Je courrais. Je galopais à travers les grossiers couloirs de la forteresse des flibustiers. Ils m'avaient repéré, et il y avait des chances pour qu'ils aient déjà décidé de se lancer à ma poursuite. Sans réfléchir, je pris une série de virages hasardeux, qui devaient m’amener vers la partie ouest de la construction. Il fallait que je trouve un moyen de me sortir de là, au plus vite. En passant, je jetais des coups d’œil dans chaque salle que je voyais. Des points d'observation, des salles d'armes, différents postes où étaient installés des canons… Toujours pas de trace des prisonniers. Je tournai à une autre intersection pour essayer de revenir vers l'intérieur. La périphérie ne semblait pas prévue pour détenir qui que ce soit. D'autres pirates se trouvaient sur mon chemin, vaquant à leurs occupations. Ils ne semblaient pas avoir encore été alertés, et me regardaient simplement passer, intrigués.
Je finis par arriver vers une autre série de salles, au fond d'une impasse, contenant divers coffres et paquets. Certains, ouverts, m'indiquèrent qu'il s'agissait de butin volé. Or, argent, textile, épices, tout ce qui pouvait avoir de la valeur. A proximité, je fis sortir de sa torpeur un griffon borgne qui devait monter la garde. Je ressortis avant qu'il n'ait le temps de réagir pour reprendre ma course folle. Imaginez que vous trouvez dans un gigantesque labyrinthe, avec pour objectif de trouver la sortie avant la fin d'un sablier. Eh bien, ma situation était pire encore. Croyez-moi.
Précipitamment, j'entrai dans une autre impasse, évitant au passage un autre griffon qui ne m'avait pas vu arriver. Je regardais dans la première salle…
Cette salle était différente des autres. Aménagée dans la coque d'un lougre (bateau de pêche à trois mats), c'était un vaste espace où se trouvaient des poneys, des chiens, des griffons, la plupart des jeunes ou des femelles, le plus souvent les deux. Ils devaient être une trentaine, au total. Tous étaient attachés, le cou, et souvent les griffes, étaient attachées aux parois par de grosses chaînes métalliques.
Je n'arrivais pas à y croire. Je venais de les trouver. Tous les prisonniers de Hook Bay se trouvaient dans cette épave de bateau. J'entrai à l'intérieur. Tous se tournèrent dans ma direction, l'air soit hargneux, soit plaintif et suppliant. Certaines préféraient rester dans un coin, recroquevillées, probablement traumatisées par les traitements que leur avaient infligés les pirates. Je regardais autour de moi, guettant le moindre signe de…
- Jolly ? C'est toi ?
- Windy !
Elle était là, elle était là bien vivante. Je sentis mon cœur faire un bond dans mon poitrail quand je reconnus sa voix. Je me tournai vers elle. Elle voulut se lever, pour me rejoindre, mais entravée par son collier, ne parvint pas à faire plus d'un pas dans ma direction. Je fis donc le reste de la distance pour la rejoindre. Des marques de coup parcouraient son pelage, et des traces sous ses yeux indiquaient qu'elle avait longtemps pleuré. Sur le moment, j'oubliais les autres captifs, qui devaient commencer à s'interroger.
- Windy… Qu'est-ce qu'ils ont osés te faire ?
- Jolly… Tu ne peux pas imaginer…
Son regard s'attarda sur le foulard rouge qui se trouvait sur ma tête. Elle marqua soudain un temps d'hésitation.
- Tu es avec eux ?
- Non, je suis sous couverture. Je suis venu vous sortir de là.
- Bah t'a pas de chance mon pote, parce qu'ils restent là.
Je me retournai vivement. Le griffon que j'avais bousculé en arrivant venais d'entrer à son tour, un gros pistolet dans une de ses serres, pointé directement sur ma tête.
- Par contre, je ne vois pas d’inconvénient à ce que toi, tu les rejoignes.
Le volatile me regarda d'un air amusé. J'étais pris au piège. J'aurais dû m'attendre à ce qu'il essaye de m'intercepter, mais dans ma précipitation, je n'avais rien fait pour l’empêcher. Il m'arrivait d'être tellement stupide parfois…
Stupide pégase que j'étais. Bêtement piégé de cette manière… Je lorgnais le pistolet du forban, effrayé à l'idée qu'il puisse s'en servir, et plus effrayé encore de ce qu'il pourrait décider de me faire d'autre. Essayant de garder mon calme, je guettais la moindre ouverture qui pouvait me permettre de renverser la situation.
- Je crois qu'il est parti de ce côté.
- Vers les salles du trésor ?
Des voix dans le couloir attirèrent l'attention du griffon, qui tourna la tête pour voir de quoi il s'agissait. J'avais une ouverture. Sans hésitation, je bondis sur le pirate, donnant un coup de sabot dans son pistolet pour le faire dévier, et un autre dans la tête du volatile. Ce dernier n'eût même pas le temps de réagir. Il tira, mais le coup alla quelque part dans le plafond, et le griffon se retrouva à terre. Sans attendre, je pris mon coutelas, pour le pointer sur sa gorge. Quand ce dernier s'en rendit compte, il préféra lever les serres : il n'avait plus l’avantage.
- Les clé, lui dis-je simplement.
Sans discuter, le griffon décrocha le trousseau qui se trouvait à sa ceinture. Windy s'empressa de les récupérer par magie. Dans le couloir, j'entendais les pirates approcher. Ils avaient entendu le coup de feu, et savaient maintenant où j'étais. Les prisonniers n'auraient jamais eu le temps de tous se libérer avant qu'ils n'arrivent.
- C'est peine perdue, me dit alors le griffon, ironique. Ils seront là d'ici quelques instants. Vous n'avez aucun moyen de vous enfuir.
- Ferme-la.
Il fallait cependant reconnaître qu'il avait raison, je ne voyais plus quoi faire. En entendant les forbans approcher, plusieurs prisonniers eurent un mouvement de panique, cherchant à se cacher derrière leurs compagnons d'infortune. Sous mes sabots, je sentais le plancher s'incliner légèrement…
Ça bougeait ?
Une image mentale du repère me revint en mémoire. Un grossier assemblage de brique et de broque. Peut-être assez solide pour former une armature dans laquelle circuler, dont l'extérieur est relativement résistant aux boulets de canon, mais à l'intérieur ?
Les forbans approchaient toujours. Je devais prendre une décision, et vite. Par magie, Windy enchaîna le griffon que je menaçais toujours, et lui confisqua le reste de son équipement : le coutelas et la réserve de poudre. Ce problème étant réglé, je pus leur présenter mon plan d'action :
- Je crois que j'ai une idée pour nous sortir de là. Cette coque est bancale, je l'ai senti bouger à l'instant. Si on arrive à la faire tomber, on pourra peut-être sortir par un autre chemin. Mais il faut que tout le monde s'y mette.
- C'est de la folie…
- Je sais Windy, mais c'est la seule solution que nous ayons.
Windy regarda autour d'elle, essayant sans doute d'estimer nos chances de réussite. Nous n'avions pas le choix de toute façon. Elle se tourna vers les autres captifs, qui faisaient circuler le trousseau de clé pour se détacher, les uns après les autres.
- Vous avez entendu ? Cria-t-elle. Il faut qu'on fasse chavirer le navire ! On peut y arriver si on s'y met tous en même temps ! Allez, à trois !
Plusieurs d'entre eux se tournèrent dans sa direction, mais seuls quelques-uns se levèrent pour prêter sabot fort. Les autres, trop désespérés, les regardaient simplement faire.
- Un, deux, trois ! On pousse !
Widy et moi nous précipitâmes vers la paroi opposée à l'ouverture, suivit par quatre ou cinq autres captifs, et y donnèrent un grand coup. Le mouvement n'était pas très ordonné, mais suffisant pour faire trembler toute la structure. Les autres redressèrent la tête, soudainement intéressés. Cinq autres captifs se levèrent pour nous rejoindre. Ceux qui étaient encore attachés et ne pouvaient atteindre le mur tiraient sur leurs liens, essayant malgré tout de participer. A mon tour, j'encourageais l'équipe.
- Allez, on recommence ! Un, deux, trois !
Le deuxième coup était plus puissant et ordonné que le premier. La coque bougeait, des craquements indiquèrent que les clous qui la maintenaient en place étaient en train de lâcher. Dans le couloir, j'entendais les forbans accourir.
« Je sens qu'on va bouffer du poney ce soir ! Venez ! »
Bouffer du poney ? Avaient-ils donc atteint ce point de dépravation ? Hors de question de le rester pour le savoir. Nous étions quinze debout, prêt à faire chavirer le navire.
« Un, deux, trois ! »
Le troisième coup ébranla la structure, qui pencha dangereusement, mais pas encore assez. Pendant ce temps, nos ennemis se rapprochaient de la porte.
« Un, deux, trois ! »
Tous les captifs, plus d'une trentaine de poney, s'était jeté contre la paroi. Les pirates étaient arrivés à la porte, mais trop tard pour eux. Dans un horrible craquement, la coque pivota, se détacha du couloir pour tomber sur la structure d'en dessous. A l'intérieur, le monde semblait perdre pied. Il n'y avait plus ni haut, ni bas. Les captifs étaient ballottés dans tout les sens, se heurtant les uns aux autres, s'accrochant là où ils le pouvaient. Instinctivement ? J'attrapai Windy d'un sabot, m’agrippant à une chaîne de l'autre, essayant de tenir le coup.
La coque s'immobilisa au bout de quelques secondes, qui avaient semblé une éternité. Le navire était incliné, la proue en l'air, et le trou d'entrée débouchait à présent dans l'armature de l'édifice, à côté d'un couloir dont les murs avaient été broyés par notre passage. Je regardai le groupe de détenus à côté de moi, beaucoup étaient sonnés, certains avaient subi des coups assez violent, mais tous étaient encore vivants et en un seul morceau. Windy s'agrippait encore à moi, tout juste consciente que le navire avait arrêté de bouger. Elle releva la tête à son tour, mettant quelques instants pour se rassurer et se décider à me lâcher. On ne pouvait pas se permettre de s'attarder plus longtemps, mais certains étaient encore accrochés à leurs chaînes.
- On a quelques minutes, dépêchez-vous de vous détacher, leur dis-je alors. Quelqu'un a vu les clés ?
- Elles sont ici, cria un autre prisonnier.
- Et maintenant, où est-ce qu'on va ? Demanda alors Windy. Tu a un plan ?
- Non, pas encore, mais je vais trouver.
- Qu'est-ce que tu avais prévu au départ ?
- Euh… Entrer, vous libérer, et ressortir ?
- Tu veux dire que tu n'avais rien prévu en arrivant ?
- Non, admis-je.
- Mais… Qui est avec toi ?
- Personne, je suis tout seul.
- Tout seul ?
- Tout le monde a refusé de m'accompagner.
- Alors c'est ça qui est venu nous sauver ? Protesta une griffonne d'une vingtaine d'année. Un mioche sans équipe et sans cervelle ?
- Eh bien, elle est belle l'équipe de sauvetage, commenta un chien à diamant assez menu.
- Hey ! Au moins, je suis venu !
- Jolly… Tu n'aurais pas dû prendre autant de risques, repris Windy.
- J'aurais pris tous les risques.
Il y eut un silence de quelques secondes, rapidement interrompu par un autre prisonier.
- C'est bon, on est tous détachés. Maintenant, il faut qu'on bouge avant qu'ils ne nous tombent à nouveau dessus.
- D'accord, attendez déjà que je regarde où l'on est.
Avec précaution, je me glissai à l'extérieur de la coque, et entrai dans le couloir à moitié éclairé. Plus loin, une intersection séparait la route en deux voies, vers la gauche et vers la droite. Dans ma tête, je dressais à nouveau une carte mentale des lieux. La route de droite devait revenir au mur de protection, et aux escaliers qui conduisaient aux docks. Un navire, c'était le seul moyen que nous avions pour nous échapper. S'enfuir en volant serait un véritable suicide. Il fallait donc en réquisitionner un. Je revins sur mes pas et retournai auprès des prisonniers.
- Voilà le plan : on pique un sprint jusqu'à la salle d'armes la plus proche, on prend autant d'armes que possible, et on descend aux docks pour voler un navire. Si on est assez rapide, je pense qu'on a une chance.
- Une chance ? Répéta la griffonne du début. On va seulement réussir à se faire tirer dessus ! C'est tout ce qu'on va y gagner !
- Tu aurais préféré rester enfermée là à servir d'esclave à ces monstres ? S'emporta Windy. Est-ce que tu préfères rester prisonnière ou est-ce que tu préfères te battre pour ta liberté ?
La griffonne ne répondit rien. Elle resta immobile quelques instants, surprise par la réaction de sa compagne de cellule, avant de simplement faire un signe de tête, et de récupérer les armes du pirate enchaîné à son tour. Ils n'avaient plus vraiment le choix de toute manière. Windy se tourna dans ma direction.
- On te suit Jolly.
- D'accord, alors par ici.
- Cela ne servira à rien, intervint le pirate griffon presque en riant. Vous finirez en passoire avant même d'être sorti !
- La ferme !
Sans crier gare, la griffonne pris son pistolet à l'envers, et mit un grand coup de crosse dans la tête de son congénère. Il retomba, assommé.
- J'en avais marre de ce pervers, expliqua-t-elle simplement.
Surpris par cette action soudaine, je préférais éviter de trop m'attarder là-dessus. Je ressortis donc de l'épave, attendant que mes compagnons d'infortune ne s'engagent à ma suite. Une fois tout le monde dans le couloir, nous pouvions nous mettre en route.
- Allez, au pas de course ! Il faut y arriver avant qu'ils ne nous bloquent le passage !
Je forçai l’allure, veillant à ce que tous le monde arrive à suivre. En les regardant, je prenais peu à peu conscience de l'énorme responsabilité que j'avais à présent sur les épaules. Ils avaient besoin de moi. C'est sur moi qu'ils reposaient leurs espoirs, leur destin. En fait… Je le savais depuis mon départ, en quelque sorte, mais sans vraiment comprendre, jusqu'à ce moment, dans ce couloir, où je les ai vu me regarder, me suivre. Ils comptaient sur moi. Je me retournai vers l'avant, vers ma direction. A ma droite, je reconnus l'escalier que j'avais emprunté en arrivant. La salle d'arme était droit devant.
Intérieurement, je priais à nouveau les princesses. S’ils n'étaient pas complètement stupides, les pirates ne mettraient que quelques minutes pour comprendre où le navire prison avait atterri, et pour se décider à redescendre. Méfiant, je regardais le couloir qui menait vers l'intérieur de la forteresse. Mais les bruits de pas et de sabot de mes nouveaux camarades m'empêchait de tendre l'oreille.
Par chance, nous n'en avons croisé aucun. Nous sommes arrivés sans encombre à la salle d'arme, où le garde que j'avais dénudé de son foulard dormait encore comme une souche. Il n'avait toujours pas lâché sa bouteille. Sitôt les caisses de munition et les râteliers repérés, les fuyards se jetèrent dessus, s'armant aussi vite qu'ils le pouvaient. Je craignais que ce désordre ne produise un accident, nous fasse perdre du temps ou même réveille le pirate qui se trouvait à proximité.
Nous n'avons essuyé que la perte de temps. Alors que tous étaient enfin équipés, j'entendis à nouveau les résidents de la forteresse se presser dans le couloir d'accès, nous obligeant à emprunter le monte charge pour pouvoir sortir.
Nous avions rejoint les docks, et avions été accueillis par une première volée de balle. Beaucoup ratèrent leur cible, mais plusieurs prisonniers furent blessés au passage. La réponse ne se fit pas attendre, et notre groupe répliqua par le même moyen. Jusqu'alors, je n'avais été témoin d'une telle scène qu'une seule fois, lors de l'abordage du Ocean Rose, le premier navire sur lequel j'avais navigué. La différence était que cette fois, c'est nous qui allions aborder un navire, et que je n'étais pas caché dans un coin à attendre que les coups de feu cessent.
Surpris par la contre-attaque, les pirates tentèrent un repli stratégique, rendu impossible par leurs coéquipiers qui continuaient de sortir des escaliers. Profitant de cette déroute momentanée, je conduisis ma propre équipe sur un ponton où était amarré un petit brigantin. Juste la bonne taille pour être utilisé par une trentaine de marins. Je notais son nom alors que nous nous approchions : « l’Écorcheur ».
- On va prendre celui-là, criais-je. C'est notre meilleur porte de sortie.
- Vous avez entendu ? On aborde !
Mes équipiers ailés se jetèrent sur le pont du bateau, s'en prenant par surprise aux membres d'équipage qui étaient chargés de monter la garde. En quelques instants, ils allaient être ligotés au mat du navire.
- Dépêche-toi Jolly !
- Monte a bord ! Je vous rejoins !
J'entrepris de larguer les amarres, tandis que Windy escaladait comme elle le pouvait le bastingage pour rejoindre le groupe. Je n'avais pas réalisé sur le moment, mais je m'étais retrouvé seul sur le quai. La pire erreur que je pouvais alors commettre.
En quelques tours de corde, j'avais libéré la première amarre, à l'arrière du navire. Je m'élançais alors vers la seconde. Mais soudain, comme sorti de nulle part, un pirate griffon fondit sur moi, et m'attrapa entre ses serres pour me plaquer contre la coque du navire. Il avait sans doute pris de l'avance en contournant les bâtiments proches. J'étais alors face à face avec un emplumé à l’œil fou, arborant un bon nombre de cicatrices sur le visage, son foulard rouge tranchant nettement sur son plumage brun foncé. Un vrai prédateur prêt à achever sa proie.
- Toi, je vais te découper en lasagne ! Ça ne va pas tarder !
Ça y est, c'était la fin. La mort était face à moi, et j'allais me faire tailler en pièces. Complètement affolé, désespéré, je cherchais un moyen de me défendre. J'agitais les sabots, mais il les bloquait avec ses serres, ouvrant le bec pour pouvoir m'égorger. J'attrapais mon mousquet entre mes dents…
Paf !
Le coup partit.
Le griffon s'écroula au sol, relâchant son étreinte. Je retombais sur mes sabots. Face à moi, le volatile gisait, les yeux dans deux directions différentes, tandis qu'un flot de sang s'écoulait d'un trou dans son crane…
Sainte Celestia…
Je l'avais tué…
C'était un griffon…
Et il était mort…
Et c'est moi qui l'avais tué !
Je me mis à vaciller, tremblant sur mes sabots, lâchant le mousquet qui retomba sur le sol. Je n'arrivais pas à croire à ce que je venais de faire. J'avais tué, j'avais commis l'irréparable, l'impardonnable, étais-je tombé à mon tour dans cette dépravation ?
Qu'étais-je devenu ?
- On a de la compagnie !
Ce cri me fit soudainement sortir de ma stupeur. Je les entendis alors : les autres flibustiers étaient en train d'approcher, à nouveau, hurlant et blasphémant, sous le couvert des autres navires afin de se protéger des balles.
Nous n'avions plus de temps à perdre. Je défis en quelques tours de corde la dernière amarre, et m’envolai pour rejoindre le pont. Le nouvel équipage s'était dispersé un peu partout, une bonne partie derrière les bastingages, prêt à faire feu sur les premiers ennemis venus.
- Nous sommes à vos ordres, capitaine, lança une terrestre grise à proximité directe.
- Quoi ?
- Non pas que ça me fasse plaisir de suivre un capitaine suicidaire de quinze ans, intervint le chien à diamant de tout-à-l'heure. Mais on a ni meilleur choix, ni de temps pour décider autre chose. Alors tu a intérêt à nous sortir de là, et en vitesse !
Effectivement, je n'avais pas le temps pour argumenter. Pour la première fois, j'allais diriger un vrai navire, et j'allais devenir officiellement son capitaine. Au moins, provisoirement, me dis-je. Rapidement, je me remémorais ce que j'avais appris de la navigation. Pour commencer, il fallait sortir l’Écorcheur du port.
- D'accord… Tous ceux qui peuvent voler, prenez des cordes, et tirez le navire hors des docks. Faites attention à bien rester hors de portée de leurs tirs de mousquet. Nous utiliserons les voiles une fois sorti de l'archipel. Ceux qui savent faire montrerons à ceux qui ne savent pas. Il me faut quelqu'un aux canons à mitraille. Vous, restez à couvert et empêchez-les d'approcher. Windy, descend à la cale et regarde de quoi on dispose pour se défendre.
- D'accord.
Alors que je donnais mes premiers ordres, tous commencèrent à s'activer. Les pégases et les griffons -qui représentaient la moitié de l'équipage- se précipitèrent à l'avant pour y accrocher des cordages et ainsi remorquer le brigantin. Des chiens et chiennes à diamant se postèrent aux canons sur pivot. Il y en avait six en tout, deux à l'avant et quatre à l'arrière. Celui de devant tira une première volée de mitraille, qui blessa un bon nombre de flibustiers sur le ponton et fit reculer les autres. Par chance, nos armes étaient chargées. Mais encore fallait-il les tenir en déroute assez longtemps.
Le navire commença à pivoter, s'éloignant du ponton. Désireux de quitter rapidement cet endroit, je me dirigeai vers la gaillard d'arrière pour prendre la barre. Je donnai au passage des directives aux canonniers afin qu'ils attendent mon signal pour à nouveau faire feu. Derrière nous, sur le ponton, les flibustiers renonçaient à nous poursuivre en volant, et essayaient de lancer un sloop à notre poursuite. Je doute qu'ils voulaient couler le navire, mais le récupérer en massacrant son nouvel équipage me paraissait bien plus probable.
Il fallut plusieurs minutes pour sortir du port de la forteresse et s'engager entre les nombreux rochers que constituaient l'archipel. Le vent s'était levé, et circulait entre les colonnes de roche, malmenant les pégases et griffons qui tractaient le navire. Je me posais de plus en plus la question : pourquoi installer un repaire dans un endroit où il était si dangereux de naviguer ? Peut-être avaient-ils développé une technique... Quoi qu'il en soit, nous étions poursuivis par un sloop plein de pirates assoiffés de sang. Au-dessus de nous, je me souvint qu'il y avait d'autres installations défensives, prêtes à nous envoyer de la mitraille...
Rapidement, j'évaluais la situation. Nous avions assez de vent pour déplier les voiles, mais il restait encore une bonne distance jusqu'à la sortie de l'archipel. Naviguer à la voile dans cet endroit était excessivement dangereux. Mais c'était ça ou subir une pluie de mitraille et voir tout cet équipage réduit en tas de chaire ensanglantée. Il était hors de question que je leur fasse subir ça.
- Arrêtez le remorquage et donnez toute la toile ! Ceux qui n'ont pas besoin de se trouver sur le pont, mettez vous à l’abri !
- On ne risque pas de se prendre les rochers en faisant ça ?
- Si, mais c'est ça ou se prendre une volée de mitraille depuis là haut !
- Alors... A vos ordres capitaine !
Ils s'exécutèrent. Les pégases et griffons se replièrent pour essayer de libérer les voiles. Certains étaient plus habiles que d'autres, mais tous se donnaient à la tâche. Voyant que le sloop, toujours remorqué par des griffons, s'approchait dangereusement, un de mes canonniers entreprit de leur tirer dessus. La mitraille fit de nombreux blessés, mais des morts... Je n'en savais rien, je préférais ne pas le savoir, et plutôt signaler que je n'avais pas donné l'ordre de tirer.
Les voiles étaient toutes dépliées. Nous prenions en vitesse. A la barre, je commençais mon travail d'éviter les obstacles rocheux qui se présentaient. Chose bien compliquée quand le vent, pris entre les colonnes de pierre, ne cessait de tourner et de projeter le navire vers ces derniers. Presque tout l'équipage s'était replié à la cale...
Sauf Windy, qui venait de remonter.
- Jolly, nous n'avons presque pas de munition. Il y a quelques barils et caisses de boulet, mais pas de quoi recharger tous les canons.
- C'est pas bon... Retourne vite à la cale. Si ils décident de tirer...
PAF
Trop tard. L’Écorcheur vit passer une pluie de projectiles, qui troua plusieurs voiles, et marquant le pont de grandes traces d'impacts. Par chance, la pluie se déversa surtout à l'avant du navire, qui était alors inoccupé. Je me félicitai intérieurement pour avoir ordonné de débarrasser le plancher. Mais à la seconde suivante, à cause de ce bref moment d’inattention, la coque racla contre un des nombreux pic qui délimitait notre chemin. Reprenant rapidement la barre entre sabot, j'écartai le navire du danger, espérant ne pas avoir laissé de voie d'eau se créer.
- Retourne à l'intérieur ! C'est dangereux !
- Pas plus pour toi que pour moi !
- Il faut bien que quelqu'un tienne la barre !
- C'est vrai...
Dans un fracas terrifiant, une autre volée de mitraille s’abattit sur le navire, sur la poupe. Je m’agrippai à Windy, de crainte qu'elle ne se prenne un de ces terribles projectile. Je sentis un de ces objets brûlants frôler mon épaule, faisant roussir mes poils. J'évitais les autres miraculeusement. Le tir était centré sur l'arrière. Windy n'avait rien reçu, mais je ne pouvais pas en dire autant de mes canonniers : l'une d'entre eux, une chienne à diamant, avait la patte avant gauche dans un état effroyable, et un autre, le dernier à avoir tiré, avait reçu un projectil pleine tête. Il était mort sur le coup, sa cervelle répandue sur le pont.
- REDESCENDS !
J'avais, sans m'en rendre compte, hurlé ces mots à Windy, qui ne se fit pas prier pour rejoindre la cale. Je me redressai, me concentrant sur la route à suivre. D'un sabot, je me débarrassai du foulard rouge qui couvrait encore ma tête, plein de débris de bois soulevés par la mitraille. Je refusai de porter le symbole des flibustiers de Drakkar le Rouge plus longtemps.
L’Écorcheur s'extirpa enfin de l'archipel. Je me mis immédiatement dans le sens du vent, pour prendre le plus de vitesse possible. Le sloop ne pouvait pas suivre le rythme, et nous gagnons rapidement du terrain. Plus rien ne pouvait nous arrêter. Mais plutôt que de ressentir du soulagement, je me sentais... Vidé. J'abandonnai derrière moi un royaume du chaos et de la souffrance, un tartare qui aurait été créée par Discord dans le but de faire souffrir quiconque y entrerait. Je fuyais le lieu maudit, mais j'avais l'impression qu'une partie de mon âme y était encore enfermé... J'avais perdu quelque chose.
Je devais amener mon équipage en sécurité. Je notai la direction sur le compas fixé devant la roue du gouvernail, pour pouvoir ensuite la reporter sur une carte, quand j'en aurais trouvé une... et si possible, un navigateur, pour m'aider. On allait devoir naviguer nous-mêmes, mais le pire était passé.
Le pire était passé...
Vous avez aimé ?
Coup de cœur
S'abonner à l'auteur
N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.
Les créations et histoires appartiennent à leurs auteurs respectifs, toute reproduction et/ou diffusion sans l'accord explicite de MLPFictions ou de l'auteur est interdite. Ce site n'est ni affilié à Hasbro ni à ses marques déposées. Les images sont la propriété exclusive d'Hasbro "©2017 Hasbro. Tous droits réservés." ©2017 MLPFictions, version 1.2.7. Création et code par Shining Paradox, maintien par Sevenn.
Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.
Mais dit moi un jeu ou on doit traversé un labyrinthe avant que le sablier ne soit écoulé ça me semble familier de quel jeux t'es tu inspiré ?