Jazz et Blues étaient tranquillement sur le chemin du retour. Opera leur avait envoyé un signal pour leur ordonner de revenir au château, ce qu'ils firent en silence. Au lieu de rester sur les toits, la jument à la crinière blanche avait proposé de faire le chemin sur la terre ferme, jugeant qu'à cette heure, il n'y aurait personne pour les voir. Étrangement, Blues n'avait même pas protesté, en fait, il n'avait tout simplement rien dit lorsqu’il s'était mis à la suivre.
La batpony était inquiète de l'attitude de son compagnon. Habituellement, elle ne pouvait pas faire un pas sans qu'il ne soit sur elle. Toujours à la défendre, à la protéger et parfois même… à l'étouffer. Jazz ne lui en voulait pas pour ça, après tout, c'était sa manière de ressentir et d'extérioriser le lien qu'il y avait entre eux. Bien entendu, elle n'ignorait pas que l'ancien garde solaire éprouve un peu plus que des sentiments provoqués par leur lien.
Blues l'inquiétait. Elle savait que sa curiosité l'avait très certainement blessé, mais pourtant, elle ne pouvait pas s'empêcher de lui poser des questions sur son passé. Même si Luna le leur interdisait, Jazz avait l'impression que le passé du batpony lui était très lourd et quoi de mieux que de vider son sac une bonne foi ?
« Tu veux qu'on parle Blues ?
-De quoi ? Je pensais t'avoir déjà tout dit, non ?
-Pas… pas vraiment. » L'air désolé qu'elle arborait sur son visage avait tout pour faire rouler les yeux de l'ancien garde, comment pouvait-il lui refuser quelque chose ?
« J'ai juste fait mon devoir de garde de Canterlot, rien de plus.
-Je n'ai jamais vu de gardes passer à tabac un poney chez lui.
-C'est peut-être ça qu'il faudrait... » Rétorqua-t-il sèchement.
Jazz s'arrêta net, mais Blues sembla complètement l'ignorer et continua son chemin comme si de rien n'était. Il n'avait certainement pas envie de continuer cette conversation, c'était facile de le comprendre, mais ce n'était pas au goût de la jument grise.
« Tu ne crois pas que tu t'es un peu défoulé sur cet étalon parce que… -Je t'interdis ! » Coupa-t-il sèchement. « Je t'interdis de me parler de mon passé, il m'appartient, c'est le mien ! Cela ne te regarde pas, alors je t'interdis de dire quoi que ce soit ! » Il s'était retourné pour lui lancer un regard sombre qu'il n'employait que très peu.
« Alors qu'est-ce qu'y a attaqué ce poney dans sa propre maison autre qu'un monstre ?
-Je sais me contrôler…
-Oh je ne te parle pas d'un manque de contrôle... » Elle se rapprocha de lui lentement, se doutant que le moindre geste brusque pourrait provoquer une réaction en chaîne catastrophique. « Mais du déni de ta nature profonde.
-Qu'est-ce que tu racontes ? » Dit-il en fronçant les sourcils et en secouant la tête.
La jument gardait un léger sourire accompagné d'un regard espiègle qu'elle n'adressait en général qu'à Funk.
« Au fond de toi comme de chacun de nous, il y a un monstre à l'intérieur de nous, c'est bien ce que Luna nous dit, non ? » Elle attendit un moment, espérant que l'étalon foncé lui répondre, mais rien ne vint. « Contrôler un monstre est une chose, faire semblant de dire qu'il n'existe pas et tout faire pour l'ignorer en est une autre.
-Et en quoi ça te regarde ? » Il s'approcha de la jument, toute l'affection qu'il lui portait habituellement semblait s'être volatilisée. Jazz savait qu'il se braquait rapidement quand on commençait à parler de son passé… « Il n'a pas emprise sur moi, c'est ça qui importe !
-Tu te trompes. Il ressurgit quand tu t'y attends le moins, tout comme ton passé. »
Blues se mit à gronder, mais Jazz ne semblait même pas y faire attention et se mit même à lui tourner autour.
« Tu es calme, d'un grand sang-froid, un exemple, mais pourtant, à l'instant ou la situation te remet face à tes pires souvenirs tu perds tous tes moyens.
-Et qu'est-ce que je gagnerai à écouter ce monstre !? » Cracha-t-il en se retournant sur la jument dans son dos.
« Tu parviendras à t'accepter toi-même. » Elle prit un temps pour réfléchir, ne remarquant que maintenant qu'elle était en train de se disputer avec l'étalon qui avait toujours été là pour elle. Elle fit un pas un avant pour être tout prêt du soldat et leva un sabot pour lui caresser la joue. « Tu fais toujours en sorte de tout refouler, ton passé, tes souvenirs, et même ton présent. Regarde-nous, regarde-moi Blues. Tu m'aimes, pourtant regarde-moi bien. » Elle s'éloigna d'un pas et étendit ses ailes en faisant un geste de la patte pour se désigner tout son corps ainsi que sa bouche grande ouverte qui laissait bien en évidence ses crocs. « Est-ce que c'est l'apparence d'un garde de Canterlot ? Est-ce que cela t'inspire vraiment la sécurité et la confiance ? Non, et tu le sais, pourtant, tu fais tout pour l'ignorer. Je t'aime Blues, pourtant tu oublies une part importante de ce que je suis. »
Blues gardait les dents serrées. Incapable de se reprendre, ignorant totalement les paroles réconfortantes de la jument, il ne voyait que les mots blessants, et tout ce qui lui revenait à chaque fois en tête à l'instant même ou il prenait conscience de ce qu'il était vraiment.
« Je préfère te détester que d'accepter cette chose... » Il sentit plus qu'il ne vit le sabot de la jument lui gifler le visage. Pourtant, il ne bougea pas d'un centimètre et son visage resta de marbre alors que Jazz était au bord des larmes.
« Je te félicite Blues, tu es devenu un véritable monstre. » Annonça-t-elle amèrement avant de lui tourner le dos et de le quitter sans le moindre regret.
Comment cela se pouvait-il ? Comment l'un des batponies les plus sains d'esprit pouvait devenir l'un des plus idiots ? Au final, même s'il était plus ancien qu'elle, il refusait encore d'accepter sa vraie nature… et pire encore, il reniait celle de ses compagnons. Pour Jazz ce n'était que de la lâcheté, et même son passé en était empreint.
Il ne chercha même pas à la retenir ou à la rejoindre. S'envolant directement vers le château, Blues n'éprouvait aucun regret à laisser la jument derrière lui. Elle n'avait pas à le juger pour ses choix, il n'avait pas eu la chance de mourir par choix comme elle. Non, s'il pouvait choisir, il reviendrait à sa vie d'avant, là où tout était plus simple et plus sûr. Maintenant, incapable de faire marche arrière, il était forcé d'oublier tout ça, ne plus jamais y penser… Dans cent cinquante ans, il n'y aura plus que lui pour se souvenir de son ancienne vie.
Jazz déambulait dans les rues de Canterlot sans savoir où aller. Elle ne voulait pas retourner au château et risquer de voir Blues, plutôt passer la nuit avec Funk ! Ses sabots la guidèrent dans une rue qu'elle ne connaissait que trop bien, c'était celle qu'elle avait quittée le soir ou elle était devenue une batpony.
Elle pencha la tête sur la dernière maison du quartier, elle était située dans un cul-de-sac et n'avait pourtant rien de bien différent des autres bâtisses. C'était l'ancienne maison de la batpony, à l'époque où elle n'avait pas encore des ailes de cuir, mais déjà des cauchemars plein la tête.
« Tu sais que tu ne peux plus y retourner. » Souffla la jument pour elle même.
C'était un ordre de Luna, plus aucun retour sur le passé. Devenir batpony, c'était comme mourir. Plus de contact avec ceux qui nous avaient vu vivre. Ils ne faisaient que partager leur mort avec leur semblable et faisaient semblant de jouer les gardes royaux quand ils étaient de sortie. Mais jamais ils ne pouvaient faire le moindre pas en arrière. Devenir batpony, c'était mourir.
« Qu'est-ce qu'elle pensera de toi en te voyant ? » Se demanda-t-elle.
Après la mort de sa mère, Jazz avait été recueillie par sa tante. Malheureusement, la jeune jument n'avait pas supporté l'absence de parent et après seulement trois semaines, elle avait quitté la maison pour ne plus jamais revenir. Elle avait trouvé une nouvelle famille… Certes, une famille bancale et composée de poney tous aussi instable les uns que les autres, pourtant, elle se sentait bien avec eux.
Elle avait peur de se retrouver en face de sa tante, de lui expliquer qu'au fond, elle ne se sentait pas bien avec elle. Ce n'était pas de sa faute, mais uniquement de celle de la jeune jument qui n'avait pas vu le soutien qu'on lui apportait pour s'enfuir comme une égoïste. Jazz n'avait pas à revenir la hanter, sa tante se passerait bien mieux d'elle, cela fait plus d'un an maintenant, elle n'avait pas à venir la torturer ainsi en refaisant surgir le passer aussi brusquement que cela.
Pourtant, malgré toute la conviction que c'était une erreur, Jazz se retrouva dans le jardin de derrière en un tire d'aile. Elle savait que la porte de ce côté de la maison était toujours ouverte. C'est ainsi qu'elle réussit à s'introduire silencieusement à l'intérieur.
Revoir cette maison de l'intérieur fut comme un choc pour la batpony. Rien n'avait changé, pas le moindre meuble n'avait bouger, de la cuisine ou elle se trouvait jusqu'au salon dont-elle pouvait apercevoir la cheminée. Plusieurs cadres étaient installés sur son seuil et chacun d'eux avait de quoi plonger la jument dans une mélancolie épouvantable. Elle pouvait voir une photo d'elle plus jeune sur le dos de sa mère, une jument aussi grise qu'elle, mais à la crinière noire comme l'ébène. Elle était grande, belle et gracieuse. Elle était aussi quelqu'un de très intelligent et son poste d'astronome à Canterlot avait tout pour le prouver. Chaque étoile dans le ciel avait une signification pour elle et leurs placements n'étaient jamais pris au hasard. Elle rêvait de rencontrer la princesse Luna, mais une maladie l'avait frappée un an avant que cette dernière ne fasse son retour.
Une autre photo était juste à côté. On pouvait y voir la tante de Jazz. Une jument d'une bonne trentaine d'années qui portait toujours ses lunettes noires. Elle n'était pas grise, mais brune, pourtant, elle avait la même crinière blanche que celle de Jazz.
La jument soupira un moment, fermant les yeux pour tenter de refouler tous ses souvenirs qui ne cherchaient qu'à s'enfuir. Jazz sursauta en entendant des bruits de respiration. Elle se retourna pour constater que sa tante était installée dans son fauteuil, couchée de tout son long, toujours avec ses lunettes noires, en train de dormir. Rassurée de ne pas avoir été repérée, la batpony ne put s'empêcher de sourire en revoyant sa tante après tout ce temps. Une larme coula le long de sa joue.
Jazz reposa le cadre qu'elle avait toujours dans son sabot, et après une dernière inspection des lieux, elle décida de quitter rapidement les lieux. Mais à l'instant ou elle se retourna, elle eut un étrange soubresaut qui la fit se retourner sur la photo qu'elle avait reposée pour la voir en train de tomber. Les images défilèrent au ralenti tandis que la jument utilisait ses capacités surdéveloppées pour rattraper l'objet en train de chuter.
Elle le retint juste avant qu'il ne touche le sol et s'empressa de le remettre à sa place avant de partir d'un pas précipité jusqu'à la sortie. Elle heurta cependant la table basse du salon et se maudit d'être très certainement la batpony la plus maladroite de toute la garde lunaire. Sans se retourner, elle put entendre sa tante se réveiller brusquement.
« Qui est là ? » Interpella-t-elle inquiète.
Jazz était entre la cuisine et le salon, elle avait moins de cinq mètres à faire pour quitter la maison et avec sa vitesse, elle pourrait le faire sans problème. Si elle ne parlait pas, si elle ignorait sa tante, elle pouvait encore s'enfuir.
« Ce n'est rien... » Dis la batpony d'un ton qui se voulait rassurant.
« Qu-qui êtes vous ? Un voleur ? » Demanda la tante, toujours sur son fauteuil.
Jazz le sentait, elle le savait, elle ne pouvait plus partir. Elle retourna d'un pas calme dans le salon et s'assit à même le sol à quelques mètres de sa tante.
« Non, rassurez-vous. Je suis un garde de la cité, et je faisais une ronde…
-Une ronde chez les gens ? » Demanda-t-elle en se redressant quelque peu de son fauteuil. « À cette heure en plus ? Je n'ai jamais vu de garde faire des heures aussi tardives…
-C'est normal, je suis garde lunaire, et je poursuivais justement un cambrioleur qui semblait s'être introduit chez vous.
-Hmmm je ne sais pas si je peux vous faire confiance... » Fit la tante en fronçant les sourcils tout en regardant le sol.
« Vous pouvez venir voir mon armure si vous le désirez… Je n'ai pas pris mon casque, mais je vous assure que je suis bien garde. »
La jument brune pencha la tête sur le côté, elle semblait perplexe. Pourtant, elle se leva de son fauteuil et prit soin de contourner la table dans le noir pour venir tendre un sabot vers Jazz.
La batpony fit les quelques derniers pas pour se rapprocher de sa tante jusqu'à sentir son sabot contre le poitrail de son armure. Sa patte glissa lentement le long du métal froid, elle la sentit même frapper à plusieurs endroits comme pour vérifier la qualité de celui-ci. Elle descendit ensuite vers ses ailes sans que Jazz ne proteste.
« Vous êtes convaincue ? » Demanda Jazz d'une voix incroyablement douce.
« J-je ne sais pas… votre voix… d-des ailes... » Elle leva alors son sabot et se mit à caresser le visage de la batpony qui resta totalement immobile. « Et que venait faire ce voleur chez moi… je n'ai pourtant rien à lui offrir ? » Demanda-t-elle en caressant la crinière de la jument avant de tirer sur son oreille.
« On ne sait jamais pourquoi les voleurs viennent chez nous. La plupart du temps, ils partent en vous dérobant tout ce que vous avez, et parfois, ils vous quittent sans un bruit alors qu'ils n'ont rien pris.
-S'il est venu ici, c'est bien à la recherche de quelque chose, vous pensez qu'il l'a trouvé ? » Son sabot était maintenant juste en dessous du menton de Jazz et le dressait pour que leurs visages soient bien l'un en face de l'autre.
« Je pense que oui... » Répondit Jazz, la voix tremblante.
« Qu'est-ce que c'était ? » Demanda-t-elle fermement, pourtant son ton ne semblait en rien agressif.
« Des souvenirs... »
La terrestre sembla alors afficher un sourire pendant qu'elle laissait retomber sa patte.
« Vous semblez être une jument grande et forte… ceux qui vous ont engagée doivent être fiers de vous et du devoir que vous accomplissez. Pourquoi risquer de les décevoir en volant ? » Elle se dirigea sans la moindre difficulté jusqu'à la cheminée et attrapa le cadre qui avait failli tomber.
« J'espère surtout accomplir mon devoir envers les personnes que j'aime.
-Ça me rappelle ce que j'avais dit à ma belle-sœur la dernière fois que je lui avais parlé. J'ai fait de mon mieux pour garder ce qu'elle chérissait le plus au monde…
-Vous n'avez pas à vous en vouloir pour ça… les enfants sont idiots, ils ne savent pas la chance qu'ils ont et sont toujours prêts à tout perdre simplement parce qu'ils veulent ce qu'ils ne peuvent avoir… » Reprit Jazz comme pour empêcher sa tante d’éprouver le moindre remord face à elle. Mais la jument l'arrêta à son tour en lui attrapant le sabot pour le lever vers elle.
« Qui vous parle d'une enfant ? Ce que je sens, ce que je touche, ce que je vois en face de moi, c'est une jument grande et forte... » Elle déposa la photo de Jazz et de sa mère dans le sabot de la batpony. « Il faut savoir perdre les choses pour les laisser vivre leur vie… »
Jazz sentait ses jambes trembler, sa comédie n'avait pas fait illusion une seule seconde. Comment aurait-elle pu ? Sa tante ne voyait peut-être pas, mais elle n'allait certainement pas se faire avoir pas de simple mensonge.
« Madame… Tante… Tante Brownies -Tu m'as beaucoup manqué, Ash Line. »
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Cette réaction, le réconfort de l’extrême, ce qui m'amène à me poser la questions suivante : Pourquoi faire un veto sur leurs passer ?.. ( je me doute bien que c'est pour tourner la page et se dévouer uniquement vers les ordres de madame la régente Lunaire,mais il doit y avoir autre chose...)
Bon moi je passe sur la romance Jazz / Blues. Même si leurs petite dispute sers la fic en ramenant Jazz vers sa Tata ;)
Par contre la désobéissance de Jazz envers Luna sur leur passé... Me demande quel en serait le prix (châtiment? punition?) si cela remontait aux oreilles de la princesse?
Quand yen a plus, yen a encore! ^^ Cet "épisode 2" de Lunar Obsession est vraiment bon. Surtout avec tous ces rebondissements et histoires qui s’entrechoque.
Pas Jazz et Blues,quoi!