Fancypants soupira en rajustant son monocle, et en lisant pour la énième fois de la journée, le tract qu'il avait sous les yeux. Un papier de couleur verte, assez criard sur lequel on pouvait lire en lettres noires toute une série de critiques sur son gouvernement et sa personne. Le libelle se terminait par un « le pays à besoin d'une mère, pas d'un Premier pair ! » en grands caractères, ainsi qui du sceau du PTA, un des principaux partis d'opposition.
Le Parti du Trône et des astres étaient des poneys qui refusaient de vivre avec leur temps. Ceux qui n'avaient pas compris que l'époque des Princesses toutes-puissantes était passée, qu'Equestria s'était engagée en guerre, et qu'elle avait perdu.
Le PTA ne cessait de réclamer de plus larges pouvoirs pour la Princesse Cadence et le Prince Blueblood, sans penser une seule seconde que c'était une monarchie absolue qui avait réduit Equestria à la situation où elle en était.
Situation qui n'était pas si noire que le PTA ne voulait le faire croire. Oui, ils avaient des problèmes, l'économie avait encore du mal à se remettre en route, et la dette de guerre restait importante. Mais Fancypants était du genre à voir le verre à moitié plein, et savait que les choses auraient pu être bien pires.
Mais les Puissances Alliées avaient été clémentes avec Equestria : voir un gouvernement provisoire se former, demander immédiatement l'armistice sans condition, ça avait pesé dans la balance. Sans compter le réseau italien de Fancypants, quand il secondait la résistance dans les montagnes. Leur allié transalpin avait intercédé en leur faveur.
Bien sûr, vingt milliards de bits-or, ça restait une somme. Et ce n'était pas la présence des soldats de la Maison de Savoie en terre equestrienne qui aiderait le peuple à avaler la pilule. Mais la licorne savait rester pragmatique.
Il savait qu'on avait quasiment offert Equestria à l'Italie pour se faire pardonner de ne pas lui céder les terres irrédentes, ces territoires que les habitants de la Botte voulaient annexés. Mais les Puissances Alliées devaient ménager leur autre allié, le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes.
En fixant une occupation italienne jusqu'à remboursement de la dette equestrienne, les Alliés espéraient donner un os à ronger à la Maison de Savoie pour un temps. Hélas pour eux, Fancypants avait d'autres objectifs.
Il était impossible de gouverner et d'envisager l'avenir sous occupation militaire. Il fallait donc payer leur dette le plus vite possible.
Une chance que les sous-sols equestriens soient riches de diamants et de pierres précieuses. Ces gemmes, si courantes en Equestria, s'arrachaient à prix d'or en territoire humain. En d'autres termes, la patrie des poneys était assise sur son salut.
Mais tout devait se faire en douceur. Si les humains apprenaient à quel point il était facile de trouver des pierres précieuses en Equestria, ils viendraient tous les voler. Les poneys devaient donc écouler leur stock au compte goutte, sans éveiller les soupçons.
Pour l'essentiel de la population cela dit, le souci était de trouver de quoi manger, et les tickets de rationnement mis en place par le gouvernement de Fancypants étaient impopulaires. Quel autre choix avait-il ? L'argent equestrien remboursait les indemnités de guerre. Une fois celles-ci payées, et les italiens partis, les choses redeviendraient normales.
Equestria lui faisait encore confiance. Il le savait. Les poneys l'avaient prouvé en l'élisant à leur tête lors des premières élections libres equestriennes. Le parti conservateur de Fancypants avait écrasé ses adversaires, des dyarchistes aux communistes.
Le peuple avait confirmé dans les urnes la légitimité qu'il donnait au gouvernement provisoire. Qui ne l'était plus, de fait, provisoire.
La licorne jeta un œil par la fenêtre. Manehattan manquait de chic par rapport à Canterlot, mais il fallait marquer le coup. La Chambre des Pairs ne pouvait pas s'installer dans la même ville où résidait Cadence et Blueblood. Même si l'alicorne et son cousin n'avaient désormais plus qu'un pouvoir représentatif, c'était important de s'en détacher.
« Canterlot règne mais ne gouverne pas » avait très justement résumé Rarity à la Société des Nations, à un délégué français qui s'inquiétait de la persistance de la dyarchie en Equestria.
La licorne blanche faisait d'ailleurs un travail de titan à Genève. C'était de loin, la meilleure représentante de la nation sur le plan international, et son investissement pour redorer le blason d'Equestria était sans limite.
On frappa à sa porte. Fancypants répondit que la porte était ouverte. Une petite tête couleur beurre, à la crinière rouge en passa l'encadrement.
_J'peux vous déranger votre Pairitude ?
Fancypants sourit aimablement. Il aimait bien Applebloom, ainsi que ses petites camarades – même si le terme « petites » maintenant qu'elles allaient sur leurs quatorze ans, n'était plus très approprié -
et il n'était pas rare qu'une des trois juments, voire le trio au complet, ne passe dire bonjour une fois dans la semaine.
Fancypants prenait toujours du temps pour les poneys qui venaient le voir à la Chambre, d'autant plus que c'était la jeunesse. C'était pour elle que la licorne se levait tous les jours, et il estimait que c'était important de se le rappeler en la rencontrant aussi souvent que possible.
_Ma grande sœur a b'soin que vous signiez ça.
Applebloom tira de son sac de selle une feuille de papier, et le posa sur le bureau de Fancypants.
_C'est un simple accord privé entre votre verger, et le groupe Rich...marmonna l'étalon après quelques secondes de lecture. Pourquoi diable avez-vous besoin de moi ?
_La loi demande d'informer l'Etat de tout accord entre compagnies au d'ssus d'une certaine somme. On a pas beaucoup d'sous à la ferme, mais les parents de Diamond Tiara si. On est donc dans c'cas là.
Effectivement. C'était une simple mesure de contrôle, pour éviter que les compagnies ne fassent n'importe quoi. Equestria n'allait bien sûr pas empêcher à des entreprises privées de faire du profit, mais Fancypants, en tant que conservateur, estimait sain de garder une bride sur le cou du libéralisme effréné.
La licorne à moustaches bleues apposa sa signature sous l'espace prévu à cet effet. Visiblement ravie que tout se passe sans anicroche, Applebloom se hâta de replacer le papier en sécurité, dans son sac.
L'heure de la fin de journée approchait, et Fancypants n'avait aucune envie de s'user les yeux et la cervelle sur le PTA plus longtemps. Il avait besoin d'une pause, et d'air frais. Il se proposa de raccompagner l'adolescente au dehors.
Dans les couloirs de la Chambre, ils discutèrent d'un peu de tout, d'un peu de rien, des amies d'Applebloom, avec Sweetie Belle qui accompagnait de plus en plus sa grande sœur à Genève pour l'aider dans son travail, et Scootaloo qui passait toujours le plus clair de son temps avec Rainbow Dash.
Fancypants aimait ces discutions informelles. Quelquefois, il se demandait si ce n'était pas ça qui le faisait se lever le matin.
Quoique...rectifia t-il, découvrant qui l'attendait sur le trottoir, à la sortie du bâtiment.
_Fleur ! s'exclama joyeusement Applebloom, se dirigeant gaiement vers la licorne aux cheveux roses.
La compagne de Fancypants passa gentiment un sabot dans la crinière framboise d'Applebloom lui disant quelque chose à l'oreille que l'étalon ne put saisir. La réaction de l'adolescente en revanche, fut clairement compréhensible. La jeune Apple nia farouchement de la tête, un rouge révélateur venant colorer ses pomettes.
Fancypants gloussa devant cette scène. Fleur de Lys était comme lui. Ils n'avaient pas d'enfants à eux, alors ils avaient un peu tendance à voir tous les poulains et pouliches d'Equestria comme les leurs.
Quel terme avait-il utilisé un jour, pendant la guerre, dans les montagnes, pour parler de sa maîtresse ?
« Elle est le soleil de ma vie, et on a bien froid loin des étoiles. »
D’aucuns auraient qualifié ça de mélodramatique et sans doute, il en faisait un peu. Mais c'était surtout vrai. Fleur était un des pivots de sa vie, l'univers tournait autour de son axe.
Amusant qu'à son âge, après ce temps passé avec elle, il soit encore amoureux comme un adolescent en sa présence. Ils s’étaient retrouvés à la fin de la guerre comme si de rien était. Même leur différend sur la loyauté à Luna s'était effacé devant la joie de leurs retrouvailles.
Oui, à bien y penser, sa compagne jouait un rôle des plus cruciaux dans ce qui donnait de la force à Fancypants.
Applebloom resta encore quelques secondes à discuter avec la licorne blanche, puis tourna les ergots et s'en alla, saluant le Premier Pair du sabot. L'étalon au monocle répondit par le même geste, et s'approcha de sa maîtresse qui se coula dans ses pattes.
_Qu'est-ce que tu as encore dit à cette pauvre petite, espèce de monstre ?
_Je la taquinais sur le fait qu'elle ne mettait plus son nœud dans la crinière parce qu'elle avait un jeune étalon en vue.
_Oh ? C'est ça la mode maintenant ? Séduire les étalons sans accessoire dans les cheveux ?
_On dit crinière au naturel, prononça Fleur en français. Et oui, ça marche bien.
_Alors c'est pour me séduire moi que tu ne mets jamais rien ?
_On a dit les « jeunes étalons», Fancy, répliqua Fleur de Lys en lui tirant très dignement la langue.
La licorne rit, et alla frotter son cou l'encolure de sa compagne. Ils ne dirent rien pendant un moment, silencieux, juste dans les bras l'un de l'autre.
Puis il se détacha d'elle, lui donna un petit coup de museau avant de lui prendre la patte et de s'engager dans les rues de Manehattan. Le soleil se couchait doucement, il faisait encore doux. Il n'y avait pas encore grand monde dehors, on ne voyait même pas de soldats italiens, chose rare. Tout juste quelques fiacres qui passaient à grande vitesse sur la route à côté d'eux.
Le sabot de Fleur dans le sien, tournant à l'angle d'un bâtiment vers leur maison, le Premier Pair n'eut pas le temps de réagir quand une voiture ralentit à leur encontre, et qu'on leur jeta un objet empaqueté.
Un bruit sourd, de la fumée.
Et l'univers de Fancypants disparut dans un cri.
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Bah fais le, parce que c'est clairement pas prévu pour être ça ^^