renfermaient, s’ils les avaient connues.
LE GARDE : Il en sera fait selon vos ordres, sire.
SOMBRA : Avant que tu ne partes...
LE SOLDAT : Sire ?
SOMBRA : Ne m’as-tu pas dit l’autre jour que la forge des colliers et des rivets des esclaves avait laissé quelques lingots qui prenaient la poussière au fond de la réserve ?
LE SOLDAT : Oui-da, sire. De quoi faire deux chariots supplémentaires pour les mines.
SOMBRA : J’en userais mieux...
LE SOLDAT : Quelle est votre volonté, sire ?
SOMBRA : (Sortant et déroulant un vieux parchemin sur la table) Je l’ai trouvé parmi les plans du père Worthsteel.
LE SOLDAT : Ce serait une fort belle armure, vrai. Je crois qu’il y a encore des forgerons capables parmi la foule des mineurs.
SOMBRA : Trouvez-les, promettez-leur un adoucissement de leur peine s’ils font bien, les souffrances de leur proches s’ils me désobéissent. Ce sera le seul caprice de mon règne. Ah... et...
LE SOLDAT : Quoi d’autre, mon roi ?
SOMBRA : (Lui remettant le plan) Une couronne, s’il est possible...
(Le garde prend le plan, s’incline et sort. Sombra va à la fenêtre.)
SOMBRA : (Regardant du haut de la tour.) Non... Jamais... Jamais ils n’y arriveront... (Revenant vers le centre de la pièce, il ressort la lettre de Celestia.) Je me demande si... (Il la déplie et la relit rapidement.) C’est un pari... Hope, voilà ta chance, ne la loupe pas. (Il va vers un coffre, en sort un encrier, du papier et une plume, et dépose le tout sur la table.) Il en faut si peu pour décider un destin... (Il se met à écrire.)
Scène 7
(La salle du trône du château des deux sœurs. Celestia se tient sur son trône. Luna est à sa droite, Radiant Hope, mélancolique, à sa gauche. Sword Dolt et Financial Lore discutent sur le dais, et une allée de gardes mène à ce dernier. Pantomime de courtisans derrière les gardes. Trompette. Une voix en coulisse annonce : )
UN VALET : Un émissaire de l’empire de Cristal ! (Tous sur scène se figent, et regardent alternativement la reine et la porte de la salle.)
CELESTIA : Qu’il entre ! (Le messager se présente, humble et tremblant. Hope pousse un soupir de pitié.)
LE MESSAGER : (s’inclinant.) Votre majesté...
LUNA : (à sa sœur.) Il ne nous ignore pas. J’espère que c’est juste de l’insouciance de sa part.
CELESTIA : Délivres donc ton message.
LE MESSAGER : Grande reine, loin de connaître moi-même les intentions de mon maître, ce papier vous les apprendras. (Il lui tend un rouleau de parchemin qu’elle prend.)
CELESTIA : (Regardant le parchemin.) Le rustre ne s’est même pas donné la peine de se faire son propre sceau. Voici celui de feue notre cousine qui figure là... (Parcourant la lettre du regard.) C’est une menace dans les règles... « Vous avez en votre cour des poneys qui me reviennent, ainsi que ma chère amie d’enfance. Je vous prie de croire que si vous retenez ces citoyens sous vos toits, je saurais, avec une compagnie funeste qui me joindra bientôt, me frayer un chemin à travers votre iniquité... signé Sombra, empereur-régent de l’empire de Cristal par droit de force, fléau du nord et souverain légitime du peuple des cristaux... ». Un régicide et un rustre qui sait se broder par le tissu des mots des robes impériales faites de titres. Je crois que cela n’ira pas plus loin...
HOPE : Il veut que nous revenions ?
CELESTIA : Rassurez-vous, le seul retour que vous ferez sera un triomphe pour vous, et l’annonce de la liberté pour votre peuple.
LUNA : Tu veux dire que ?
CELESTIA : Oui, c’est décidé. Ce tyran ne sait plus se contenir. Bientôt, ce sera un loup qui mordra tout ce qui sera à portée de sa gueule. Quoique je sois à peu près sûre que son armée n’est que du vent. Mon parti est pris, et, ma sœur, si tu me suis, il ne sera pas pacifique.
LUNA : Ma sœur, je t’approuve et serais à tes côtés.
LE MESSAGER : Quelle réponse dois-je donc apporter ?
CELESTIA : Partir ? Rien ne t’empêche de rester ici, sous notre protection... Tu seras rétabli dans le rang et la dignité qui était tienne avant l’avènement de l’usurpateur.
LE MESSAGER : Votre majesté me fait honneur, mais, loin d’avoir accompli cette tâche de bon cœur ou dans l’espoir de m’échapper, apprenez que seul mon retour et la certification du devoir rempli sauveront mes proches d’un billot terrible sur lequel leurs têtes sont placées...
LUNA : Quel monstre...
HOPE : (bas) Il fut un temps où tu préférais voir les têtes sourire que tomber...
LE MESSAGER : Et encore... Pendant que je vous parle, ils ne sont guère plus satisfaits de leur sort que je dois l’être du mien. Sombra, pris de folie, a soudainement lâché la garde sur les citoyens de l’empire... Et, captifs, enchaînés, il les fait travailler sous la terre, d’où ces malheureux sortent pierres précieuses sur pierres précieuses. Les démons du Tartare seuls savent ce qu’il désire en faire...
CELESTIA : Une preuve de plus qu’il nous faut intervenir. Puisque ton devoir doit te ramener aux sabots d’un tel maître, va. Si tu peux, annonce aux tiens que l’armée equestrienne vient briser leurs chaînes. Toute mutinerie coordonnée avec notre arrivée peut être d’une grande aide.
LE MESSAGER : Majesté, je suis votre serviteur. (Il s’incline)
CELESTIA : Dites aux serviteurs qu’on vous donne des vivres pour votre retour. Adieu. (Le messager s’incline et part)
HOPE : Alors c’est de nouveau la guerre ?
LUNA : A quoi s’attendre d’autre ? Il occupe une place qui n’est point la sienne, obtenue par le meurtre, et avec laquelle il ne fait aucun bien à son peuple. Nous vous avons entendue, vous, et les pauvres hères qui ont échappés à la faim et à la tyrannie. Vous êtes leur reine et ils vous reconnaissent comme tel. Ne l’oubliez pas.
HOPE : Pourtant...
LUNA : Quoi ?
HOPE : Quelque chose m’échappe...
LUNA : Enfant... Vous avez connu la guerre de trop loin, et votre soi-disant ami de trop près. Si c’est un sacrifice pour vous que de rompre cet attachement, faites-le tout de même.
HOPE : Si l’on pouvait faire que les choses n’eussent pas été ainsi...
LUNA : D’entre la guerre et la paix, seul un fou peut privilégier la première quand le choix est le sien. Mais trop de plaintes nous font aujourd’hui tirer l’épée pour la diriger vers votre Nord natal. Un échantillon de peuple pousse des plaintes sous nos halls, que doit-il en être là-bas ? Vous viendrez avec nous. Vous serez la garante de la paix retrouvée pour un pays assoiffé de tranquillité. Tout finira bientôt, et pour le mieux.
CELESTIA : Ma sœur, va exhorter les réfugiés à marcher à nos côtés. Je vais ordonner la levée de nos forces. Dans cinq jours, nous trouverons ici une phalange solide, discipliné et nombreuse pour délivrer le nord de son fléau esclavagiste.
LUNA : Certes. J’ai moi-même de quoi participer. Les cavernes de Canterlot regorgent de fiers partisans nocturnes qui soutiendrons ton noble effort. (Elles sortent. La cour se disperse. Hope reste assise, pensive. Sword Dolt et Financial Lore se lèvent.)
FINANCIAL LORE : Eh bien ! Quelle année !
SWORD DOLT : Ne dites rien. Je crois que vous vous êtes peu exposé au cours de nos dernier conflits...
FINANCIAL LORE : Apprenez qu’être grand intendant quand les pillards de Tirek voulaient faire main basse sur l’or de notre reine n’avait rien d’enviable.
SWORD DOLT : Allons, et qu’aurait fait Discord de votre or ?
FINANCIAL LORE : Si j’avais autant de fantaisie que lui, il l’aurait fait danser sous mes yeux. Mais j’ai préféré le cacher, de peur qu’il ne le fasse disparaitre. Ah ! Remerciées soient nos reines, ces deux pestes ont disparues.
SWORD DOLT : Et maintenant ? A ce que je sache la route du Nord était un projet enterré depuis notre échec au barrage de Sapphirebridge.
FINANCIAL LORE : Pas exactement. Du moins, pas officieusement.
SWORD DOLT : Que m’apprenez-vous là, maitre financier ?
FINANCIAL LORE : Qu’un particulier ayant fait quelque investissement local aurait pu faciliter une relance du projet...
SWORD DOLT : Et vous avez agi de votre propre initiative ?
FINANCIAL LORE : Je le crains...
SWORD DOLT : (riant) La belle jambe ! Frileux comme vous l’êtes, vous allez beaucoup trembler en attendant notre retour et les nouvelles de l’empire.
FINANCIAL LORE : Actuellement non. J’accompagnerais l’armée.
SWORD DOLT : Quelle folie ...
FINANCIAL LORE. : C’est une affaire qui me regarde. Si les princesses découvraient mes actions, je doute qu’elles ne les jugent favorablement. Si je peux réparer discrètement la casse pendant que l’on tue bien l’autre, je serais content.
SWORD DOLT : Et comment partirez-vous ? Un intendant, ça reste à la cour. Tenez, dix bits que si je secoue ce tapis, il en sort d’en dessous.
FINANCIAL LORE : Un prétexte, ça se trouve. Et je crois que je peux bien avancer une petite action de charité à peu d’intérêt pour cet empire de déshérités.
SWORD DOLT : Bravo. S’il me manque des munitions, ce sera un plaisir de fondre vos finances pour les jeter au visage de notre ennemi. (Il lui donne une tape dans le dos) Sacré Lore ! Je vous verrais mourir votre registre au sabot.
FINANCIAL LORE : Oui, je l’admets, je suis poney de guerre comme vous êtes poney d’esprit. Je sais que l’intérêt me guide. Parfois, il m’arrive de le regretter ; puis je regarde le monde et me dis que c’est ma fonction qui fait le moindre mal.
SWORD DOLT : C’est que vous ne sauriez suivre correctement un sentier du regard...
FINANCIAL LORE : Mais n’avez-vous pas une batterie à armer ?
SWORD DOLT : Ah ! J’ai trois jours pour le faire. Ne vous inquiétez pas. Je me poudrerais à ma façon et vous le ferez à la vôtre. (Il s’apprête à partir, puis s’arrête.) (bas.) Mais ne devrions-nous pas saluer la princesse de l’empire avant notre sortie ?
FINANCIAL LORE : (bas) Princesse de rien si vous voulez mon avis. On dit qu’il faut saluer la fonction et non la personne. Nous saluerons deux fois nos reines, mais celle-ci...
(Ils se tournent vers Hope, et touchent à peine le bord de leurs couvre-chefs en guise de salutation, puis sortent. Hope ne répond pas. Les gardes sortent à leur suite. Hope se lève et fait les cent pas dans la pièce.)
HOPE : Sombra, Sombra... Il me semble encore que ma double dignité d’amie et de princesse m’oblige à te haïr, mais que ce soit ma nature ou mon cœur, les deux résistent fermement à cette idée... Ce palais est froid, mais jamais je ne pourrais habiter de nouveau là-bas... Les spectres qui y demeurent me conduiraient à la folie la plus totale. Et pourtant, ces deux harpies m’y traineront comme un joli faire-valoir, une pièce en diamant pour sertir le diadème de leur triomphe, et leur donner ce trône qu’on ne devrait plus nommer. J’ai réfléchi, malgré la douleur et le souvenir, à cette nuit... Le cœur brulant de sa lumière pure projetée dans l’infini des ténèbres... Ton apparence changée... Amore volant en éclats... Quel est le pivot de cette sombre révolution ? Il y a un mystère derrière cela... Tu ne peux pas être devenu une de ces brutes que tu méprisais enfant... C’est en toi, je le sais. Oh, Princesses. Oui, je viendrais. Je viendrais vous voir accomplir votre besogne, mais je ne serais pas inactive. Je trouverais le fin mot de cette énigme et déciderais si le pardon peut encore exister aux frontières de ce mal sibyllin... J’arrive Sombra, J’arrive !
(Elle sort.)
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