À des centaines de lieues de là, dans une des plus vieilles rues de Canterlot, trottait un étalon prénommé Homes. Perdue dans ses pensées, cette licorne au poil lilas et à la crinière bleue océan se dirigeait aussi vite qu’elle le pouvait vers son lieu de travail, évitant au besoin les passants qui s’étonnaient de la voir ainsi en retard. « Saleté de réunion, grommelait-elle dans sa barbe. Elle n’aurait pas pu tomber un autre jour ? Je vais avoir l’air de quoi en arrivant aussi tardivement un lundi matin ! Un chef doit montrer l’exemple, bon sang ! » La dirigeante Célestia étant en effet partie la veille afin de négocier des accords avec le peuple zèbre, l’étalon avait été contraint d’assister à une réunion chargée de régir le royaume en son absence. Beaucoup auraient étés honorés de s’acquitter d’un tel devoir, mais ce n’était son cas.
Petit étalon aux grandes ambitions, il avait été élevé dans une famille de grande noblesse, lui offrant tout l’amour et le luxe qu’un poulain pouvait rêver. Alors que ses frères souhaitaient devenir l’essence même du royaume en atteignant les plus hauts postes de l’administration royale, le surdoué qu’il était n’aspirait qu’à une seule chose : Devenir le gardien et le protecteur des valeurs équines.
Homes répéta inlassablement ses lamentations en boucle jusqu’au moment où ses sabots firent halte devant un grand bâtiment de briques blanches, à la façade écorchée. Au vu de son entretien lamentable, n’importe quel passant aurait pu croire que ces bureaux étaient inoccupés. Pourtant, derrière ce mur décrépit se cachait le quartier général de l’Agence Royale contre le Délit Magique, administration qu’Homes commandait.
Il avait travaillé dur pour obtenir cet unique poste susceptible de le complaire, et les diplômes acquis à l’école des licornes surdouées ne suffisant pas, toute son adolescence fut engloutie par des études dont la longueur et la variété des thèmes n’avait rien à envier aux plus épais traités d’occultisme écrits par Starwirl le barbu. Le jour de l’examen, aucun poney d’Equestria ne pouvait égaler son immense culture bâtie par sa seule volonté, si bien que la responsabilité qu’il convoitait tant lui fut offerte de très bonne grâce malgré son inexpérience. « Une chance qu’il existe encore des jeunes désireux de rendre ce monde meilleur ! » S’était exclamé son unique juge à la fin de son épreuve, avec une pointe d’amertume qu’Homes ne comprit que plusieurs années après…
La licorne au pelage lavande respira un bon coup histoire de reprendre son souffle, puis entra avec le plus de dignité possible dans sa propre agence.
Sans surprise, il retrouva la salle principale occupée par une vingtaine de poneys -jeunes et cornus pour la plupart- s’adonnant à des activités très diverses, mais rarement en rapport avec le métier qu’ils étaient supposés exercer. L’arrivée impromptue du maître des lieux réveilla ceux qui avaient passé une nuit mouvementée et modéra l’ardeur des plus bavards, cela sans que l’ambiance conviviale voire même festive qui régnait jusqu’alors ne semble en souffrir.
Si Homes avait embrassé sa carrière par amour de sa patrie, ne demandant en retour que gloire ou reconnaissance, ses subalternes, eux, n’avaient eu que leurs salaires en tête pendant l’écriture du contrat d’embauche. Aucun poney ne souhaitait en effet s’éterniser dans ce bureau en déclin, ses travailleurs cherchant par tous les moyens possibles à récupérer un poste sur un autre secteur. C’était triste à dire, mais l’Agence Royale contre les Délits Magiques pouvait être comparée à une salle d’attente ennuyeuse pour les jeunes recrues du service public qui n’y restaient jamais plus d’une année.
« Bonjour à tous ! annonça froidement Homes à l’adresse de son équipe. La journée a commencé depuis un moment déjà, et même si je n’ai pas encore distribué votre travail pour la journée, j’aimerais que tout le monde retourne à son poste ! » L’étalon aurait aimé ajouter une remarque comme : « C’est pour ça qu’on vous paye après tout ! » mais préféra faire profil bas, du moins pour aujourd’hui.
Plusieurs de ses subordonnés prenant la direction de leurs bureaux respectifs, il décida d’en faire de même, sachant pertinemment qu’une fois sa porte fermée, le relâchement envahirait de nouveau la salle. C’était particulièrement agaçant d’avoir à subir les mêmes désagréments qu’un professeur de maternelle avec ce jeu du chat et de la souris, mais en quinze ans de métier, la licorne avait fini par intérioriser son mépris.
Traversant la tête haute l’allée centrale, Homes toisa du regard les poneys qui retenaient leurs rires avant de s’enfermer dans son cabinet, unique lieu de l’agence susceptible d’offrir un environnement de travail viable. « Bonjour, chef Homes ! s’exclama une voix venue de derrière un secrétaire.
-Bonjour Derpy. » Répondit simplement l’intéressé en s’installant sans plus attendre dans son fauteuil.
Comme ses prédécesseurs avant lui, l’étalon lavande avait tenu à ce qu’aucune décoration ne vienne attirer son regard, au risque de rompre sa concentration. Les seuls objets ajoutant une touche de couleur à cette pièce austère étaient les autocollants et posters à l’effigie des Wonderbolts qui envahissaient l’espace de travail de la pégase avec laquelle il cohabitait.
« Vous êtes en retard. » Déclara cette dernière. Ce n’était ni un reproche, ni une moquerie, mais ce constat eut le don d’énerver l’étalon violet. Posant la plume qu’il venait de sortir d’un tiroir, l’intéressé regarda alors la jument grise droit dans les yeux. « Cela te pose un problème ?
-Euh… non, répondit l’autre, surprise par la question.
-Tu devrais pourtant être outrée ! Je t’ai laissée seul, sans aucune instruction, pendant près de deux heures ! Comment pouvais-tu faire correctement un travail vital pour le royaume si je n’étais pas là, toi la plus réfléchie et la plus compétente des pégases ? » Son propos, débordant de sarcasme et de méchanceté, roula sur l’orgueil de la ponette ailée comme une lame enserrerait le rocher d’une falaise : Sans aucun dommage. Insensible aux piques de son patron, la dénommée Derpy se contenta d’afficher un léger sourire narquois tout en reprenant son activité d’écriture.
Frustré de n’avoir pu l’atteindre par ses seuls mots et voyant qu’elle s’amusait de son retard, Homes attendit qu’elle ait atteint le milieu d’une ligne pour lui demander avec une politesse exagérée le courrier, brisant par la même occasion la concentration qu’elle portait à sa lettre. La jument au crin blond poussa un soupir, puis apporta le maigre tas de lettres dont la lecture était supposée être à sa charge. « Je vous préviens tout de suite, ne vous attendez pas à grand-chose aujourd’hui, commenta- t-elle en les déposant devant son patron.
-ça, c’est à moi d’en juger. Merci quand même pour ta participation à ce qui fait de ce bureau un lieu de travail efficace ! » Hochant négligemment la tête, Derpy retourna sur sa chaise et chercha une autre manière de tuer l’ennui.
Si la licorne lilas se permettait d’être aussi dure avec celle qui était devenue par la force des choses sa secrétaire, c’était parce qu’elle incarnait le mieux tout ce qu’Homes méprisait. Cette jeune ponette était en effet, de par sa nature, la responsable des affaires pégases, chargée de faire l’intermédiaire entre poneys cornus et poneys ailés lors des affaires qui le demandaient. Malheureusement, la magie n’intéressait aucunement les habitants des cieux qui s’en méfiaient et l’évitaient autant que faire se peut. Par conséquent, le nombre de dossiers mentionnant le nom d’un pégase n’excédait pas la dizaine en cinquante ans d’archivage, et Derpy était pour ainsi dire payée pour ne rien faire, si ce n’est rester oisive à son poste, dans l’attente.
Homes avait déjà essayé de supprimer cette fonction attitrée à un seul type de poney, parfaitement dispensable, mais il s’était heurté à un mur administratif tout bonnement infranchissable. Crées au même moment que la fonction publique, plusieurs lois stipulaient en effet que n’importe quel administration régie par les princesses devait compter dans ses rangs au moins un représentant de chaque race. Écrites avec la noble intention de renforcer l’égalité des chances ainsi que les liens entre les différents poneys, elles étaient inattaquables.
L’étalon à la crinière bleue, forcé d’accepter cette cohabitation, avait pris sur lui en installant la jeune pégase dans son bureau, seul endroit où elle pouvait se rendre un tantinet utile sans distraire les autres par ses nombreuses bourdes. Ce n’était pas facile tous les jours, mais comment faire autrement ?
Sa plume maintenue en l’air grâce à sa magie, Homes étudia soigneusement les quatre lettres de ce début de semaine, et force lui était de constater que Derpy avait dit vrai. Entre deux sortilèges ayant atteint par erreur la mauvaise cible, un duel magique - parfaitement illégal- organisé sur la grande place de Stalliongrad et une séance de nécromancie ayant mal tourné, la licorne responsable de ce service allait devoir redoubler d’ingéniosité pour occuper au mieux ses vingt et un agents. « Bon sang, ce serait tellement plus simple si Equestria déplorait plus d’incidents ! » Songea-t-il encore une fois tout en octroyant à chacune des missions un nombre de poneys au moins deux fois supérieur à ses besoins.
Comme si l’inaction avait rendu l’esprit de Derpy infiniment plus réceptif, la jeune jument parut entendre son souhait car elle sortit d’un de ses tiroirs une lettre qu’elle avait mise à part. « Tenez boss, elle vous était adressée. Ne m’en veuillez pas si je l’ai ouverte, mais comme elle était avec les autres, je n’ai pas fait attention…
-Tu aurais dû me la donner sur le champ ! lui reprocha immédiatement Homes. Si c’est une autre mission, je vais devoir changer tout mon… » Il s’interrompit, son regard brusquement happé par un petit morceau de papier qui dépassait de l’enveloppe ouverte, et sur lequel plusieurs glyphes étaient inscrites. Arrachant violemment des sabots de sa secrétaire la précieuse lettre, la licorne au poil lilas s’empressa de mettre cette dernière à nue, dévoilant dans toute sa splendeur la finesse de son grain tatoué d’une myriade de symboles complexes.
« C’est quoi ? finit par demander la pégase grise, étant parvenu à jeter un regard par-dessus son épaule.
-Un sortilège écrit grâce à des glyphes mystiques, de haut niveau qui plus est !
-Ah oui, les lettres des licornes… » Son sursaut d’intérêt venant de prendre fin, Derpy retourna sur sa chaise sans pour autant perdre de vue le sourire de son supérieur qui s’élargissait à mesure que sa lecture avançait.
En posant la première fois les yeux sur ce sortilège, Homes s’était imaginé une jeune licorne surdouée qui adonnait son temps libre à la conception de sortilèges, et qui requerrait un avis extérieure avant de l’utiliser. Les premières strophes ne lui rappelant rien qui n’existait déjà, son hypothèse sembla sur l’instant se confirmer ; puis la découverte d’entrelacements mystiques d’une complexité extrême eut raison d’elle, l’auteur de cette lettre étant en effet bien trop compétent pour n’être qu’un simple étudiant.
Hypnotisée par cette lecture aussi ardue que passionnante, la licorne à la crinière bleue océan attrapa machinalement sa plume et commença à écrire sur la première feuille qui lui tomba sous le sabot. Comprenant que son chef était en train de traduire le sort dans un langage plus familier, la pégase au crin blond voulut se rapprocher, mais un brusque sursaut de colère de la part de son aîné l’en dissuada.
« Bon sang ce n’est pas possible ! Ce sortilège était juste parfait, pourquoi a-t-il fait ça ? » Reprenant rageusement la fiche qui lui avait servi de brouillon, l’étalon cornu se dépêcha de la relire :
Niveau requis pour son lancement : diplôme en magie complexe II ou supérieur
Application : de manière individuelle ou groupée
Durée d’efficacité : 15 heures
Effets : permet à l’individu ensorcelé de se mouvoir sur des surfaces liquides de très faibles densités
Point de rupture : 0,3/10 à 0,4/10 sur le rapport de Marelin
« Cela veut dire quoi la dernière ligne ? demanda Derpy qui avait fini par céder à la curiosité.
-Ça veut dire que ce sortilège est quasiment inutilisable étant donné qu’il est extrêmement fragile.
-Ah… Et où est le problème ?
-Le problème ? Homes dut se faire violence pour ne pas gifler cette pégase égocentrique au sourire niais. Imagine donc un poney sans ailes, comme il y en a beaucoup dans ce royaume, souhaitant utiliser cet enchantement pour marcher sur les nuages. S’il est lancé correctement, il n’y aura aucun problème et notre petit ami pourra faire autant de cabrioles qu’il le souhaite auprès de ses amis ailés. Mais il suffit d’une petite frayeur ou d’un simple stress pour que le sort se rompe, et alors… Patatra ! Le gentil poney, fruit de ton imagination fertile, s’écrase comme une tomate trop mure sur le sol, et il meurt. »
Homes observa un instant sa secrétaire, ravi de la voir aussi réceptive à la violence de son histoire. Pour un peu, il aurait même cru que cette dernière allait fondre en larme face au destin tragique d’un poney qui n’existait même pas ! « Bref, poursuivit la licorne lilas. Je vais essayer de consolider ce sortilège, puis tu le renverras sans tarder à son inventeur. Même si je doute qu’il puisse servir à quoi que ce soit, il vaut mieux le lui rendre sans délai. Après tout, je ne voudrai pas être accusé de vol s’il se décide à l’éditer…
-Euh, chef Homes ?
-Quoi, qu’est-ce qu’il y a-t-il encore ?
-Il n’y avait pas d’adresse de retour sur l’enveloppe. D’ailleurs son contenu n’est même pas signé. » Il y eut alors un moment de silence durant lequel le plus vieux des deux poney parut très surpris.
Finissant par reprendre ses esprits, Homes afficha un léger sourire avant de demander une bougie à sa subalterne qui s’exécuta sans comprendre.
Après avoir allumé la mèche, il plaça au-dessus de la flamme son fragile document qui commença doucement à se colorer en noir. « Encre sympathique, commenta simplement la licorne au crin bleu. La meilleure alliée des auteurs trop timides pour signer explicitement leurs œuvres ! »
Derpy disposant malgré son handicap d’une meilleure vision que son semblable cornu, elle commença à déchiffrer les premiers mots avec quelques secondes d’avances. « Bien… Joué… Chef Homes ? Mais ce n’est pas une signature ! s’exclama la pégase en regardant son chef, tout aussi troublé qu’elle.
-Non en effet… C’est très étrange… » Peinant à ignorer le sens profond de ces quatre mots qui lui étaient indéniablement destinés, Homes chercha à comprendre la signification d’une petite flèche située à l’extrême rebord de la feuille. Pris d’une brusque intuition, il finit par la retourner, et tel ne fut pas sa surprise de voir que son dos avait lui aussi réagi avec la chaleur de la bougie, celui-ci étant désormais recouvert d’une écriture fine et penchée. Un très mauvais pressentiment envahit l’esprit de l’étalon qui entama immédiatement la lecture de ce texte caché.
Lettre adressée au dirigeant de l’Agence Royale contre les Délits Magiques
Bonjour chef Homes
Si vous êtes parvenu à lire cette lettre, vous devez sûrement vous demander qui je suis et pourquoi je vous ai envoyé ce sort inutilisable. Commençons donc par la deuxième question : À l’heure actuelle, un groupe comprenant une cinquantaine de poneys terrestres est en train de fouler les rues de Cloudsdale grâce à ce même enchantement. Ils sont désormais mes otages, et vous ne pourrez les sauver qu’en respectant scrupuleusement toutes les exigences qui vont suivre.
D’abord, je ne veux voir aucune licorne marcher dans la capitale pégase, quel qu’en soit la raison. De la même manière, aucun aérostat ne devra pénétrer dans cet espace aérien.
Je tiens ensuite à ce que la délégation royale ne soit pas alertée de la situation actuelle et poursuive ses négociations avec le peuple zèbre comme si de rien n’était. Les Wonderbolt devront également se plier à cette règle.
Enfin, le palais royal ainsi que sa bibliothèque devront être brûlés dans leur intégralité par les habitants de Canterlot, sans utiliser leur magie bien entendu.
Si toutes ces exigences sont respectées, je consentirais à l’évacuation de mes otages. Mais au moindre écart de votre part, je briserai mes sortilèges et tous mourront.
Au cas où vous ne prendrez pas mes menaces aux sérieux, j’arrangerai la chute d’un terrestre à midi pile afin de vous prouver ma détermination. Libre à vous de le sauver ou non, en tout cas je vous y autorise.
Avec tous ce que vous venez de lire, vous devez sûrement me prendre pour un fou dangereux, et connaître mes motivations doit être le cadet de vos soucis ; c’est pourquoi je ne vais pas m’amuser à les détailler dans cette lettre, d’autant que vous ne les aurez jamais comprises. Sachez juste que je suis parfaitement lucide et que je ne reculerais devant rien pour obtenir ce que je veux. Contentez-vous donc de m’obéir et il n’y aura aucun débordement.
Signé : (un gribouillis illisible)
« Derpy ! Prépare sur le champ notre paquetage pour Cloudsdale, il n’y a pas une seconde à perdre ! » Sans chercher à lui en dire d’avantage, la licorne violette ouvrit sa porte à la volée, prenant sur le fait la plupart de ses subordonnés. « Alerte générale ! Nous avons une licorne folle dangereuse à la tête d’une prise d’otage, je vous veux tous dans la salle de réunion avec de quoi écrire, vite ! » D’abord surpris, les poneys placés sous son commandement finirent un par un par s’exécuter, des yeux aussi perdus que paniqués tournant sans but dans leurs orbites.
« Tout le monde est là ? Parfait. Près de cinquante poneys terrestres ont débarqué il y a de cela quelques heures à Cloudsdale. Chacun d’entre eux porte un sortilège de sustentation qui a été saboté, et servent ainsi d’otages à notre adversaire. Notre devoir est donc de les évacuer avant la fin de la journée, c’est clair ? Homes vit plusieurs sabots se lever. Pas tout de suite les questions, je répartie d’abord les rôles : L’équipe A sera chargée de fouiller les archives afin de trouver l’identité de notre suspect à partir de la lettre qu’il a écrite. L’équipe B devra pour sa part rechercher le point de départ des otages et appréhender le transporteur, il sait sûrement quelque chose. Enfin l’équipe C composée de quatre poneys m’accompagnera dans la zone sensible avec un équipement d’assaut lourd, en vue d’une possible intervention. Chaque groupe devra me faire un rapport de sa situation toute les demi-heures grâce aux oiseaux. Des questions ?
-Y a-t-il des revendications ? demanda aussitôt une jument grise, sa patte avant levée à s’en déboîter l’épaule.
-Rien qui nous permettrait de trouver un terrain d’entente avec ce criminel. Autre chose ?
-Avons-nous une raison de croire que cette lettre ne soit pas un canular ?
-On aura une bientôt, dans deux heures environ. Quelqu’un d’autre ?
-Doit-on informer la princesse Célestia de la situation ?
-Non surtout pas ! Si on le fait, les otages seront aussitôt exécutés. Encore une question ? » Seul un profond silence lui répondit.
Étonné par la brusque aphonie de ses subordonnées, Homes les dévisagea longuement, espérant que l’un d’entre eux daigne à éclaircir sa lanterne. Finalement, une licorne au poil noir se signala pour lui demander avec une grande timidité de répéter sa dernière phrase.
« J’ai dit que si nous tentions de prévenir la princesse, le preneur d’otages brisera les enchantements qui maintiennent les terrestres sur les nuages, et ils mourront de leur chute. Vous m’avez compris, oui ou non ? son auditoire hochant docilement la tête, l’étalon parme poussa un soupir de soulagement avant de poursuivre. Bien, s’il n’y a plus d’autres questions allez tout de suite noter au tableau le groupe dans lequel vos aptitudes seront le plus utiles avant de vous équiper. Je vous veux tous partis dans cinq minutes ! »
Rejetant volontairement ses doutes qui n’avaient aucune place dans l’urgence de la situation, la licorne au poil lilas retourna au pas de course dans son bureau afin de se préparer elle-même en vue de l’opération à venir.
Ah, ce frisson d’adrénaline le parcourant de part en part tel un serpent électrique, Homes l’avait attendu durant toute sa carrière, peut-être même depuis sa naissance ! Enfin, il allait pouvoir se plonger corps et âme dans un défi doté d’un véritable enjeu, bien plus dangereux que n’importe quelle affaire qu’il avait eu à résoudre jusqu’à présent. Enfin, il avait un adversaire à sa taille !
Ce n’est qu’après une minute de préparation fébrile que l’étalon au crin bleu finit par comprendre que quelque chose n’allait pas dans la pièce d’à côté. D’habitude, il y avait en effet toujours un éclat de voix ou un bruit de chaise susceptible d’atteindre ses oreilles malgré l’épaisseur de la cloison. Mais à cet instant dans le bureau de Homes, tout n’était que silence, calme et tranquillité.
Ouvrant encore une fois la porte de son bureau avec violence, le chef cornu retrouva à sa grande surprise la salle presque entièrement vidée de ses travailleurs, seuls quatre poneys à la mine effarée lui faisant face. Il les reconnût aussitôt comme étant les plus jeunes recrues de son équipe, arrivées en même temps que la belle saison.
« Où sont les autres ? » Demanda aussitôt le poney lilas au plus vieux d’entre eux. Pour toute réponse, ce dernier se contenta de montrer le tableau des équipes, son regard toujours braqué sur le sol juste devant lui. Très étonné, Homes vit que les trois colonnes avait étés complétées à raison de neuf et huit noms pour les deux premières, les quatre membres restants appartenant à l’équipe C. Jamais il n’aurait pensé que son équipe puisse être aussi efficace dans leur départ de mission, comme quoi il avait été peut être été médisant en les qualifiant de paresseux…
« Pas de temps à perdre ! s’exclama l’étalon à l’adresse de son escorte. Nous sommes le seul groupe qui n’est pas encore parti, dépêchez-vous d’enfiler vos armures ! » Pas un seul ne bougea.
Il y eut un moment gênant de flottement, puis l’un des poneys s’affaissa lourdement sur le sol, en proie à des spasmes exagérément violents. Sans qu’un mot ne soit échangé, deux de ses collègues se disputèrent pour savoir qui le transporterait jusqu’à l’hôpital avant de finir par s’en charger ensemble, laissant le plus jeune étalon seul devant leur chef choqué.
Il avait suffi d’une poignée de secondes pour que son équipe se délite presque totalement, comment étais-ce possible ? Une douloureuse réponse lui vint quand son dernier membre lui tendit d’un sabot tremblant sa lettre de démission. « Pardonnez-moi monsieur, je ne pensais avoir à assumer une telle rôle au sein de cette agence, dit-il sur un ton voilé par la peur. Je… Je ne veux pas mourir aussi jeune !
-Mais… Mais. » Homes n’eut pas le temps d’en dire d’avantage que son subalterne fuyait déjà vers la sortie du bureau, bien décidé à ne plus jamais y revenir.
« Rahhh ! un long cri de rage monta crescendo hors de la poitrine de la licorne une fois ses esprits retrouvés. Pourquoi une chose aussi stupide doit-elle arriver maintenant ! Qu’ai-je fait, au nom de Célestia, pour mériter un tel châtiment ? » Comme ses lamentations ne donnaient aucun résultat, Homes fit volte-face et commença à tourner en rond devant sa secrétaire qui n’avait pas encore osé se manifester. Il avait été idiot, très idiot de croire les membres de son agence capable d’altruisme en faisant passer la vie des autres avant la leur.
Terrifiés par cette mission périlleuse, les plus expérimentés avaient assurément joué des coudes pour s’octroyer les missions les moins périlleuses, et laissé sans aucun remords leurs cadets prendre tous les risques. C’était lâche, c’était stupide, mais Homes pouvait il s’attendre à autre chose de la part de ce ramassis d’irresponsable ? Une chance néanmoins, l’équipe A et B étaient au complet et allaient pouvoir récolter de précieuses informations…
« Derpy, les bagages sont prêtes ? demanda-t-il brusquement à la pégase grise qui, ayant compris que ses collègues avaient vidé les lieux, pâlissait à vue d’œil. Nous partons immédiatement ! Tant pis pour les autres, je me débrouillerais sans eux.
-Euh… Oui, à vos ordres, seulement… les balbutiements de la jeune jument furent interrompus par trois petits coups frappés sur la porte entrouverte.
-Chef Homes ? demanda une voix familière venue de derrière le battant.
-Bond ? Mais que faites-vous encore ici, vous appartenez bien à l’équipe B, non ? s’étonna l’interpellé en ouvrant son bureau à la jument beige.
L’agent Sweetie Drops -de son petit nom Bonbon- avait intégré son équipe six mois plus tôt en tant que responsable des affaires terrestres, poste fort semblable à celui qu’occupait Derpy si on omettait le fait qu’il était bien plus utile. Très professionnelle, La jeune terrestre au crin bicolore s’acquittait de ses missions avec un flegme déroutant, allant jusqu’à assister ses collègues cornus comme si la magie n’avait aucuns secrets pour elle. Même s’il peinait à l’admettre, Homes la considérait d’ailleurs comme le meilleur élément de son agence, et sa présence à cet instant précis signifiait assurément qu’il y avait un problème sérieux.
« Sauf votre respect monsieur, vous nous avez demandé de garder le contact lors de cette mission, dit-elle posément. Or je ne vois pas comment nous pourrions faire sans les oiseaux messagers que vous nous confiez à la fin de chaque briefing. Je suis donc venu en chercher un dans la volière, si vous n’y voyez rien à redire. »
Ce fut la douche froide pour son interlocuteur qui venait de comprendre que ses agents, trop pressés de quitter le bureau, avaient omis d’emmener avec eux leur unique moyen de communication, rendant les informations qui auraient pu l’aider à contrer cette prise d’otage inacessible. Homes n’arrivait pas à y croire : Vingt et un poneys étaient sous ses ordres et seulement deux d’entre eux allaient pouvoir l’aider dans cette affaire des plus sensible. Cela relevait presque du génie, génie qu’il récompensera de manière exemplaire une fois la mission terminée !
« Bon, comme vous l’avez assurément constaté, nos effectifs sont plus que réduits, reprit la licorne au pelage lilas après avoir encaissé le choc et repensé ses plans. Par conséquent, je suis contraint de vous octroyer chacune des tâches de l’équipe B, soit retrouver les ballons qui ont fait escales à Cloudsdale ce matin et interroger leurs propriétaires. N’essayez pas de rassembler vos collègues, vous perdriez du temps. Récupérez le plus d’information que vous pourrez et envoyez les moi aussi vite que possible, la vie de vos semblables en dépend !
-Ok, répondit la ponette sans paraitre le moins du monde gêné par l’énorme besogne à accomplir seule. J’emmène donc Hooth avec moi ?
-Non, il est beaucoup trop lent, je file vous chercher Passered. » Sortant une clé grise de son tiroir, l’étalon se précipita vers une petite porte située dans un angle de la pièce qu’il ouvrit grâce à sa magie.
À peine eut-il franchit le seuil qu’une multitude de cris d’oiseaux surgirent de tous les côtés pour le saluer. Dans cette courtille intérieure réchauffée par le soleil d’été se trouvait en effet une trentaine de cage contenant chacune un volatile différent, avec à la patte un petit lacet de chanvre. Ces messagers du ciel étaient le plus souvent utilisés pour maintenir le contact avec les agents de terrain, ou bien, en l’occurrence, pour transporter le plus vite possible des rapports urgents.
S’arrêtant l’espace d’un instant devant une chouette toute excitée de le voir, Homes s’excusa platement auprès d’elle : « Désolé Hooth, mais Sweetie Drops ne te prendras pas pour cette mission. » Ceci fait, il se dirigea vers la cage du dénommé Passered, située au fond du patio.
Le rouge-gorge qui dormait jusqu’alors sur son perchoir lui lança un regard noir, sachant pertinemment la raison de sa venue. « Passered, lève-toi s’il te plait. Je vais avoir besoin de ta plus grande collaboration aujourd’hui, comme l’interpellé ne bougeait pas, la licorne lilas s’approcha jusqu’à noyer son regard dans la pupille de l’oiseau. Passered, tu es le plus rapide des animaux à plumes, même les Wonderbolts ne sont pas capables de te vaincre à la course, mais à quoi servirait ce don si tu restes ici à roupiller ? Dehors, il y a des dizaines de poneys qui ont besoin de toi, et par ton inaction tu risques de tous les condamner ! Ne fais pas l’égoïste, je sais que tu vaux mieux que ça… »
La petite créature bailla, lissa deux de ses rectrices, puis fixa l’étalon d’un air goguenard, comme s’il attendait quelque chose. Ce dernier commença d’abord par résister, mais voyant que le temps jouait contre lui, il finit par céder à son caprice.
« J’en te supplie mon ami, aide moi ! » L’implora Homes en s’agenouillant aussi bas qu’il le pouvait.
Passered regarda avec satisfaction le poney ramper à ses pattes, telles les larves qu’il mangeait à son déjeuner, puis finit enfin par donner son consentement par un court sifflement.
Vexé d’en arriver à de telles extrémités pour se faire obéir d’un rouge gorge, le chef cornu se releva prestement avant de déverrouiller la cage sans aucune délicatesse. D’un petit bond gracieux, son occupant atterrit sur l’épaule de l’étalon qui s’empressa de retourner vers son bureau, laissant la chouette jalouse hululer tout son saoul.
« Pas besoin d’écrire petit, il est capable de porter plusieurs fois son poids, rappela Homes en voyant que sa meilleure agent était surprise par la petite taille du messager. Dès que vous êtes prêts, allez prendre le prochain train pour Manehattan. Selon toute probabilité, les otages sont originaires de cette ville…
-Ok. » Dit une nouvelle fois la jument sans animosité particulière avant de quitter au trot le cabinet, son nouveau compagnon sur le dos.
Sweetie Drops partie, la licorne au crin bleu enfila les sacs de transports préparés par sa secrétaire tout en intimant cette dernière à le suivre. Son équipe avait été réduite au strict minimum, l’opération débutait avec plus de deux heures de retard, pourtant l’idée de réussite grâce à ses maigres moyens ne l’avait pas encore quittée. À vrai dire, Homes se sentait même de plus en plus confiant !
« M… Monsieur ? Je ne voudrais pas que ma remarque vous vexe, mais vous n’êtes pas un pégase. Comment comptez-vous atteindre Cloudsdale ? demanda timidement son acolyte.
-Mais ce sera toi qui m’emmèneras, bien sûr !
-Moi ?
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