Chapitre 15
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— Arcadia, placez-vous en orbite d’attente et… Bordel à putes !
Twilight haussa un sourcil.
— C’est une formule de bienvenue typique ? demanda-t-elle.
— Houlà, non, lui répondit Tochiro. Heum… Tu sais ce qu’est un juron, n’est-ce pas ?
La licorne leva les yeux au ciel.
— Bien sûr. Toutefois, par chez nous, nous n’avons pas pour habitude de saluer les visiteurs en les insultant.
La remarque fit sourire l’ingénieur humain.
— Je pense qu’ils ont été surpris par notre attelage, reprit-il. Peu de gens font voyager les dragons de cette manière.
— Évidemment, vu sous cet angle…
Twilight sourit à son tour. Elle ressentait toujours une pointe de frustration à l’idée de ne pas pouvoir user de sa formule de contrôle, mais elle était forcée de reconnaître que la méthode humaine de transport de dragon n’était pas dénuée d’efficacité – d’autant qu’au résultat, c’était beaucoup moins fatiguant pour elle. La licorne avait été impressionnée par Pinkie, également… Twilight plissa le front. Comme quoi, la magie n’était pas systématiquement nécessaire pour résoudre tous les problèmes, admit-elle in petto. Parfois, il suffisait d’une bonne longueur de câble.
Le dragon risquait d’être de très mauvaise humeur lorsqu’ils parviendraient sur Equestria, en revanche.
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Une fois l’Arcadia tant bien que mal amarrée à un dock de ravitaillement (la présence d’un dragon attaché entre la tourelle ventrale et la proue avait quelque peu perturbé la manœuvre), Tochiro utilisa un tube d’abordage pour faire la jonction avec les sas déployables de Cen’t. Lorsqu’il posa le pied sur la station, trois poneys l’agressèrent.
… Enfin, non. Pour être exact, lorsqu’il posa le pied sur la station, trois poneys galopèrent vivement vers lui, le dépassèrent et tombèrent dans les… euh … il ne pouvait pas dire « bras », hésita Tochiro. Peut-être « sabots ». Ils tombèrent dans les sabots de Twilight, donc, et se répandirent en exclamations de joie. Les retrouvailles étaient touchantes, aussi Tochiro esquissa-t-il un sourire attendri, puis il se tourna vers Kei.
— De toutes les affaires dans lesquelles le captain nous a embrigadé, celle-là est tout de même la plus bizarre, lâcha-t-il sans sourciller.
— Tu as un dragon accroché à ton vaisseau, répondit Kei sur le même ton.
La jeune femme était seule pour l’accueillir (à l’exception des poneys, bien sûr). Aucun personnel de Cen’t, technicien ou autre, ne s’était déplacé, et le barman du Metal Bloody Saloon était invisible. Quant à Harlock, s’il fallait tenir compte des dernières nouvelles, Tochiro était plutôt soulagé de ne pas le voir.
L’ingénieur fixa Kei, à nouveau sérieux. Il était certes soulagé de ne pas voir son ami ici (et debout), mais il était peut-être temps de le rapatrier à bord de l’Arcadia.
— Bon, conclut-il. Où est-ce qu’ils l’ont mis ?
Il n’avait pas besoin de préciser à Kei de qui il parlait.
— Une annexe de leur hôpital, dit-elle. Je t’y emmène.
———————
Il n’était pas à proprement parler « attaché ». Tout au plus pouvait-il se définir comme « sanglé », et encore… Une unique lanière le maintenait au niveau des épaules, trop lâche pour être réellement efficace. Il lui suffisait de se tortiller pour se dégager… à condition qu’on lui en laisse l’occasion.
— Eh ! Mais ça fait mal ! protesta Harlock.
— J’ai dit « ne bougez pas ! »
Le médecin kelvien et son infirmier se relayaient pour le surveiller. Harlock ignorait duquel des deux provenait l’idée, mais toujours était-il que chaque fois qu’il amorçait un mouvement, ils lui frappaient le haut du crâne à l’aide d’un rouleau en carton d’environ un mètre de long. Non que ce soit douloureux, bien sûr, mais franchement… C’était tout de même humiliant d’être traité comme un gosse.
— Je veux sortir, bouda-t-il.
L’infirmier, installé dans un fauteuil à ses côtés avec une tablette holo sur les genoux, leva vers lui un regard dépité.
— Ne bougez pas, répéta l’homme d’une voix fatiguée.
Phrase qu’Harlock traduisait de façon tout à fait arbitraire par « vas-y si tu l’oses » et qu’il se faisait donc une joie de mettre en pratique.
Alors voyons… Et s’il essayait de s’enfoncer dans ses draps afin de se glisser par-dessous cette fichue sangle ?
Le rouleau s’abattit avec un léger « chtong ».
— Aïeuh !
— Ne. Bougez. Pas.
Fort heureusement pour les nerfs de l’infirmier et le taux d’usure du rouleau de carton, l’entrée du médecin mit temporairement fin à ce petit manège.
— … présence de vesium-800, disait le Kelvien. Un amplificateur de douleur qui provoque également des incompatibilités avec la plupart des antalgiques. Les traces restantes devraient disparaître naturellement.
— Et les coups sur la tête font partie du traitement ?
— Oh, non. Ça, c’est parce qu’il a la bougeotte.
— Ha ! Et ça fonctionne ?
Non sans écoper d’un nouveau coup de rouleau, Harlock se redressa tant bien que mal. C’était la voix de Bob, ça !
— Pas vraiment… soupira le Kelvien. Ça sert davantage de palliatif thérapeutique pour le personnel médical. Même si je reconnais que taper sur ses patients n’est pas très déontologique.
— Oui mais avec cet énergumène, ce n’est pas étonnant. … Tu ne peux pas te tenir tranquille deux minutes, gamin ?
— Je vais bien, grogna l’intéressé. M’appelle pas gamin.
Surtout en portées d’oreilles inconnues au beau milieu de Cen’t.
— Hey ! Faudrait que tu te décides à grandir, petit génie, intervint une autre voix. Certaines facettes de ta personnalité ne cadrent pas avec tes responsabilités d’adulte.
… et surtout en présence de Shark, bon sang !
Harlock se força à ignorer le contrebandier goguenard et foudroya Bob du regard.
— Me semblait que j’étais sur Canisco il y a encore peu de temps, fit-il d’un ton lourd de reproche. Qu’est-ce que je fous ici ?
— T’étais pas en grande forme, rétorqua l’Octodian. Et mon réseau d’hôpitaux qui acceptent de soigner les pirates sans les dénoncer n’est pas très dense, figure-toi…
« Oui, j’ai vu ça », songea Harlock. Si son compte était bon, c’était le deuxième hôpital qu’il visitait en un laps de temps beaucoup trop court pour qu’il apprécie, et son passage dans le premier ne lui avait pas laissé les meilleurs souvenirs.
Le capitaine pirate pinça les lèvres.
— Puisqu’on en est à parler de ça, Bob, qu’est-ce que je fous dans un hôpital, au juste ?
— J’avoue gamin, c’est un peu de ma faute. Mais tu t’es pris une dérouillée par les Illumidas et je n’allais pas te laisser tomber. Tu t’en rappelles, au moins ?
— Je n’ai pas diagnostiqué de lésions cérébrales, précisa le médecin en s’immisçant dans la conversation. S’il y a amnésie, elle est due au traumatisme psychologique.
— Au départ, corrigea Harlock, agacé. Qu’est-ce que je foutais dans un hôpital illumidas au départ ! … Est-ce que quelqu’un peut me détacher, merde ? Je vais bien !
Personne ne fit le moindre geste en direction de la sangle qui le retenait, à l’exception de l’infirmier qui le gratifia d’un autre coup sur la tête en maugréant « bougez pas ». Le pire, c’était que tout le monde avait l’air de trouver le geste justifié.
— Au départ, tu m’as amené un poney qui souffrait de brûlures graves, reprit Bob avec un haussement d’épaules.
— Oui, c’est exact. Et tu habitais justement près d’un hôpital qui soignait les brûlures graves. Mais quel rapport avec moi ? À moins que je ne me trompe, je ne suis pas un poney !
— Peut-être pas, mais tu souffrais de la même chose. Pas aussi grave, d’accord, mais comme tu n’avais même pas pris la peine de te faire soigner…
Le barman le toisa avec sévérité. Harlock soutint son regard sans ciller (il avait de l’expérience en la matière), mais il ne put cependant empêcher un soupçon de culpabilité de le titiller. Le « feu originel » issu d’un dragon planétaire d’Equestria était dangereux, okay. Il le saurait pour la prochaine fois.
— Du coup, tu as été guéri de tes brûlures chez les Illumidas continuait l’Octodian. Heureusement d’ailleurs, parce que je ne sais pas qui d’autre aurait pu soigner cette saloperie. Pour le reste…
— … Pour le reste, je file un coup de main avec plaisir ! interrompit Shark. Mais t’es quand même le seul type que je connaisse qui ressorte toujours d’un hôpital en plus mauvais état qu’il n’y est entré !
Le contrebandier se fendit d’un sourire narquois.
— Et sinon, tu as une fracture du poignet, ajouta-t-il. Tu t’es fait ça quand tu t’es vautré comme un malpropre en essayant de t’enfuir d’ici.
Harlock préféra ne pas relever. Il commençait à avoir sa dose de sarcasmes. Et puis il était un peu fatigué et il avait un peu toujours mal partout, il devait le reconnaître.
De nouveaux éclats de voix se firent soudain entendre.
— Comment ça, « pas l’heure des visites » ? Il y a déjà un monde fou dans cette chambre !
Ah. Ça, c’était Kei, reconnut Harlock. Et Tochiro, constata-t-il lorsque son ami entra à son tour. Ainsi que quatre poneys, qui profitèrent de la confusion grandissante pour se faufiler près de son lit.
Les yeux pétillants, Rainbow Dash vola à sa hauteur.
— Vous allez bien, capitaine ? J’étais sûre que vous alliez bien ! Vous êtes trop génial !
La pégase semblait totalement remise. Tant mieux, toutefois Harlock se demanda s’il n’allait pas de son côté (et bien que cela aille à l’encontre de sa stratégie « je vais bien, laissez-moi partir ») prétexter qu’il n’était pas encore totalement remis pour avoir la paix. Avec tout ce peuple dans la même pièce, la cacophonie devenait insupportable.
— … surtout beaucoup de repos…
— … se ramener avec un dragon sous le fuselage, c’est n’importe quoi…
— … avec un sort de contrôle, mais finalement Pinkie…
— … méthode miracle pour le maintenir en place…
— … Fluttershy et ses talents cachés de sniper…
— … en le frappant avec ça, tenez je vous montre…
Harlock n’y comprenait à peu près rien, sauf pour ce qui avait l’air de le concerner directement (et il n’aimait pas du tout les bribes de phrases qu’il grappillait).
— Eh ! protesta-t-il alors que le médecin abattait une nouvelle fois son arme de carton sur son crâne.
— Ça ne l’empêche pas de bouger, expliqua le Kelvien tout en ponctuant sa diatribe d’autres coups, mais ça le vexe assez pour qu’il se calme.
— Ce n’est pas très orthodoxe, tout de même, hasarda Tochiro.
— Bah, tant que ça fonctionne…
Harlock lança un regard paniqué à Tochiro. Eh, non ! Il n’adhérait pas à la méthode ! Fallait pas répéter ça au docteur. Zero, hein ! Son ami se retint à grand-peine de rire. Harlock se renfrogna.
— C’pas drôle, râla-t-il. … Bon, vous comptez prendre racine, ou quoi ?
— D’après le toubib, t’es déplaçable, annonça Tochiro. On retourne sur l’Arcadia.
— Ah, excellent.
— Sur le brancard.
— Quoi ? Mais je ne…
— Sur le brancard, insista le petit ingénieur. Sinon…
Tochiro désigna d’un geste éloquent le Diabolique Rouleau de Carton. De toute évidence, tout le monde se retenait désormais à grand-peine de rire. Harlock laissa échapper un soupir désolé. Est-ce qu’il n’était pas censé posséder un minimum d’autorité en tant que capitaine de l’Arcadia, ou bien ne s’agissait-il que d’un pouvoir secret livré avec sa cape ?
La pensée le fit sourire.
Il songea que, vu les épreuves qu’ils avaient traversées et celles qui les attendaient encore, mieux valait peut-être, effectivement, prendre la vie avec humour plutôt que de se complaire dans la morosité.
— Sur le brancard, répétait Tochiro.
Il capitula.
———————
Le barman réussit à isoler Shark dans une coursive déserte moins de dix minutes avant le départ de l’Arcadia. L’Octodian avait prévu d’accompagner les pirates, lesquels étaient toujours serviables lorsqu’il fallait le déposer sur une planète accueillante afin qu’il ouvre un nouveau saloon. Le voyage aurait pu être agréable si seulement les exigences de Shark n’avaient pas été aussi élevées.
— Demande-moi autre chose, fit-il d’une voix tendue. Tu peux m’utiliser comme passeur, te servir de mes locaux comme point de ravitaillement ou comme entrepôt, ou je peux même reprendre du service en tant que mercenaire, si tu as besoin de mes bras.
— Tu n’as plus l’âge pour les actions de terrain, répliqua Shark avec calme. Non, je t’ai dit ce qui m’intéressait, à toi de faire ton choix.
Le contrebandier plissa les yeux.
— Une petite coordonnée, ce n’est pas cher payé, si ?
— Hors de question. Je trouverai autre chose en dédommagement du coup de main.
— Comme tu voudras.
Shark agita négligemment le bras.
— Mais rappelle-toi… ajouta-t-il. Ton petit protégé n’est pas le seul à s’obstiner quand il s’agit d’obtenir ce qu’il veut.
— C’est un avertissement ?
— Plutôt un conseil d’ami, corrigea le contrebandier avant de s’éloigner. Un conseil d’ami…
———————
— Mais si, je peux m’asseoir là ! Je ne bouge pas, je ne touche pas à la barre, je vous laisse gérer la manœuvre et je reste simplement assis !
— Capitaine, si le doc vous préconise de garder une station allongée et non pas assise, ce n’est pas pour rien. La cicatrisation sera plus rapide si vous ne bougez pas !
Harlock croisa les bras. Maintenant qu’il avait réussi à tromper la vigilance du doc, de Bob, de Masu, de Tochiro, d’une meute de poneys et de quiconque aurait pu le surprendre se promenant dans les coursives, il était bien déterminé à ne quitter sa passerelle sous aucun prétexte.
— Je viens de dire que je n’allais pas bouger, Kei.
— De votre lit, corrigea la jeune femme. Ce sera plus rapide si vous ne bougez pas de votre lit.
— Mrf. Mon dos me démange quand je suis couché, grogna Harlock. C’est plus confortable pour moi d’être assis.
Le capitaine était conscient que l’argument ne valait rien (ses blessures le démangeaient tout autant quelle que soit sa position), et d’ailleurs Kei ne fut pas dupe une seule seconde. La jeune femme secoua la tête avec une moue navrée.
— Vous êtes incorrigible, capitaine.
Néanmoins elle n’esquissa pas le moindre geste visant à prévenir un médecin, un infirmier ou une équipe de sécurité pour le ceinturer. Harlock en déduisit en conséquence qu’il avait gagné cette manche, s’installa dans son fauteuil et, satisfait, profita de la vue. Sur les écrans, la station Cen’t n’était plus qu’un point, la vue panoramique avant offrait un avant-goût de l’infini, et le panneau tactique affichait la trajectoire de l’Arcadia jusqu’à Equestria. Face aux consoles, opérateurs et techniciens effectuaient les dernières vérifications de leurs matériels. La passerelle bruissait des préparatifs du départ.
« La meilleure place de tout le vaisseau », songea Harlock avec un sourire. Une place qu’il ne céderait pour rien au monde.
— J’étais sûr de te trouver là.
Le capitaine ne tourna pas la tête.
— Je te préviens Tochiro, je ne bougerai pas de cette passerelle.
Son ami laissa échapper un petit rire.
— J’étais sûr que tu répondrais ça.
Mains croisées derrière le dos, le petit ingénieur vint se placer à côté du fauteuil de commandement.
— Et je n’ai pas l’intention de te toucher, ajouta-t-il. Si je veux te renvoyer à l’infirmerie, il va falloir que je t’assomme, et je sais que le doc préfère encore que tu te balades contre son avis plutôt que tu te coltines d’autres blessures.
Les yeux de Tochiro pétillaient de malice.
— Il a dit « déjà que parfois, je me demande ce qui lui passe par la tête, alors si en plus vous n’arrêtez pas de le frapper, vous allez me bousiller le peu de neurones fonctionnels qui lui reste ».
— Ça me fait plaisir d’entendre que vous vous souciez de ma santé, ironisa Harlock.
— Ben il faut bien que quelqu’un le fasse à ta place, hmm ?
Harlock n’eut pas le temps de répondre au reproche sous-jacent (et puis c’était fini les sarcasmes, oui ?). Sur le panneau tactique, tous les diagrammes de trajectoire étaient passés au vert. Kei se présenta devant lui et lui adressa un garde-à-vous impeccable.
— Tous systèmes parés, captain.
— Parfait. Enclenchez le warp !
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