LDS - Prologue

Un blizzard glacial soufflait sur la montagne. Le convoi venait de franchir le col enneigé. Les quatre lourds chariots blindés, chacun tiré par deux énormes yacks, avançaient péniblement sur la route. Les robustes bêtes courbaient l’échine face à la tempête tandis que les roues glissaient sur le sol gelé.

Le son grave et lointain d’une corne retentit soudain devant eux. Les yacks levèrent la tête à l’unisson. Ils arrivaient à destination. A quelques centaines de mètres devant eux, à moitié masquée par les rafales de neiges, se dressait une imposante paroi rocheuse. Dans un dernier effort, ils tractèrent les chariots jusqu’au pied de la paroi. En face d’eux s’ouvrait un large tunnel. Le convoi s’y engagea et, bientôt, le mugissement de la tempête s’estompa derrière eux.

Ils avancèrent pendant encore plusieurs minutes dans l’obscurité. Enfin, ils débouchèrent dans une vaste caverne éclairée par des torches et réchauffée par de grands braseros. Le convoi s’immobilisa et la porte du chariot de tête s’ouvrit. Un bouquetin au pelage sombre et aux cornes fines en descendit. Immédiatement, d’autres bouquetins affluèrent des quatre coins de la salle pour l’accueillir. Parmi eux, un personnage grisonnant s’avança.

- Nous ne vous attendions pas aussi tôt, Excellence. Nous pensions que la tempête allait vous retarder.

- Ce projet a déjà bien assez de retard comme cela, répondit sévèrement le visiteur. Nous ne pouvons nous permettre de nouveaux délais.

Tout en parlant, ils s’avancèrent vers l’autre côté de la caverne tandis que les autres bouquetins s’affairaient pour décharger le convoi. Le visiteur reprit :

- Où en sont les travaux ?

- L’extraction et la purification avancent comme prévu.

- Et qu’en est-il du… test ?

- Les premiers essais sont concluants. Un autre est programmé pour aujourd’hui. Si vous souhaitez y assister…

- C’est pour cela que je suis venu.

Tous deux s’engagèrent dans un nouveau tunnel. Un escalier taillé dans le roc descendait en serpentant au coeur de la montagne. Quelques dizaines de mètres plus bas, ils arrivèrent dans une nouvelle caverne. La moitié de la salle était occupée par un grande cage en métal. Plusieurs gardes en armes encadraient la porte. Les deux bouquetins s’avancèrent et s’arrêtèrent à un mètre des barreaux. A l’intérieur, la silhouette mal éclairée d’un quadrupède était enchaînée à la paroi rocheuse.

- Comment l’avez-vous attrapée ? demanda le premier tout en fixant la cage.

- Une patrouille l’a arrêtée près de la frontière, il y a deux mois.

- Et vous êtes sûrs que c’en est une ?

- Certains. D’ailleurs, elle n’arrêtait pas de le dire.

- Très bien. Vous pouvez commencer.

L’individu gris fit un signe à d’autres bouquetins qui s’affairaient dans un coin de la grotte. Un garde s’avança pour ouvrir la porte de la cage et l’un d’eux entra. Il portait dans ses sabots une sorte de collier dans lequel était sertie une pierre rouge sombre.

- Mettez-le lui puis réveillez-la, commanda le bouquetin gris.

L’autre s’exécuta. Une voix s’éleva.

- Quoi?... Non, laissez-moi! Ne me faites pas ça !

Un autre bouquetin s’avança et retira d’un brasero une tige de métal dont l’extrémité rougeoyait comme un braise. Insensible aux cris, il entra à son tour dans la cage. Quelques secondes plus tard, un hurlement de douleur déchirant retentit.

Devant les barreaux, le visiteur observait attentivement. Sans qu’on lui pose de question, l’autre expliqua:

- Nous avons réduit le dosage par cent depuis le premier essai, avec toujours le même résultat.

- Et combien de temps l’effet dure-t-il ?

- Aussi longtemps que dure l’exposition. Cela risque de poser des problèmes de contrôle…

- Une solution est à l’étude, répondit le premier sans plus de détails.

Il observa la cage pendant encore quelques secondes puis reprit:

- La deuxième phase commencera dans dix jours. Veillez à ce que votre cargaison soit prête d’ici la fin de la semaine.

- Elle le sera, répondit l’autre.

Le visiteur se retourna et repartit vers la sortie. Les autres bouquetins quittèrent la cage et fermèrent la porte. Derrière les barreaux, la silhouette était toujours enchaînée au mur, la tête pendante.

Des braises dégringolèrent d’un des braseros placé le long du mur, éclairant pendant quelques secondes l’intérieur de la cage. Le poney enchaîné leva la tête. Le bouquetin gris était toujours là. Il la regardait, impassible. Après quelques secondes, il détourna le regard et quitta lui aussi la salle. Trixie baissa la tête, abattue. Une larme roula sur sa joue.