Chapitre 4: Un homme inquiétant

Poneyville semblait être un village bien paisible à première vue ; une famille de fermier qui s’était installée depuis plusieurs générations dans la région en vivant de leurs récoltes de pommes et qui prospéra grâce à leur dur labeur. Au fil du temps un village naquit à proximité. Quelques échoppes, une taverne et un conseil municipal. Mais depuis la signature du traité de paix qui mit fin à la guerre entre le royaume d’Equestria et l’empire des griffons, le paisible petit village de Poneyville devint un carrefour important. Car situé non loin de Canterlot, des marchands, des artisans et émissaires venant des différents lieus du royaume et de l’empire, firent obligatoirement des haltes pour boire, manger, dormir, converser et faire du profit. Mais le plus impressionnant, reste que ce village gagna la réputation d’être un lieu de tolérance et de culture. Pégase, licornes, simples poneys, zèbres et même griffons. Qu’on soit le plus bas des mendiants ou le plus haut des rois, Poneyville rassemblait ces gens autours d’un bon verre de cidre, d’un bon repas et surtout d'un accueil chaleureux.

Pendant seize ans de paix.

Le chevalier de Blanches-Cimes Ulrik de Varlëniss fut guidé par l’apprentie-magicienne Twilight Sparkle à travers Poneyville. L’humain fut la cible de tous les regards, certains suspicieux, d’autres curieux… Mais plus aucun n’affichait de peur comme avant. Certainement la présence de la licorne violette qui les apaisait.

Le chevalier écouta la licorne lui raconter l’histoire de Poneyville et lui décrire chaque bâtiments qu’ils croisèrent. Il fit mine de s’intéresser en lui posant des questions intéressantes, car Ulrik ne comptait pas s’éterniser ici. Plus vite il s’en ira mieux ça sera pour tout le monde. Mais l’humain cachait bien ses sentiments… Par politesse.

-Voici la forge de Maître Alexio Sabotfer, un forgeron hors-pairs. C’est ici que nous avons donné à réparer votre armure et votre épée, annonça Twilight en pointant le sabot l’enseigne de l’atelier, une enclume au centre d’un fer à cheval.

Un énorme poney beige à la barbe et à la crinière rousses enseignait à son apprenti, un jeune griffon gris, comment mesurer les cercles pour les tonneaux.

-T’ as compris l’astuce p’tit. Il faut que tu m’en fasses une vingtaine pour ce soir. Demain les Apples auront besoin pour leurs tonneaux de cidre.

-Yep, maitre Alexio.

Le jeune griffon s’exécuta avec enthousiasme, certainement son premier travail qu’il ferait seul.

L'apprenti se retourna pour chercher ses outils, mais fut surpris par le géant borgne qui le toisait de haut en bas avec une certaine méfiance. Twilight le rassura.

-Tout va bien Brënial, le rassura-t-elle avec un sourire amusé. Nous sommes venus voire maître Alexio.

-Dam’selle Twilight, content de vous r’voir. Vous allez bien ? dit l’immense forgeron avec un rire bien sonore.

A côté de lui, la magicienne ressemblait à une statuette en porcelaine.

-Merci Maître Alexio

-Et voici donc not’e mystérieux visiteur. Hé bien, en voilà une vraie tronche de guerrier ! Hahaha !

Rapidement Twilight plaça son sabot sur la bouche du grand poney beige. Elle était en sueur.

-Maître, un peu de tact, pitié, c’est un chevalier, elle insista sur ce mot.

Le sourire de l’artisan s’effaça aussitôt et fixa l’humain avec un léger dédain. Ce qui n’échappa pas à Ulrik. Apparemment le poney forgeron n’est pas du genre à avoir les gens de la noblesse dans son cœur.

-Twilight. Je n’ai pas eu mon titre de chevalier en faisant des courbettes et en participant à des fêtes de gala. Je ne suis pas un nobliau qui se pavane avec ses prestiges. Donc entre nous, laisse tomber le protocole.

-Mais, je…

-Par la croupe de Célestia, la licorne rougit de honte en entendant le blasphème grivois du forgeron. Si même les aristos se battent pour de vrai chez vous. Vous n’êtes pas des gens à chercher des noises, il reprit sa bonne humeur naturelle.

-Vous n’avez pas l’air d’aimer les nobles, je me trompe ? demanda Ulrik de façon totalement neutre.

-Bah ! En réalité, faire la rév’rence par politesse ne m’a jamais dérangé, car je r’specte certains de ces snobinards de Canterlot, sans vous offenser Dam’selle Sparkle. Mais quand un prétentieux s’ croit supérieur à vous par ce que son arrière arrière-arrière grand-père avait sauvé Equestria d’une crise monétaire, je deviens un peu énervé. On m’appelle « maître » Alexio Sabotfer parce que je le mérite ce titre par mon seul travail. Et ça va aussi pour tout le monde. Enfin…bref, vous êtes venus pour votre équipement hein ? Suivez-moi.

A l’intérieur de l’atelier, l’armure d’Ulrik était posée sur une table de façon bien présentée, elle était toujours sombre mais elle brillait d’une propreté méticuleuse, graissée et huilée, elle ne portait plus aucune trace de rouille, de crasse ou d’éraflure. Le trou laissé par le carreau dans le plastron était rebouché. Il sortit son arme, la lame luisait de son acier rougeâtre.

-Bravo Maître Alexio. Vous avez fait du bon travail, complimenta Ulrik en testant le fil de l’épée à l’aide du pouce.

-Je vous l’ai dit. Maître Alexio est le meilleur dans son domaine, déclara Twilight

-Merci, mais vous savez ce n’était que du nettoyage, quelques bosses à réparer et voilà. Vous entr’tenez bien vot’ équipement.

-Prenez soin de votre armure et de votre épée, un jour elles vous le rendront, psalmodia machinalement le chevalier.

-Quoi ? demandèrent le forgeron et la magicienne à l’unisson.

-Non rien…

Il examina un mannequin en forme de poney et demanda s’il pouvait tester son arme. Alexio accepta.

-Je n’ai jamais vu un acier pareil, dit le forgeron. Et pourtant j’en ai vu de toutes les sortes dans ma vie. Mais un métal avec une légère teinte rouge… Alors ça non. Je n’avais rien à rafistoler, sauf pour passer un coup de chiffon.

-Chez moi, on l’appelle de l’acier d’Aloris. Un minerai rare et précieux. Tellement précieux que les forgerons capables d’en travailler dans le monde se comptent sur les doigts d’une main. Une épée forgée dans ce minerai ne s’émousse jamais et elle est capable de percer les écailles d’un dragon.

L’image de Spike se faisant étrangler par Ulrik, quand l'humain délirait à l’hôpital, lui revint à l’esprit. Elle imagina son dragonnet à la place du mannequin alors que l’humain brandissait cette épée capable d’occire un dragon dans sa direction. Il donna un coup, un seul, et la moitié supérieure du pantin d’entraînement tomba au sol, tranchée net.

Les deux poneys restèrent ébaubis. Mais chacun avais une impression différente.

« Par les tétons de Luna ! Il ne plaisantait pas le nobliau. » songea le forgeron Sabotfer.

« Une épée capable de tuer un dragon. » s’alarma Twilight en songeant à Spike.

Ulrik sorti une pièce en or et la donna au forgeron.

-Pour le mannequin, dit-il.

Alors que le chevalier sortait de la forge avec son épée attachée à son flanc, la jeune licorne salua nerveusement Alexio en recommandant de faire déposer le bouclier et l’armure à l’endroit prévu.

Alexio Sabotfer examina la pièce en or massif que lui avait données l’humain ; sur une face il y était gravé un loup avec les inscriptions « BLANCHES-CIMES ». Sur l’autre la tête d’un homme avec une couronne sur la tête portant le nom d’Edric II. Il fixa le pantin tranché en deux. Un frisson désagréable et glacée lui courrait dans son dos.

A peine sorti de l’atelier, un massif étalon rouge tirait un chariot remplit de caisse de pommes, dessus était se tenait debout une petite pouliche avec un nœud papillon rose sur la crinière rousse.

-Courage grand-frère, s’exclama-t-elle en sautillant. C’est la dernière livraison de pomme pour la journée.

-Ouep, dit tout simplement le charretier visiblement à bout de souffle.

Tout un coup, la roue du chariot se brisa sous le choc d’un vulgaire caillou qui traînait sur la route. Le véhicule bascula sur le côté, les caisses tombèrent et la petite pouliche avec. Elle poussa un faible cri de surprise. Le temps semblait s’arrêter, tout le monde regardait l’accident ou plutôt regardait la petite pouliche beige tomber. Et personne ne bougea s’imaginant le terrible drame.

-NOOOOPE! hurla le frère

Mais l’enfant atterrit dans les bras du guerrier borgne. Celui-ci s’était précipité vers la petite en tendant les bras. Quand la petite ouvrit ses yeux orangés, elle trembla, sous le choc. Mais elle se cramponna contre la chemise blanche du chevalier.

Ulrik s’approcha de l’étalon qui alla prendre sa petite sœur sur son dos. Mais elle refusa de se décrocher de l’homme. Toujours emprise par la peur.

-C’est fini fillette. C’est fini. Va rejoindre ton frère, sa voix était toujours désagréable mais elle se faisait aussi rassurante.

La pouliche fixa de ses yeux orange en pleur l’œil gris du chevalier.

-M…m…Merci. Je…

-Ne dis rien, trancha-t-il.

Alors le poney rouge remercia le chevalier et emmena sa petite sœur chez lui. Les gens reprirent leurs activité comme si de rien n’était. Twilight, qui avait assisté à la scène se demanda si cet humain n’était pas si terrible qu’il en a l’air en réalité. Que derrière se visage de guerrier balafré et froid se cachait quelque chose d’autre. Quelqu'un de bon, de gentil...

-Bravo Ulrik si tu n’étais pas intervenu Applebloom serait blessée ou pire, elle le fixa avec admiration.

Mais le chevalier évita son regard et changea de sujet.

-On devrait aller chez toi.

Sur le chemin, Twilight posait à Ulrik des questions au sujet de son monde, mais il se contenta de répondre par de courtes explications, par oui ou par non, voire même pas du tout.

-Qui est votre dirigeant à Blanches-Cimes ? demanda-t-elle.

-Le roi Edric deuxième du nom, dit-il de sa voix naturellement désagréable.

-Euh… C’est un bon monarque ? Règne-t-il avec justice et équité ?

Pour la licorne violette, tous les souverains devraient prendre exemple sur son mentor, car Célestia et sa sœur régnaient ainsi depuis des siècles sur Equestria et tout le monde les adorait. Ou du moins ne les traitait pas de despotes.

-Il n’est pas parfait, mais il fait de son mieux pour gouverner le royaume.

-Tu es donc dévoué à lui.

L’homme s’arrêta net, ce qui surprit Twilight. Elle transpira d’angoisse, s’imaginant qu’elle avait gaffé. Mais Ulrik jeta un bref regard vers sa direction et poursuivit son chemin. Apparemment peu enclin à répondre à sa question d’étude, si on se referait à sa grimace.

L'étudiante ravala sa salive et continua à interpeller l'humain.

-Il y a beaucoup de dragons chez vous?

Elle demandait ça, car depuis qu'Ulrik avait expliqué le potentiel mortel de son épée en acier d'Aloris, elle s'inquiétait pour son bébé dragon. Comment réagirait un chevalier face à un dragon?

-Ils sont très rares.

-Vous avez de bonnes relations avec eux?

-Je ne comprends pas, dit-il perplexe.

-Les humains et les dragons vivent-ils en harmonie? En paix?

A la surprise de Twilight, le chevalier ricana. Un rire sans joie et moqueur.

-Tu as de drôles de questions fillette. Et pourquoi pas me demander si les garçons naissent dans des choux et les filles dans des roses?

-Je m'intéresses à ton monde, c'est tout, répliqua-t-elle piquée au vif.

Vexée de ne pas être prise au sérieux, elle fronça les sourcils, gonfla ses joues et son teint devint rouge d’exaspération. Mais bon, autant attendre quand il serait de bonne humeur pour lui faire la conversation. Enfin, si la bonne humeur pourrait exister dans le monde des humains.

Mais sa question au sujet des relations entre les humains et les dragons restait au suspend et ce n'était pas l'amusement sinistre du chevalier qui la rassura. Dans le monde des poneys, les dragons les effrayaient, mais il y avait très peu de contact direct pour que ces créatures cracheuses de feu constituent un danger potentiel. Et il y avait Spike. Ce petit dragonnet adorable, gentil et serviable. Quoique un peu maladroit, était apprécié par tout le monde.

Elle regarda l'arme du chevalier. Songeuse.

Si cet étranger tentait quoi que ce soit envers Spike, elle défendrait son dragonnet sans l'ombre d'une hésitation. Mais arriverait-elle à se défendre elle-même?

Au bout de la route, un grand arbre se dressait devant eux. Non, une maison construite dans un grand arbre. N’ayant jamais vu de tel, le chevalier fixa avec étonnement cette curieuse architecture.

-Bienvenu à la bibliothèque de Poneyville, annonça-t-elle. C’est ici que je loge avec mon assistant. Et ça sera ici que tu logeras durant ton séjour.

« Dormir dans une bibliothèque dans un arbre ? Mais bien-sûre. » pensa Ulrik.

Alors que Twilight ouvrit la porte avec sa magie, le chevalier borgne remarqua que les rideaux étaient fermés et que tout était plongé dans l’obscurité. Au centre de la pièce, il stoppa la licorne en lui posant une main sur son dos, alors qu’elle cherchait une bougie ou quelque chose pour s’éclairer.

-Qui a-t-il ?

-Twilight… Il y a quelqu’un ici, dit il en empoignant son épée.

-Tu délires. J’ai fermé à clef avant de partir.

L’humain recula vers la sortie, mais la porte se referma d’un coup sec. Pressentant un traquenard, il essaya de défoncer la porte à coup d’épaules, mais se fatigua rapidement en raison de sa longue convalescence. Twilight ne répondait pas. Elle avait disparu. Était-elle complice ou était-elle en danger ? Qu’importe. Il dégaina son épée à l’allure flamboyante. Crispé et sur ses gardes, il fouettait l’air de la pointe. Si des assassins avaient décidé de se débarrasser de lui, ils le prendraient très chèr par la morsure de son épée tueuse de dragon.

Tout à coup, la bibliothèque s’illumina intensément, ce qui aveugla le chevalier qui protégea son œil valide de son bras gauche. Des banderoles, des paillettes et des serpentins multicolores envahissaient l’endroit sous les cris et les applaudissements de cinq poneys.

-BIENVENU A PONEYVILLE ! hurlèrent-elles en même temps.