Obscure Solitude

Heure locale : 15 h 50

Date estimée : 13ème jour du 5ème mois

Année (depuis arrivée) : 8ème

Les tribus, c'était fini pour Mala. Telle une ermite, avec tout ce qu'elle avait pu ramener comme savoir écrit, elle pouvait désormais s'atteler à son but, le sien à elle, et plus un but qu'elle jugeait égoïste comme celui de Platinum ou de ses homologues. Elle n'en n'avait plus rien à faire.

D'autant plus que dans la logique, sa sortie fracassante avait sûrement dû la rendre... connue. Dans le mauvais sens du terme, ce qui logiquement lui donnait une raison supplémentaire de ne plus approcher la civilisation poney. Peu lui importait ! Elle avait tout ce qu'elle désirait, et n'avait plus qu'à se mettre au travail. Ce que lui avait dit la diseuse de bonne aventure lui restait dans la tête, lui martelait l'esprit... et son expérience de sortie de chez Platinum lui a prouvé que malgré qu'elle puisse receler une immense quantité magique grâce au catalyseur à la corne... Mala était faible. Et elle se devait de corriger ça. Ça l'obnubilait... surtout qu'elle savait que son futur allait de nouveau croiser celui des juments de nébuleuse... ou de ceux qui les suivraient. Peu importe quand ça arriverait, elle devait se tenir prête.

Restant perchée dans sa fusée à l'arrêt de manière plus ou moins définitive, elle travaillait sans relâche, pratiquait assidûment la magie afin de s'y habituer malgré les terribles effets que prenait son corps à chaque essai intense : migraines, saignements, tremblements, fatigue... la vitranienne n'était clairement pas faite pour la magie naturellement au contraire d'une licorne d'ici, mais ça ne l'arrêtait pas. Avec la pratique, tout pourrait rentrer... tout. Elle avait réussi à créer des juments faites de nébuleuse à l'énergie immense, alors pourquoi pas assimiler toujours et toujours plus de savoir ainsi que défier la Mort ? Surtout qu'elle a déjà évité celle-ci en s'enfuyant d'une apocalypse certaine sur Vitranis, ainsi qu'en se plongeant en stase, laissant les millénaires s'écouler comme les grains d'un sablier.

Les jours devenaient des semaines... les semaines, des mois. Les mois... des années. Elle se voyait et se sentait vieillir progressivement, de profondes rides lui apparaissant sur le visage... ses os commençaient à fatiguer, ses muscles se relâcher... en aparté, elle cherchait aussi de quoi synthétiser des tonifiants naturels, afin de garder son corps à peu près fonctionnel, si elle devait voyager... de quoi garder ses muscles encore suffisamment forts pour d'éventuels déplacements qui pourraient être lointains.

Assez rapidement, elle savait quoi faire et rechercher pour parvenir à son objectif : le Lazarus. Une entité immémoriale qui serait capable, selon les quelques légendes qui en parleraient, de repousser la Mort à intervalles régulières... ce n'était pas une bête immortalité, mais une action à refaire régulièrement, qui tant qu'elle était renouvelée, permettait à son utilisateur de ne jamais craindre la vieillesse.

Seulement voilà... jamais le Lazarus n'avait été trouvé, et l'origine de sa création demeurait inconnue. Mala ne pouvait se mettre à bêtement rechercher ce dernier en parcourant le Monde... son âge avancé ne lui permettait pas, et sa notoriété soupçonnée non plus. Si elle venait à recroiser des licornes de Platinum, qui savait ce qu'il pourrait arriver ? D'autant qu'elle n'avait pas envie de la revoir...

Elle continuait donc en parallèle à pratiquer toujours plus de magie, tout en recherchant de quoi réduire le champ de ses recherches... sous quelle forme était le Lazarus ? Un fluide ? Un solide ? Une énergie ? Tant de questions auxquelles il fallait répondre pour réduire les possibilités. Et malheureusement, les données lui manquaient petit à petit... il lui faudrait toute une bibliothèque de savoir, c'était déjà un exploit d'en avoir appris autant avec juste quelques parchemins dérobés. En huit ans, Mala eut le temps de les extrapoler dans tous les sens, mais elle commençait à manquer de savoir élémentaire supplémentaire, comme base de recherche...

Elle n'avait plus le choix. Il fallait qu'elle retrouve la civilisation. Seulement, elle allait devoir être très prudente... Platinum n'allait certainement pas l'avoir oubliée, même après huit ans. Il fallait qu'elle soit méconnaissable, et son âge allait peut-être lui servir désormais, à passer pour une vieille hère encapuchonnée...

Et puis bientôt, elle allait manquer de rations déshydratées... les réserves de la fusée ne prévoyaient pas autant d'années, une chance qu'elle était seule avec elle-même. Il faudrait donc au passage qu'elle arrive elle-même à produire ou à se procurer de la nourriture... ou synthétiser encore on ne sait quelle horreur pour subsister à l'alimentation.

Une fois habillée et préparée, elle sortit hors de sa fusée, pour la première fois depuis longtemps... gouttant à nouveau l'air frais depuis plusieurs semaines, elle était de nouveau surprise que le Soleil soit si radieux à cette époque... elle l'avait noté plusieurs fois au cours des précédentes années, les saisons avaient cessé d'être... aussi « pourries » qu'à l'époque avec Platinum.

Hors de question d'utiliser la magie pour se déplacer... après avoir pris du tonifiant musculaire, elle se mit en route d'un pas décidé, le corps grisé bien couvert sous de longs vêtements fins, pour éviter d'être éventuellement reconnue. L'on pouvait aisément s'imaginer qu'il n'y aurait bien que Platinum et de rares autres personnes pour reconnaître Mala... le reste des licornes n'y feraient certainement pas très attention.

Après une bonne journée de voyage paisible et agréable, Mala arrivait au château de Platinum... ou plus exactement, ce qu'il en restait : des ruines. L'endroit semblait abandonné depuis au moins cinq ans. La jument grisée n'était pas dupe, mais rentra tout de même dans l'enceinte et alla dans les archives... il n'y avait plus rien de récupérable. L'endroit aurait pu être vidé, pillé, et encore plein d'autres choses. Et pourtant, pas la moindre trace de corps dans toute l'enceinte... Mala en déduisit qu'ils n'avaient pas fini par se détruire : ils sont tout simplement partis. Où ? Elle n'en savait rien... surtout depuis toutes ces années.

Elle essayait de déterminer où ils étaient partis... avec peut-être des signes qui indiqueraient la direction générale, qui sait ? Elle n'avait plus que cette solution... retrouver de la civilisation, même si ça ne lui plaisait pas. Voyant l'état d'un chemin qui partait de l'enceinte, elle put estimer grossièrement par où les licornes étaient parties. Elle suivit donc ce chemin pratiquement effacé par le temps et le manque d'entretien, la direction générale se rapprochait un peu de la position de sa fusée, mais pas vraiment non plus.

Sauf que le voyage était... long. Très long, bien que la période estivale proche rendait le trajet agréable et calme. Elle mit bien trois jours de marche, heureusement que ses réserves sur elle suivaient. Elle arriva vers un petit hameau, jonché au milieu de petites collines verdoyantes, c'en était presque idyllique. Les maisons étaient sommairement en bois en et pierre, mais la qualité était présente. En arrivant entre les petites maisons, elle voyait quelques poneys vaquer à leurs travaux... et plus surprenant encore, il y avait des licornes ET des terrestres, voire même un ou deux pégases !

Les tribus s'étaient-elles enfin arrêtées ? Ou ce hameau était-il une exception qui avait décidé de défier les querelles de celles-ci ? Mais au moins, peut-être Mala pourrait se renseigner sur là où était partie Platinum. Elle aborda une jument terrestre de robe jaune et à la crinière bouclée bleue, au hasard.

« Où est... Platinum, s'il vous plaît... ? » demanda Mala de manière assez froide et fermée de sa vieille voix, comme toujours, se gardant dissimulée sous sa tenue.

« Platinum ? Plati... ? Oh, l'ancienne Princesse des licornes ! Mais vous sortez d'où, madame ? Ça fait longtemps qu'elle n'est plus là ! » déclara franchement la terrestre avec un certain sourire.

« Elle... n'est plus là ? Comment ça ? »

« Mais, vous avez vécu où ces dernières années ? C'est Equestria maintenant ! Tout le monde le sait, voyons ! »

« Eque...stria ? Je ne savais pas... »

« Bon... en somme, les trois tribus ont fini par devoir être ensemble, et ont fondé un royaume. Vous êtes dedans. C'est simple, non ? »

« Oh... et où est... le savoir ? » demanda Mala, perdue, surprise que ça ait fini par se résoudre en son absence.

« Sûrement au château des Deux Sœurs. C'est là-bas que tout se fait, maintenant. Vous suivez cette route et vous tomberez forcément dessus tout au bout ! » déclara la terrestre en montrant un chemin du sabot.

Soudainement, alors que Mala allait continuer son chemin sans demander son reste... un étrange fluide visqueux, noir suintait du poitrail de la terrestre, alors que les yeux de cette dernière devinrent aussi tout noirs. Son expression ne semblait pourtant changer, mais Mala déglutit, effrayée par ce qu'elle voyait... et la terrestre ne semblait pas la seule concernée, tous les poneys du hameau, qui passaient, semblait atteints de la même horrible chose.

« Madame ? Ça ne va pas ? Vous faites une drôle de tête... » demanda la terrestre simplement malgré son air effrayant.

« Vos... yeux, et votre poitrail... » annonça Mala, effrayée, reculant de deux pas.

« Mais... je n'ai rien de bizarre. Vous devriez aller voir un soigneur... Lâche. »

« N-Non ! Je ne suis pas... lâche !... »

« C'est vous qui êtes bizarre on dirait... reposez-vous, je n'ai jamais dit que vous étiez lâche ! » finit par dire la terrestre avant de s'en aller, regardant Mala bizarrement.

Cette dernière voyait que chaque poney ne semblait pas atteint de cette étrange « mal » au même niveau... certains suintaient du poitrail plus que d'autres, et certains le faisaient tellement que même le coin de leurs yeux noircis semblaient dégouliner en un fluide noir et visqueux.

La jument grisée secoua brièvement la tête en fermant les yeux, et quand elle les rouvrit... plus personne n'avait ces choses étranges et effrayantes. Tout le monde semblait de nouveau normal. Mais une énième migraine avait éclaté dans sa tête... Mala reprit donc une dose de sa poudre antalgique, dont elle avait régulièrement prise toutes ces années, et qui semblait demeurer relativement efficace, avant de reprendre la route d'un pas... pressé. Que venait-il de se passer ? Que venait-elle de voir chez les poneys ? Elle n'en savait rien... et ça l'effrayait.