Lettre d'abdication du Prince Blueblood, 1926

J'ai toujours eu à cœur Equestria et ses habitants.

Quand est venue la Grande Guerre, j'avais compris que nous faisions fausse route en suivant les humains dans un conflit qui ne concernait qu'eux. Je me suis opposé à ma tante, je n'ai pas voulu venger Celestia.

On m'a traité de lâche, de pleutre. J'ai gardé la tête haute alors que les journaux impériaux traînaient mon nom dans la boue.

Je ne me suis jamais abaissé à répondre aux insultes. Je me suis contenté de dire et de redire ce que je pensais, à quel point le sang versé coulait en vain.

Devant les privations de nourriture, devant le travail harassant de nos gens dans les usines et les fermes, j'ai fini par comprendre que les actes comptaient plus que les mots, et je suis allé prendre la tête de la résistance dans les montagnes.

La plupart de mes compagnons me voyaient bien plus comme un porte étendard que comme leur chef. Ainsi soit-il. C'est le rôle de la noblesse que d'être quelque chose à laquelle ses gens se raccrochent. J'ai été cette chose. J'ai incarné cette lueur d'espoir dans les ténèbres, cet îlot de civilisation dans cette mer de barbarie.

Le sort était contre nous. L'Entente a fini par gagner la guerre. L'Allemagne est tombée, et Equestria avec elle. Luna a été renversée par une révolte populaire. Notre territoire a été occupé, nos finances tailladées. Mon ami Fancypants s'est attelé à la lourde tâche de reconstruire le pays, et de panser nos plaies.

J'aurais pu partir vivre en Europe, loin d'un pays qui m'avait conspué. Mais j'ai choisi de rester. Encore une fois, pour Equestria et ses habitants. Avec ma cousine Cadence, je suis monté sur le trône. Nous avons accepté la constitution. Nous avons accepté de limiter nos pouvoirs. Nous avons accepté le jeu démocratique.

C'était ce que voulait la nation.

Comme la loi l'autorisait, j'ai eu le droit de défendre mes idées politiques. J'ai soutenu le Parti du Trône et des Astres, car c'était le seul moyen de redonner à Equestria les moyens de se rebâtir efficacement, de renouer avec son passé, et d'avancer vers le futur. Je me suis longuement exprimé, dans les journaux ou en meeting. Et je maintiens que malgré toutes ses erreurs,

J'ai vu le parti perdre en force au fil des années. Perdre en influence, perdre des délégués, perdre pied dans le monde actuel.

Aujourd'hui, le PTA n'est plus qu'une brindille dans le vent, et je ne me fais pas d'illusions sur sa disparition aux prochaines élections. L'échec de sa proposition de réforme de la constitution le prouve.

Je dois reconnaître que je me suis trompé. Equestria ne veut plus de vrais dyarques. Le temps de la noblesse est passée.

J'accepte ce fait avec amertume. Néanmoins, on ne m'obligera pas à assister à cette euthanasie les pattes croisées. Comme il est hors de question que je rétablisse un ordre que mes gens ne veulent pas par la force, il ne me reste alors qu'un seul choix logique : moi, Blueblood, prince d'Equestria déclare solennellement renoncer à ma charge pour moi-même et tous mes descendants, en faveur de ma cousine, la princesse Cadence.

Cette décision prend effet immédiatement.

Qu'Equestria triomphe des obstacles qu'elle rencontrera sur sa route. Je sais qu'elle le peut, et le fera.