« Eh bien, voici mon appartement », dit Octavia, tout en fermant la porte derrière elles, se penchant en direction de son sofa, de sa table, de cette pièce spacieuse.
Vinyl tressaillit de stupeur. Si elle n'avait pas porté ses lunettes, elle se serait frotté les yeux d'étonnement. « Punaise, pouliche ! Comme si j'étais pas déjà suffisamment impressionnée par ce machin gratteur de ciel ! »
« Ça s'appelle un “gratte-ciel”, Vinyl », dit la violoncelliste avec un sourire, se dirigeant vers le centre de la pièce, où son amie, la première vraie, était debout, regardant l'endroit à travers ses lunettes.
« Logique », répondit Vinyl en souriant, regardant Octavia qui était excitée intérieurement par la simple présence de la pianiste. Elle pouvait sûrement s'habituer à cette sensation, c'était l'une des plus plaisantes qu'elle avait pu ressentir.
Vinyl se balançait sur ses sabots ayant l'air stressée, essayant désespérément d'arrêter de penser au corps d'Octavia. Et c'était une torture, ses courbes étaient si affinées... Si seulement elle pouvait juste... Non, non, non ! Parle. Parle Vinyl. Tout de suite ! « Alors... Est-ce que t'aurais du whisky ? » balbutia-t-elle, n'oubliant pas qu'elle devait se donner un coup d'accélérateur mental.
Octavia eut un temps d'arrêt. « Eh bien, habituellement, j'en ai... Mais nous avons une leçon maintenant et... »
« Pff, pouliche ! Qui en Equestria joue du jazz sans un verre ou deux ? » jubila Vinyl, observant l'expression dubitative d'Octavia. « Je vais te le dire, personne. Tout du moins pas dans cette ville. » Un air confiant et assuré apparut sur le visage de la licorne, une expression contre laquelle Octavia ne pouvait rien rétorquer. Elle ne voulait pas rétorquer, de toute façon.
Peut-être, un verre ou deux pouvaient détendre l'atmosphère... Oui, et elle plongera tout droit dans ton lit, Octavia. Continue de rêver, gloussait-elle en pensée.
« Pourquoi pas, j'ai peut-être une bouteille... Suis-moi s'il te plaît », dit-elle, allant en direction de la cuisine, essayant d'ignorer le regard de la licorne qui dévorait allègrement son flanc. D'accord, au moins elle est intéressée par une partie de moi, se dit la violoncelliste en souriant. En fait, au cours de cette soirée, elle avait souri plus que dans toute sa vie réunie. Et c'était génial. Rien n'avait l'air étrange. La violoncelliste ferma les yeux juste une seconde, ce qui l’entraîna dans une de ces spirales fatales de pensées.
Pendant qu'elles s'asseyaient autour de la table, Octavia servit un verre à ras bord pour Vinyl et un demi-verre pour elle-même.
« Eh eh. » Vinyl secoua sa tête, attrapa la bouteille avec sa magie et remplit le verre d'Octavia en entier. « C'est mieux. » Elle sourit.
La violoncelliste sourit également et but une gorgée. Une conversation, voilà ce dont elles avaient besoin.
« Alors... Comme ça tu vis seule ici ? » demanda finalement Vinyl, essayant de trouver où étaient les limites.
Octavia baissa les yeux en guise de réponse, sentant la tristesse se réveiller dans son cœur. « Oui. Ma famille vit dans une autre ville. »
Les deux poneys restèrent dans le silence pendant un moment, mal à l'aise. Dois-je lui en dire plus ? Non, Octavia, c'est idiot ! se dit-elle. Tu dois être polie et lui demander de dire quelque chose à propos d'elle ! D'accord. Demander. Mais quoi ?... « Et à propos de toi ? Où vis-tu ? » demanda finalement la violoncelliste, souriant paisiblement à la licorne.
Vinyl toucha sa crinière bleu électrique pendant un instant, avant de répondre. « Sur la périphérie, près du bar. Ma famille m'a mise à la porte il y a longtemps de ça, donc je vis en quelque sorte seule. » Elle sourit tristement. « À la solitude ! » Elle leva son verre en un toast maladroit. Je ne peux pas tout lui dire... Vinyl regardait Octavia, fixant ses magnifiques yeux, qui étaient tristes à ce moment-là. Pas encore.
Octavia trinqua également. « Comment ont-ils osé ? » demanda-t-elle, dubitative. « C'est une famille ! Ta famille ! » Pleine de colère, la violoncelliste ne pouvait concevoir une telle idée. Ou... Non ! … pouvait-elle ?
« Laisse donc faire... » répondit la pianiste solennellement. « Ils ne pouvaient pas vraiment vivre avec… certaines de mes bizarreries. » Elle se servit un autre verre, Octavia copia son geste. Ouais, des bizarreries, comme aimer les autres juments... Vinyl pensa, noyant sa douleur dans l'alcool et les déboires comme à son habitude.
Ses “bizarreries”... réfléchit Octavia. Elle pensa rapidement à ses propres particularités. Puis...
« Le fait que tu aimes… les juments… n'est-ce pas ?
C'était une suggestion à l'aveugle. C'était un saut dans l'inconnu, tout ou rien. C'était vrai, ou c'était faux...
« Oui », soupira Vinyl, regardant amèrement autour d'elle. Ses yeux s'ouvraient en grand derrière ses lunettes qui cachaient sa peur. « Ne le dis à personne », rajouta-t-elle précipitamment en regardant Octavia. Punaise, pouliche, t'es perspicace ! pensa-t-elle avec une sensation étrange, une fierté inexplicable.
« Bien sûr... » Octavia rougit. « Tu sais, je... » Non Octavia, tu n'es pas en train de... « … j'aime plutôt les juments aussi. » J'ai vraiment dit ça ? Oh ma chère Celestia, ai-je vraiment dit ça à l'instant ?!
« Ah. » Vinyl avala son verre d'une traite. Étrangement, son phrasé sonnait comme ses pensées à présent. Ah. C'était une révélation, pas choquante, mais plutôt plaisante et agréable. Pas seulement parce que la violoncelliste allait maintenant arrêter de repousser son secret, mais aussi...
Si elle aime les juments, ça ne veut pas nécessairement dire qu'elle t'aime, toi, se dirent-elles simultanément, rougissant à l’unisson, faisant comme si elles n'avaient pas vu leurs réactions respectives.
« Mmh... Donc, à propos de notre entraînement ? » suggéra Octavia, brisant le silence gênant qui flottait dans l'air. Elle devait absolument faire taire cette passion grandissant en elle. Il n'y avait pas de passion à Manehattan, elle l'avait suffisamment compris.
Vinyl sauta de joie, heureuse de retourner dans un environnement familier. Un sourire fit encore une fois sa route jusqu'à son visage.
« Évidemment ! C'est parti, montre-moi ce que t'as ! » Elle trotta en dehors de la cuisine. Alors qu’Octavia la suivait avec un sourire, elle entendit la licorne crier : « musicalement parlant je veux dire ! »
La violoncelliste pouffa de rire. Pour une raison quelconque, elle trouvait amusant que la pianiste ait l'air embarrassée. Elle était tellement craquante comme ça... La musique, Octavia ! Pense à la musique, pas à son visage... et à ses flancs.
Octavia entra dans la pièce, elle vit la licorne au piano, qui jouait quelques gammes d'échauffement. La violoncelliste était hypnotisée par la vision de Vinyl si relaxée et concentrée, par la façon dont ses sabots lui obéissaient parfaitement. Octavia sourit puis attrapa son violoncelle, se plaçant sur ses pattes arrières, prenant l'archet dans son sabot droit pendant que son sabot gauche longeait lentement de haut en bas le manche de l'instrument. Elle ferma ses yeux automatiquement lorsqu'elle commença à jouer, des notes majestueuses provinrent de l'instrument, enveloppant lentement toute la pièce.
Soudain, elle sentit un sabot se placer sur le sien, ce qui la fit glapir de surprise et s'arrêter net de jouer. Elle ouvrit les yeux et vit la licorne embarrassée se balancer sur ses sabots arrières, visiblement peu habituée à une telle position, son sabot restant sur celui d'Octavia.
« Pouliche, tu ne le fais pas correctement. Tu dois te relaxer », dit la pianiste, caressant le sabot gris, créant des frissons de plaisir tout le long du dos d'Octavia. « Là c'est mieux », conclut Vinyl, sentant la tension s'évacuer du sabot gris dans le sien.
C'est parce que tu es en train de me toucher, pensa Octavia, mais elle décida de garder sa remarque pour elle.
« Maintenant, joue comme tu le sens Octavia. Pas comme tu le sais. »
Les paroles de Vinyl semblaient si calmes et encourageantes à la fois, Octavia se décida à essayer. Hélas, son sabot ne lui obéissait pas. Dès le moment où elle essaya de casser le tempo classique, ses sens ramenaient automatiquement la mélodie à son rythme de croisière.
Vinyl remua la tête en signe de désapprobation, Octavia rougit simplement. Elle ne voulait pas rater cette incroyable jument. (Depuis quand je parle comme ça d'elle ?!), mais des années de pratique classique la gardaient encore prisonnière de sa liberté.
« Essaye encore, Tavi. Fais juste le vide de ce qui te tracasse. Sens-le, Tavi. Tu as besoin de te guider à travers. »
Octavia essaya encore, et encore, et encore, mais chaque essai était un nouvel échec. Elle était énervée contre elle-même. Elle était énervée contre tout. À chaque fois qu'elle essayait d'improviser, ses sens primaires lui empêchaient de le faire. Chaque glissement était étouffé, chaque note était saccadée et finissait en une vibration basique.
« Allez, Tavi, fais-le ! Libère-toi et ça viendra tout seul ! » cria impatiemment Vinyl.
« Vraiment ? » Octavia se retourna, rouge de colère, en direction de la licorne. « Peut-être que tu pourrais m'aider, madame je-sais-me-libérer ? » Elle était énervée, embarrassée, et désespérée. Elle n'arrivait pas à se diriger dans ce genre de musique ! Mais elle le voulait tellement !
La licorne s'arrêta, puis avança d'un pas hésitant vers la jument, un pas de trop qui les amena presque à être museau à museau. Je ne vais pas le faire, d'accord ? Vinyl pouvait sentir sur sa joue la respiration d'Octavia, chaude et haletante, teintée d'alcool. Oh Celestia, je ne vais pas...
« Vinyl, je je je... » balbutia Octavia, son visage devenait rouge, ses yeux s'écarquillaient. Elle... Elle va... Les sentiments incertains de peur furent rapidement remplacés par de la détermination et du désir. Tout semblait tellement irréel, tout allait trop vite, mais pourtant… pas assez vite. Fais-le ! se cria mentalement Octavia, perdant tous ses sens. Une seconde était plus qu'assez.
« C'est comme ça qu'on se libère », dit Vinyl, et elle approcha son visage de celui d'Octavia, l'embrassant sur les lèvres. La violoncelliste se relâcha enfin pendant ce baiser, son corps se relaxa immédiatement, sa bouche laissant pénétrer la langue de Vinyl. Alors qu'elle ne pouvait pas elle-même jouer du jazz pour l'instant, elle était heureuse que maintenant leurs langues dansent, s'entremêlent vigoureusement. Et rien ne pouvait être mieux que ça. Elles faisaient du jazz, évidemment, d'une façon bien particulière, mais Octavia était sûre que c'était comme ça que se ressentait le jazz. Que c'était le goût que le jazz avait.
Vinyl stoppa finalement le baiser, sans s'essuyer le museau, laissant une goutte de salive couler de sa bouche et tomber sur le sol. Toutes deux haletaient fortement, ne sachant pas ce qu'elles devaient faire après.
« Je pense... » Octavia rougit. « Je pense que je vais avoir besoin... d'une explication plus détaillée. » Je ne peux pas croire que j'ai dit ça ! Tavi, tu fais des progrès ! Elle se félicitait elle-même, utilisant le surnom que cette magnifique licorne lui avait trouvé.
« C'est comme ça que tu laisses partir tout ce qui te tracasse ! » dit Vinyl avec un sourire, faisant léviter Octavia jusqu'au canapé. Octavia n'était pas disposée à y aller seule de toute façon. La licorne s'affala sur le canapé, et rencontra immédiatement un baiser maladroit venant de la jument.
Waw. Elle est bien, la pianiste se fit une remarque intérieure pendant qu'elle se laissait baigner dans le plaisir.
« Tu apprends, Tavi », susurra Vinyl à l'oreille de la violoncelliste avec une voix tamisée, ce qui fit rougir la jument, essayant de ne pas perdre le contact visuel.
« Vinyl... » gémit Octavia alors que la licorne commençait à lui mordiller l'oreille, lui faisant de petits bisous sur le museau, descendant lentement jusqu'à son cou. « Je... Je n'ai jamais été... » OH CELESTIA ! « Avec une autre jument avant et... » OH C'EST TELLEMENT BON ! « … Je ne sais ce que je dois faire. » Super, Octavia. Tu es décidément la plus brillante des juments que le monde ait porté. Tu n'aurais pas pu mieux faire... Mais de telles pensées furent rapidement écrasées par la sensation qui l'accablait.
Vinyl arrêta d'embrasser le cou d'Octavia et sourit, enlevant ses lunettes pour révéler ses magnifiques yeux rouges à la violoncelliste qui en tomba immédiatement amoureuse. « C'est pour ça que je suis là, Tavi. Pour t'apprendre. »
Grâce à ça, Octavia se relaxa, sentant les dernières bribes de tensions quitter son corps. Ce soir, elle allait se laisser aller. Ce soir, elle allait se libérer. Ce soir, elle allait finalement sentir le jazz, qui allait prendre la forme de cette magnifique licorne, une jument qui avait conquis son cœur.
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