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Silence

Une fiction écrite par Vuld.

5. Méthode

Déjà durant les cinq minutes de pause la professeure Fiddlestick avait regardé du côté de Twilight Sparkle, mais était vite retournée à d'autres préoccupations. Et la leçon avait continué, l'heure tourné jusqu'à la dernière sonnerie.

Ensuite, dans la cohue de fin de cours, la professeure était venue directement trouver sa précieuse étudiante en train d'échanger les livres et les notes pour le prochain cours.

« Twilight, est-ce que tu aurais un instant ? »

Elle avait quinze minutes devant elle, Twilight Sparkle, et l'esprit déjà empli de dates historiques. Madame Fiddlestick s'inquiétait, étrangement, et son étudiante lui offrit un sourire compatissant, trop calme pour vraiment la rassurer.

Madame Fiddlestick avait toujours le devoir de Twilight en main.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » Demanda-t-elle.

Dans le même temps, agiter la feuille à moitié blanche, légèrement, pour faire réagir l'étudiante impassible au premier rang. Et des étudiantes, il y en avait d'autres qui regardaient cet échange, qui restaient spécialement pour voir ce qui se passerait. C'était vraiment trop d'attention.

Twilight Sparkle semblait étrangère à tout ce qui se déroulait. Elle écoutait, elle répondit et il semblait presque qu'elle ne voyait pas la professeure.

« Rien du tout. Je n'ai pas fait mon devoir. » S'excusa Twilight Sparkle.

Ce qui était vrai. Elle ne voyait pas la professeure. Elle regardait un point au-delà, un vide vert et profond. Des dates, des noms, des événements. Un sourire aimable et indifférent.

Après un moment de silence, la professeure fit mine de réfléchir. Elle se posait un problème que son étudiante n'avait pas. Elle se posait un problème qui n'existait pas. Et les étudiantes qui étaient restées en arrière, entre les bancs, qui regardaient ça, attendaient en fait leur tour pour parler à madame Fiddlestick, attendaient qu'elle termine.

Alors, avec un ton blessé et comme confident :

« Tu sais que je ne pourrai pas te donner la moyenne. » Puis : « Si tu pouvais seulement me donner une raison… »

« Je n'ai pas d'excuse. » S'excusa encore Twilight Sparkle. « Désolée. »

Sans doute que madame Fiddlestick s'inquiétait plus de sa propre moyenne, des résultats de sa classe et de sa réputation. Peut-être qu'elle s'inquiétait vraiment pour cette élève qui semblait se distinguer, dans laquelle elle mettait quelque espoir après autant de déceptions. Ou alors elle voulait juste voir l'étudiante exprimer de la déception.

Faute de quoi madame Fiddlestick se contenta de baisser les bras. Puis, alors que les autres étudiantes se pressaient déjà en avant pour lui parler, elle changea de sujet.

« Où est ta camarade, Pinkie Pie ? »

Bien sûr. Il y avait la question de ce siège vide à côté de Twilight. Mais Twilight était la dernière personne à qui poser la question.

****

Quatre cents ans en arrière, Pieter Duquartz établissait la première ville de leur nation. Une date, un nom. Un événement. L'histoire était carrée, l'histoire était simple. L'histoire était facile à comprendre.

Twilight ajoutait cette date à la ligne chronologique, et déjà ajoutait une coche pour la date suivante. Fondation du port royal, puis soudain une question et, avec cette question, une autre. Interrompre, ou non, la professeure.

« … cent sept se verra retiré son monopole. Ce caprice étatique met fin à la conquête des terres et Duquartz passera le reste de sa vie à investir à fonds perdus pour permettre la fondation de notre capitale. »

Regard fugace de la professeure pour cette main levée à l'avant de la classe. Nouveau trait de craie sur le tableau noir.

« Malgré l'absence de subventions, Duquartz enverra son amie Salty Chanfrein, chan… frein… »

Un ou deux petits rires. Les noms d'époque avaient toujours cette connotation exotique, comique. Mais cette fois, elles riaient parce que cette main levée insistait et devait certainement ennuyer la professeure.

Encore quelques secondes et la pimbêche du premier rang se lasserait sûrement.

Sûrement.

« On dirait que quelqu'un a une question. » Se coupa enfin la professeure en se retournant.

« Pourquoi la ville s'appelle Polo Royal ? »

La professeure souleva un sourcil, avec cette expression dépitée et ennuyée à la fois, et laissa peser un instant de silence. Puis, avec cette fausse amabilité taillée par l'expérience :

« C'est évident. Il vous suffit de décomposer le nom. Et maintenant, si je peux reprendre le cours… »

Retour au cours, retour aux notes. Twilight Sparkle se sentait stupide de s'être jamais posée cette question. C'était sans importance. Tout ce qui importait était de connaître la date par coeur pour l'examen.

Mais, sur une pointe de mauvaise foi qui piqua son coeur, Twilight leva à nouveau la main.

La professeure s'arrêta, la regarda avec les deux sourcils haussés, puis :

« Oui ? »

« Est-ce qu'il y a un rapport avec l'école de Polo Royal ? »

« Quelle école ? Ne commencez pas à inventer n'importe quoi. »

Cette fois la classe voulut bien réagir et rire un peu pour la pimbêche qui ne savait pas de quoi elle parlait. Et, objectivement, la pimbêche ne savait pas de quoi elle parlait. C'était juste la seconde fois qu'elle entendait ce nom, de Polo Royal, dans deux cours différents, et elle se demandait si il y avait un rapport.

Apparemment il n'y en avait pas. Apparemment elle était stupide. Et la leçon à retenir était que les étudiantes ne devaient pas poser de questions.

Pas en histoire en tout cas.

« En fait, madame, » dit une fille quelque part dans la classe, « ça vient de la poterie. »

« Je ne vous ai pas autorisée à parler ! » S'insurgea la professeure.

Mais l'étudiante continuait, et Twilight écoutait sans tourner la tête. L'étudiante là-bas parlait d'une traite et vite pour ne pas se faire couper.

« Les gens disaient polroy pour poterie et les lettreux y ont vu le lacrin pollens regus, d'où Polo Royal. »

Plus frappant encore que cette explication, il y avait l'impression pour Twilight de connaître cette voix. Sans doute parce qu'elle avait pu l'entendre des dizaines de fois autour d'elle, durant les pauses, dans les couloirs, parlant avec d'autres étudiantes qu'elle ne voyait pas. Mais c'était plus familier encore.

Le parc. Dimanche. Son frère était là. C'était là qu'elle avait entendu la même étudiante lui parler. C'était celle qui avait su que Shining était son frère.

Impossible pour Twilight de tourner la tête. Elle regardait droit devant elle, et elle sondait tout ce qui venait de se passer et qu'elle ne comprenait pas. Et puis, tandis que la professeure répondait quelque chose comme peut-être, pourquoi pas, Twilight se mit à songer à l'explication. Cette explication n'avait pas de sens.

Finir le cours. Noter plus de dates, plus de noms, plus d'événements. Ne même plus regarder la professeure. Concentrée sur le passage du temps. À la sonnerie, ranger ses affaires, se lever et, pour la première fois depuis longtemps, avec cet élan de coeur qu'elle ne se connaissait plus, fouiller la salle.

Comment savoir qui avait parlé ? Comment la reconnaître ? Un peu de panique, pas grand chose, puis Twilight se rendit compte qu'elle regardait une étudiante qui la regardait et qui lui était vaguement familière.

Une hésitation. Des milliers de gênes. Mais elle devait savoir.

Elle s'approcha.

L'autre étudiante, interloquée que la pimbêche du premier rang s'intéresse à elle, l'attendit le sac à moitié sur l'épaule et la laissa hésiter encore plus une fois devant elle.

« Eh, euh… » Tenta Twilight Sparkle.

« Crystal Star. » Précisa l'étudiante.

Ce nom disait vaguement quelque chose à Twilight. Probablement une écolière qu'elle avait fréquenté voilà très, très longtemps, à une autre époque, comme dans un autre monde. Avoir oublié son nom faisait partie des gênes.

« Ouais, » peina Twilight, « euh, tu as, enfin, tu as dit… »

« Moi aussi je peux pas la supporter cette morue. »

Soudainement, Twilight se tendit. À nouveau plus froide, plus distante. Et l'étudiante, toute fière d'être venue à sa rescousse, fut surprise de voir la pimbêche se mettre à agir comme la pimbêche agissait toujours.

« En fait, je voulais savoir comment tu savais, pour Polo Royal. »

La guillotine était tombée. Twilight Sparkle ne songeait plus qu'à s'excuser, avec son sourire aimable, aller ailleurs, à la bibliothèque, vérifier la réponse par elle-même. L'autre étudiante, une amie d'enfance peut-être, n'y comprenait plus rien.

« C'est Pinkie Pie qui a essayé de me l'expliquer une fois. Perso j'y comprends rien mais l'occasion était trop belle de lui fermer son clapet. »

Pinkie Pie. Ce nom revenait sans arrêt.

****

Se concentrer sur le livre. Histoire des petites écoles de Polo Royal. Aucune explication sur l'origine du nom. Ca lui donnait mal à la tête, de ne pas pouvoir savoir.

L'odeur de thé fort qui flottait à sa table dans la bibliothèque avait un effet encore plus vif sur ses nerfs. Ne pas prêter d'attention à la hippie. Oublier qu'absolument toutes les autres places de travail étaient libres et que, dans ce vide, précisément cette étudiante avait décidé de se mettre à précisément cette place juste en face.

« J'ai gym cet après-midi. » Dit celle-ci mollement.

Ne pas déchirer la page du livre. Envie de lui envoyer le tome au visage. Coup d'oeil furieux à cette idiote qui parlait dans une bibliothèque.

Mais la hippie s'en fichait bien et se contentait de tenir son livre à demi-ouvert, le regard vague sur ces pages qu'elle lisait à peine. Avec l'autre main elle se tenait la tête, accentuait sa moue déjà morne. Et puis il y avait les petits colliers au poignet, qui s'entremêlaient et qui, aux yeux de Twilight, représentaient une nouvelle frustration du simple fait qu'ils n'étaient pas parfaitement alignés.

« Ca me gave, mais genre, t'imagines même pas. Et bien sûr comme j'aurai pas la meilleure note, mes parents vont me punir pour ça. »

Bibliothèque. Silence. Règle de base. Quand Twilight reporta son attention sur l'introduction de son propre ouvrage, elle n'y vit plus que de minuscules caractères illisibles dans son état. Après deux secondes, avant même de suspecter que l'autre se remettrait à parler, Twilight ferma le livre d'un coup sec, se leva et, à pas vifs, en laissant toutes ses affaires derrière elle, se dirigea vers la sortie et vers le parc.

« Twilight ? » S'étonna l'autre.

Sortir. Respirer. Dehors. Air frais. Enfin ! Le silence l'accueillit à coups de rires et d'exclamations, de ce brouhaha constant que seules des adolescentes savaient faire avec perfection. Twilight resta là, sur les deux marches à l'entrée de la bibliothèque, sans rien regarder, juste à souffler un peu.

La porte se rouvrit derrière elle, la hippie la rejoignit. Puis resta là, sans rien dire, sans regarder Twilight, à ne rien faire comme elle devant la cour pleine de vie.

Puis la hippie s'assit tandis que Twilight restait debout et Twilight sentit qu'elle était censée s'asseoir également, mais faute de raison n'en fit rien.

Au départ, sous la colère, Twilight Sparkle se répétait avec force la même question : pourquoi la hippie la collait constamment. Mais, avec le recul, elle se posait exactement la même question : pourquoi la hippie restait avec elle ? Elle pouvait expliquer, sans le moindre mal, pourquoi n'importe quelle étudiante l'éviterait. Mais le contraire la déboussolait.

Quelque chose l'empêchait de simplement poser la question. Alors, à la place, elle sauta sur le sujet le plus proche :

« Tu saurais où est… »

Et Twilight de faire des moulinets de la main pour chercher le nom.

« … Pinkie Pie ? »

La hippie la regarda, l'air de ne pas comprendre de qui elle parlait, avant de réagir : « Ah ouais, la folle qui se cache sous les sièges. Elle me gonfle comme pas possible. »

« D'accord, d'accord, mais est-ce que tu sais où elle est ? »

Twilight s'en voulut d'avoir fait transparaître son impatience. Plus encore, son impatience était injuste envers cette étudiante. Mais sur le moment ces questions avaient peu d'importance. En fait, Twilight n'aurait même pas su dire pourquoi elle cherchait une réponse.

La hippie fit jouer ses boucles entre ses doigts, tout en réfléchissant.

« Pas la moindre idée. » Admit-elle enfin dans un haussement d'épaules. « Elle a peut-être fini par cueillir ce qu'elle a semé. Si tu veux mon avis, ça peut que mal finir pour elle. »

« Comment ça ? »

« Je sais pas. » Se désintéressa la hippie. « Elle a voulu m'aider avec Gauge, et maintenant il ne parle plus que d'elle. Parfois je me dis que c'est moi le problème. »

Twilight s'assit.

C'était peut-être une distraction de l'esprit. L'étudiante devait être malade, ou bien elle avait oublié de se réveiller ce matin. C'était loin d'être impossible pour cette tête en l'air. Elle avait pu décider que ce jour-ci étudier était une perte de temps.

Mais, juste un instant, si Twilight appliquait le bénéfice du doute, alors effectivement quelque chose n'allait pas. C'était la troisième fois que cette étudiante était absente.

« Eh, Twilight. »

Twilight tourna la tête. La hippie regardait ailleurs. Quelque part où il n'y avait rien. Un moment à attendre qu'elle continue.

« Non, rien. » Dit-elle en se levant. « On se voit dans le bus. »

Et s'il était possible d'inverser la question ? Twilight Sparkle n'y avait jamais songé, d'inverser la question. De se demander pourquoi elle, elle laissait cette étudiante-là rester avec elle.

****

Madame Bellbean n'avait pas su dire, pour l'histoire de Polo Royal, mais avait promis de regarder et d'apporter la réponse la prochaine fois. Peut-être pas demain matin, juste, la prochaine fois. Et Twilight Sparkle, toute contente intérieurement, était allée s'asseoir.

Puis, en plein milieu du cours, la tête en l'air, le centre de gravité auto-proclamé de l'école et de l'univers, avait fait irruption. Tout était rentré dans l'ordre.

Le cours touchait doucement à sa fin, cette cruche avait fait sa cruche pour rattraper le temps perdu et bien sûr elle n'avait toujours pas ses propres livres. À la sonnerie, au lieu d'attendre que la professeure ait seulement fini sa phrase, l'étudiante alla bondir renouer avec ses copines, raconter comment elle avait pu sécher quatre heures de cours et en plaisanter avec exubérance.

La professeure la foudroya du regard avant de passer la porte.

Pendant un instant, Twilight Sparkle songea à chercher l'autre étudiante, Crystal, mais abandonna aussitôt l'idée. Encore quelques jours et ça ne lui viendrait plus à l'esprit.

On s'assit à côté d'elle et une main se posa sur son livre d'économie, le décalant très légèrement sur la gauche et pliant un peu la feuille de notes dessous. Qui d'autre que cette cruche. Twilight Sparkle se recula légèrement sur son siège.

« Eh, Twilight, on va jouer au pendu, ça te dit ? » Et : « C'est un jeu d'intellectuelles, ça devrait te plaire ça non ? »

Le temps de décliner poliment, aimablement, l'autre avait déjà bondi au tableau noir pour y tracer une série de petits traits.

« Allez, tu commences, essaie de deviner le mot ! »

Pas de réponse.

« Allez Twilight, fais un effort quoi ! »

« Si je joue, tu me laisseras effacer le tableau noir ? »

L'absurdité de la demande prit l'étudiante de court. Cela, ou alors le ton presque agressif, le regard furieux fixés sur les traits de craie au tableau de Twilight Sparkle.

Pour les autres, qui n'étaient pas nouvelles, c'était un de ces moments où elles pouvaient se moquer à l'envie de la pimbêche du premier rang. Et l'une d'elles d'avertir l'autre cruche que le tableau noir était « le petit bébé de Twilight ». La cruche de s'excuser avant de, tout de suite, promettre et pousser Twilight à choisir une lettre.

Douze secondes plus tard : « Émotion. »

Le gros de la classe se mit à rire tandis que l'étudiante la félicitait et écrivait chaque lettre manquante sous chaque trait encore vide. Twilight se levait déjà pour effacer le tableau mais l'étudiante l'arrêta à mi-chemin.

« Mais on vient juste de commencer ! »

Tous les regards étaient sur Twilight. D'une main l'étudiante lui tapota le bras pour la rassurer, ce ne serait pas long. Et Twilight, figée sur place, regarda cette fille, cette fille-là, lui expliquer que regarde, j'efface et je réécris par-dessus, tu vois ? Et les autres de pouffer de rire devant cette scène.

Six coches, puis un espace, puis trois coches. Un mot composé. Mais Twilight Sparkle avait déjà détourné son attention, reporté celle-ci sur le visage tout sourire, tout joyeux de l'étudiante toute empressée. Comme un désir invincible, intérieurement, Twilight cherchait la solution. Un mot composé, six lettres puis trois lettres. Son regard sautait du visage angélique de cette garce sur les traits de craie tandis qu'elle faisait défiler le dictionnaire. Mots de trois lettres. Pouvant être composés. Trois lettres.

Les rires augmentèrent encore. Il y en avait pour lui dire que c'était facile. Tout cela s'effaça dans sa tête. Elle n'entendait plus vraiment, plus qu'un bruit de fond aigu et désagréable. Thé. Île. Presque île ? Non, le compte n'y était pas. Mais l'étudiante aurait été capable de mal compter les lettres. Tester.

« E. »

Les autres de rire, l'étudiante d'ajouter deux E. « Presque île » en avait trois. Ace ? Âme ? Pré ? Que ? Parce que ? Le compte n'y était pas…

« P. »

Moins de rires. La classe attendait, comme avant une bonne blague. L'autre de rajouter deux P avec fierté.

Pré ? Pie ? Petite Pie ? Il n'y avait aucune bonne réponse. Cette fille ne connaissait même pas les règles du jeu. Twilight ne voulait même pas jouer. Elle voulait juste en finir, pouvoir effacer le tableau. Ses yeux ne quittaient plus les espaces restés noirs.

Une voix surgit dans les hauts-parleurs de l'école.

« Pinkie Pie, venez me voir à mon bureau. »

Une voix sèche d'adulte qui n'avait pas de temps à perdre. La directrice, nécessairement. Devant Twilight l'étudiante s'agita soudain, regarda le plafond, les autres étudiantes, son tableau noir avec son énigme impossible puis soudain, avec agitation, elle donna la craie à Twilight et s'excusa. Twilight la regarda filer par la porte, courir dans les couloirs.

Ensuite seulement, après s'être approchée de la patte pour essuyer le tableau, Twilight Sparkle réalisa quel était le mot.

****

Le retour en bus avait été tranquille. Une fois rentrée, il avait fallu se réhabituer au vide de la maison. Les petites questions innocentes de la mère. Les encouragements du père. Puis Twilight était sortie courir dans le parc, en vue de mercredi.

Puis Twilight s'était arrêtée au milieu du parc, à bout de souffle, et avait regardé toute la distance qui lui manquait encore.

Elle aurait bien continué mais la douleur, ce poing dans l'estomac, la força à la place à aller marcher un peu à l'écart, dans le soir plein de couleurs. Le parc était désert, paisible et rassurant. Loin des réalités des faubourgs que ses amies décrivaient si souvent. Loin de toute interaction.

Une fois devant la mare, s'asseoir, regarder l'eau, écouter le silence. Songer à ce qu'elle ferait, Twilight Sparkle, mercredi et plus tard, dans longtemps. Se demander si elle savait encore pleurer, Twilight Sparkle. C'était si étrange, de vouloir pleurer et de n'être plus bien sûre de savoir comment.

Hausser les épaules. Prendre un galet au hasard et le jeter dans l'eau. Regarder le second ricochet rater, le galet disparaître misérablement. Se sentir un peu mieux.

C'était la première fois que l'autre tête en l'air avait montré son vrai visage. Quand elle était revenue de chez la directrice, après s'être assise, alors que Twilight lui glissait son livre pour le cours : « Oh, laisse-moi tranquille ! » Avait soufflé l'étudiante. Une colère soudaine qui, au fil du cours, était devenue grognonne. De la véritable frustration. Et Twilight ne pouvait pas se mentir, cela lui avait fait plaisir.

On avait dû la punir pour ses absences répétées, bien sûr, ce n'était pas une énigme difficile à résoudre. Elle en voulait à Twilight d'être le parfait modèle usiné d'élève lobotomisée dont rêvaient toutes les écoles.

Et Twilight, pour la énième fois dans son existence, se demandait si cette étudiante avait raison.

Tout aurait été tellement plus simple, si le monde avait bien voulu se contenter d'être cruel. Il y aurait eu les gentilles et il y aurait eu les méchantes. On aurait été gentilles de taper sur les méchantes. Mais il n'y avait rien de tel, et le monde se contentait d'être le monde, où chacune était née avec les meilleures intentions.

Ce coin de la mare était exposé, le vent se levait. Twilight se mit à longer le bord, un peu plus loin, jusqu'aux bancs.

Là, après s'être assise, elle avisa un journal abandonné depuis longtemps, assez longtemps pour avoir souffert de la pluie plusieurs fois. Le papier n'était pas pourri, juste gondolé, noirci par l'encre. Les pages se collaient entre elles. Twilight se mit à jouer avec, à explorer cette oeuvre des circonstances avant que le moment ne vienne de le jeter à la poubelle.

Parmi les rares pages préservées, encore à peu près visibles, un fait divers.

À Maretreal, un glissement de terrain avait emporté une école dans la nuit. De mauvaises fondations, ou des problèmes géologiques insoupçonnés, une cavité naturelle peut-être, avait fait s'affaisser l'école. L'image d'illustration, plus composée de taches qu'autre chose désormais, suggérait un cratère. La maire de la ville avait promis que tout était fait pour s'assurer que rien de tel n'arrive à d'autres bâtiments, et l'article de conclure en se demandant ce qui se serait passé si le glissement avait eu lieu durant les cours.

Twilight était très mauvaise pour se rappeler des noms. Mais la nouvelle avait dit quelque chose le jour où elle s'était présentée.

Tout le monde détestait devoir réfléchir aux problèmes autrement.

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