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The Snow on Her Cheek

Une fiction traduite par System.

Chapitre 1 - Conception

Si je venais à mourir, que Dieu me garde, ceci sera mon épitaphe :

LA SEULE PREUVE DONT IL EUT BESOIN POUR CROIRE EN L'EXISTENCE DE DIEU FUT LA MUSIQUE.

- Kurt Vonnegut

La neige blanche tombait du ciel. Une neige qui jaillissait des nuages sombres, tombant dans les rues sales de la ville de Manehattan, recouvrant les poneys mornes qui y vivaient. Toute la ville était devenue morne récemment, pensa Octavia tout en trottant le long des rues, regardant les poneys et les alentours. Leurs yeux étaient rivés sur le sol comme si chacun d'entre eux espérait quelque chose en provenant. Ils ne communiquaient pas entre eux, ils restaient discrets. Ils ne voyaient rien de ce qui les entourait. Ils étaient cachés derrière leurs barrières mentales invisibles, enfermés dans leurs propres prisons.

Octavia elle-même n'était pas très différente. Elle avait appris à cacher ses ressentiments et à se terrer derrière un sourire qu'elle montrait sur scène ou durant les répétitions. Elle se devait de créer de l'espoir en ceux qui venaient l'écouter, même si elle ne savait que trop bien qu'il n'y avait aucun dessein en elle. Elle avait pris l'habitude de vivre au jour le jour, comptant les heures quand elle était éveillée, pour finalement rentrer à la maison et s'abandonner à la désagréable nuit. Elle était seule. Tout le monde était seul. Toute la ville de Manehattan n'était qu'une immense forteresse de solitude.

La guerre arrivait, disaient-ils. Les griffons avaient un nouvel empereur et, contrairement à son prédécesseur, il avait établi une société usant d'une politique anti-équidés. L'Empire occupait déjà une partie de Coltland et visait à présent Zebrica. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle le cœur vide d’Octavia souffrait. Le fait était qu'elle n'était pas sûre de savoir pourquoi elle vivait. La vie ne valait pas la peine d'être vécue, elle l'était juste assez pour que la mort ne soit pas meilleure à traverser.

Quelques fois Octavia pensait que d'être comme ça voulait tout dire. Quelques fois elle restait devant son miroir, à observer sa crinière décoiffée qui tombait sur son pelage gris et penser à ce qu'elle pourrait bien faire de sa vie. Qu'est-ce qu'elle était censée faire ! Dans le passé il était facile de répondre, elle était faite pour jouer du violoncelle dans l'Orchestre Royal, la musique classique semblait être sa raison de vivre, étayée par sa cutie mark en forme de clef. Mais maintenant, elle ne savait plus en quoi elle devait croire. Pour être honnête, elle ne voulait même pas y penser.

Quelques fois elle estimait qu'elle devait simplement se laisser aller, jusqu'à ce que la guerre ou quelque chose d'autre lui ôte la vie.

Ses parents lui disaient depuis toujours de trouver ce quelqu'un de spécial, un étalon qui éclairerait son existence. Para la Familia, disaient-ils toujours, pensant qu’Octavia était dérangée par le fait de vivre seule, loin de sa famille. Elle ne l'était pas. Évidemment, ses parents, ses frères étaient adorables et aimants mais ils étaient... différents. Ils étaient dans le business, alors qu’Octavia était dans la musique. Et en toute honnêteté, elle n'était pas si triste de partir à Manehattan vivre seule. Seule, sans une compagne décente à ses côtés...

Octavia rougit soudainement et regarda autour d'elle. Visiblement, personne n'avait ne serait-ce que remarqué sa présence. Aucune pensée de ce genre n'était tolérée. Le filly-fooling[1] était un crime, et grave de surcroît. Equestria avait besoin d'une population grandissante, pas d'amour. Mais... La pauvre violoncelliste ne pouvait pas aider pour cela. Elle aimait les juments. Aimer, comme aimer les juments, elle était sexuellement attirée par elles. Bien sûr, elle ne l'avait jamais dit à personne. Tous les rendez-vous ratés avec des étalons que sa famille avait organisés avaient fini par les rendre suspicieux, mais elle niait tout en bloc, prétendant aimer seulement la musique.

Et sa musique, à son plus grand regret, n'était également que de l'hypocrisie. La musique classique ne la satisfaisait pas. Elle avait toujours cru que la musique devait venir du plus profond de l'âme d’un musicien, et pas d'une feuille glacée, sans cœur et insignifiante. Bien sûr elle jouait le jeu, elle jouait soigneusement, elle jouait comme cela devait être joué. Mais...

Octavia atteignit le grand gratte-ciel et esquissa un sourire au portier qui le lui rendit respectueusement en lui ouvrant la porte. La violoncelliste marcha à travers le grand hall vers l'ascenseur. Elle réajusta la housse de son violoncelle sur son dos et appuya sur le bouton.

Si seulement elle pouvait trouver une jument, une jument comme elle, une jument qui... aime les juments... et qui aime jouer son style de musique préféré. Une musique qui était nouvelle. Une musique qui était fraîche. Une musique criante d'une jeunesse vigoureuse et de non-respect.

Elle entra dans l’ascenseur puis soupira. Elle était presque arrivée. Bientôt à la maison. Encore quelques secondes avant qu'elle puisse enfin jeter ce masque qu'elle portait sur sa personnalité.

Elle quitta l'ascenseur en trottant en direction d'une porte de bois massif sur sa gauche, insérant la clé. Avec un déclic, la porte s'ouvrit puis elle entra, en allumant la lumière et en fermant la porte derrière elle.

Voilà. Elle était à la maison. Elle regarda dans la seule salle qui comportait un soupçon d'amour et de chaleur : le canapé, le bureau, le phonographe... La pièce était grande mais n'était pas tellement remplie, comme s'il n'y avait aucun objet inutile. Et il y avait une raison à cela.

Octavia marcha en direction de la cuisine et commença à faire du thé. Alors que les feuilles flottaient sur la surface de l'eau bouillante, relaxant ses nerfs, elle s'assit sur un tabouret et ferma les yeux. Son concert du soir l'avait presque entièrement vidée de son énergie. C'était dur de jouer le jeu alors qu'elle était brisée, vide, mais elle avait essayé. Le public l'avait félicitée, saluant sa performance en lui jetant des fleurs. Elle n'en avait pas pris une seule. Elle n'en avait pas besoin, pas tant qu'elles ne venaient pas de cette jument si unique...

La violoncelliste ouvrit les yeux et prit une gorgée de thé. Le liquide brûlant descendit dans sa gorge, enveloppant son esprit dans une agréable cocon de tiédeur. Oui... Elle avait besoin de chaleur, pour rester éloignée de cette réalité froide et aseptisée, pour garder son esprit loin de tout acte irréversible...

L'image d'une jument indéfinie, projection d'un désir aveugle provenant de son subconscient, apparut devant elle, l'embrassant, l’étreignant sur le canapé puis...

Octavia sursauta, secouant sa tête violemment pour se débarrasser de telles pensées. C'était un crime ! Un péché. Elle trotta dans la pièce jusqu'à la fenêtre pour l'ouvrir, laissant entrer la fraîcheur du soir. Elle s'accouda à la fenêtre, inspirant la brise hivernale venant de l'ouest, chaque minute lui rappelant sa liberté, celle qu'elle n'avait en réalité jamais eu.

Se sentant finalement mieux, Octavia s'approcha du phonographe sans oublier de fermer la fenêtre, elle ne voulait pas que quelqu'un entende... ça. Avec un geste fébrile de son sabot, elle attrapa un vinyle qui gisait sur sa collection de Coltbert. Celui-ci était différent. Elle souleva le saphir et tourna l'interrupteur, sentant son cœur se mettre à battre de plus en plus vite, comme si elle était en train de faire quelque chose... d'incorrect. Et d'ailleurs, elle était en train.

« Laaaaadies and gentlecolts, please welcome... Mister... George “Old God”... COLTRING ! »

Le son des sabots applaudissant en signe d'approbation – un signe rempli de sens, contrairement aux petits applaudissements de politesse des concertos – noyait la voix du chanteur, mais cela cessa dès lors que les premières notes se firent entendre, consolidées par les bruissements du vinyle.

Un sourire se dessina sur les lèvres d’Octavia alors qu'elle commençait à taper des sabots sur le sol, les yeux fermés en signe de bonheur. Cet artiste savait certainement comment jouer le jazz, il savait sentir le jazz. À partir du moment où ses sabots glissaient le long des touches de son piano, brisant toutes les lois possibles du piano classique, il était “jazz”.

Incapable de se retenir un instant de plus, elle se mit à danser une sorte de be-bop aux mouvements oscillants, traversant toute la pièce. C'était pourquoi elle avait besoin de tant d'espace. Pour être libre.

Alors qu'elle dansait toujours autant, elle fut frappée par une réalisation soudaine. Elle sourit, mais cette fois volontairement, pour la première fois depuis des semaines.

Elle savait où elle allait passer sa soirée le lendemain.

[1] filly-fooling est le mot anglais désignant les rapports sentimentaux et/ou sexuels entretenus entre deux juments. Aucun mot français ne peut se valoir comme son équivalent d’après moi.

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