La Vie Ennuyeuse de Dreary Sky
PARTIE II : Le Voyage de Dreary Sky
Chapitre 3 : Eau et Nuages (1)
Le soleil. Dream commençait à détester le soleil.
Non pas qu'il ait quelque chose contre la princesse Célestia. Mais quand on a marché des jours durant en rôtissant sous ce fichu soleil, on commence à s'en prendre à tout et n'importe quoi.
Il y avait cependant quelque chose qui faisait tenir le pégase alors qu'il avançait un sabot après l'autre dans le sable brûlant de l'étendue désertique : la promesse que s'il persévérait, son compagnon de voyage, un poney gris nommé Dreary Sky, lui raconterait la suite de son histoire.
Il appelait ça une « histoire », car son bon sens lui disait qu'un récit aussi rocambolesque ne pouvait pas être vrai. Ou du moins, pas en entier. Donc, ou bien celui qui l'avait sauvé était un mythomane qui exagérait sa vie, ou bien il inventait son récit de toutes pièces pour faire passer le temps. Seulement, même si la partie raisonnable de son esprit refusait de croire un seul mot de ce que lui disait le poney gris, il ne pouvait s'empêcher de vouloir y croire. Il voulait que toute cette histoire soit vraie, et que Dreary ne soit pas juste en train de lui mentir. Et quelque chose lui disait que ce n'était pas le cas.
Il avait vu des menteurs et des conteurs par le passé, et leur point commun était qu'ils voulaient absolument plonger ceux qui les écoutaient dans leur récit, appuyant les passages dramatiques, faisant parfois de grands gestes et des bruitages. Pas Dreary Sky. Non, lui racontait son histoire d'une voix plate et monotone, de façon presque blasée, comme si ce qui lui était arrivé ne lui faisait ni chaud ni froid. Et pourtant, d'après ses dires, il s'était échappé d'un repaire de Chiens Adamants ! Et il ne s'était même pas vanté, disant juste qu'il avait eu de la chance.
Un menteur aurait mis l'emphase sur sa bravoure ou ses compétences hors du commun, mais lui se définissait comme « un poney ordinaire avec une vie ennuyeuse ».
Quel genre de poney ayant traversé tout Equestria du Nord au Sud en deux semaines pouvait bien décrire sa vie comme étant « ennuyeuse » ?
Ces indices lui faisaient penser que, malgré son histoire invraisemblable, Dreary Sky disait la vérité. Ce qui impressionnait grandement le pégase, avide d'en savoir plus sur ce qui lui était arrivé.
Lorsqu'ils virent que le soleil n'allait pas tarder à décliner, les deux poneys se mirent en quête d'un abri. Ils repérèrent un petit groupe de rochers formant une cavité assez grande pour qu'ils puissent s'y glisser à deux, et commencèrent à y monter leur campement.
Une fois le feu de camp prêt, ils attendirent une fois de plus que le soleil se couche et que les températures descendent suffisamment pour leur permettre de dormir. Et encore une fois, Dream fixa impatiemment son compagnon, attendant la suite du récit qui le passionnait. Où était donc allé le poney terrestre après sa traversée des montagnes de cristal ?
Celui-ci soupira. Il n'aurait jamais pensé que le pégase serait aussi pris dans son récit. Lui-même, en le racontant, se rendait compte à quel point ses péripéties étaient incroyables. Il n'y avait jamais réfléchi ainsi, trop pris par les évènements pour avoir un recul suffisant sur ce qu'il avait vécu. Il commençait à apprécier le fait de raconter tout cela à quelqu'un, comme si ça l'aidait à mettre un peu de sens dans la vie chaotique qu'il menait depuis maintenant deux semaines.
Il continua donc son récit.
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Dreary Sky marcha longtemps à travers la plaine. Le contraste de température avec les montagnes glaciales était frappant : le climat ici était tempéré, et même si une brise fraîche soufflait dans la crinière du poney, il faisait toujours plus chaud qu'en altitude. Ses réserves de nourriture tenaient bon, et il complétait ses repas avec les divers fruits et baies qu'il réussissait à trouver. Les nuits étaient froides et les abris peu nombreux, mais les hautes herbes dans lesquelles il dormait le protégeaient du vent.
Après trois jours de marche, l'étalon commençait néanmoins à trouver le paysage monotone, et ses jambes menaçaient de le lâcher à tout moment, protestant contre le changement soudain des habitudes du poney. Ce fut à peu près à ce moment-là que Dreary se mit à entendre le grondement.
Il vint d'abord comme un bruit de fond, si faible que l'étalon ne le remarqua que lorsqu'il s'arrêta pour prendre une pause. Intrigué, il en chercha la source autour de lui. Il vit au loin, là où le large fleuve qu'il suivait en direction du Sud disparaissait brusquement, une brume étrange, et en conclut que les deux phénomènes étaient liés.
Alors qu'il s'en approchait, le son s'intensifiait, faisant vibrer son ventre. Il vit que ce n'était pas que le fleuve, mais toute la plaine qui disparaissait soudainement, découpant une ligne nette à l'horizon. Derrière, plus rien.
Dreary comprit alors qu'il était arrivé au bord d'une falaise, et que la brume et le grondement n'étaient que le résultat du fleuve passant par dessus-bord et plongeant dans le vide, avant d’atterrir en bas dans un fracas assourdissant.
Il était arrivé aux chutes du Neighara.
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« -Et ensuite ? »
Dreary resta silencieux.
« Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?
-Je viens de me rappeler à quel point cette partie de mon voyage est stupide. »
Dream fronça les sourcils.
« Comment ça ? »
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Dreary, fasciné par la violence avec laquelle l'eau s'abattait en contrebas, s'approcha plus près du bord pour regarder, quand son sabot dérapa sur une pierre humide. Horrifié, il se sentit tomber dans le fleuve sans rien à quoi se raccrocher.
Au moment où son corps entra dans l'eau, le poney fut emporté par le violent courant, et fila en direction des chutes. Balloté en tous sens, impuissant contre la force du courant, Dreary se dit dans ses derniers moments de lucidité que c'était tout de même une bête façon de mourir après tout ce qu'il avait déjà traversé.
La force du courant le projeta hors de l'eau, dans le vide, et il hurla alors que le lac en contrebas se rapprochait à grande vitesse.
Il s'évanouit de terreur avant même de toucher la surface de l'eau.
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Le pégase tentait en vain de contenir son rire, tandis qu'un Dreary mortifié se passait un sabot sur le visage, se rappelant à quel point il s'était senti stupide en réalisant de quelle façon il avait failli mourir.
« Donc, après que tu aies « glissé » – il laissa échapper un gloussement – comment t'en es-tu sorti ? »
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Les hôpitaux avaient toujours dégoûté Dreary. Tout comme n'importe quel bâtiment public, en fait. L'architecte comprenait bien qu'il fallait privilégier la fonctionnalité par rapport à d'autres critères de construction, mais est-ce que tout avait besoin d'être aussi moche ?
Ce furent les première pensées de Dreary Sky lorsqu'il se réveilla dans une chambre d'hôpital, fixant un plafond blanc sans remuer un muscle, de peur des dégâts qu'il pourrait constater. Il resta ainsi de longues minutes, espérant que quelqu'un entrerait dans la chambre et lui éviterait de bouger, mais personne ne vint. Alors il se risqua à mettre ses membres en mouvement un par un, se préparant à crier de douleur à tout moment.
Avant de se rendre compte qu'il était presque entièrement recouvert de plâtres, et qu'il ne pouvait par conséquent pas bouger d'un centimètre.
Il commença à paniquer.
Prenant une grande respiration pour se calmer, l'étalon se rassura en se disant que tout cela était normal. Il avait fait une chute de quelques dizaines de mètres dans l'eau, on ne sort pas d'un accident pareil sans blessures. Il se remémora la hauteur des chutes d'eau, et se dit qu'il avait déjà beaucoup de chance d'être en vie.
Les oreilles de l'étalon se dressèrent lorsqu'il entendit des pas derrière la porte, qui s'ouvrit.
« Tiens, regardez qui est réveillé. »
Une infirmière pégase s'approcha de son lit avec un sourire chaleureux.
« Comment allez-vous ? » demanda-t-elle d'une voix apaisante.
Il eut à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'il entendit deux autres voix venir de l'extérieur de la pièce.
« Ça y est ? Il est enfin réveillé ? s'exclama une jument surexcitée dans le couloir.
- On peut le voir, on peut le voir ? » enchaîna une autre voix féminine, tout aussi frénétique.
L'infirmière leva les yeux au ciel avec un sourire amusé.
« Allez-y, entrez, mais calmez-vous un peu, il ne faut pas le fatiguer. »
Avec un cri de joie, les deux poneys, des pégases également, entrèrent dans la chambre et se placèrent chacune d'un côté du lit, assaillant l'étalon gris de questions. L'une avait un pelage lavande et une crinière bleu clair soignée, dans laquelle était disposé un nœud rose. L'autre possédait les mêmes couleurs de pelage et de crinière, ce qui les aurait fait paraître quasiment identiques si ce n'était sa coiffure, véritable chaos entretenu à la dynamite.
« Comment tu t'appelles ?
- D'où tu viens ?
- Qu'est-ce que tu faisais là-bas ?
- Pourquoi tu étais tout seul ?
- Comment tu-
- Les filles ! » cria l'infirmière. Elles se turent sur-le-champ.
« Je ne viens pas de vous dire de vous calmer ? » les gronda-t-elle, tout en auscultant le blessé. Elle tâtait ses membres, pliant certaines articulations qui n'étaient pas dans le plâtre, regardant s'il réagissait ou non. Dreary, étrangement, ne ressentait aucune douleur alors qu'elle le manipulait, ce qui lui fit se demander s'il s'était réellement blessé, malgré la quantité de soins qu'il avait reçu.
Les deux juments surexcitées calmées, Dreary put enfin poser quelques questions.
« Combien de temps ? demanda-t-il d'une voix rauque, la gorge sèche.
- Vous êtes resté inconscient deux jours, lui apprit l'infirmière. Nous sommes Lundi.
- C'était si grave que ça ? » demanda le blessé, choqué par l'information. S'il avait passé deux jours entiers inconscient, son état devait être plutôt grave.
« Non, heureusement, vos blessures n'étaient pas sérieuses. C'est l'épuisement qui vous a fait dormir ainsi. Vous étiez affamé, et vos muscles étaient tétanisés à force de marcher. Vous aviez aussi plusieurs engelures à divers endroits du corps et des égratignures un peu partout. Je me demande vraiment ce que vous avez fait pour vous retrouver dans un état pareil. »
Le poney n'en croyait pas ses oreilles. Il n'avait pas remarqué qu'il avait autant forcé durant sa traversée des montagnes et de la plaine. Il était si obstiné qu'il avait ignoré les appels de détresse de son corps et l'avait poussé jusqu'à ses limites. Pas étonnant alors qu'il ait dérapé si facilement au bord des chutes : ses jambes avaient simplement fini par le lâcher. Il se promit de faire plus attention à l'avenir. Seulement, quelque chose ne collait pas.
« Comment se fait-il que je ne sois pas mort en tombant dans l'eau ? »
La jument à la coiffure ébouriffée se désigna pour lui raconter toute l'histoire, prenant visiblement la tâche à cœur.
« Ça, c'est grâce à Rainbow Dash ! Elle t'a vu glisser dans le torrent, et ni une, ni deux, elle s'est élancée à toute vitesse pour te rattraper avant que tu ne tombes dans l'eau ! Elle est comme ça, toujours prête à foncer pour porter secours aux autres !
- Elle est allée tellement vite pour te secourir qu'elle a même fait un Sonic Rainboom ! enchaîna son amie, aussi excitée par le récit que sa compagne. Elle t'a attrapé au ras l'eau et a fait un virage en angle droit en rasant la surface ! J'aurais vraiment voulu voir ça... finit-elle d'un ton rêveur.
- Et les plâtres, donc ? Pourquoi suis-je blessé si on m'a secouru ? »
Visiblement gênées, il leur fallut quelques secondes pour répondre.
« Il se pourrait bien qu'après t'avoir attrapé, Rainbow se soit écrasée sur le sol... Et il se pourrait également que tu lui aies servi d'amortisseur... » murmura la jument au nœud rose, si faiblement que Dreary dut s'approcher pour comprendre. L'enthousiasme des deux poneys s'était envolé, et leur rapide changement d'humeur fit rire l'étalon gris. L'infirmière reprit l'explication :
« Elle a pu te rattraper à temps, mais n'a pas réussi à remonter. Vous vous êtres écrasés sur la rive, et le choc vous a tordu quelques articulations. Rien qui ne se soigne avec quelques jours de repos, cela dit. Les plâtres, c'est juste parce que les docteurs d'ici ont tendance à prendre des précautions extrêmes avec les blessures. Ils n'ont pas non plus l'habitude de soigner des poneys terrestres, qui sont plus résistants que les pégases et guérissent plus vite.
- Comment ça, « les docteurs d'ici » ? Où est-ce qu'on est au juste ? » demanda Dreary, ne saisissant pas ce que voulait dire l'infirmière.
Celle-ci lui sourit, et se dirigea vers la fenêtre dont les rideaux étaient fermés. Elle les ouvrit en grand, laissant l'étalon voir où on l'avait emmené.
Il vit d'abord un pégase passer rapidement devant la fenêtre en volant. Puis il en vit d'autres voler au loin, navigant autour de nuages et de bâtiments. Beaucoup d'autres. Dreary contemplait une ville faite de nuages et de chutes arc-en-ciel, au ciel sans cesse parcouru par des pégases vaquant à leurs activités quotidiennes. Regardant au loin, il vit qu'au-delà de la ville, il n'y avait que le ciel et le vide.
Les deux juments à ses côtés sourirent jusqu'aux oreilles en voyant la mâchoire du poney gris se décrocher sous le choc.
« Bienvenue à Cloudsdale ! » lui dirent-elles à l'unisson.
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