« Un Sonic Rainboom, non ?! T'es pas sérieuse ?! »
Liberty Hope écoutait attentivement mon histoire les yeux grands ouverts de surprise. Je me sentais incroyablement intéressante. Mais cette fois-ci, pas de sentiment de supériorité ni de vantardise, juste l'impression qu'elle prenait autant de plaisir que moi.
Et quelque fois je m'arrêtais pour la laisser parler, je ne voulais surtout pas monopoliser le temps de parole, car c'était bien elle qui avait payé ce délicieux sorbet framboise-pomme-cerise-citron-noix de coco dans laquelle je trempais mon museau.
Je crois qu'elle avait deviné que je tentais de fuir la monotonie puisqu'elle essayait par tous les moyens de me faire rire, soit en essayant de piquer dans ma glace, soit en jonglant avec la sienne qui était à son parfum préféré : le caramel.
Et lorsque celle-ci lui tomba sur le museau, je tombais de ma chaise en me tenant les côtes. Toute la terrasse nous considéra alors comme des gosses turbulents. Liberty appela un serveur qui lui apporta des serviettes. Un autre arriva aussitôt avec une nouvelle glace. Elle me chuchota alors que son père, qui était un riche entrepreneur, était un habitué de ce café.
Les garçons se précipitaient alors pour nettoyer notre table, la débarbouiller et même la recoiffer. Et elle, elle riait avec moi. À ce moment-là, avec son rire et sa boule de glace sur son museau, elle était vraiment mignonne... euh, j'ai dit mignonne ? Nan, je voulais dire cool, c'est ça : grave cool.
Néanmoins, elle insista pour que je parle davantage. À la fin de la conversation, elle savait presque tout de moi. Moi, je savais simplement qu'elle habitait à Skyfall pour ses études loin de ses parents. Ah oui... la conversation a effectivement dérivé sur les parents...
« Alors ? demanda-t-elle en faisant tournoyer sa gaufrette dans sa glace. Tu t'es enfuie ou tes parents t'ont virée de la maison ?
- Ni l'un ni l'autre, j'avais juste besoin de prendre un peu l'air.
- Je vois... une ambiance un peu oppressante.
- Oui... mon père a disparu. »
Brusquement, Liberty donna un coup de gaufrette qui percuta sa crème glacée. Le pot en verre tomba avec fracas sur le sol, alertant tous les poneys sur la terrasse. Elle me regarda, la bouche grande ouverte, les yeux à la fois perdus et effrayés, avant de lancer aux serveurs qui se précipitaient sur le verre brisé qu'elle allait s'en occuper.
Elle ramassa alors les débris elle-même et dit à tout le monde présent que tout allait bien. Puis elle avança sa chaise davantage vers moi.
« Pardon, je suis désolée...
- Je comprendrais jamais les gens qui disent ça ! dis-je en plantant ma cuillère dans la glace. Pourquoi tu serais désolée alors que tu ne m'as rien fait ? Et comme tu vois, je vis très bien avec...
- Est-ce-que tu t'es déjà demandé... quel tournant ta vie aurait pris s'il était toujours là ? »
Elle disait ça en regardant son sabot, comme si elle s'adressait à elle-même... et c'est pour cela que je n'ai pas répondu.
Alors elle se leva, secoua sa tête pour passer à autre chose et cria en plaquant une poignée de billets verts sur la table :
« Glace au caramel pour tout le monde, c'est ma tournée ! »
Puis elle s'envola avec un sourire forcé. Je la suivis en saluant le patron du café, celui qui cria juste après à ses serveurs :
« Pourquoi encore du caramel ? J'ai pas rempli les stocks depuis son dernier passage ! »
Liberty accepta que je la suive jusqu'à son domicile, une maison de quartier plutôt grande et luxueuse, à moitié formée de nuages. Sur le pas de sa porte, elle déclara :
« Que dirais-tu de rester un peu de temps à Skyfall, Dash ? »
Je manifestai mon approbation, puis elle me poussa à l'intérieur en riant.
Oh, excusez-moi, j'ai oublié de donner un titre de ce chapitre. Alors, que dites-vous de :
.
.
<> Littlest Rainbow Tales : Appelez-moi Dash <>
.
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Yeah, encore mieux que le premier ! Alors, où en étions nous... Ah oui. Cloudsdale est une cité extraordinaire, j'en suis certaine, et Ponyville l'est tout autant. Mais Skyfall a ce privilège, ce petit plus, d'être la ville qui m'a formé à être la véritable Rainbow Dash, la ville qui a accueilli le plus grand tournant de ma vie après ma marque de beauté.
Les semaines passèrent... et passèrent... et passèrent... des mois... puis des années... deux, trois, quatre... je suis peut-être restée plus de temps à Skyfall qu'à Ponyville à l'heure où je vous parle. Mais il faut dire que je m'y plaisais bien.
Liberty était devenue comme ma sœur. Pendant huit ans, nous avons partagé le même toit. Pendant huit ans, nous avons grandi ensemble. Je suis passée d'enfant à adolescent avec pour seule éducation les cours obligatoires improvisés de Liberty, elle qui continuait l'école avec assiduité. C’était d’ailleurs une excellente élève de psycho, qui rêvait d’en faire son métier.
En retour, je ne pouvais lui apprendre que la vitesse et la compétition. Et même si elle ne gagnait jamais, elle adorait ça, je me demande encore comment elle faisait d'ailleurs... son truc a elle, c'était plutôt la méditation et les techniques de respiration abdominale, enfin vous voyez le genre...
Ces années n'ont pas été un échange qu'entre Liberty et moi. Beaucoup de camarades de classe que j'avais perdu de vue vinrent me rendre visite à Skyfall. Par exemple Gilda, qui venait passer quelques jours chez sa tante Gretel, avant d'aller habiter avec son grand-père Gruff à Griffonroche. Je l'ai présenté à Liberty, et bizarrement, le courant n'est pas très bien passé...
Puis ce fut autour de Bulk Biceps de venir faire des études de kinésithérapeute dans la grande ville de Skyfall, ou pour Derpy de faire ses premiers pas de postière. C'est même à Skyfall qu'est né le petit frère de Thunderlane, Rumble. Mais aucune trace de Fluttershy... nulle part...
J'étais quand même plutôt bien entourée. Cependant, il y avait aussi un poney que je ne connais pas... un pégase à Skyfall qui avait, je dois bien l'avouer, un assez gros charisme et un style indéniable. Souvent, en me promenant avec Liberty, je le vis passer entre deux nuages, volant sur le dos avec classe, et presque aussi rapidement que je l'aurais fait. De nombreuses fois, il m'adressait un petit clin d'œil ou me lança un « Hola ! » ou un « Schönen tag ! ». Et à chaque fois qu'on le croisait, Liberty semblait baisser les yeux et se dissimuler derrière moi, en faisant semblant de ne pas l'avoir vu. C'était donc quasi-certain qu'elle le connaissait, mais pourquoi ne voulait-elle pas que nous nous rencontrions ?
J'étais encore jeune à l'époque et ça faisait longtemps que je n'avais pas vu les Wonderbolts, alors ce pégase est naturellement devenu une sorte d'icône. Sans être vraiment plus vieux que moi, il avait l'œil pourpré de celui qui s'affranchit des limites, à l'aise en toutes circonstances. Sa coupe de crinière était une crête aérodynamique, rayée d'orange et d'indigo. Ses sabots étaient indigo également, touche colorée à son pelage gris-turquoise, et sa marque représentait une flèche courbée orange. Mais je ne savais encore rien du personnage derrière ce physique de rocker.
Le jour où je fis réellement sa rencontre, nous revenions de notre rendez-vous hebdomadaire chez le glacier de Liberty. Comme à son habitude, celle-ci commençait à marcher derrière moi dès qu'elle aperçut ses sabots indigo à la sortie du parc qu'on avait l'habitude de traverser. Moi, j'accélérais : je voulais vraiment faire sa connaissance.
Mais j'eus un de peu de mal à arriver jusqu'à lui : une foule de pouliches criardes nous barrèrent la route. Elles brandissaient toutes des photos du pégase en question et des pancartes On t'aime et Je suis ta plus grande fan. Et le pégase, debout sur une estrade, se penchait pour serrer des sabots et récupérer les bouquets de fleurs.
Un grand bruit de mégaphone retentit alors.
« Mesdames et messieurs, je vous demande un peu de tenue si vous voulez que cette rencontre se passe bien, lança une pégase verte, qui curieusement avait mon âge, dans un haut-parleur. Il répondra calmement à vos dernières questions et seulement après aura lieu la séance d'autographes ! »
Les poneys commencèrent à brailler à nouveau, en agitant leurs photos.
« Je demande le silence ! Je vous rappelle que Monsieur Jetstream vient de sortir d'une course éreintante...
- Va bene Dizzy, dit le pégase d'une voix assez jeune mais tonique. Laisse-les profiter...
- Pourquoi perds-tu tout sens logique dès que tu es face à tes fans, Jet ? » demanda la pégase verte hors du haut-parleur.
Soudain, ce qui ressemblait à un journaliste avec un bloc-notes et accompagné d'un photographe, leva haut la patte. Monsieur Jetstream l'interrogea, il s'écria alors, prêt à noter la réponse :
« Jetstream, vous avez tenu tête aux plus grands pilotes lors de la course de ce matin ! Les pronostiqueurs vous présentent comme le nouvel espoir de la course aérienne moderne, le Petit Prodige des Pistes, un des pégases les plus talentueux d'Equestria...
- Arrêtez, vous me gênez...
- De Skyfall alors ?
- Hum, si je puis me permettre, c'est un peu restreint...
- D'Equestria donc. Jetstream, nos lecteurs de l'Équidé Libéré s'interrogent : d'où vient votre énergie pour gravir tous ses podiums ? »
Jestream se mit à pousser un rire. J'avais beau le trouver assez branché, il y avait une pointe d'esbroufe désagréable dans ce rire.
« Écoutez, répondit-il dans un silence complet. J'aimerais vous dire que c'est un talent naturel. Mais ce n'est pas que ça. Il y a tout un entraînement derrière, une volonté de fer, un mental à toute épreuve et... prav, d'accord, peut-être un peu de talent naturel... Après, j'ai aussi toute une équipe d'enfer derrière moi, dit-il en regardant la pégase au haut-parleur qui la remerciait d'un regard. Mais ce qui me porte le plus, c'est aussi l'engouement du public, la folie Jetstream, les Jetstreamettes, c'est vous qui me faites vibrer, love you girls. »
Le public se mit à applaudir et siffler. Jetstream, en balayant l'assemblée du regard, finit par croiser le mien, puis identifia rapidement la crinière argent et or qui se cachait derrière moi. Remarquant qu'elle avait été démasquée, Liberty glissa nonchalamment à mes côtés et fit un petit coucou au pilote.
Le pégase, au lieu de dégainer son sourire étincelant, comme il aurait fait pour n'importe lequel de ses fans féminins, réclama le silence dans le public et ajouta à voix haute, sans quitter Liberty des yeux :
« Et bien entendu, il y a parmi tous ceux qui me suivent, un seul et unique poney qui d'un seul regard, un seul sourire, me donne la force d'atterrir en tête de course... »
Les poneys se retournèrent tous vers Liberty en chuchotant. Elle recommença à regarder le sol. Tout d'un coup, tous les fans de Jet se mirent à entrechoquer leurs sabots en s'écriant :
« Liberty ! Liberty ! Liberty ! Liberty ! »
Ils avaient l'air de tous la connaître, et je ne voyais pas comment des fans de course pouvaient connaître une discrète élève de psycho. Et lorsque je demandais à mon amie ce qui était en train de se passer, elle me dit calmement d'attendre ici.
Alors, la foule à l'origine si compacte s'ouvrit en deux colonnes. Liberty se trouvait au milieu des deux rangs et commença à marcher avec un sourire sous les ovations du public.
Elle rougissait, à la fois honteuse et excitée, apparemment plus attirée par l'étalon que pressée par la foule.
Arrivée à la hauteur de l'estrade, le pilote l'aida à grimper. Alors, sous de nouvelles ovations, il passa son bras autour de sa taille, et elle posa sa tête sur son épaule. Puis ils se regardèrent et soudainement... collèrent leurs museaux pour s'embrasser fougueusement sous les cris déchaînés.
Je fus extrêmement choquée sur le moment, envahie de stupeur. Tout le monde semblait heureux, je devais donc être la seule à froncer les sourcils en marmonnant :
« Bah voilà, tout s'explique... »
Ce n'était pas de la jalousie, juste la démoralisante impression que Liberty n'ait pas jugé utile de me parler de son very special pony.
Celle-ci prit une grande inspiration après le baiser de compétition de Jet, elle avait l'air dans les nuages et le dévisageait avec passion. Ils se dévoraient des yeux... c'était dégoûtant...
Heureusement, la pégase au haut-parleur s'avança entre les deux. Je pus alors mieux distinguer sa crinière rose rebondie et sa marque représentant des tornades.
« Bien, après cette intervention surprise de sa petite amie, Jetstream devrait avoir assez d'énergie pour signer quelques autographes. Si vous voulez bien faire la queue du côté droit de l'estrade. »
Jetstream embrassa à nouveau Liberty sur la bouche et lui envoya pleins de bisous volants gnan-gnan en se dirigeant en marche arrière vers les Jetstreamettes en furie.
De mon côté, je volais jusqu'à l'estrade en essayant de dissimuler ma moue déconfite. Je m'approchais alors de la pégase amoureuse perdue dans sa candeur et la fit sursauter :
« Hum, ça va, je te dérange pas ?
- Oh... Rainbow... euh, je vais t'expliquer.
- J'ai pas besoin de justification. Je te voyais très bien avec ce style d'étalon...
- Jetstream est encore étudiant, il est dans la même école que moi.
- Apparemment, il a déjà un bon travail.
- C'est un passionné de course. En dehors des cours, il est pilote espoir. Il a beaucoup de talent, il participe déjà à des championnats et il est rémunéré par son écurie.
- Mouais, qui voudrait employer ce gars ?
- Hum, j'avais oublié de te dire que mon père dirigeait aussi des écuries de pilote...
- Ça doit expliquer votre rencontre, dis-je en serrant les dents. Mais j'espère sincèrement que tu n'es pas avec lui juste parce qu'il est plein aux as.
- Oh non, Jetstream a la célébrité, mais pas l'argent qui va avec. Tout l'argent qu'il récolte, il l'offre volontiers, et encore, il ne demande presque rien comme salaire pour ses courses.
- Il demande quoi alors ?
- La seule chose qu'il demande à mon père, c'est moi. »
Jetstream, entre deux autographes, fit un clin d’œil un peu trop suggestif à Liberty.
« Ne me dis pas qu'il t'achète ! déclarais-je exaspérée. Je vais lui coller mon poing dans sa face, il va comprendre qu'il doit te lâcher !
- Non, Rainbow, je suis avec lui de mon plein gré. L'étalage dont il fait preuve n'est peut-être pas le plus agréable à vivre, il donne toujours cette impression la première fois, mais il est vraiment attachant et il a le cœur sur le sabot. Son énergie, son assurance, sa fougue... c'est tout ce qui me manque et que je recherche chez un pégase. Je suis plutôt zen tu sais, et j'ai besoin d'être complétée, j'ai beaucoup d'affinités avec les tempéraments énergiques... »
Liberty tourna la tête vers moi, puis me scanna de haut en bas, l'air désolée. Je compris alors que ce qu'elle avait trouvé en moins, c'était un Jetstream féminin, rien de plus qu'un profil-type avec lequel elle avait des affinités.
Et ça, je ne le supportais pas. Je volais vers la maison en rogne, devant une Liberty un peu décontenancée qui n'essaya même pas de me retenir.
Allongée dans ma chambre à essayer de chasser ce baiser de mes pensées, je l'entendis rentrer beaucoup plus tard. Sans doute avait-elle profité de sa rencontre avec son prince charmant pour aller roucouler dans un parc ou faire des trucs d'amoureux que je ne voulais même pas imaginer.
Lorsqu'elle passa devant ma porte, je fis semblant de dormir avec un ronflement des plus crédibles. Avant d'aller se coucher, elle s'arrêta devant ma chambre et lança à demi-voix :
« J'ai toujours pensé qu'une amie sincère et loyale valait tous les petits copains du monde... »
Cette remarque me ramena à la raison. Liberty avait confiance en moi et même s'il y avait quelqu'un d'autre dans sa vie, je devais tout faire pour préserver cette amitié. On peut dire que c'est là que la Loyauté est née : je lui venais en aide où qu'elle soit et à n'importe quelle heure, je commençais à venir assister à deux ou trois cours dans son école huppée, ce qui me valut plusieurs moqueries de la part des crânes d'œuf. Mais je m'en fichais, parce que toute cette amitié, elle me la rendait bien : s'acharnant pour trouver les meilleurs places pour les rares galas des Wonderbolts dans la région alors qu'elle n'était pas du tout fan, ou attendant des heures sous la pluie pour me voir participer à des tournois de voltige, l'amitié nécessite quelques sacrifices pour l'autre. Et elle était vraiment la meilleure amie qu'on puisse avoir.
Du coup, au fil du temps, j'ai renoué avec son Jetstream. Nous ne sommes jamais devenus vraiment complices et je n'ai jamais compris quelle était sa vraie langue d'origine, mais j'ai réussi à supporter sa présence. Liberty n'avait plus à choisir entre lui et moi. Je fis aussi la connaissance plus profonde de Dizzy Twister, son énergique secrétaire. Officiellement, il s'agissait d'une amie d'enfance de Jet et Liberty, qui était d'ailleurs dans la même école qu'eux, mais le pilote lui parlait tellement comme on l'aurait fait à une secrétaire que j'en ai conclu qu'elle était payée pour ça.
Malgré ses airs un peu vantard, qui pour moi allaient obligatoirement de pair avec son activité professionnelle, Jet me donnait envie de le suivre. En vérité, et je peux l'avouer aujourd'hui, je crois qu'une certaine admiration pour ce gars a germé en moi dans ces années-là. Loin d'une idolâtrie, j'avais le sentiment qu'il était pareil à moi, avec seulement une petite chose en plus. Cette chose qui n'était pas si recommandable et pourtant me donnais tellement d'envie : la célébrité.
Un jour, pour nous prouver mutuellement notre valeur, il m'invita à courir sur la piste personnelle de Rising Star, le père de Liberty. Il était très rapide... mais j'ai quand même gagné, restons sérieux !
Il m'a dit alors qu'il n'avait jamais vu des concurrents voler comme moi en compétition. C'était ma première remarque positive de la part d'un professionnel.
À l'arrivée, ce n'est pas un trophée qui m'attendait, mais un air de musique. Une mélodie douce et entraînante que Liberty jouait avec perfection.
Son instrument était une flûte de Pan. Une flûte formée de huit bambous colorés d'un dégradé de vert printanier, reliés entre eux par une pièce métallique dorée et parsemés de gravures d'orfèvre.
La mélodie était si délicieuse que je fis un nouveau tour de piste en planant, comme envoûtée et bercée par cette symphonie qu'elle jouait en fermant les yeux, assise sur la plus haute caisse parmi celles entassées au centre de la piste.
La mélodie achevée, je me posais juste à côté d'elle. Je ne suis pas une grande passionnée de musique, surtout aussi lentes, mais là, je voulais vraiment savoir :
« C'est quoi comme mélodie ? Elle me donne des frissons.
- L'Éveil de l'Espoir... murmura-t-elle pensive. On raconte qu'il était chanté par les opprimés de la Guerre du Chaos, sous le règne du draconequus maléfique. Il y a un truc qui s'en dégage, n'est-ce-pas ?
- Je peux essayer ? demandais-je en posant mon sabot sur la flûte.
- NON !! » cria-t-elle soudainement en la plaçant derrière son dos.
Je restais figée, le sabot en l'air. Liberty pris quelques secondes pour une technique de respiration zen puis rangea la flûte dans un sac de velours tout en s'expliquant :
« Cette flûte est une relique de la famille Hope. Je... je préfère que personne n'y touche à part moi, s'il-te-plaît... »
Cet instrument cachait quelque chose de douteux. Mais en bonne amie, je ne cherchai pas à faire cracher le morceau à Liberty, et je n'ai plus jamais demandé à toucher cette flûte. Aurais-je dû ? Peut-être...
Les jours qui suivirent, je la retrouvai posée sur du velours rouge, derrière une vitrine de musée dans le couloir qui menait de l'entrée à l'escalier, chez Liberty. Elle m'expliqua qu'elle ne la sortait qu'en d'occasions exceptionnelles et me demanda de ne pas faire n'importe quoi avec la vitrine, connaissant mon penchant pour les activités frénétiques qui dérapent.
Chaque jour, avant de partir en étude, elle restait plantée une ou deux minutes devant cette flûte, à ce qu'elle m'a dit héritée de ses parents il y a quelques mois, avec un air grave qui n'était pas, mais alors pas cool du tout...
L'autre jour important en ce qui concerne ce mystérieux instrument fut celui où la sonnerie de l'entrée retentit peu après minuit. Étant en train de comptabiliser mes cartes Ponyny, j'étais assez éveillée pour aller jeter un œil à ce qui se tramait en bas.
Liberty s'était apparemment levé et avait ouvert à un inconnu (du moins pour moi). J'ai entendu des cris de joie indiquant qu'il s'agissait d'un proche qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. J'ai préféré ne pas les déranger et repartir... avant qu'un grand « Pas question !! » venant d'elle ne m'oblige à redescendre discrètement l'escalier.
La conversation continua alors sur un ton moins amical. L'autre voix était celle d'un garçon de mon âge :
« Et pourquoi ? Pourquoi je ne pourrais pas ?
- Ce n'est pas discutable, Grun ! Je t'interdis formellement d'approcher cet endroit ! »
J'avançais un peu plus et heurta une corbeille qui tomba avec fracas. Un silence suivit, puis j'entendis le garçon s'indigner :
« C'est ton Jetstream ? Tu lui as filé ma chambre je suppose ?
- Non Grun, ce n'est pas Jetstream et ce n'est plus ta chambre ! Vous n'habitez plus à Skyfall, papa, maman et toi. Papa m'a confié cette maison et j'ai le droit d'y inviter qui je veux. Et toi, je ne t'ai pas invité !
- Moi qui pensais que venir te rendre visite allait être un plaisir !
- Ça l'aurait été si tu n'étais pas venu pour m'annoncer ça ! »
Je me dévoilais dans l'arcade qui menait au salon, puisque, de toute façon, j'avais été découvert. Je pus enfin apercevoir ce jeune pégase, au pelage couleur de bronze, mais à la crinière semblable en tous points à celle de Liberty, à l’exception qu’elle était complètement décoiffée. Il avait l'air très remonté et me fixait des mêmes yeux jaunes que ma colocataire skyfallienne :
« Tiens, c'est une fille ? Je ne veux pas juger tes tendances, Liberty, mais il me semblait que tu étais plus du genre hétér...
- Arrête Grun, tu es ridicule !
- Dis-moi, l'arc-en-ciel, questionna l'inconnu. Qu'est-ce-que tu dirais si ton frère te demandait du matériel pour aller explorer un coin sympa d'Equestria ?
- Euh... je lui donnerai, je pense. L'aventure avant tout... Pourquoi ? Tu es le frère de Liberty ?
- Ah tu vois ! s'exclama Grun (ce que je soupçonnais d'être un diminutif). Elle, elle l'aurait fait !
- Évidemment, elle n'a pas toute l'histoire ! hurla Liberty avant de se calmer immédiatement pour respirer de façon zen. Rainbow Dash, s'il-te-plaît, peux-tu nous laisser tous les deux ?
- D'ac... »
Encore une fois, je ne comprenais pas du tout ce qui se passait, et je ne l'ai jamais compris. Apparemment, cet ado s'apprêtait à faire une bêtise, et Liberty ne l'entendait pas ainsi.
« Je ne veux pas qu'il t'arrive malheur à toi aussi... déclara Liberty plus doucement alors que je remontais, comme si elle ne voulait pas que je l'entende.
- Quand on était enfants, tu étais la première à te lancer dans les aventures interdites par maman... entendis-je venant de l'autre, car je n'avais pas l'intention de me coucher tout de suite finalement.
- Tu sais bien que j'ai changé depuis le jour où tout a commencé.
- Et si demain serait le jour où tout se terminerait ? Je pourrais le ramener !
- Non, tu ne peux pas, Grumpy Hope ! C'est impossible ! Il n'est plus là ! Et jamais, comprends-le, JAMAIS je ne te donnerai la Flûte d'Espoir pour que tu fasses la même erreur que lui !
- Tu sais ce que tu es, Liberty ? Rien qu'une briseuse de rêves !! »
J'entendis des pas lourds, puis une porte claquer. De mon côté, je regardais en bas de l'escalier la fameuse vitrine avec la flûte de Pan. C'était ça le matériel qu'il voulait ? Mais pourquoi donc s'armer d'une flûte, aussi étrange soit-elle ?
Les jours qui suivirent, je sentis Liberty très nerveuse. Elle n'alla que très peu en cours, et ne sortit pas pour gambader avec Jetstream, ou engloutir une glace au caramel. Sa seule occupation quotidienne était de passer régulièrement dans le couloir et poser son sabot sur la vitrine de la flûte, l'air inquiète, c'est-à-dire encore plus qu'avant le passage de Grumpy Hope.
Heureusement, la fête la plus géniale de l'année arrivait à point nommé. Non, je ne parle ni de la Cérémonie du Soleil d'Été, ni du Grand Gala Équestre... mais bien de ma fête d'anniversaire !
Je ne me rappelle plus quel âge j'avais, ni combien d'anniversaires j'avais déjà passé à Skyfall. Une chose est sûre, celui-là était le plus mémorable, sans doute parce que c'était le dernier dans cette ville... spoilers...
Bref, cela a commencé une semaine ou deux avant (parce que mes anniversaires durent des semaines, ouais). Liberty avait mis les petits plats dans les grands, jusqu'à demander à Jetstream sa villa de vacances pour la fête.
Oui, Jet avait une villa de vacances, du plus grand luxe, avec trois piscines, une piste d'hélicoptère et des couloirs aussi grands que des rayons d'hypermarché. En la découvrant, je compris pourquoi il vivait dans un minuscule appartement à Skyfall : toutes ses économies étaient parties dans ce joyau qu'il ne voulait pas lâcher, et peut-être celles de toute sa famille... voire de Dizzy Twister... voire de Liberty et de ses parents... sûrement de Liberty et de ses parents.
Il eut beaucoup de mal à céder cette villa, surtout pour la fête désorganisée d'une « pégase bordélique qu'il ne connaissait pas tant que ça ». Finalement, il accepta à la condition qu'il en profite également, avec Dizzy Twister et Liberty, et qu'il n'y ait pas d'autres invités.
Comme de toute façon, je n'avais plus d'autres amies à inviter, nous nous retrouvâmes tous les quatre en séjour dans la maison la plus cool que j'ai jamais vu.
Je n'osais même pas toucher la porte immense. C'est Jetstream qui l'ouvrit en grand en ruminant :
« Je vous préviens, on vole pas à l'intérieur où je vais me faire tuer ! »
Dix minutes plus tard, Dizzy Twister était déjà affalée dans un canapé géant, devant le home-cinéma, avec les pantoufles de Jet et du pop-corn partout par terre.
Pendant que Jet lui hurlait d'arrêter de jouer avec la commande vocale de la télévision, Liberty dépliait ses bagages aussi sagement que son personnage.
Elle avait pris la chambre nuptiale avec Jet... Rrrr, j'espère qu'elle ne comptait pas en profiter pendant MON anniversaire !
Après avoir pris possession de la chambre d'à côté (génial, j'allais avoir le bruit en plus !), je retrouvais Liberty le museau au fond de sa valise, fouillant désespérément.
« Rainbow Dash ! J'ai oublié la Flûte d'Espoir ! s'écria-t-elle paniquée. J'étais sûre de l'avoir emportée !
- Et alors ? J'ai pas besoin de musique pour un anniversaire réussi !
- Mais si...
- Liberty, moi je suis là pour faire une fête démentielle. Et toi tu es là pour te détendre, sans penser ni à ta flûte qui ne craint rien ni à cette embrouille avec ton frère, hum ? »
Liberty prit une grande inspiration. Je parvins à la calmer une après-midi. Mais j'avais bien remarqué que plus le soleil s'abaissait dans le ciel, plus l'angoisse grandissait en elle. Avant qu'il ne disparaisse à l'horizon, elle avait déjà repliée toutes ses bagages.
Et aucun moyen de lui faire entendre raison, elle trottinait dans l'immense allée de l'entrée :
« Faut absolument que j'y retourne, le centre-ville n'est pas tout près, alors je reviens demain, d'accord ?
- Nein nein ! pesta Jetstream. Pourquoi tu ne veux pas que j'aille te la chercher au lieu de me laisser en plan avec ta copine qui veut me voler mes trophées !
- J'allais te le rendre ! Je jetais juste un œil ! » répondis-je excédée.
Liberty s'approcha de Jetstream, l'embrassa sur la joue et lui murmura :
« Parce que toi, tu ne sauras bien pas réagir face à la flûte.
- Personne ne sait ce que tu fiches avec cette flûte ! » grogna Jet.
J'étais ravie de ne pas être la seule écartée de l'énigme Liberty. Celle-ci nous quitta à toute vitesse. Contrairement à Jet, je ne me lamentais pas dans l'allée pendant deux heures et j'ai proposé à Dizzy une petite course jusqu'à la terrasse.
Bref, peu après, nous voilà trois pégases tranquilles, allongés dans un jacuzzi sur la terrasse, face à un soleil couchant magnifique, sirotant des briques de jus de pomme d'une toute nouvelle marque à l'époque, FlimFlam & Co, un truc dans le genre...
Je plongeai alors mon museau dans le bain moussant et fit plus de bulles, Dizzy m'imita en éclatant de rire. Le regard agressif de Jetstream me stoppa, et me fit sortir du jacuzzi.
Enveloppée dans mon peignoir Wonderbolt, je me dirigeais vers la cuisine, qui était à une bonne trotte, pour renflouer ma réserve de briques de jus. Sur le chemin du retour, quelque chose au loin attira mon attention.
Une lueur blanche scintillait à l'horizon, à l'extrême limite de mon champ de vision. Un peu le même genre de lueur que le soleil qui se lève, mais celle-ci était beaucoup beaucoup plus intense, presque aveuglante. Du moins, elle devenait aveuglante car elle grandissait à vue d'œil.
Non pas qu'elle se rapprochait, mais elle s'étalait sur la ligne d'horizon et s'élevait de plus en plus haut dans le ciel jusqu'à s'évanouir dans les étoiles. C'était un faisceau de lumière blanche extrêmement puissant, provenant d'un sol éloigné et en expansion continue vers le ciel.
Rien que de voir ce flash déchirer la nuit me stupéfia assez pour laisser tomber mes cinq jus de pommes sur la terrasse carrelée, j'ouvris grand la bouche et les yeux, mon peignoir tomba sur le côté, sans aucune volonté de ma part de le rattraper.
Mais le plus impressionnant était encore à venir. Le rayon était constitué d'énergie lumineuse pure allant du bas vers le haut. Ma stupeur fut énorme lorsque progressivement il se colora dans ce même sens de propagation.
Le lueur blanche devint violette et redoubla d'énergie. Il éclairait tellement le ciel que j'en venais à plaindre l'état des yeux de ceux qui le regardaient de plus près. Mais encore fallait-il être dans la bonne direction pour voir le rayon, et à l'extérieur à cette heure tardive, ce qui explique qu'aujourd'hui peu de gens en ait le souvenir. Cependant, peut-être demeure-t-il au fond de la mémoire de ceux qui ont assisté au même spectacle que moi cette étrange impression que le monde changeait...
Bien sûr, l'événement incroyable se déroulait au foyer de la lumière, est tout le reste n'était que de la couleur. Une couleur pourprée qui transformait la teinte des arbres, des plaines, de la ville au loin, des rambardes de la terrasse jusqu'à mes mèches arc-en-ciel. Cette lueur faisait presque de l'ombre à celle de la Lune.
Il me semble que le rayon pourpre se mit à tourbillonner sur lui-même. J'ai aussi le souvenir de quelques étincelles. Cette vision reste gravée, je n'ai pas pu détourner mon regard cette nuit-là : sans doute la taille de mes pupilles émerveillées étaient encore plus impressionnantes que ce qu'elles avaient en face d'elles.
Un dernier éclat de lumière blanche, zigzagant au cœur du rayon pourpre, fut assez violent pour que je détourne le regard. L'instant d'après, le rayon devint plus faible, moins lumineux, avant de disparaître petit à petit à l'horizon, rappelant avec lui le voile violacé qu'il avait déposé sur tout le paysage. Les derniers lasers colorés au loin me firent asseoir par terre, toujours choquée, toujours médusée.
Le temps vous a peut-être paru long pendant ma description, mais en vérité ça avait sûrement duré moins d'une minute.
Après avoir redistribué équitablement à mon corps toute l'énergie qui était passée dans mes yeux, je détalais comme un lapin, en glissant sur le carrelage jusqu'à la terrasse au jacuzzi, qui se trouvait de l'autre côté de la villa.
En me voyant déraper et hurler si l'un d'entre eux avaient vu ÇA, Jetstream et Dizzy Twister me répondirent de regards circonspects, leur jus de pomme au sabot.
J'insistai avec effusion, décrivant avec des grands gestes ce que j'avais vu, leur parlant du flash intense et de tout mon champ de vision embrouillé de pourpre.
« Les lumières violettes ? m'interpella Jetstream. Wait, c'était pas un effet d'ambiance de mon jacuzzi ?
- On est désolés, Rainbow, continua Dizzy. On était concentré dans la planification de la prochaine course de Jet... »
Du coup, il fallut que je leur raconte du début à la fin, et également ce que j'avais ressenti. Il s'agissait de la même réaction que pour mon Rainboom, sauf que là, j'étais spectateur. Ce rayon m'avait transporté, pour moi il avait tous les caractères d'un appel à l'aventure : inattendu, extraordinaire et uniquement destiné à mes propres yeux. C'est presque naturellement que cette phrase sortit alors de ma bouche :
« Faut que j'aille voir d'où ça vient, dans l'immédiat. »
Jetstream cracha son jus de pomme sur son amie.
« Tu veux partir ? T'es pas sérieuse ?
- Vraiment vraiment ? compléta Dizzy en s'essuyant le visage. Tu pars à l'aventure et tu abandonnes Skyfall ?
- C'est pas ça que je voulais dire... »
En fait cette question a éveillée une idée en moi. Si, c'est exactement ce que je voulais dire... je savais au fond de moi que j'allais quitter Skyfall un jour. J'avais accompli tout ce que je pouvais dans cette ville, il ne me restait qu'à trouver un déclic. Ce déclic venait de s'incarner en une explosion de photons violets.
Je dis alors tout ça à mes amis pégases. Pendant qu'elle m'écoutait, Dizzy sortit de l'eau, enfila une serviette et jeta son jus de pomme dans le jacuzzi de Jet, sans doute pour se venger de celui qui lui avait craché dessus. Quand j'eus fini mon speech, elle articula doucement.
« Tu comptes vraiment nous quitter ?
- J'ai... vraiment l'impression... je sais que vous allez trouver ça impulsif et stupide...
- Loin de moi cette idée ! glissa Jet en levant les yeux au ciel.
- Mais... je crois vraiment que... ce rayon pourpre... fait partie intégrante de mon histoire... c'est moi qui décide de mon destin, et ce truc cherche à me faire changer de voie.
- Ça ne répond pas à ma question, reprit la pégase bouclée.
- Argh, je sais pas, Dizzy, je sais pas ! C'est... trop gros pour que ça m'échappe !
- Si tu hésites... dit finalement Dizzy après un temps de réflexion. Je connais quelqu'un qui pourra t'aider. C'était il y a un bout de temps déjà, mais elle m'a offert un livre d'images avec un rayon pourpre sur la couverture... c'est vague mais je crois qu'elle ne me l'a jamais vraiment expliquée. Peut-être qu'à toi, elle te dira, et alors tu pourras prendre une décision réfléchie. En plus tu as de la chance, cette jument est de passage à Skyfall en ce moment !
- Vous voulez retourner en ville ? lança Jet. Oh come on ! Je suis sympa, je vous invite, et vous, vous vous barrez l'une après l'autre ! »
Dizzy me conseilla de partir le lendemain, pour ne pas trop embêter le bougon dans sa baignoire. La nuit fut mouvementée, voire blanche, mais pas à cause de moi, à cause de Dizzy qui angoissait ou s'extasiait successivement sur les événements du lendemain. Je n'aimerais pas rencontrer une personne aussi hyperactive et random que Dizzy, j’ai dû développer une phobie des crinières roses bouclées...
Le jour vint, je profitais une dernière fois du luxe et du calme de la maison de Jet, qui j'en suis certaine était en vérité ravi d'avoir la zone pour lui tout seul.
Après quelques heures de vol, Dizzy m'emmena au cœur de Skyfall, devant un édifice qui était visiblement la salle des fêtes.
Je l'avais déjà vu, mais elle semblait beaucoup plus décorée que d'habitude, et puis quatre ou cinq gardes de Shining Armor se tenaient à l'entrée. Dizzy se présenta à l'un d'eux. Celui-ci, dubitatif, questionna un autre garde tout aussi circonspect sur mon amie pégase. Ce n'est finalement qu'au quatrième que Dizzy fut certifiée comme non-terroriste et qu'un cri fut envoyé à notre entrée dans la salle des fêtes :
« L'attachée de presse du Petit Prodige des Pistes et son amie la bleusaille ! »
Un grand poney tout maigre nous invita à patienter dans une salle noire de monde. Ils venaient apparemment tous voire la même personne, mais Dizzy ne voulait toujours pas me dire de qui il s'agissait.
Ce n'est qu'en début d'après-midi qu'elle fut appelée... et sans moi, sous prétexte qu'elle devait m'inscrire sur un registre et me présenter avant que j'arrive.
« Tu sais, le protocole... » conclut-elle.
Mais quel protocole ? Qui était cette jument de passage qui risquait des attaques terroristes et avait une foule de poneys à rencontrer ?
Mon tour vint quatre heures après que Dizzy soit revenue. Je partis avec un garde, et cette fois, c'était moi qui étais seule.
J'étais extrêmement remontée, je marchais plus vite que le garde à travers ces couloirs interminables où passaient centaines de poneys en train de préparer je ne sais quel événement impliquant la présence de cette fameuse jument.
Bref, je comptais expédier ma requête au plus vite lorsque le garde ouvrit les portes en disant « C'est ici. »
Le rapide coup d'œil dans la pièce circulaire m'énerva encore davantage : d'autres poneys étaient là, à courir partout, avec des liasses de papiers et de trucs débiles d'administration.
Je ne m'attardais même pas sur la grande chaise installée au fond de la salle, en haut de quelques marches, sur laquelle les pierres précieuses serties écrivaient : 8ème congrès du monde aérien, Skyfall.
Toute cette organisation (peut-être parce que je n'aime pas qu'on fête autre chose que mon anniversaire) me dégoûtait.
Mais ce dégoût s'envola d'une seule traite, emportant avec lui compère l'impatience et commère la colère, lorsque je vis au centre de la pièce deux éblouissantes ailes blanches étendues avec panache.
La dame à qui elles appartenaient était dos à moi, en pleine séance de signature. Cela ne m'empêchait pas d'admirer ces ailes qui, en tant que pégase, m'impressionnaient beaucoup plus que sa longue crinière ondulante ou sa corne plus longue et majestueuse que n'importe quelle licorne.
Avant même que le garde ne m'annonce, je l'entendis prononcer d'une voix calme :
« Tu dois être cette Rainbow Dash dont m'a parlé la jeune Dizzy Twister. C'est bien cela ?
- Euh... oui, madame » répondis-je.
Le garde baissa le museau et repartit vers les couloirs labyrinthiques. Les poneys qui s'activaient autour de mon interlocutrice ralentirent le pas, mais sans jamais s'arrêter.
« Si je peux faire quoi que ce soit pour toi, repris la jument ailée entre deux signatures. Tu veux qu'on t'apporte à boire ?
- Non madame.
- Je suis navrée, j'ai quelques obligations à terminer. Ça ne te dérange pas si ces personnes restent dans la salle ?
- Non madame.
- Je n'en ai peut-être pas l'air mais je t'écoute attentivement. Je ferais ce que je peux pour t'aider. »
Faisant abstraction de tous les poneys agités, je me concentrais sur cette longue crinière et ces ailes. J'allais exprimer mon problème concrètement et expéditivement lorsqu'une forme de philosophie métaphorique s'est emparée de moi... très lente et très ennuyeuse...
« Je n’arrive pas à trouver une ligne directrice dans ma vie... J’ai l’impression que c’est... une grande improvisation... je me laisse porter par le vent, attirée par des événements et repoussée par d'autres... je suis un électron libre qui a besoin qu'on lui donne un cap, qui a besoin qu'on lui dise comment réagir s'il rencontre un rayon pourpre qui reste gravé dans son esprit... ou s'il perd les personnes qui lui sont proches... j'ai besoin de savoir comment je dois le prendre, même si je m'y refuse, je crois que... j'ai besoin d'un destin... »
On aurait dit le discours de remerciements de Liberty après l'obtention de son diplôme. J'ai failli me faire pleurer moi-même...
La dame, elle, ne bougeait plus depuis un moment, malgré la secrétaire qui lui tendait une pile de papiers en tapant du sabot.
Les oreilles dressées de la jument blanche écoutèrent attentivement jusqu'à mon dernier mot. Quelques secondes plus tard, elle leva un sabot qui mit fin à l'agitation ambiante. Puis elle fit un mouvement de tête vers la gauche, toujours de dos.
L'assistance partagea alors plusieurs regards démotivés, avant d'empoigner tous leurs dossiers et se diriger vers la sortie à reculons, pour ne pas lui tourner le dos.
Lorsqu'il ne restait plus que moi et l'alicorne, que le silence prit possession des lieux, elle daigna enfin se retourner pour me faire face.
Sa crinière azurée masquait son œil gauche, mais le droit me regardait avec tellement d'intensité que je cru voir toute l'histoire d'Equestria s'écouler dans ces profondeurs magenta.
Couronne sur le front, collier autour du cou, son museau abordait une expression légèrement navrée. Puis enfin, se joignirent le visage et la parole :
« Tu es la fille de Bow Hot Hoof, n'est-ce-pas ?
- Oui madame.
- Sache que c'était un grand capitaine, et un très bon ami. Très enthousiaste. J'ai été ravie de pouvoir compter sur lui.
- Excusez-moi... est-ce-que vous êtes... la princesse Celestia ? »
Elle leva les sourcils étonnée.
« Oh... je dois t'avouer que, d'habitude, on me reconnaît de dos... »
Elle n'était pas choquée, mais presque ravie qu'un poney ne la reconnaisse pas du premier coup, puisque cette dernière ne l'avait tout simplement jamais vu.
Alors, réalisant qu'il devait sûrement y avoir une espèce d'étiquette pompeuse et compagnie, je m'agenouillai machinalement. Elle me pria presque aussitôt de me relever et continua, désormais totalement impliquée par ma personne.
« Je t'en prie, adresse-toi à moi comme à n'importe quelle amie. Je ne suis pas une princesse, juste quelqu'un qui veut t'aider, d'accord ?
- Oui madame. Euh... en fait, je viens de Cloudsdale et...
- Ta mère est cette chère Windy Whistles n'est-ce-pas ? Et tu as quitté ton domicile à seulement neuf ans, c'est très courageux... Est-ce-que tu te plais à Skyfall ?
- Oui, beaucoup.
- Mais tu veux partir.
- Qui vous a dit ça ?
- C'est ce que j'ai cru comprendre dans ton discours, dit-elle en se dirigeant vers les marches de son trône provisoire pour le congrès. Même si tu as trouvé un équilibre ici, il y a quelque chose qui t'appelle à l'aventure, et tu ne peux y résister. Et c'est un rayon qui a déclenché cela, tu dis...
- Oui, un immense rayon pourpre vers l'est ! Vous l'avez vu, vous savez ce que c'est ? »
Celestia contempla le trône un moment, baissa les yeux et retrouva les miens.
« Oui... mais il vaut mieux que tu ne le saches pas.
- Comme à Dizzy, vous voulez pas me le dire ?
- Il y a des choses qu'il vaut mieux découvrir par soi-même... ou ne pas découvrir du tout...
- D'accord, mais dites-moi juste comment je dois le prendre ? Si je dois répondre à l'appel ou pas ?
- A l'est, tu dis ? déclara la princesse pensive. Hum, tu pourrais peut-être... Est-ce-que tu aimes l'aventure ?
- Ouais.
- La chasse ?
- Carrément !
- Et le danger ?
- Ça c'est mon deuxième nom ! Rainbow - Danger - Dash ! »
Celestia me fixa avec un regard de juge, comme une mère à qui sa fille aurait demandé un nouveau scooter.
« Je crois... que c'est une chance à saisir. Mais en vérité ce n'est pas à moi de prendre la décision... Rainbow Dash. Si tu penses que ce destin que tu cherches est là-bas, il y sera forcément. Et si tu penses qu'il est ici, il le sera aussi.
- Je décide de mon destin... murmurais-je.
- Exactement. La vie arrive là où on la fait venir. L'enjeu et de faire les meilleurs choix, mais si tu fais le mauvais, il y a toujours l'espoir qu'il te mène à quelque chose de plus grandiose encore. Quitter Cloudsdale, vivre à Skyfall, repartir, ce sont des décisions qui t'appartiennent, elles sont sous ton contrôle. Quant aux événements accidentels, eux, comme la disparition de ton père, tu dois composer avec, et faire de ta vie la meilleure symphonie possible, même si elle a quelques fausses notes.
- J'ai le droit de faire des erreurs ?
- À ton âge, tout est permis. C'est lorsqu'on gouverne un grand royaume et qu'on lève le Soleil depuis des années, que certaines erreurs deviennent inadmissibles... »
La princesse avait l'air très touchée. Et à cette époque, il m'était impossible de savoir pourquoi.
« C'est vrai que faut être forte pour lever le Soleil... et puis aussi la Lune !
- Oh, je crois que c'est la Lune... qui a le plus subit mes erreurs...
- Pardon ?
- Alors, Rainbow Dash, dit-elle énergiquement en ravalant toute sa tristesse comme si de rien n'était. Veux-tu tenter l'aventure ?
- J'ai peur que certains poneys me manquent.
- Tu n'imagines pas à quel point...
- Pardon ?
- Ahem... Liberty Hope est ton amie, Rainbow Dash. Et une bonne amie en reste toujours une, malgré la distance qui vous sépare. Tu lui expliques ce qui te motive, elle ne s'y opposera pas... en revanche... »
La princesse venait de hausser le ton, elle s'apprêtait à me mettre en garde :
« Ne lui parle pas, jamais, du rayon pourpre !
- Ça veut dire qu'elle sait aussi d'où ça vient ? Un nouvel élément à ajouter au mystère Liberty ?
- Et tu ne dois pas lui demander, je t'en prie.
- Très bien, princesse, si c'est un secret national. Par contre, tout ce mystère me donne encore plus envie d'aller voir d'où ça vient !
- Alors envole-toi, Rainbow Dash. Vole vers ton destin. Et je veux que tu profites de ta vie aussi bien là-bas qu'à Skyfall. D'ailleurs, pour cela, il te faudrait un logement ! Qu'on m'amène le messager royal ! »
Je m'interrogeais à cet étrange appel. Puis brusquement, je fus bousculé par un lézard violet. Un reptile encore bébé (donc plus mignon qu'effrayant) avait entendu qu'on l'appelait, comme s'il était posté juste dans le couloir depuis un moment, et se mit à sautiller à côté de Celestia avec une plume et une feuille de parchemin dans les bras.
« Ça y est, vous avez besoin de moi ? Oh, mon premier courrier en tant que correspondant stagiaire de Celestia, j'ai hâte !
- Votre messager est un lézard ? demandais-je en le pointant d'une patte.
- Un dragon ! s'écria l'autre. Un dragon cracheur de feu magique !
- Spike, concentre-toi, il s'agit d'un document officiel.
- Oh... déjà la pression pour ma première...
- Allons-y, prends note ! Je, Princesse Celestia...
- Hé, doucement, je suis que stagiaire !
- … ait l'honneur par la présente de vous demander d’accueillir au sein de votre ville la jeune pégase du nom de Rainbow Dash qui arrivera sous peu. Je voudrais éviter de parler du rayon pourpre... qu'est-ce-que je pourrais... ah oui... Cette pégase dynamique et dévouée, grâce à son expérience non négligeable, pourra superviser votre toute nouvelle équipe aérienne chargée de la météo en ville. Ça t’intéresse de chasser les nuages, Rainbow Dash ?
- Et comment ! m’écriais-je, ravi de décrocher un métier qui me correspondait autant.
- Je compte donc sur vous, madame le maire, pour lui montrer l'hospitalité de votre magnifique ville et de ses habitants. Je voudrais qu'elle se sente comme chez elle, à moins bien sûr, que son envie d'aventure ne l'appelle ailleurs. Signé : Celestia d'Equestria.
- Donc on écrit à une mairie, déclara le dragon. Ce serait trop vous demander la destination ? »
La princesse Celestia me regarda. Je devais avoir l'air incroyablement excitée, car elle se mit à sourire et articula trois syllabes qui allaient bouleverser toute ma vie...
« Ponyville. »
Le dragon redressa la tête, me fixa un instant, puis ajouta.
« Pfff, je sais même pas où c'est ! Le feu fera le reste. »
Après quoi, il cracha une gerbe de flammes vertes sur le parchemin. Celestia me fit comprendre par un mouvement de tête que celui-ci n'avait pas été carbonisé mais envoyé vers cette mystérieuse Ponyville. Je quittais la salle, ravie, sous les regards d'une princesse pensive et d'un dragon levant les yeux au ciel.
Dizzy m'attendait à la sortie, je lui demandais de saluer Jetstream de ma part, car j'avais décidé de partir dès demain à l'aube.
Elle insista pour que je m'explique avec Liberty et de toute façon, j'avais l'intention de le faire. Je savais qu'elle accepterait que je parte. À ce moment-là, je redoutais plus qu'elle me manque plutôt que le contraire.
Cela ne m'empêcha pas d'être extrêmement excitée. Tellement que j'ouvris la porte de notre maison commune d'un grand coup de sabot.
« Liberty, c'est moi ! Tu vas pas croire qui j'ai rencontré à l'instant ! »
En refermant la porte, je vis celle du salon claquer furtivement. Imaginant toutes sortes de scénarios flippants, je me précipitais pour essayer de la rouvrir. Mais quelque chose la bloquait. C'est alors que j'entendis des sanglots de l'autre côté. À travers la serrure, je reconnu le dos de Liberty, elle était adossée contre la porte... et... elle pleurait...
« Liberty, ça va ? C'est toi qui a fermé ? »
Je n'entendis rien d'autre que des sanglots de l'autre côté. Apparemment, elle tentait de s'arrêter, mais elle n'y arriverait pas.
Ma présence ne devait pas arranger les choses : Liberty était la plénitude incarnée, la zénitude à l'état pur, une experte dans la maîtrise des émotions. Elle n'a jamais supporté que quelqu'un la voie... perdre le contrôle...
« Je te connais assez pour savoir que tu n'aimes pas qu'on te voie dans des états pareils...
- De quoi tu parles, Rainbow ? Je vais parfaitement bien !
- Alors pourquoi tu m'ouvres pas ? »
Cette discussion me rappelait celle de ma mère il y a quelques années. Apparemment, personne ne voulait me montrer ses larmes... peut-être parce que moi, je ne pleurais jamais.
Je glissais dos à la porte comme elle et me retrouva face à la vitrine de la flûte. Je fus alors très surpris. Celle-ci avait disparue... Est-ce qu'elle pleurait pour ça ?
« Ça a un lien avec la flûte ? » demandais-je alors à la porte.
Soudain, les sanglots cessèrent. Je l'entendis se lever et la porte grinça.
Lorsque nous fûmes enfin face à face, je compris ce qu'elle voulait me cacher : ses yeux étaient rouges, sa crinière anarchique et son pelage boueux. Dans la corbeille du fond, des centaines de mouchoirs s'entassaient, et sur la table du salon était posée la flûte de Liberty, complètement trempée, elle avait dû la récupérer dans un cours d'eau. Avant même que je ne lui demande d'expliquer, elle tomba en larmes entre mes bras. Je la sentis tremblante et désemparée. Je n'avais aucune idée de comment gérer ça.
Alors je m'assis dans l'escalier et passa doucement mon sabot dans sa crinière... soit exactement ce qu'aurait fait maman. Puis elle s'arrêta et me regarda avec des yeux de biche. Elle se releva alors soudainement et regarda la vitrine.
« Désolée, je ne veux pas te mêler à ça, Rainbow Dash.
- Pour l'instant, tu ne m'as pas vraiment mêlé. Je voudrais bien qu'on m'explique...
- Je ne veux pas parler de ça, Rainbow !
- Liberty...
- Je ne veux pas en parler !
- Il paraît que partager ses problèmes avec une amie, ça fait du bien.
- Non, pas dans ce cas-là.
- Je t'ai raconté toute ma vie ! Et toi, tu gardes pour toi ton petit copain, ton frère, tes larmes. Pourquoi es-tu si mystérieuse avec moi ?!
- Parce que si je te le dis, je te perdrais aussi, Rainbow ! »
Un moment de silence pesant régna à nouveau. Je me sentais très mal à l'aise.
« Tu as perdu quelqu'un ?
- Ah, ça y est, j'en ai trop dit !
- Pourquoi personne ne veut jamais rien m'expliquer ? Entre toi et tes secrets, et Celestia avec son rayon pourpre ! »
Liberty se figea de terreur. Elle se retourna vers moi comme si elle avait vu un monstre. Je comprenais à l'instant que je venais de gaffer.
« Le rayon pourpre... ça veut dire que... il est revenu... tu l'as vu ?
- Je ne t'en parlerais pas ! Ah ah, moi aussi je peux jouer le mystère !
- Rainbow ! Ce rayon est beaucoup plus important que tu ne le penses...
- Et je suppose que tu ne veux pas me dire pourquoi ?
- Ce serait te mettre en danger.
- Et bien tu n'auras pas ma mise en danger sur la conscience. Parce que je vais le découvrir moi-même !
- Pardon ?
- Je pars demain pour Ponyville, c'est la ville la plus proche de l'origine du rayon. »
Liberty ouvrit grand la bouche, complètement désorientée. Elle s'appuya contre la vitrine, ne tenant plus sur ses jambes tremblantes.
« Je comptais te le dire dans une meilleure ambiance, ajoutais-je, perchée dans mon escalier.
- Tu pars ? Tu pars pour de bon ? Après tout ce qu'on a vécu ?
- Liberty, tu savais que ce jour arriverait, je te l'ai toujours dit, je ne suis pas du genre sédentaire.
- Oui oui, tu as raison, si tu penses que c'est mieux, je ne suis pas en mesure de te retenir... mais tu pars en direction du rayon !
- Et c'est quoi le problème ?
- Rainbow Dash, écoutes-moi ! dit-elle en se jetant sur mes jambes. Tu ne dois pas aller là-bas ! Je t'en supplie, je ne veux pas que tu t'en ailles !
- Celestia avait raison, il ne fallait vraiment pas t'en parler...
- Tu as vraiment vu la princesse ? Elle t'a autorisé à partir ?
- J'ai une pégase à retrouver, un destin à accomplir, et un mystère à résoudre ! Imagine un instant que tout soit lié à ce rayon !
- NON ! Rainbow ! Tu m'as vu pleurer, tu m'as vu souffrir, mais tu n'imagines même pas ma douleur si tu découvres le secret du rayon pourpre !
- Et qu'est-ce-qui m'attends ?! La mort ?! Ah, qu'elle vienne ! J'ai toujours rêvé de faire une course avec elle !
- Rainbow Dash, tu es complètement stupide !! »
Elle se releva et me tourna le dos. Quelques larmes gouttèrent sur le sol.
« Reste... pitié... je ne veux pas te perdre...
- Celestia a dit qu'une bonne amie comprendrait mon choix... je ne vois pas pourquoi je resterais avec une fausse amie qui veut me garder pour elle ! »
Étant donné le flot impressionnant de larmes qui coulaient sur ses joues, je compris que je venais de la toucher à vif. Son regard s'emplit de haine et de fureur. Cette dispute venait d'échapper à mon contrôle...
« TRÈS BIEN ! hurla-t-elle soudainement. Vas-t-en, Rainbow ! Dégage !
- Et ça se dit mon amie !
- Tu n'es pas de taille contre ce rayon. Personne ne l'est, je t'aurais prévenue !
- Serait-ce une menace ? Tu me déçois, Liberty !
- Je... je ne veux plus jamais te voir ici !!! »
Elle courut en larmes vers le salon et claqua violemment la porte. Elle allait sûrement y dormir. Ça me laissait une nuit pour faire mes bagages.
Il y avait cette voix au fond de mon cœur qui me disait de ne pas abandonner Liberty, qu'elle avait besoin de moi. Mais je tentais de me convaincre que ce n'était plus mon amie, qu'elle venait de briser huit années de rêve dans cette rixe inattendue.
Mes bagages furent vite faits, aussi minces qu'à mon arrivée à Skyfall, avec toujours en place d'honneur ces lunettes de vol multicolores, souvenirs de ma mère. Je passais la nuit à m'imaginer ce qui allait m'attendre à Ponyville, regardant vers le futur, et oubliant tout l'épisode skyfallien comme s'il n'avait jamais existé.
Au milieu de la nuit, j'entendis Liberty pleurer et crier de terreur. Ça ressemblait à un cauchemar. Un cauchemar qu'elle faisait à cause de moi et qui me touchais profondément. Je décidai pourtant de l'ignorer en couvrant mes oreilles de deux coussins.
Puis Celestia leva le jour. Mon grand départ était prévu très tôt, dans l'intention de ne croiser presque personne, et je comptais bien respecter mes horaires pour une fois.
Lorsque je dus faire mes provisions de bouteilles d'eau et donc que je passais par le salon, mon regard s'arrêta sur Liberty, allongée en position fœtale sur le canapé et surtout toujours endormie. Elle serrait fort contre elle la Flûte d'Espoir, et je compris cela comme un symbole.
Car il y avait là un espoir de calmer la dispute d'hier. Jamais je n'aurais pu m'expliquer devant elle réveillée. Mais là, il me suffisait de plonger mon sabot dans mon bagage...
Et alors, sans bruit, j'extirpai les lunettes de vol vertes que m'avait offert ma mère et les plaça sur la table devant elle, histoire qu'elle ne garde pas de moi que haine et colère. C'était un petit sacrifice, comparé à ce que je m'apprêtais à faire. Je passais alors mon sabot dans le jeu des six lunettes qui restaient puis plaçai les bleues sur mon museau avant de sortir de la maison à pas feutrés.
Ma piste de décollage fut le toit de la maison. Je lançais un dernier regard à la ville derrière moi. Je ne sais pas si elle allait changer sans moi. J'espère que non. Et j'espère que Liberty, Jetstream et Dizzy Twister me comprendront.
Je crois que je peux l'avouer aujourd'hui, le toit de Liberty reçu quelques larmes ce jour-là, tandis que je déployais mes ailes.
Il ne restait plus qu'à s'envoler, planer à travers les nuages et s'envoler le plus haut possible.
Et alors que je fuyais cette ville où j'adorais tout, je suis intimement sûre qu'une pégase m'observait à la fenêtre de sa maison, qu'elle avait fait semblant de dormir et qu'elle articulait quelque chose comme « Non, je ne veux plus jamais te voir... ici... ».
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