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La Plume d'Aurore

Une fiction écrite par Raincloud.

Chapitre 5 - Whirlwind

On ne sait jamais ce qui nous attend dans ce genre d'édifice antique. J'en ai connu des milliers, je savais à quoi m'attendre. La pyramide d'Ameraude étaient bien plus connue comme prison de basilics assoiffés de sang plutôt que comme temple au trésor infecté de pièges, mais cela ne veut pas dire qu'elle en était dépourvue, surtout depuis qu'Ahuizotl en avait prit possession.

Les sens en alerte, prête à bondir à tout moment, mes pattes frôlaient les pierres pleines de mousses. Mes yeux attentifs scrutaient les moindres anomalies dans les murs ou les plafonds. Je voyais loin, nous étions bien éclairés par les conduits plasmatiques fluorescents qui serpentaient les murs. Plus j'y pensais, plus je me disais que ces installations donnaient à la pyramide une autre fonction que celle qu'on penserait...

Sans toutefois courir, je marchais à une allure soutenue pour atteindre la chambre d'Ameraude au plus vite. Mon regard se fixa sur celui du pauvre phénix figé par les basilics dans mon sabot gauche. Après lui avoir donné un sourire amical, qui me semblait partagé, je le replaçai entre mes mèches noires et grises avant de replacer mon chapeau par dessus. Pas de problème, la pierre était plutôt légère.

Derrière moi voletait Derpy. Elle déblatérait un nombre impressionnant de remarques avec un intérêt discutable, tantôt en se plaignant de la fatigue accumulée, tantôt en hurlant son bonheur de me suivre. Quant à moi, je lui répondais parfois de « Hum hum... » et de « Ah oui ? » afin qu'elle ne se sente pas seule, même si mes oreilles étaient en veille, un peu comme l'aurait fait ma fille.

Après une crise d'angoisse soudaine due à la chute d'une pierre, Derpy se rapprocha de moi. Elle disait que ma simple présence la rassurait, s'assura toute seule qu'il n'y avait aucune raison d'avoir peur, et passa de la torpeur à l'enthousiasme en quelques minutes.

« Au final, c'est pas si terrible hein, de se retrouver dans une pyramide infectée de basilics ? Je veux dire, on aurait pu tomber plus mal que des tueurs qui vous transforme en pierre dès que vous les regardez. Imaginez le contraire ! Des pierres qui vous tuent dès que vous ne les regardez pas ! Elles se tapissent dans les recoins obscurs comme d'inoffensives statues calcaire... mais une fois le regard détourné... »

Derpy bondit d'un coup d'ailes devant moi en montrant les dents. Je crois qu'elle essayait de me faire peur...

« Bam ! Ils vous envoient dans une autre dimension sans que vous ayez le temps de crier, vous ayant juste effleuré à la seconde où vous avez CLIGNÉ DES YEUX ! »

Derpy me fixa intensément avec des yeux écarquillés. Comprenant que je n'étais pas dans la même énergie, elle tenta un :

« Pégase pleureur ? Hum ?

- Jamais entendu parler... conclus-je en poussant la pégase sur le côté et continuant mon chemin.

- Sans doute à cause du flashouilleur... l'entendis-je murmurer avant de galoper pour me rejoindre. Mais vous avez du en connaître plein d'autres des créatures hein ? Si je me souviens bien, vous avez affronté Cerbère dans le 31, et une armée de Caladrius dans le 44 ! Je compte pas Ahuizotl, le Taureau à crête, l'Hydre de Luzerne, le Sanglier d'Herbementhe, les Juments mangeuses de juments de Diorêne, le Lion de Menée... puis vous avez fait une course contre la Biche de Céréalie dans le 16. Oh, et puis, c'est vous aussi qui avez vaincu une tarasque de 9 mètres dans le... ah, c'est quel tome déjà... aidez-moi s'il-vous-plaît !

- Le 14 ?

- Non.

- Le 42 ?

- Sûrement pas, vous êtes enfermée pendant les trois quarts du bouquin.

- Le 97 ?

- Il n'est pas sorti ! Dîtes, vous le faites exprès ?

Je fis quelques pas supplémentaires et m'arrêta. Je poussai alors un soupir en penchant le museau vers Derpy.

« Petite, je dois définitivement t'avouer quelque chose : je ne connais pas par cœur mes romans, ni leur titre, ni leur ordre, et même pas l'intégralité de ce qui s'y passe. Certes, j'ai vécu ces aventures, mais les finitions, l'organisation et les droits d'auteur reviennent essentiellement à ma productrice.

- Vous avez une productrice, vous ? »

Derpy me regarda à nouveau avec insistance, en levant un sourcil.

« Et non, ce n'est pas moi la productrice ! Je ne vais pas me trimballer avec deux identités secrètes ! »

Rotation, puis je continuai mon avancée. Ma camarade se fit alors plus sage. Je ne sais pas si elle avait décidé de me laisser tranquille ou si elle cogitait activement à la façon dont j'organisais toutes mes vies secrètes, toujours est-il que ça me permettait de me focaliser sur l'environnement.

Un sentiment étrange m'envahissait au fur et à mesure de ma marche. Ce n'était pas de l'excitation, car après toutes ses années, j'avais appris à garder mon sang froid contrairement à n'importe quelle bleusaille à la crinière arc-en-ciel qui serait dans la même situation. Ce n'était pas non plus de la peur, celle-là je la gardais pour des moments vraiment très brefs, et principalement en rapport avec des serpents...

Alors qu'est-ce-que c'était ? Cette impression, je la connaissais bien, elle s'emparait de tous mes sens : tandis que la vue et l'ouïe était en alerte, le toucher recherchait la moindre menace à travers mes pas. Quant à l'odorat et au goût, c'est presque eux qui captaient l'essentiel. En effet, il s'agissait presque d'une saveur, une saveur délectable qui emplissait l'air et qui faisait désormais partie de ma famille.

Vous l'aurez sans doute reconnu : cette cause extérieure aléatoire susceptible de porter atteinte à l'intégrité physique ou psychologie de l'être, plus communément appelé... Danger.

Derpy n'avait sûrement pas perçu la même chose que moi, mais elle avait perçu ma réaction changeante. Perturbée, ses yeux commencèrent à partir en sucette.

Quant à moi, je fus stoppée net : mes pattes avait senti le changement de configuration du sol et en glissant les yeux vers le bas, je vis une dalle représentant un dragon, et me fixant de ses deux horribles yeux furieux.

Ma camarade, elle, ne s'arrêta point et me dépassa en questionnant mon attitude. Au milieu de sa question, la saveur du danger me prit entièrement l'estomac d'un coup soudain. Je me jetais sur elle.

Pas besoin de crier « Attention », elle s'occupa du hurlement pour moi. Je la plaquais contre le mur et c'est alors qu'un énorme cône de métal chuta du plafond assez haut. Celui-ci s'écrasa avec fracas à l'endroit exact où se trouvait Derpy il y a trois secondes. Le sol, qu'on pensait solide s'effondra alors comme s'il était fait en bois. Les pierres chutèrent dans un gouffre profond qui commençait à s'étendre. Derpy cria une nouvelle fois en s'accrochant à mon cou.

Puis ce fut au tour du mur contre lequel nous étions appuyé de s'effondrer. Les rochers qui soutenaient la paroi glissèrent vers l'abîme. Je m'envolais avec Derpy pour atteindre l'autre côté de la galerie. Là, je vis le plafond s'affaisser considérablement. Les pierres dérapèrent vers le bas avant de se coincer dans ce qui semblait être des structures de secours en métal, à la hauteur d'un poney.

Lorsque l'effondrement se calma, je poussais de toutes mes forces pour expulser Derpy de ma carotide et me diriger vers le milieu. L'odeur du danger venait de disparaître, je pense qu'on ne craignait plus rien et c'est exactement ce que je dis à Derpy.

« Ok... ah... merci pour le sauvetage... je comprends d'où votre fille tient son 6ème sens... voire le 7ème et le 8ème à ce niveau-là... »

Nouvelle inspection de la nouvelle zone : à ma gauche, un trou béant menant vers une abysse sombre. Sans doute le fond de la pyramide, et vu que nous avions beaucoup monté jusqu'ici, la chute devait être sévère. À ma droite, Derpy recroquevillée contre la paroi qui tenait encore debout et suçant son sabot éperdue.

Enfin devant moi, ces mystérieuses dalles.

Je retrouvais au premier plan le dragon qui me fixait. Il s'agissait d'un dessin sur la dalle du milieu de la première rangée. En effet, il y en avait d'autre. Beaucoup d'autres : ce qui se trouvait sous ce plafond considérablement affaissé qui nous empêchait désormais de voler, c'était un damier de dalles représentant de multiples animaux, le genre de piège où un seul chemin est le bon et les mauvais vous emmène à la catastrophe.

Trop cliché n'est-ce-pas ? Ce dispositif n'était pas d'ici, il avait sûrement été installé à la demande d'Ahuizotl pour selon moi trois raisons : Soit pour me tester, soit pour tester ses sbires (je voyais très bien ses Ponygènes tomber les uns après les autres sans aucun regret de sa part), soit... parce qu'il était incroyablement idiot et qu'il n'avait pas encore compris que ce genre de piège, je les passe sans problème.

Derpy me rejoint en claquant les dents, gardant un œil au plafond au cas où un nouveau cône le menacerait. Elle venait d'observer les 6 animaux différents qu'on pouvait distinguer sur ce damier piégé :

« Un serpent, un chien, un lion, un renard, un aigle, un dragon et une énigme incompréhensible...

- Non non, Derpy... Equidna, Orthos, Chimère, le Renard de Teumésair, l'Aigle du Caucaveçon et le Dragon de Colchique. Des monstres de la mythologie grecquestrianne. Tout ici à l'air de tourner autour des légendes.

- Ils ne sont dans aucun Daring Do en tout cas. Vous les avez déjà rencontré ?

- Ne dis pas de bêtises, ce ne sont que des vieilles légendes fictives !

- Ah, aussi fictives que les basilics...

- D'habitude il y a un code. Le but est de trouver celui qui n'a aucun lien avec les autres. C'est tellement récurrent que ça me gave un peu.

- Donc vous savez déjà c'est quoi le bon chemin ?

- Eh bien, on peut déjà éliminer la case sur laquelle tu as marché avant que je te sauve, Derpy. C'était lequel ?

- Ah... euh... j'ai pas eu le temps de voir... hum, on aurait dit... un animal légendaire...

- Merci Derpy, dis-je en levant les yeux au ciel. Qu'est-ce-qu'on ferais sans toi ? »

Je commençais à piétiner le long du damier, tout en restant à bonne distance du gouffre qui avait déjà emporté une dizaine de dalles. Le moment était venu de faire preuve de jugeote. Il faut sélectionner celui qui n'avait aucun rapport avec tous les autres :

Je dévisageais les représentations graphiques et exprimait à haute voix ce à quoi elle me faisait penser, au cas où cela provoquerait une subite illumination chez Derpy.

Mon premier regard fut à nouveau pour le dragon, de face, imposant, les ailes déployées.

« Le Dragon de Colchique est le gardien de la Toison d'or dans le mythe de Jasétalon. Il ne dormait jamais et terrifiait tous les paysans de la région de Colchique. Le seul qui crache du feu peut-être ? »

Puis vint l'horrible aigle géant et son regard perçant meurtrier :

« L'Aigle du Caucaveçon a été vaincu par Eqrule alors qu'il dévorait le fois de Trométhée. Celui-ci avait doté le monde de la technique et Celezeus l'avait condamné à subir l'attaque de l'oiseau de malheur. Ce n'est pas le seul qui vole puisque le dragon le fait aussi... »

Derpy réfléchissait presque autant que moi... ou en tout cas, elle avait l'air de réfléchir. Son attention se porta sur l'image du chien à deux têtes dont les gueules pleines de crocs dégoulinaient de bave, bave représentée de façon saisissante.

« Orthos, dis-je pour éclairer sa lanterne. C'est le monstrueux chien à deux têtes du géant Géruéeon, qui lui avait trois têtes, autant dire que rien ne leur échappait. Orthos est aussi le frère de Cerbère, et tous les deux ont été vaincu également par Eqrule. »

Derpy semblait partir encore plus loin dans sa réflexion. Je crois qu'elle venait d'avoir son illumination... et j'aurais préféré qu'elle ne l'ait pas finalement...

« Le seul qui a plusieurs têtes pour un même corps ! Voilà la bonne réponse !

- Non Derpy, ce n'est pas le se... »

Je n'eus pas le temps de terminer ma phrase, Derpy s'apprêtait déjà à poser la patte sur le dessin d'Orthos. Vive comme une flèche décochée, je bondis de nouveau sur elle. Elle cria de nouveau.

Il me semblait que le couloir se mettait à trembler, mais c'est peut-être la culbute qui me donna cette impression qu'on allait y passer.

Mon impulsion nous fit voler sur quelques mètres au-dessus de quelques dalles, c'était toujours ça de pris. Nous fleurions le damier et le plafond me déchira le dos. Au moment de retomber, je m'attendais à m'écrouler sur une mauvaise case et finir engloutie dans les entrailles de la pyramide.

Mais à ma grande surprise, je tombais sur mon flanc, Derpy entre mes bras, me cassa trois côtes et ça s'arrêta là.

Il y avait en effet, à peu près à mi-chemin du damier, une zone de quatre cases, sans illustration, sans bon ni mauvais, sans pièges. Une zone de repos qui, si mes calculs étaient exact, se trouvait à une enjambée d'Ahuizotl de la première ligne du damier.

Vous l'aurez compris comme moi, Ahuizotl, grand génie du mal, avait sans doute eut peur d'oublier le bon chemin et s'était créé un petit passage personnel rapide...

Derpy, en apercevant à travers les roches du plafond tout près les dangereuses pointes prêtes à achever notre avancée, puis réalisant qu'on était coincées au milieu de tous ses monstres affreux, poussa un ultime cri en se relevant.

Je profitais de sa panique pour calmement me mettre debout, puis lui tirer l'oreille et lui hurler dedans :

« Orthos n'est pas le seul animal avec plusieurs têtes ! »

Je l'attrapais par le crin et colla sa tête sur le sol, les yeux à la hauteur de la dalle représentant un lion métamorphique cruel :

« La Chimère, corps de lion, tête de chèvre et queue de serpent, ravageait la région de Licecye. Vaincue par le héros Bringuérophon qui chevauchait Pégase ! »

Puis je la lâchais, incroyablement énervée. Toute penaude, elle essaya de me détendre avec une petite question.

« Quel pégase ?

- Le commandant Hurricane d'après la légende, grognais-je. Les anciens pégases disent d'ailleurs que c'est ce dernier qui aurait fait tout le travail.

- Hem... peut-être que la Chimère est la bonne option... c'est la seule qui est constituée de plusieurs animaux.

- Encore faux, Derpy... »

Plus découragée que furieuse, je pointais maintenant ma patte vers une créature machiavélique, mi-poney, mi-serpent :

« Equidna est la fille de Gaïa et Tartarus. La tête, le torse et les bras d'une jolie licorne, et le corps et la queue d'une vipère mortelle. Monstre cruel intervenant dans de multiples légendes, elle symbolise la chaos absolu. Invincible pour ainsi dire.

- Ah, invincible, ça peut être un bon critère ça, non ?

- Peut-être, mais arrive notre dernier concurrent : le Renard de Teumésair, conclus-je en montrant le goupil au regard vif. Une créature réputée invincible et surtout insaisissable qui terrorisait Trothèbes. Un chien-diamant du nom de Léchlaps s'est chargé de le pourchasser, lui qui selon la légende, ne manquait jamais sa proie. Le paradoxe du renard intouchable pourchassé par un chien infaillible à été résolu par Starswirl qui a changé les deux bêtes en pierre... retour à la case départ... »

Mon corps fatigué décida alors qu'il était temps de s'asseoir et de poser ma tête entre deux sabots. Plus je réfléchissais, plus je me disais qu'Ahuizotl avait pour une fois trouvé une bonne énigme.

Il fallait trouver LA chose qui différenciait l'un des animaux de ses congénères. En pensant comme Ahuizotl, j'aurais peut-être choisit la Chimère, le seul félin... Mais peut-être était-ce aussi l'aigle, seul créature à plumes, ou Equidna qui nous est bien plus familière avec son visage de poney.

En fait, elles pouvaient toutes marcher, mais le piège dans lequel était tombé Derpy était la preuve qu'il n'y avait pas que des bonnes réponses. J'étais perdue et désolée. En temps normal, je me serais jeté sur n'importe quelle case en comptant sur ma bonne étoile... mais là, il y avait quelque chose de différent : Derpy était avec moi. Et elle avait beau être agaçante et pas très maligne, je ne pouvais pas me permettre de lui faire prendre un risque.

Bref, à chaque nouvelle idée, l'image de perdre la pégase et de devoir m'expliquer avec Lyra après me hantait. Je n'arrivais plus à réfléchir.

Derpy me regardait, je me sentais épiée, avec l'étrange impression qu'elle lisait dans mes pensées et était touchée que je veuille la sauver. Puis elle se mit à faire des cercles sur notre coin de repos en parcourant les images les unes après les autres.

C'est alors qu'un soupir sortit tout doucement de sa bouche :

« La vipère...

- Pardon ?

- Non... non je n'ai rien dit...

- Si, tu as dit la vipère. Tu parles d'Equidna ?

- Oui... oui je pense que c'est la réponse. »

Je me remis sur quatre pattes, tout en scrutant le moindre tressaillement dans les yeux de Derpy qui se mit - oh grands dieux, moi qui croyais ça impossible pour elle ! - à loucher...

« Sur quoi te bases-tu ?

- Une intuition... je sais pas, j'ai vraiment l'impression que c'est ça...

- On peut pas risquer notre vie sur une intuition.

- Oui, mais sinon, on sortira jamais d'ici. On ne peux même pas revenir en arrière.

- Derpy... tu es sûre de toi ? »

Je sentais venir le « Non... mais... ». Je le voyais presque sur ses lèvres. Mais... surprise :

« Ouais.

- T'es sérieuse ?

- Ouais, ça se tente.

- Derpy, tu as conscience que...

- Depuis le début de cette aventure, je dois vous faire confiance. J'ai du faire confiance à Lyra pour me sortir du fleuve, et à votre fille qui me fiche la frousse. Quant à vous, vous savez que je vous suivrais au bout du monde. Mais... si pour une fois... c'est vous qui faisiez confiance à la petite factrice blonde ? »

Je me mordis les lèvres. Son discours était poignant et il avait fait mouche. J'avais envie de la suivre, c'est vrai, qu'on inverse les rôles de temps en temps.

Je pris une grande inspiration, chassant de mon esprit toutes les conséquences néfastes d'un mauvais choix. L'angoisse me serrant la gorge, j'exécutais un petit mouvement de tête pour l'inciter à tester sa théorie.

Derpy me sourit, elle marcha doucement en direction de la case représentant Equidna la plus proche. Elle leva la patte encore plus doucement, sereinement, j'étais sûrement dix fois plus stressée qu'elle. Son sabot retomba rapidement sur la case en question. Je poussais un cri aigu d'effroi. Oh, ça va, on a tous le droit à nos petites frayeurs !

Le sourire de Derpy s'élargit En voyant qu'il ne se passait strictement rien, elle passa un deuxième sabot sur la case, puis les autres, et enfin se mit à se dandiner avec fierté comme pour défier le piège.

Un peu perplexe, je la rejoignis sur la dalle, puis bondit (du moins si on peut appeler ça bondir avec un plafond aussi bas) sur la suivante ornée de la même créature.

Pas de réaction. Derpy éclata de rire, je lui tirais mon chapeau avec une mine respectueuse, je lui devais la poursuite de notre aventure.

Nous nous glissâmes jusqu'au bout du damier. Derpy eut la bonté de ne pas trébucher sur sa queue et s'étaler sur une autre case.

Pendant les derniers pas qui nous séparaient de la fin du tunnel, là où le plafond remontait petit à petit, je réfléchissais à cette fameuse intuition dont elle m'avait parlé.

Nous nous regroupâmes près d'une torchère allumée, loin du piège, hors de danger. Je hochais alors la tête de haut en bas, avec un sourire en coin, pour faire comprendre à la pégase que j'avais découvert son petit manège.

« Ça y est, j'ai compris ta logique, Derpy. Je recherchais la créature différente de toutes les autres, celle qui se distinguait par un critère spécial. Mais celle qu'il fallait choisir, c'est au contraire celle qui les réunissait toutes ! Je dois l'admettre, j'aurais du y penser plus tôt ! Equidna est l'incarnation primordiale du chaos, les légendes lui accordent le titre de mère de tout les monstres. Avec Turphon, elle a donné naissance à des dizaines de monstres connus, et justement Orthos, la Chimère, le Renard de Teumésair, l'Aigle du Caucaveçon ou le Dragon de Colchique ! Serait-ce ma propre maternité qui t'a inspiré Derpy ? Dans ce cas, permets-moi de te dire que tu as une culture et un esprit de déduction remarquable !

- Ouais, la vipère était la plus belle !

- Pardon ?

- L'aigle avait le bac tordu, le chien me faisait un peu peur, le dragon était complètement déformé, le lion manquait de hargne dans ses yeux et le renard, on savait pas si il regardait devant ou sur le côté. J'ai pris la vipère parce qu'elle était mieux dessinée.

- Mais tu savais qu'il y avait une logique derrière ?

- Euh... oui...

- Je t'ai fait confiance, ne me dis pas que tu as tiré au hasard la bonne case ?

- Euh... non, je t'ai dit qu'elle était plus jolie... »

Non... sérieusement... elle n'avait pas pu choisir comme ça ... d'accord... très bien... non mais c'est vrai, j'aurais du m'y attendre, je commençais à connaître Derpy : je ne pouvais pas lui en vouloir. Nous étions partenaires de galère, il était temps d'être diplomate et posée...

« TU AS RISQUÉ NOS VIES JUSTE PARCE QU'UN SERPENT EST MOINS MAL REPRÉSENTÉ QUE LES AUTRES !!! TU ES UNE INCONSCIENTE INTERSTELLAIRE, SI ON AVAIT ÉTÉ MORTS À CAUSE DE TOI, JE T'AURAIS TUÉ ! »

Folle de rage, je donnais une ruée dans la torchère à ma portée. Dans le fracas du métal qui rencontre le sol, je continuais mon exploration en poussant des hurlements d'ours enragés. Derpy, à l'arrière, avait les yeux désaxés par la déception. Je la vis me suivre, penaude, en attendant le moment propice pour s'excuser sans subir le même sort que la torchère.

*****

J'aurais peut-être du faire semblant d'avoir trouvé la logique, mais je savais que ça allait me retomber dessus tôt au tard. L'essentiel c'est qu'on soit passé non ? Je ne vois pas pourquoi Daring ne voulait plus m'adresser la parole. Non, franchement, je n'aurais pas pris ce risque si je n'avais pas été sûre de moi. Quand on fait un piège comme celui-là, on s'applique toujours mieux sur le bon chemin et on le dessine mieux, c'est évident. Et puis si ça se trouve, tout ce piège n'était qu'un piège et toutes les cases étaient bonnes...

Voilà, ça c'est une bonne logique ! Il ne me restait plus qu'à attendre le bon moment pour exposer mes arguments à Daring.

Faut dire qu'elle s'emportait trop vite aussi, elle n'était toujours pas calmée lorsque nous arrivâmes au bout d'un énième couloir, qui débouchait sur de la lumière solaire.

Apparemment, nous nous trouvions sur un flanc de la pyramide, le couloir s'était effondré et nous avions une fenêtre béante donnant sur la forêt dense. Je ne sais quel tremblement de terre (peut-être celui que j'ai provoqué) avait ravagé tout un pan de la pyramide si bien que notre chemin ne se poursuivait que trente mètres plus loin après un trou béant.

Daring commença par vérifier que nous étions sur la bonne route, en affirmant que nous étions sur le versant ouest et que la chambre à atteindre se trouvait au sud. Et oui, il y a des pégases comme elle dont on comprend directement la marque de beauté... et d'autres pour qui on se pose encore des questions...

L'aventurière évaluait la distance qui nous séparaient d'une éventuelle chute. Je fis de même.

C'est avec surprise que je la vis reculer en glissant à mon niveau, sans bouger un seul sabot. Je lui posai la question, elle me répondit qu'elle ne savait pas du tout de quoi je parlais. C'est alors que je reculai moi-même, de la même façon, en glissant sur le sol.

Ma crinière commençait à s'élever au-dessus de mon front, les plumes de mes ailes à osciller. Je compris qu'un fort vent était dirigé sur nous.

Alors nous levions la tête et nous apercevions avec stupeur une machine colossale que nous n'avions pas vu arriver, perdues dans nos pensées respectives. Il s'agissait d'un engin volant (ou plutôt tombant avec panache) composé par des pièces détachées qu'on aurait pu trouver dans un dirigeable écrasé au sol : des pédales, une hélice, un bout de voile pour le stabiliser, et une charpente métallique incongrue qui encadrait un énorme ventilateur. Sur les pédales, quatre poneys habillés de vestes noires et de lunettes noires épuisés et en sueur. Sur la charpente, deux autres se tenant droit pour avoir l'air menaçants. Et sur le ventilo, allongé tranquillement, un dernier à la crinière ondulée et à la barbe mal rasée. Il portait les mêmes lunettes noires et on le voyait lever ses sourcils derrière, avec un grand sourire.

« J'ai hésité à poner los canons... » cria-t-il pour surpasser la bourrasque de plus en plus intense.

Vous connaissez ces machines absolument sans aucun sens que le méchant bricole pour venir narguer le héros juste pour prouver qu'il est l'antagoniste principal ? J'ai lu assez de Daring Do pour cerner l’ego technologique du docteur Caballeron.

L'idée était certes stupide, mais implacable : il nous était impossible de rejoindre l'autre côté avec ce vent contraire.

Malgré cela, Daring, qui pensait l'idée davantage stupide qu'implacable, s'envola et força sur ses ailes pour essayer d'atteindre son ennemi. Je dus faire de même. Il faut dire aussi que rencontrer et me battre contre le génie du mal qui m'avait tant fait haleter le soir dans mon lit était incroyablement excitant.

Je me sentais comme l'héroïne de ma propre aventure :

« Caballeron, infâme traître ! » m'écriais-je avec splendeur à travers le vent.

Daring me regarda, sourcils froncés. Je baissai les yeux. Elle lança alors, comme si je ne lui avais jamais volé sa réplique :

« Caballeron, infâme traître !

- C'est Docteur Caballeron ! Combien de fois il faut te le dire ?! Et regarde ce que ce doctorat en archéologie m'a permis de bricoler !

- Euh, en fait... déclara un de ses hommes de sabot. C'est plutôt nous qui...

- La ferme, c'est moi le héros ! » dit Caballeron d'un ton sec et crispé.

Après un grand coup d'ailes, Daring avait parcouru un quart du chemin, les sbires de Caballeron augmentèrent la puissance du ventilateur. Elle fut alors obligée de s'accrocher à une pierre dépassant de la paroi. Quant à moi, c'est à sa queue que je m'accrochais désespérément.

Malheureusement, je la vis qui avait de plus en plus de mal. Ses gémissements étaient brouillées par le souffle du vent et le rire machiavélique de Caballeron, maintenant debout au sommet de sa création.

De plus en plus fébrile, Daring essaya la persuasion (après tout, ça avait déjà marché dans plusieurs livres antérieurs) :

« Caballeron ! hurla-t-elle. Arrête ça tout de suite, il y a des vies en jeu !

- Et puis quoi encore ? J'ai vendu la rune à Ahuizotl et si son plan échoue par ta faute, ça risque de retomber sur moi une fois de plus !

- S'il parvient à accomplir son projet, ça risque de retomber sur nous tous ! Toute la forêt, toute la région, et peut-être Equestria si les basilics décident de partir en balade !

- Que dis-tu ? Je ne t'entends pas ! C'est comme si une grande bourrasque nous sépareraient !

- Tu oserais condamner tous les personnes de ce site ? Toi, tes faire-valoir, moi et puis Wild Leaf ?! »

L'attitude abusée de Caballeron changea brutalement. Daring avait fait mouche. Le docteur releva ses lunettes et ouvrit les yeux grand de surprise.

« La Plume d'Aurore est ici ?

- Je croyais que tu le savais vu que tu l'as vendu à Ahuizotl ! s'époumona Daring.

- Il l'a kidnappé, c'était un accident, on ne va pas en reparler !

- Caballeron, si tu n'arrêtes pas cette machine infernale maintenant, ta fille risque de se retrouver seule avec ce monstre lorsqu'il activera le pouvoir de la pyramide !

- Oh, mais c'est du chantage affectif ça !

- TA FILLE !!! répéta Daring à s'en casser la voix.

- Ok ok ! s'écria Caballeron. Bandes d'imbéciles, éteignez-moi ça toute de suite ! »

Les deux poneys chargés de contrôler la chose avaient l'air un peu déboussolés. En fait, ils ne savaient probablement pas comment l'arrêter. De leurs sabots hasardeux, ils tripotèrent un peu tous les boutons et les curseurs à l'arrière du ventilo. Alors ce qui devait arriver arriva : la machine s'emballe, les poneys paniquent et Caballeron hurle à nouveau ses ordres. En touchant un curseur au hasard, l'un d'eux fit pencher toute la structure, les poneys en noirs se retrouvèrent à crier de peur, agrippés à leurs pédales. Le second bouscula son copain et pianota à l'aveugle en serrant les dents. Caballeron s'accrocha à un bras métallique tandis que sa machine commença à projeter du vent dans tous les sens, perturbant sa stabilité.

Ce fut encore plus dur pour nous : le vent tournait quelque fois, mais dès qu'il revenait, s'était pour nous plaquer contre la paroi. La machine folle commençait à chuter, non pas dans la jungle, mais dans le couloir que nous devions atteindre. Caballeron attrapa un de ses étalons de sabot et se jeta dans le passage en s'en servant comme coussin d'amortissement. La machine autonome tourbillonna sur elle, projeta deux poneys à côté de lui et deux autres dans le vide, avant de s'écraser juste devant l'archéologue.

Alors Caballeron poussa un cri aigu de terreur et se planqua derrière ses sbires qui subissaient 80 km/h de tempête en plein visage.

Quant aux deux poneys terrestres qui tombaient terrifiés, Daring Do fronça ses sourcils vers eux. Elle me regarda avec un regard de la plus grande détermination, hocha sa tête vers le bas, prit appui sur la paroi de la pyramide et se projeta comme une torpille vers les pauvres bougres. Elle rattrapa les deux en pleine volée mais ne parvint pas à remonter avec cette tempête si imprévisible.

Aucun doute possible, c'était bien la Daring Do des romans. Aussi courageuse et aussi loyale qu'une Rainbow Dash au top de sa forme, même envers ceux qui s'en était pris à elle, et même si elle avait des risques de ne pas revenir. Il fallait que je sois à sa hauteur. La dure réalité se présenta à moi : Caballeron en panique, Daring qui peinait à rejoindre le couloir, il n'y a que moi qui pouvait faire quelque chose.

Immédiatement, je chassais toute idée négative de mes pensées, pris une grande inspiration et commença à ramper, plaquée sur le mur de la pyramide. J'avançais peu à peu, la plupart des yeux étaient rivés sur moi. Un violent espoir d'atteindre la machine me prit d'un coup. Je me sentais enfin comme un héros, comme une agent secret marchant sur les murs pour sauver l'equestrianité.

Brusque retour à la raison, le ventilateur décupla sa puissance, envoyant Daring s'écorcher le dos contre une colonne et en me repoussant à mon point de départ. Non, non ! C'est mon moment, et ce n'est pas une stupide bourrasque qui va me le voler !

Avec toute la hargne et l'énergie du monde, je rampais deux fois plus vite et j'atteignis presque le bord du couloir où tourbillonnait la machine. Le vent était surpuissant et mon objectif à cinq mètres.

Je ne pouvais plus avancer, alors... un saut ?

Un seul saut et c'était fini. Une seule occasion d'être plus que la Derpy que tout le monde connaissait. Je n'y réfléchis pas longtemps : serrer les dents, plier les genoux... sauter !

Toute ma volonté et mon courage se fit sentir dans ce magistral saut à la lueur de la Lune. Il dura des minutes et des minutes pour moi. Bientôt, je constatais que le vent me poussait toujours, il me manquais un mètre...

Et zut...

La Derpy que tout le monde connaissait avait encore frappé. Je suppose que toute ma crédibilité, de pégase comme d'être pensant, s'écrasa violemment dans la forêt, vers le point où je me dirigeais dangereusement. Tant pis pour le panache, je pouvais peut-être toujours faire quelque chose : en criant, j'agitais les pattes avec hystérie.

Et mon sabot toucha quelque chose, c'était contre le mur, en dessous, là où techniquement la machine ne pouvait pas souffler. J'envoyais mes quatre sabots vers cette providence, sans même savoir ce que c'est. Je finis suspendue à la chose comme une chemise à la corde à linge. En ouvrant les yeux, je découvris un tissu blanc très solide... serait-ce... ?

Oui, c'était la voile de la machine infernale. J'essayais de remonter en appuyant mes jambes sur le mur. C'est alors qu'un grand bruit métallique survint. Je venais de tirer de tout mon poids sur la queue du poney, et le poney suivit : le ventilateur glissa vers le vide devant les yeux écarquillés de tous. Complètement éperdu, j'esquivais à toute vitesse l'énorme masse incongrue qui fila vers le bas et s'écrasa minablement au milieu des arbres. Plus de vent, plus de danger...

A l'heure où j'écris cela, je n'ai toujours rien compris...

Caballeron me regarda comme si j'étais une déesse vivante. Je le regardais en espérant qu'il m'explique ce que je venais de faire.

Dans mon dos, j'entendis Daring remonter. Elle jeta les passagers sur la berge et s'étala en poussant des cris de douleur.

Puis elle se tourna vers moi et son regard s’imprégna d'un scepticisme perturbé.

« Bien joué... » dit-elle sans vraiment croire ce qui sortait de sa bouche.

C'est alors qu'elle prit une grande inspiration, puis s'éleva dans les airs en oubliant d'un coup toutes ses blessures. Elle regardait le ciel avec des yeux ronds.

« Oh mince, je viens de comprendre un truc !

- Quoi ? demandais-je hébétée.

- Derpy, tu es sûrement la chevaucheuse des vents de la prophétie ! »

Cette nouvelle m'arracha un sourire radieux. Je volais vers elle et la secouai par sa veste.

« Sérieux ?!

- Au vu des derniers événements, il faut croire ouais... dit-elle légèrement blasée.

- Ah ah ah, je suis dans une prophétie ! Je suis dans une prophétie !!

- Eh bien, tu peux me dire merci ! ajouta une voix ibérique. Parce que sans moi tu n'y serais pas ! »

Daring et moi nous retournâmes au même moment, avec la même expression pleine de rogne. L'instant d'après, le docteur se retrouvait plaqué au sol, sous les pattes de Daring Do.

« Alors maintenant, Caballeron, tu vas arrêter tes petits jeux ! Plus de coups bas, plus de machines qui t'échappent ! Tu vas la fermer, tu vas enlever ces lunettes ridicules et tu vas nous conduire à la chambre d'Ameraude le plus vite possible ! C'EST CLAIR ?!

- Oui oui, Daring, je vais le faire, je vais le faire, répondit-il haletant. S'il-te-plaît, laisse-moi garder les lunettes...

- EN QUEL HONNEUR ?!

- Ça ne renvoie pas que les rayons du soleil, mais aussi les regards perçants des basilics...

- Tu veux dire qu'ils ne peuvent plus te changer en pierre ?

- Exactement ! » répondit-il avec un rire nerveux.

Daring Do se releva, puis m'offrit un sourire en coin. Ça y est, nous étions connectées ! Elle me laissait envoyer sa réplique d'aventurière ! Enfin ! C'est le plus beau jour de ma vie !

Après mon instant d'excitation, je toussai et prit l'air le plus nonchalamment épique possible. J'articulais enfin avec un sourire :

« Vous en avez en double ? »

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Note de l'auteur

On a tous des moments de creux, ce chapitre est une sorte de petite pause avant le final. Tout l'épique et la dramatique est fondée sur des incohérences et des choses trop tirées par la crinière, oui, j'en ai conscience. Mais à vous de voir si c'est un effet de style où si je dissimule mon incompétence à justifier les événements sous un manteau d'ironie.

Promis le prochain sera 10 fois plus dangereux, 10 fois plus sérieux et 10 fois plus acceptable scientifiquement parlant.
Mais bon, celui-là est quand même divertissant avec son double point de vue, non ?

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Sliter
Sliter : #30444
Derpy fera un baptême de feu ? Ou sinon juste vivement la suite!
Il y a 2 ans · Répondre

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