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My little Arcadia : Piracy is magi [...]

Une fiction écrite par AuBe.

Chapitre 14

Chapitre 14

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La station Cen’t n’apparaissait pas sur les cartes spatiales. D’une part car, malgré sa taille, elle changeait régulièrement de place, d’autre part parce que son propriétaire actuel dépensait un pourcentage non négligeable de ses bénéfices dans des pots-de-vin, judicieusement distribués afin d’assurer sa tranquillité.
Le contrôle d’approche avait la réputation d’être à la fois tatillon sur les procédures, soupçonneux à l’excès et chatouilleux de la gâchette, mais Bob possédait ses entrées.

— Autorisation d’amarrage quai numéro neuf. Rappelez manœuvre terminée.

— Bien reçu.

À côté de lui, Kei leva un sourcil.

— Vous n’êtes pas soumis à leur infernal formulaire d’admission ? s’étonna-t-elle. Même l’Arcadia y a eu droit la fois où nous sommes passés ici !

— J’ai mes petits privilèges, sourit Bob.

— Mais vous n’êtes qu’un simple barman ! Comment pouvez-vous disposer d’un sauf-conduit alors qu’Harlock n’a pas réussi à en obtenir un ?

L’Octodian lâcha un rire bref.

— Avantage de l’ancienneté. Je suis beaucoup plus vieux que votre capitaine, miss.

Kei ne semblait pas convaincue. Il s’esclaffa.

Vraiment plus vieux, insista-t-il. J’ai connu Harlock quand il était tout gamin, vous savez ? Et j’avais déjà bien baroudé avant cela.

… Tout comme le propriétaire de Cen’t, d’ailleurs. Shark n’était certes qu’un humain à l’espérance de vie dérisoire par rapport aux Octodians, mais il possédait déjà un beau palmarès de mercenariat et de contrebande avant qu’il ne reprenne la main sur Cen’t, une quinzaine d’années auparavant. À présent, l’homme régnait en maître sur la station spatiale et tous les trafics qui s’y déroulaient, et il ne craignait plus grand monde, pas même l’Arcadia (quand on avait connu son capitaine tout gamin, le vaisseau pirate était tout de suite beaucoup moins impressionnant).

Il les attendait au pied de la coupée.

— Bob, espèce de maudit empoisonneur ! Qu’est-ce qui t’amène par ici ?

Le contrebandier tendit une main amicale que Bob serra volontiers. Shark n’était pas à proprement parler une personne fiable (il avait vendu nombre de ses anciens « amis » pour se concilier les grâces d’alliés plus puissants ou tout simplement pour arrondir ses fins de mois), mais l’Octodian avait combattu à ses côtés lors des guerres d’indépendance de la Bordure, et il ne tenait pas à ce que les soupçons entachent les souvenirs qu’ils partageaient.

Il suffisait d’être prudent, voilà tout.

— J’aurais besoin de tes médecins et de tes installations médicales, répondit le barman.

— Oh ? Tu m’as pourtant l’air en pleine forme !

— Pas pour moi. … Et sinon, tu devrais avoir la visite de l’Arcadia dans peu de temps.

Shark hocha la tête, un demi-sourire calculateur au coin des lèvres.

— Ah, je vois. Pirate en position de faiblesse. Tu n’as pas peur que j’en profite ?

— Je t’ai à l’œil, rétorqua Bob. Et je sais que tu n’as aucun intérêt à emmerder Harlock. Fais-le en souvenir du bon vieux temps, okay ?

— Je n’ai aucun intérêt à emmerder l’Arcadia, corrigea Shark. En revanche, j’ai des tas de raisons de faire chier ce foutu pirate… en souvenir du bon vieux temps, justement.

Le barman haussa les épaules.

— Si c’est cela, tu ferais mieux de m’aider à le remettre sur pied, alors… Tant qu’il est dans les vapes, il ne risque pas de s’apercevoir que tu le fais chier.

— Ha ! Toujours aussi pragmatique, hein ? Au moins, ça me change de tous les hypocrites qui me lèchent les bottes à longueur de journée !

Le contrebandier écarta largement les bras, singeant avec un rictus sarcastique une caricature d’aubergiste débonnaire accueillant ses clients – voire le barman lui-même, mais c’était difficile de discerner la différence et guère le moment d’entamer une querelle. Bob se contenta donc de le fixer sans mot dire, attendant qu’il prenne sa décision.

Shark finit par secouer la tête.

— Okay, conclut-il sur un ton dédaigneux qu’il ne chercha même pas à dissimuler. Une chambre VIP et mon meilleur médecin. Ça te va ?

———————

Ils avaient installé Harlock sur un brancard gravitationnel et l’avaient conduit jusqu’à l’hôpital de Cen’t, où un infirmier mal rasé l’avait pris en charge. À regret, Kei avait dû consentir à se séparer de son capitaine – encore – et, la mort dans l’âme, avait observé le brancard disparaître au coin d’un couloir.

— Il s’en remettra, diagnostiqua Shark.

Le contrebandier ne s’était pas départi d’un demi-sourire suffisant, dans lequel transparaissait également une pointe de sadisme. Vêtu d’un blouson de pilote élimé presque trop étriqué pour sa carrure de lutteur, Shark mesurait plus de deux mètres et son visage au nez cassé portait les marques évidentes de qui n’hésite pas à jouer de ses poings pour se faire respecter. Kei ne lui accordait pas la moindre confiance. L’homme suintait la fourberie, nul doute qu’il n’hésiterait pas à les trahir si l’occasion se présentait ! Et puis Harlock non plus ne lui avait pas fait confiance lorsqu’il s’était amarré sur Cen’t avec l’Arcadia, en conséquence la jeune femme comptait bien agir de même.

Une main se posa sur son épaule.

— Ne crains rien, jeune fille, la rassura le barman. Ils vont nous le rendre.

Kei répondit d’un « mouais » sceptique, tout en se demandant soudain si la fiabilité de cet Octodian était aussi bonne que l’avait vantée Harlock. Après le fiasco de l’hôpital illumidas, le barman n’était-il pas en train de les mener à nouveau à la catastrophe ?

La navigatrice pinça les lèvres, agacée. Inutile de prendre des risques. À présent qu’ils s’étaient éloignés des Illumidas, elle pouvait contacter Tochiro sur leur fréquence d’urgence afin que l’Arcadia vienne les récupérer au plus vite.

———————

— Ça va tenir, vous croyez ?

— Boah. Cette fichue bestiole est capable de générer un warp par elle-même, je ne crois pas qu’elle sera gênée quand on sautera.

— Non, ce que je veux dire, c’est : est-ce que ce monstre ne risque pas de se libérer, et est-ce qu’on saura se défendre le cas échéant ?

— Un coup de canon et le problème est réglé, non ?

Tandis que l’écran tactique principal de la passerelle de l’Arcadia leur affichait l’image d’un dragon géant saucissonné qu’une flopée de navettes de maintenance était en train d’arrimer à la coque, Tochiro échangea un regard amusé avec le docteur Zero lorsque Twilight, outrée, interrompit leur conversation.

— La princesse Celestia a bien précisé de ne pas tuer ce dragon ! leur reprocha-t-elle.

Le petit ingénieur sourit de toutes ses dents.

— T’inquiète pas mam’selle licorne, je vais en prendre soin, de ton dragon…

Twilight fit la moue. Elle avait de toute évidence été déçue que personne n’ait besoin de ses talents télékinésiques, mais Tochiro avait estimé qu’il était plus sage de préserver le potentiel de la licorne… au cas où le dragon leur poserait des soucis en se libérant, par exemple.

— … et si jamais on a besoin de se défendre, j’ai bien l’intention de faire appel à ta magie, termina-t-il.

La licorne violette n’était cependant pas satisfaite.

— Il faut prendre toutes les précautions dès maintenant ! argua-t-elle. Je peux invoquer un sort de…

— On va essayer d’éviter d’invoquer des sorts de quoi que ce soit si ce n’est pas absolument nécessaire, coupa Tochiro. La dernière fois que tu as fait ça, on s’est retrouvé à découvert au milieu d’une flotte illumidas.

— Mais…

Tochiro croisa les bras. Il ne se laisserait pas commander par une licorne, ah mais !

— N’insiste pas ! Tes petits tours sont beaucoup trop signants, et je tiens à rester discret tant que je n’ai pas récupéré le capitaine. C’est clair ?

Twilight répondit « grmf » et cherchait visiblement un contre-argument percutant, lorsque la voix de Mimee les interrompit.

— Contact radio sur la fréquence d’urgence ! annonça-t-elle.

Les yeux jaunes sans pupille de la Jurassienne s’illuminèrent brièvement.

— … C’est Kei, professeur !

———————

— Oh non, encore ? Mais que quelqu’un l’attache, putain !

Tandis qu’il jouissait d’une vue imprenable sur un plancher gris clair impeccable, quoi qu’un peu froid, Harlock songea « c’est pas juste ! », puis effectua une roulade de côté afin de plutôt examiner le plafond. Il sentit une résistance, força, et n’évita la collision avec un moniteur de diagnostic dégringolant des hauteurs que grâce à l’intervention in extremis d’un infirmier.

— Je vous préviens, c’est la dernière fois que je le ramasse ! continuait à se plaindre ledit infirmier. Je veux des sangles et une dose plus conséquente de sédatif, et s’il recommence, je le laisse par terre !

Harlock cligna des yeux, fit « hrmmff » (cela signifiait « je ne veux pas être attaché », assurément il allait devoir revoir ses méthodes de communication), et tenta de s’asseoir. L’infirmier ne semblait cependant pas partager ses vues et, avec l’aide d’une collègue appelée en renfort, il le jeta dans un lit qui était certes plus confortable qu’un plancher mais qui restait un lit d’hôpital, bordel !

Harlock prit une grande inspiration. Il avait la bouche pâteuse et l’impression désagréable que sa langue ne lui obéissait plus qu’à contrecœur.

— Je suis… réveillé… articula-t-il.

Et il aurait bien aimé se lever.

— Excellent ! répondit l’infirmier. Et puisque vous avez l’air de m’entendre, pouvez-vous cesser de vouloir vous lever ?

Non, pas du tout. Il se lèverait s’il voulait, zut.
Mais ce n’était peut-être pas la meilleure réponse à donner.

— Je… Où ? demanda-t-il plutôt.

— En sécurité, intervint une tierce personne.

Harlock s’efforça d’accommoder sa vision, sans trop de succès. Il voyait à peu près net dans un rayon d’un à deux mètres autour de lui, mais tout le reste se fondait en une sarabande de taches floues et mouvantes.

— Je suis le médecin à qui l’on a confié la lourde responsabilité de vous remettre d’aplomb, poursuivait ce qui était un médecin, donc.

Le brouillard semblait par ailleurs se lever, nota Harlock. Il voyait moins flou. Le médecin se matérialisa soudain en une boule de poils ébouriffée vaguement humanoïde, coiffée d’un calot médical et vêtue d’un tablier vert sali de traces de sang séché (probablement le sien, comprit Harlock). Ses yeux étaient invisibles sous sa pilosité hirsute et un masque hygiénique échouait à dissimuler son impressionnante moustache. Un Kelvien.

— Vous serez bientôt à nouveau apte au service, continuait le Kelvien. À condition bien sûr que vous abandonniez l’idée de ramper hors de mon infirmerie.

Harlock ne connaissait qu’un seul Kelvien qui ait jamais accepté de soigner des humains. Et un seul humain qui ait jamais accepté d’employer un Kelvien comme médecin.
Le capitaine se renversa sur ses oreillers avec un soupir. Au moins, il ne se trouvait plus aux mains des Illumidas.

Cen’t.

———————

— Cette « station spatiale » est vraiment cool, vous ne trouvez pas ?

Accompagnée de Fluttershy et Applejack, Rainbow Dash cheminait le long d’un large couloir courbe que des panneaux dénommaient « promenade équatoriale ». D’immenses baies vitrées leur permettaient d’admirer la vue sur le ciel noir piqueté d’étoiles, ainsi que sur les superstructures anarchiques qui hérissaient la station.

Dash fit un looping. Ses ailes étaient encore un peu raides, mais elle était certaine qu’un bon programme de réentraînement leur rendrait toute leur vigueur. La pégase arc-en-ciel se promit solennellement de s’y atteler à la seconde où elle serait revenue à Ponyville.

— En tout cas, je suis contente que tu ailles mieux, Rainbow, souffla Fluttershy.

— Eeyup. Tu nous as fichu une sacrée frousse, sucre d’orge.

Applejack jouait la ponette blasée, comme d’habitude, mais la terrestre ne parvenait malgré tout pas à masquer totalement son soulagement.

— ’fin, c’est terminé maintenant, pas vrai ? reprit Dash. On rentre ?

Elle fit la grimace lorsqu’elle croisa l’expression d’Applejack.

— On a eu quelques ennuis pendant qu’t’étais inconsciente, expliqua la terrestre. D’après ce que j’ai compris, y’a toute une flotte illumidas qui a déboulé pendant que l’Arcadia était en orbite et ils ont dû décaniller en vitesse. Et Twilight était toujours en train de chasser le dragon, a priori.

— Hein ?

— Oh, c’est vrai, t’as loupé pas mal de trucs…

Applejack réfléchit un instant à l’information prioritaire à divulguer.

— Illumidas, lâcha-t-elle finalement. Comme les humains, mais verts. T’as dû en croiser.

— Ah…

Rainbow Dash frissonna malgré elle.

— Et il y en a ici ? s’inquiéta-t-elle.

— Pas que je sache.

La terrestre avait tout de même l’air préoccupée.

— … mais Kei m’a recommandé de rester sur nos gardes. ’font des tas de trafics louches, ici, et d’après elle il ne faut surtout pas leur faire confiance…

———————

Le bureau de Shark surplombait le centre de contrôle de Cen’t.

— Je te préviens, ce ne sera pas gratuit.

— Tu n’auras qu’à envoyer la facture à Harlock, rétorqua le barman.

Le contrebandier lui tournait le dos. Bob ne pouvait pas voir son visage, mais les épaules de l’humain s’agitèrent soudain

de soubresauts.

— Ne t’inquiète pas, j’en ai bien l’intention ! s’esclaffa Shark d’un ton qui laissait supposer qu’il se réjouissait à l’avance d’une blague particulièrement retorse.

Bob se renfrogna. Il ne se faisait pas de souci pour Harlock (pas plus que d’habitude, du moins) : le gamin ne s’était jamais laissé faire jusqu’à présent et ça ne risquait pas de changer dans l’immédiat. Néanmoins, les blagues de Shark se révélaient parfois mortellement drôles, notamment lorsqu’elles impliquaient des rencontres « fortuites » avec l’ennemi ou des pièces sabotées.

— Ne va pas lui chercher des crasses, sinon… commença-t-il.

Shark se retourna pour lui faire face. Toute trace d’amusement avait disparu de son regard.

— Sinon quoi ? Tu penses être en mesure de me causer des ennuis ?

— Tu penses que je n’en suis pas capable ? contre-attaqua Bob. Tu te surestimes, vieux. Ça te perdra un jour.

— Tu es seul et je dirige une station spatiale. C’est un bon indice pour déterminer la balance de puissance.

Shark balaya l’échange d’un geste désinvolte de la main.

— … mais je tiens à régler cette affaire en gentleman, reprit-il. Nous sommes de vieux amis, après tout. On était une bonne équipe, pendant la guerre !

— J’aimerais le croire, grogna l’Octodian. Mais vu comment tu as traité la plupart de tes autres amis, je me demande parfois s’il n’aurait pas mieux valu faire équipe avec un nid de glot’ch’arhch.

— Tu es cruel. … Mais bref, revenons à notre paiement. Je suis très intéressé par les trois spécimens d’équidés que tu trimballes avec toi. Espèce non répertoriée, pas vrai ? C’est Harlock qui a brisé leur isolement planétaire ?

— Qu’est-ce qui te fait croire que c’est lui ?

— Parce que c’est bien son genre. Alors ?

— Aucun de ces trois poneys n’est à vendre, siffla le barman avec hargne. C’est une espèce intelligente, nom de Xch’rhch !

Shark renifla avec dédain.

— Tout de suite, les grands mots. Tu avais moins de scrupules il y a vingt ans.

— C’est non, s’obstina l’Octodian. Tu ne touches pas à ces poneys.

— Comme tu veux.

Le contrebandier haussa les épaules avec un sourire mauvais.

— Les coordonnées de leur planète me suffiraient.

Le barman secoua la tête. Hors de question de céder. Peut-être avait-il été moins regardant sur l’éthique de tels trafics dans le passé, mais c’était terminé.

Il serra les poings. Terminé, se répéta-t-il. C’était terminé.

— Je ne les ai pas. Et je doute qu’Harlock te les donne.

— Mais toi par contre, tu ne devrais pas avoir de mal à les obtenir, susurra Shark. Si tu m’apportes ça, on sera quittes. Réfléchis-y…

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