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Gueule de bois

Une fiction écrite par Acylius.

Épisode 17 : Alignement (partie 3 - épilogue)

L’odeur de désinfectant était toujours là, lourde et piquante. La lumière blafarde et sans chaleur des néons éclairait toujours les lieux, blanche et crue. Seul le bruit avait légèrement diminué par rapport à la veille, le brouhaha du couloir ayant laissé place à la rumeur diffuse d’une agitation lointaine. Dans un couloir tout proche, le bruit d’une paire de talons s’approcha puis s’éloigna. Plus loin, dans une autre direction, quelqu’un éternua. Après encore quelques secondes de sondage aveugle, Maxime ouvrit les yeux.

Il était étendu sur une couchette d’hôpital, dans le coin de ce qui ressemblait à une chambre commune. Les deux autres lits, le long du mur opposé, étaient inoccupés. La lumière du jour pénétrait par la fenêtre, illuminant les murs blancs de la pièce. Lorsque Max tenta de se redresser, quelque chose lui tira le bras. Sous un bandage de gaze, une perfusion était fichée dans le creux de son coude, reliée à un Baxter qui pendait à côté de lui. Ceux qui l’avaient couché là avaient également veillé à lui enlever ses vêtements et à lui enfiler un pyjama. Sur un des murs était accrochée une horloge, dont les aiguilles indiquaient 10h30. Mais quel jour pouvait-il bien…

- Ah, enfin réveillé.

Maxime se tourna aussitôt du côté de la voix qui venait de parler. Un homme corpulent vêtu d’une blouse de médecin se tenait dans l’encadrement de la porte. Un humain.

- Euh… qu’est-ce qui s’est passé ? demanda bêtement Max.

Le praticien fronça légèrement les sourcils, puis remonta ses lunettes et sortit de sa poche un papier qu’il déplia devant lui.

- Vous aviez plus de quatre grammes quand vous êtes arrivé, monsieur Gillet-Lefebvre. Ce n’est pas un record, mais c’est quand même pas mal. En temps normal, on vous aurait simplement mis en salle de dégrisement avec une perfusion pour la nuit, mais, vu vos autres traumatismes, nous avons préféré vous mettre en observation.

- Attendez, quoi ? Quels autres traumatismes ?

Le médecin fronça à nouveau les sourcils. Il s’approcha du lit et attrapa la feuille qui y était épinglée.

- Vous avez des traces de traumatisme crânien, la troisième côté droite fêlée, et vous avez visiblement subi récemment un plaie ouverte à la cheville.

En entendant ça, Maxime porta instinctivement la main à sa tête, puis à son flanc, avant de soulever les draps pour dévoiler sa jambe. Un bandage entourait sa cheville, exactement là où il s’était blessé en marchant dans le… Mais non, ce n’était pas possible !

- Ça ne devrait pas vous empêcher de marcher, tenta de le rassurer le médecin, mais il va quand même falloir faire attention pendant quelques jours. Et il y a aussi cette marque de brûlure sur votre cuisse…

- Une marque de quoi ?!

D’une main tremblante, Max écarta le flanc de sa culotte de pyjama. Quand il croisa à nouveau le regard du médecin, son visage était devenu blême.

- Hem… les affaires que vous aviez avec vous sont là, fit l’homme en blanc, visiblement de plus en plus inquiet.

Il désigna du doigt la table à côté du lit. S’y trouvaient un sac à dos fatigué et un tas de vêtements sales, ainsi qu’un paquet soigneusement emballé et une curieuse figurine colorée. Toujours tremblant, Maxime attrapa l’étrange objet et l’amena vers lui. Cela ressemblait à un décapsuleur dont le manche aurait été remplacé par une figurine en vinyle. Une figurine qui représentait une sorte d’équidé aux proportions grotesques et aux couleurs improbables, affublé de ce qui faisait vaguement penser à un costume de super-héros. Avec une lenteur terrifiée, Max leva le regard vers le médecin, toujours debout devant son lit.

- Docteur... quel jour sommes-nous ?

Le médecin, au lieu de répondre, lui lança un regard mêlé d’inquiétude et désapprobation, avant de quitter la chambre. Maxime l’entendit dire quelque chose à propos d’un transfert en psychiatrie, mais il n’y fit pas attention. Il tenait à présent le paquet entre ses mains. Après une longue et tremblante inspiration, il souleva le coin de l’emballage, pour révéler une pile de vêtements soigneusement repassés et pliés. Comme une météorite heurtant le sol, une image éclata dans son esprit, chassant tout le reste, jusqu’à ne plus laisser de place à rien d’autre. L’image d’un groupe de poneys miniatures aux têtes énormes et aux pelages criards, dont certains affublés d’ailes ou d’une corne au milieu du front. Et d’un bébé dragon, aussi. Un bébé dragon qui parlait.

Depuis le couloir, le médecin tressaillit quand il entendit, en provenance de la chambre, le cri de confusion que poussa le malheureux patient.

 

Maxime avait finalement été autorisé à quitter la clinique plus tard dans la journée, quand il fut établi que son état ne nécessitait pas une hospitalisation prolongée. À l’étonnement des médecins, les quelques traumatismes dont il gardait trace étaient déjà tous en bonne voie de guérison. Quand ils lui avaient demandé de quand dataient ces blessures, Max avait été incapable de leur répondre. Ou alors refusait-il de le faire ? Lui-même n’en était pas certain.

Dans le bus qu’il avait pris pour rentrer chez lui, il n’avait pu s’empêcher de dévisager les autres passagers tout au long du trajet. Son regard était irrésistiblement attiré par ces visages aux couleurs pâles, aux formes plates, sans museau ni pelage. Les couleurs autour de lui paraissaient ternes et fades, loin de la palette criarde à laquelle il était désormais habitué. Vers la fin du trajet, il en arrivait même à guetter du coin de l’œil la moindre forme colorée, comme s’il s’attendait à la voir bouger et parler.

Sa maison était exactement telle qu’il l’avait laissée. La date indiquée sur le thermostat était la même qu’à l’hôpital et que partout ailleurs : le lendemain de ce fameux soir de sortie, au cours duquel il avait tant bu.

- Mais non, c’est pas possible, c’est pas possible !

Sans s’arrêter de crier, il se laissa tomber dans le canapé, son paquet de vêtements et sa figurine posés devant lui sur la table.

 

Plus tard ce soir-là, dans une taverne poussiéreuse au coin d’un carrefour, une silhouette solitaire se tenait assise au comptoir, une chope posée devant elle. Loin des autres clients attablés près des fenêtres, elle se murait dans un silence que même les quelques tentatives de boniments du barman n’avaient pu briser. Le regard rivé au zinc, elle attrapa son verre déjà à moitié vide, poussa un long soupir, puis prit une nouvelle gorgée.

Maxime savait qu’il aurait dû être heureux d’être enfin de retour chez lui. Pendant tout le temps qu’il avait passé chez les poneys, il n’avait pensé pratiquement qu’à ça. Être de retour chez lui après tant de temps, de tracas et de malheurs aurait dû le remplir de joie, il le savait, alors, bon sang, pourquoi ne l’était-il pas ? Pourquoi, depuis qu’il s’était réveillé le matin-même dans cette clinique, avait-il l’impression que rien ne valait la peine de se réjouir, qu’un plafond de grisaille lui pesait dessus, que ce monde était aussi triste que l’autre ?

Après tant de malheurs… mais, au fond, avait-il vraiment été si malheureux pendant tout ce temps ? Sans vraiment s’en rendre compte, il avait mis la main dans sa poche pour en sortir la figurine-décapsuleur que lui avait offerte Spike et qu’il avait prise avec lui sans trop savoir pourquoi. Il l’observa à nouveau en détail, depuis la crinière jusqu’au bout de la queue. Il ne savait même pas comment s’appelait ce personnage, ni même s’il s’agissait d’un héros ou d’un méchant. Pourquoi regrettait-il désormais que le petit dragon ne soit pas là pour le lui dire ? Pourquoi ces visages rondouillards et colorés aux yeux énormes et aux museaux ridicules lui manquaient-ils soudainement ? Pourquoi avait-il envie de les revoir ne serait-ce qu’une fois, pour leur adresser un au revoir digne de ce nom ?

Max reposa alors sa chope, les yeux levés devant lui. Non, il n’avait pas été malheureux. Non, ces mois passés chez les poneys n’avaient pas été que pénibles. Pour chaque mauvais moment passé, n’y en avait-il pas eu au moins un bon ? Après chaque dispute ou parole méchante, n’y avait-il pas eu un désolé, un pardon ? Chacune de ces ponettes n’avait-elle pas essayé, à sa manière, de le rendre moins malheureux ? N’avaient-elles pas toutes essayé de devenir ses amies ? Et n’avaient-elles pas en quelque sorte réussi ?

Un frisson dans le dos, Maxime releva la tête. Oui, elles avaient réussi. Quand ses yeux se posèrent à nouveau sur la figurine, ce n’était plus son désormais habituel air de déprime grincheuse qu’affichait son visage, mais un sourire franc et sincère. En fouillant une nouvelles fois dans sa poche, il attrapa un crayon et retourna un des cartons à verre qui traînaient à côté de sa chope. Twilight Sparkle, Applejack, Rarity, Pinkie Pie, Rainbow Dash, Fluttershy, Spike, Célestia, Luna… Il veillerait à ne pas oublier leurs noms, et ce qu’ils avaient fait pour lui.

- Merci, les filles, murmura-t-il.

Il remit alors la figurine dans sa poche, attrapa son verre, trinqua dans le vide et vida ce qui restait d’un seul trait. Après avoir laissé quelques pièces sur le comptoir, il se leva, toujours souriant, et quitta la taverne pour rentrer chez lui.

Demain, il le savait, serait une belle journée.

 

 

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cedricc666
cedricc666 : #36833
Milles pétards! C'est fini... Une page ce tourne... Snif... Va me manquer Maxou. Mais c'était super sinon. J'ai adoré cette histoire de bout en bout. Bravo @Acylius, merci pour ce chouette récit et cette évasion. C'est plus que mérité qu'elle soit dans mes favoris.
Il y a 2 ans · Répondre
Spirit
Spirit : #36539
C'était une super fiction, et cela du début à la fin ! Ça fait bizarre d’ailleurs que ce soit fini... les péripéties de Max vont me manquer ! ^^
Dans tout les cas beau travail, voila le genre de fiction que l'on voudrait lire plus souvent :)
Il y a 2 ans · Répondre
Toropicana
Toropicana : #36493
Fait chier, maintenant c'est fini :(
Il y a 2 ans · Répondre
SGTdragonix
SGTdragonix : #36492
first
voila voila
Il y a 2 ans · Répondre

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