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Pony War Chronicles

Une fiction écrite par ironponymaiden.

Chapitre V : Le Prix de la Trahison

Il faisait beau. C’était une journée magnifique, comme presque toujours depuis que le cycle alternant jour et nuit avait repris. Le cœur des poneys commençait doucement à cicatriser, et aujourd’hui avait été un jour de célébration. Cette nuit, on avait vu à l’horizon la réflexion de la lumière de la Lune, et l’obscurité avait été moins oppressante. Celestia commençait à reprendre le coup de sabot.

Ce qui n’arrangeait pas forcément Blueblood, mais amusait beaucoup Crimson Brush à ses côtés. Cependant, le général se gardait bien de montrer sa satisfaction. Pas encore.

-C’est problématique, déclara le Prince.

-Bah, dit le soldat en haussant les épaules. Nous savions bien que ce n’était pas sur le manque de foi envers Celestia que nous devions nous appuyer.

-Certes. Mais faire accepter la défection de ma tante alors qu’elle se démène pour améliorer la condition de ses sujets risque d’être difficile.

-Vous avez peur d’échouer ?

-Non. Les poneys en ont assez de l’Empire et de ses lois absurdes. Mais reste que tant que ma tante n’est pas perçue comme un mal, nous allons devoir procéder avec des pincettes particulièrement fines. Autrement dit, nous allons devoir la ménager lors de la prise du trône, montrer qu’elle est bien traitée. Je crains même que les poneys demandent son retour au pouvoir dès que la situation se sera stabilisée.

-Ce qui est hors de question, évidemment.

-Celestia est folle, et ça ne changera pas même si l’Empire est démantelé.

Crimson se contracta et se le reprocha immédiatement. Heureusement, Blueblood ne s’aperçut de rien.

-Comment se passent les choses de votre côté, général ? continua le Prince.

-Le renforcement des défenses sur la côte sud continue. Certains rapports indiquent que les zèbres sont très actifs au niveau militaire, surtout depuis la fuite de Fleur-de-Lys, et j’ai pu convaincre Sparkle de mener une nouvelle campagne de recrutement pour pallier à une éventuelle attaque des exilés aidés par leurs hôtes.

Ça n’a pas été très difficile.

-Parfait, acquiesça le Prince. Si la nouvelle se répand, la population s’insurgera contre cette mesure.

-Les zèbres pourraient attaquer vraiment.

-Ne vous inquiétez pas. Fleur-de-Lys est une alliée, et elle fera son possible pour qu’un véritable débarquement n’ait pas lieu.

-« Une alliée » ?

-Oui, Fleur est une amie à moi. Elle m’a aidé à mettre en place la conjuration.

Ah ? Ça va intéresser Sparkle, ça.

-Je n’ai malheureusement que les informations officielles, fit Brush. Pour l’Empire, Fleur-de-Lys est une espionne au service des Lunaires, ayant vendu de nombreuses informations confidentielles ayant conduit à la Bataille de Canterlot.

-C’est à peu près ça, répondit Blueblood. Depuis la mort de son mari, Fancy Pants, Fleur militait pour la cause Lunaire, usant de sa position dans les hautes sphères de Canterlot pour soutirer des informations aux dignitaires de l’Empire.

-C’était pas les rebelles qui avaient tué son mari ?

-Je crois qu’elle était persuadée que c’était l’Empire qui l’avait fait assassiner, faisant porter le chapeau aux rebelles. Et récemment, avant sa fuite, elle est entrée en contact avec moi.

-Pourquoi ?

Blueblood laissa passer un temps, s’avançant vers la balustrade pour observer Equestria depuis le balcon où ils se trouvaient.

-Parce qu’elle avait compris que nous avions les mêmes intérêts. Nous voulions la fin de ce régime, et retourner à l’Equestria pacifique dans lequel nous vivions auparavant.

-Comment est-elle entrée en contact avec vous ?

Le Prince se racla la gorge, et fit semblant de fouiller dans ses souvenirs.

Comme d’habitude, alors. Quelques galipettes, et elle a fait de toi ce qu’elle voulait. Pathétique.

-Elle m’a approché pendant l’un de mes déplacements, dit-il. Elle avait remarqué mon envie de changement, et m’a alors dévoilé ses ambitions de renverser Celestia. J’y ai adhéré tout de suite. Elle avait une idée bien précise de comment faire, mais ne pouvait pas la mettre en œuvre avec ses propres contacts, d’autant plus qu’elle se préparait à fuir, son lien avec l’attaque sur la capitale étant sur le point d’être découvert.

Donc elle s’est barrée en laissant une bombe à retardement. Pas conne, à défaut d’être chaste.

-Alors j’ai repris le flambeau, et mis en place ce que vous avez déjà vu : la réunion des grands du gouvernement, pousser les habitants à considérer de moins en moins l’Empire en grossissant ses défauts, pointant du sabot les Licornes du Soleil toujours présentes, et grâce à vous, nous avons même eu droit à une militarisation importante, ce qui ne manquera pas d’exaspérer ce peuple qui a soif de paix.

Mais de rien.

-Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas, dit quand même le soldat. Vous étiez l’une des personnalités les plus importantes de l’Empire. Vous étiez la Bouche de Celestia, et c’est en partie grâce à vous que la Princesse a eu une victoire aussi retentissante. Si la guerre a autant perdurée, c’est grâce à vos discours. Alors, pourquoi ?

Blueblood se tourna vers le balcon, observant la ville à leurs sabots.

-Pas uniquement pour le pouvoir, si c’est là votre crainte. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les intérêts de nos concitoyens me tiennent véritablement à cœur. Cela fait partie de mon éducation, après tout.

-Réellement ?

-Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi je possédais le titre de Prince au même titre que mes tantes et Cadence, ainsi que ce lien de parenté étrange, sachant qu’il n’y a que deux sœurs Alicornes et qu’aucune n’a d’enfant connu ?

-Je dois bien avouer que...

-Je ne vous en veux pas, fit Blueblood en souriant. Personne n’a jamais vraiment cherché la signification de tout cela. En tout cas, je puis vous rassurer sur un point : je ne suis ni le fils de Celestia, ni celui de Luna.

Maintenant qu’on y pense...

-En réalité, continua la licorne, si j’ai des racines Alicornes, elles se sont perdues depuis des millénaires, ne me laissant même pas un moignon d’aile. En réalité, j’ai été... « Adopté » par Celestia.

Crimson Brush resta silencieux un moment.

-Qu’est-ce que ça signifie ?

-Tout simplement que j’étais un petit être sans parent, et qu’à ce moment ma « tante » avait besoin d’un bébé pour son projet. J’étais le choix rêvé : licorne, blanche à la crinière d’or, les yeux d’un bleu de saphir... Bref, une majesté née.

Avec l’ego correspondant, tout va bien jusque-là.

-Toute ma jeunesse, je l’ai passé auprès de précepteurs, m’apprenant tout ce qu’il fallait savoir pour gouverner ce pays, les spécificités de chaque région et de leurs habitants, les rouages de l’économie –vous n’imaginez même pas les ressorts sans fin qu’utilisaient Celestia pour éviter aux poneys de payer des impôts avant la guerre.

Blueblood ricana doucement.

-Mon professeur d'économie parlait de « l’investissement escargot ». Je m’en souviendrais toujours de celle-là. « C’est lent, ça bave de partout, mais ça peut se cacher dans sa coquille et a le matériel pour se reproduire tout seul ». Il a toujours été mon préféré. Mais je m’égare.

Le Prince regarda en bas, dans les jardins. Une partie de la verdure était brûlée depuis quelques jours, et des poneys déployaient des efforts importants pour cacher le désastre.

-La gestion intérieure n’était pas la seule chose qu’on m’apprenait. Les poneys n’ont même pas conscience de ce qui se passe à l’extérieur. Qui connaissait le Conseil des Sages des Dragons avant notre altercation avec eux ? Nos relations avec les Griffons ont également toujours été très délicates. C’est un peuple de guerrier, prêt à s’entre-déchirer jusqu’à ce qu’il y ait un vainqueur, puis à nous fondre dessus. Celestia a réussi à les calmer ces derniers siècles, enfin, jusqu’au début de cette affaire. Et je ne vous parle même pas de ce qui se cache au Nord. « Ombres et Crocs couvrent la neige de sang », disent les légendes. Il ne doit y avoir en Equestria tout au plus trois livres traitant des plaines enneigées qui se situent par-delà les frontières, et tous sont sous clé.

Blueblood secoua la tête.

-En bref, j’ai appris à être un roi. Pas pour gouverner, non, mais ma tante est... Etait prudente. Elle savait qu’il pouvait lui arriver malheur, la défection de Nightmare Moon lui ayant confirmé que les Alicornes survivantes n’étaient pas exemptes de défauts.

-Les « Alicornes survivantes » ?

Le Prince regarda Brush en coin, puis secoua la tête.

-Oubliez ça. Personne ne sait ce qui est arrivé aux Alicornes hormis elles-mêmes, et c’est une bonne chose.

Blueblood soupira.

-Mon rôle consistait à être prêt à prendre la relève si, pour une raison ou pour une autre, Celestia serait devenue incapable de gouverner. De tous temps, notre Princesse a agi ainsi, choisissant des enfants orphelins pour leur offrir cette chance, et les remplaçant quand ils devenaient trop vieux. Mais comme tous mes prédécesseurs, j’ai été confronté à un petit problème.

-Le chômage technique, dit le général.

-En quelque sorte, confirma le Prince. En un sens, il est assez horrible de savoir que de toute votre vie, vous n’avez qu’une seule utilité, et que vous ne serez sûrement jamais capable de la mettre en œuvre.

L’étalon montra son flanc, orné d’une rose des vents.

-Connaitre son chemin et pourtant ne pas savoir où on va. Mais, honnêtement, je n’ai jamais été intéressé par le pouvoir. Si le moment était venu pour moi de monter sur le trône, j’étais prêt. Mais être le « Prince Blueblood » me seyait parfaitement. J’ai des avantages, je les connais et j’en profite, même si aux yeux du monde je passe pour un être imbu de sa personne.

C’est le moins qu’on puisse dire.

-Quitte à devoir passer sa vie à ne rien faire, autant s’amuser un peu, n’est-ce pas ? Que m’importe l’avis de quelques personnes outrées si la majorité continue de m’apprécier ? Que pourrait me faire quelques insultes si je suis capable de gouverner un pays entier quand le besoin s’en ferait sentir ?

La licorne sourit.

-Enfin, je me suis fait sévèrement remonté les bretelles quand je suis allé trop loin avec Lady Rarity, il y quoi ? Vingt ans de cela ? J’ai dû me faire pardonner. Mais je m’égare encore, je vous prie de m’excuser.

-Je vous en prie.

-Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de me confier, continua Blueblood. Enfin, comme je le disais, et pour répondre à votre question, mon rôle consiste à prendre la relève si les Princesses ne sont plus en état de gouverner.

Il secoua la tête.

-Il m’a fallu du temps pour m’en rendre compte, mais ce moment est venu il y a treize ans. J’aurai dû mettre fin au règne de Celestia dès les prémices de sa folie, lorsque Luna s’est enfuie. Ça nous aurait épargné des années de combats inutiles. Mais j’ai un défaut, dont j’ai parfaitement conscience, et qui m’a empêché de voir ce qui se passait sous mes yeux, même lorsque le sang de Fancy Pants m’a aspergé le visage au début de la guerre.

Le Prince haussa les épaules.

-Je suis fort bien pourvu en ego, et Celestia m’a complètement neutralisé en me proposant un poste qui me permettait enfin d’avoir un rôle important dans ce monde. La Bouche de Celestia, le Porte-parole de l’Empire. Avouez que d’autres s’y seraient laissés prendre.

-Possible. Et qu’est-ce que qui vous a fait changer ?

-Fleur-de-Lys, lors de notre rencontre. Ça a dû être étrange pour elle de se retrouver en présence de la personne qui se trouvait à côté de son mari au moment de son assassinat. Peut-être me détestait-elle, d’ailleurs, car je suis en partie responsable de sa mort. Mais elle m’a ouvert les yeux. Bien entendu, elle m’a parlé de pouvoir en jouant sur mon titre de Prince, sans connaitre sa réelle signification, mais je me suis rappelé, moi, pourquoi j’existais. Et j’ai décidé de faire ce que je n’ai jamais pensé possible.

-Prendre le pouvoir.

-Exactement. Mais en l’état actuel des choses, j’avais besoin de soutien, que j’ai trouvé en votre personne et en celle des autres nobles de la cour. Bien entendu, ils ne voient tout cela que par le prisme des privilèges qu’ils obtiendront, mais par eux, je peux atteindre le peuple, et si je convaincs nos concitoyens, alors ils accepteront le changement.

-Et que comptez-vous faire une fois sur le trône ? demanda Crimson Brush.

Blueblood regarda à l’horizon.

-Remettre les choses en ordre. Retrouver la paix de notre pays, restaurer nos relations avec nos alliés, ce qui commencera par la démilitarisation totale d’Equestria. Tant pis si cela nous met en danger devant des envahisseurs possibles, je veux que nos alliés comprennent. Et surtout, je mettrais fin à l’Empire. Il n’a aucun sens. Les Licornes du Soleil devront disparaître du paysage, et aucun culte de la personnalité ne sera admis. Celestia a succombé à sa propre célébrité, et malgré mon esprit très égocentré, je ne commettrais pas la même erreur.

Blueblood se détourna, et pénétra dans le château.

-Nous redonnerons à ce pays ce qu’il mérite, Crimson Brush. Et il ne mérite pas des familles déchirées par la mort.

Le général resta un instant à l’extérieur.

Il n’avait pas songé que le Prince puisse être à ce point attaché à ce pays. Mais il vivait dans un rêve éculé. La réalité avait changée. Et même si tout cela était possible...

Crimson Brush n’en voulait pas.

Il avait vraiment hâte de se débarrasser de ce doux rêveur.

---

Las Pegasus était sinistre. Il n’y avait pas un être vivant à la ronde, même pas une touffe d’herbe pour égayer le paysage, pas un son, pas un grincement, même pas un petit coup de vent pour siffler entre les buildings brisés à mi-hauteur. C’était l’antre de la Mort. Même le Tartare devait être plus joyeux.

Autant dire que dans cette ville, trouver un coin tranquille sans que les échos des tirs du camp d’entrainement ne parviennent à ses oreilles relevait du miracle. Miracle que Windvision n’avait toujours pas accompli. Ce n’était pas faute de s’être éloignée du centre-ville depuis une bonne dizaine de minutes, mais le silence oppressant et l’acoustique dans les rues devaient porter les claquements des fusils d’un bout à l’autre de la ville. En plus de cela, la conception labyrinthique de l’endroit n’aidait pas augmenter la distance entre la source du bruit et la jument. La ponette était à peu près sûre d’être revenue sur ses pas.

S’il y a un endroit au monde qu’on peut appeler une « ville de merde », c’est bien ici.

Windvision s’arrêta au milieu de la rue, et s’assit. Ses yeux l’irritaient, comme tous les autres. L’air à Las Pegasus avait pris une teinte rougeâtre qui ne devait rien aux astres. C’était plus comme si la vue était brouillée. Et ce manque de vie… Le Sonic Rainnuke n’avait normalement pas d’effet sur les êtres vivants, et surtout pas à long terme, après tout il ne s’agissait que d’un Sonic Rainboom classique.

-C’est comme si la magie avait été altérée dans le coin, avait dit Black Jack. Le Rainnuke aurait été assez puissant pour troubler l’organisation même de la magie ? Non, c’est impossible.

-C’est dangereux pour nous ? avait demandé Luna.

-Comment savoir ? C’est du jamais vu.

Depuis, le magicien passait son temps à étudier ce phénomène, quand il n’était pas en réunion avec la Princesse, ou en train de s’entraîner à manipuler sa magie. Enfin, « s’entraîner »... La terrestre ne pouvait s’ôter de la tête qu’il ne faisait pas ça pour maintenir son niveau, mais pour laisser libre cours à sa rage.

Heureusement que Coffee Crime se tenait à ses côtés, sinon Windvision était sûre qu’il aurait complètement disjoncté.

Quant aux autres, Flesh et Moonface faisaient de leur mieux pour mettre les Lunaires volontaires au niveau, aidés par les Fantômes. Ils progressaient vite, mais rien ne valait les années d’entrainement des experts. Lors des exercices en conditions, à eux trois ils arrivaient à éliminer tous les autres sans se faire repérer. Flesh allait jusqu’à prétendre pouvoir faire de même en étant seul, ce qui ne devait pas être loin de la vérité.

On espérait juste que ça serait suffisant pour faire la différence. Après tout, les Solaires ne s’attendrait pas au retour de Luna, et les Partisans n’allaient pas attaquer bille en tête.

Et ils auraient un autre avantage. Partout dans le monde, les cellules s’étaient misent en place. Par un heureux hasard, l’Empire enchaînait les mauvaises décisions en ce moment, et les poneys n’aimaient pas ça. Le peuple paisible voulait se débarrasser des reliquats d’un passé qu’ils voulaient oublier, mais les autorités les leur remettait en plein museau. Les énerver un peu plus en souterrain n’avait pas été très difficile. Bientôt, ils seraient mûrs pour déclencher une véritable révolte.

Luna répugnait à cette idée, mais sans cela, les chances de vaincre seraient trop minces. Elle s’était laissé convaincre quand on lui avait dit que les poneys voulaient de toute façon virer l’armée de chez eux. Tout ce que faisaient les Lunaires, c’était les convaincre de passer à l’action, au moment propice pour que Luna puisse prendre le trône et y mettre fin le plus vite possible. Mais restait que les deux grandes révoltes des dernières années, Las Pegasus et Manehattan, s’étaient très mal terminées.

Des pas résonnèrent dans la rue. Windvision leva les yeux, et vit au loin un poney s’approcher, difficile à apercevoir avec les « retombées magiques », comme les appelait Black Jack. Mais la robe grise et les ailes de la pégase blonde étaient facilement reconnaissable, et Derpy fit un signe de tête à la terrestre pour la saluer. Elle s’approcha de la ponette verte, et s’assit à ses côtés. Windvision nota qu’elle avait sa sacoche sur elle, ainsi que son fusil, et elle fouilla à l’intérieur, en tira un muffin qu’elle tendit ensuite à la jument en souriant. Windvision hésita un instant, puis prit la pâtisserie et mordit dedans à pleines dents. Elle savoura le goût du gâteau, fabriqué par la plus grande experte que la terrestre connaisse en la matière, avec des ingrédients trouvés on-ne-savait-où.

Avant qu’elle ne s’en rende compte, elle avait fini le muffin et léchait les miettes sur son sabot. Les deux ponettes restèrent un instant silencieuses, côte à côte, observant les ruines autour d’elles. Puis Windvision se tourna timidement vers la pégase, les yeux avides. Derpy ricana, et sortit d’autres pâtisseries de son sac, qu’elles partagèrent dans les bruits de mastication. Les deux juments savourèrent leur gourmandise un moment, puis Windvision prit la parole :

-Je vais grossir à force de manger autant.

Derpy la regarda en souriant légèrement, puis dit :

-Ne t’inquiète pas pour ça. Vu comment tu te démènes à l’entrainement, tu n’es pas prête de voir des bourrelets gâcher ta silhouette.

-N’empêche, si tu arrêtais de faire des gâteaux sans arrêt...

-C’est important de manger à sa faim.

-Ça pourrait être plus équilibré.

-Tu n’aimes pas mes muffins ? demanda la pégase en penchant la tête.

-Si, si, se rattrapa l’autre pouliche, mais c’est justement ça le problème. Je peux pas résister.

-Alors ne résiste pas.

-C’est quand même incroyable.

-De quoi ?

-On vient d’avoir une vraie discussion de femmes.

Les deux ponettes se regardèrent un instant, puis éclatèrent de rire.

-Alors parler bouffe et ligne, c’est parler comme des femmes pour toi ? conclu Derpy.

-C’est pas avec Flesh que j’aurais parlé de ça, c’est clair.

La jument grise hocha la tête, et regarda le paysage désolé.

-Dis, Wind’, t’as pas envie d’arrêter ?

La terrestre fronça des sourcils.

-Arrêter quoi ?

-L’armée. De te battre. Tu pourrais vivre comme une pouliche normale.

La ponette secoua négativement la tête.

-Je ne peux pas. Je ne veux pas abandonner tout ce pourquoi on s’est battu jusqu’ici, et je ne pourrais pas avoir une vie normale en sachant que vous vous battez toujours, quelque part. D’autant qu’une vie sous l’Empire...

-Mais je pense sincèrement que c’est idiot de risquer ta vie comme ça alors que tu pourrais t’en sortir.

-Je pourrais dire la même chose de toi. Tu as un étalon qui t’aime, et pourtant tu es revenue, en brisant ton vœu de non-violence en reprenant ton arme, dit la ponette en montrant le sniper au sol.

-C’est différent...

Derpy regarda le sol, triste.

-Pour tout te dire, ces dernières années, ça ne collait plus entre lui et moi. Il m’aime, et je l’aime, mais je ne peux plus le voir sans repenser à Dinky...

La voix de la jument mourut, et elle déglutit difficilement, tentant d’inspirer un grand coup. Dans ses yeux commençaient à perler quelques larmes.

-Ce n’est plus pareil. Il a fait de son mieux pour m’aider et me soutenir. Mais c’est ma faute. Je m’en voulais d’être inutile, sans rien pouvoir faire pour que ça change. Je m’en voulais pour plein de choses. Et finalement, quand Luna a déclaré sa défaite, je me suis retrouvée en face de deux chemins : soit je tentais de retrouver une vie normale avec lui, soit je plaquais tout pour continuer à combattre.

Derpy désigna les alentours.

-Tu vois ce que j’ai choisi...

Elle secoua la tête.

-Wind’, personne ne se fait d’illusion ici. Tous ceux qui sont avec nous savent qu’ils ont plus de chance de mourir que d’arriver à faire quoi que ce soit, mais ils n’ont rien à perdre. S’ils meurent, ils n’auront aucun regret. Mais toi, tu as encore la vie devant toi, et si tu devais mourir, alors moi, j’aurais un regret.

-Derpy...

Windvision posa une patte sur l’épaule de la pégase.

-Tu penses vraiment qu’on ne s’en sortira pas ?

-On s’apprête à attaquer la capitale de l’Empire le plus puissant du monde avec à peine assez de poneys pour former quelques unités, en profitant d’une prétendue confusion créée par une révolte qui a peu de chance de se produire sans élément déclencheur significatif, pour tuer une Alicorne immortelle ayant gouverné pendant plusieurs dizaines de siècles, et seule pendant un millénaire. Il faut arrêter de se faire des illusions.

-Derpy, qu’est-ce que...

-J’ai peur pour toi, Windvision. J’ai peur de ce à côté de quoi tu passes juste par fidélité à ton camp, et les possibilités qui n’auront jamais lieu si tu meurs.

Une larme coula sur la joue de la ponette grise. Windvision hésita un instant, puis la prit dans ses pattes et la tira contre elle. Elles restèrent enlacées chacune dans les sabots de l’autre quelques instants, puis la terrestre s’écarta.

-Derpy...

Elle baissa les yeux, des images revenant dans son esprit.

-J’ai fait une connerie, avoua la ponette verte. Je suis tombée amoureuse d’une ombre. Je ne peux pas quitter le combat, parce que j’aurais l’impression de trahir Shadow. Il a donné un sens à ma vie, il a toujours été là pour moi, et... Et je ne peux pas arrêter. Surtout pas depuis que Nicholaus nous a avoué qu’il était encore en vie. Plus on s’approche de Celestia, plus nous avons de chance de le retrouver. Et j’ai envie de le retrouver.

Puis elle releva la tête, croisant le regard de Derpy, et sourit.

-Et au-delà de ça, je te rassure, je n’ai aucune envie de mourir dans cette histoire. Nous allons réussir, et virer Celestia de son trône. Elle a été sauvée par un coup de chance la dernière fois, elle ne l’aura pas deux fois.

Le sourire de la ponette s’effaça légèrement.

-Ne serait-ce que parce que Nicholaus est ici...

Un frisson passa dans le dos de Derpy

-Ce type me donne la chair de poule.

-Comme tout le monde. Mais on peut le détester ou le craindre autant qu’on veut, il nous a bien aidé jusque-là.

-Il veut peut-être endormir notre méfiance.

Windvision fit « non » de la tête.

-J’en sais rien. Il faudra être...

Elle s’interrompit, levant la tête vers les bâtiments aux alentours.

-Wind’ ? demanda Derpy.

---

« Tu n’as que trop tardé. Si elle n’est pas morte dans la journée, je te grille la cervelle. »

Cette phrase avait retentit dans la tête de Drill il y avait quelques heures. C’était fini. Elle ne pouvait plus temporiser. Il était temps de passer à l’acte.

Ce n’était pas véritablement un défi. Pas après la batterie d’entrainement qu’elle avait dû subir, autant lors de son service chez les Licornes que lorsqu’elle était sous couverture chez les Lunaires, puis sous les ordres de Stalker. Le problème venait de sa tête.

Pourquoi ? Elle qui avait toujours vu le monde comme un terrain de jeu, et les autres créatures vivantes comme des jouets, pourquoi avait-elle ce pincement au cœur quand elle pensait à ce qu’elle devait faire ?

Par les Alicornes ! Elle avait renseigné les Solaires pendant des mois lorsqu’elle avait commencé sa mission, elle avait fait échouer des tas d’opérations cruciales, elle avait même activement participé à la fin du soulèvement de Manehattan, organisant l’assassinat du leader de ce bordel. Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi son esprit de Licorne s’était-il évanoui ?

Une Licorne du Soleil... Comment s’était-elle embarquée là-dedans, au juste ?

Polished Drill avait toujours été une amoureuse de la liberté. Jamais d’attache, toujours à la recherche d’un truc pour se marrer, et quand elle s’en lassait, en trouver un autre. Lorsque la guerre s’était étendue, elle avait tenté le mercenariat. Bon, ça n’avait pas marché, aucun des deux camps ne voulant d’un soldat, ou d’un groupe qui ne croyait pas en leur idéaux. Parce que mine de rien, ils ne faisaient pas ça que pour le combat, les salauds. Ils avaient une vraie idéologie.

Drill avait fini par s’inscrire chez les Lunaires. L’entrainement était lourd, et elle avait eu envie de se barrer dès les premiers ordres qu’on lui avait jeté à la figure. Mais elle s’était retenue, au moins le temps de se retrouver dans un vrai champ de bataille.

Et là, c’était le fun. Certes, c’était côtoyer la Mort tous les jours, c’était voir ses coéquipiers mourir sous ses yeux, arracher la vie d’autres être poneys... Mais rien ne valait ce frisson qui parcourait son échine quand sa vie était dans la balance. C’était extrême. C’était excitant. C’était jouissif.

Et bordel, que les soldats étaient de bons coups. Pas difficiles en plus. Polished était loin d’être désagréable à regarder.

Ça n’avait pas duré plus de quelques semaines. Mine de rien, quand elle n’était pas sur un champ de bataille, elle se faisait chier d’une puissance rarement vue. Et puis, elle avait trouvé une occasion. Une ouverture. Elle avait « quitté » le lieu du combat, sans se faire repérer. Plus tard, elle apprendrait qu’elle avait été portée disparue. Peu importait. Elle avait tranquillement rejoint un bureau de recrutement des Licornes, les plaques républicaines encore au cou.

Elle était passée très proche d’être collée contre un mur ce jour-là, mais la Licorne responsable avait été intriguée par son comportement. Ils étaient rares, ceux qui rigolaient comme des beaux diables au moment où on les condamnait à mort. Son audace et sa folie latente ont attiré l’attention de cette Licorne qui l’avait faite passer devant le jury. La batterie de tests qu’elle avait subie avait été à la mesure de son passif, mais au final, elle avait été présentée devant Sparkle elle-même.

Et là, tout s’est enchaîné. Officiellement, Drill n’était que portée disparue chez les Lunaires, et il était encore temps de la renvoyer là-bas. En sous-marin. Et si par de malencontreux accidents, sa fougue au combat pouvait aller trop loin...

En gros, on lui donnait carte blanche niveau dégât dans les deux camps, à condition de fournir des informations régulièrement, et de bloquer l’avance des Partisans quand elle le pouvait –autant dire, quand elle s’ennuyait. Elle avait quand même subit l’entrainement des Licornes, mais il était beaucoup plus permissif que celui des Lunaires, notamment parce que c’était beaucoup de « travaux pratiques ». L’inconvénient était la dévotion qu’elle devait afficher constamment. Si elle était passée à deux crins d’y croire à plusieurs reprises, elle n’avait jamais passé la barrière du culte. Mais Twilight s’en fichait, son athéisme étant plus pratique pour l’infiltration.

Elle était revenue comme une fleur dans le camp de Luna, travaillant quand même un peu son retour pour ne pas être trop visible, ni trop suspecte. Mais finalement, tout s’était déroulé comme sur des roulettes. Et à l’excitation du combat s’était ajoutée celle de l’infiltration. Elle ne s’ennuyait plus pendant les périodes creuses, car elle pouvait toujours se la jouer espion, histoire d’avoir un truc à raconter à Sparkle.

Ça faisait partie des meilleures années de sa vie. Mais elles arrivaient juste après celles qui allaient suivre.

Peu de personnes se souviennent comment ont été créés les Night-Ops. Stalker avait toujours eu une petite équipe de spécialiste pour ses missions à risques, et il a fini par en faire une unité en bonne et due forme, à l’époque où il commençait à enchaîner les opérations sur le sol ennemi. Drill n’avait pas été immédiatement contactée, ses « méthodes » ayant toujours été un peu trop explosives pour les commandos. Néanmoins, il leur fallait se diversifier, et à cette période, Drill s’était distinguée en tant que « licorne lourde », les spécialistes des gros calibres, avec option lance-missile.

Apparemment, c’était Flesh qui l’avait recommandée. Ils avaient fait quelques batailles ensemble, et il connaissait son style. Il avait juste fallu la mettre aux normes des commandos concernant la discrétion.

Flesh...

Drill soupira en pensant au pégase. S’il y avait un paquet de chose qu’elle regrettait chez les Night-Ops, notamment cette possibilité qu’elle avait de démonter l’Empire Solaire tout en continuant de les abreuver d’informations plus confidentielles encore que lorsqu’elle était simple soldate, c’est ce type qui remportait la palme. Un vrai malade, bourrin comme pas deux et pourtant plus malin qu’il n’en a l’air, incapable de viser un truc et compensant cette tare en augmentant encore sa puissance de feu.

Et un putain de coup au plumard. Dommage, il n’avait jamais apprécié la « spéciale Drill », mais hormis ce détail, il s’approchait le plus de ce qu’on pouvait appeler un ami pour la licorne. Il n’avait pas peur d’elle, au contraire des autres Lunaires, et sur le champ de bataille, ils étaient totalement en phase. La stratégie des Night-Ops avait dû s’adapter à ces deux énergumènes, mais niveau diversion, il n’y avait pas mieux qu’eux. Niveau « recherche et destruction » non plus.

Les autres Night-Ops aussi, elle avait fini par s’y attacher, remarque. Ils partageaient presque tous la vision de Drill de la vie. Merde au lendemain, survivre à aujourd’hui est déjà pas mal ! Et ils n’en étaient pas plus malheureux.

Elle s’était bien marrée à cette époque. Mais il avait fallu y mettre fin, parce qu’elle n’avait pas voulu finir exécutée au fin fond d’un éboulis sous Canterlot. Butée par Sparkle dans son bureau pour trahison avait plus de gueule, mais cette salope le lui avait refusé, la marquant de la pire des malédictions qu’elle pouvait imaginer : lui retirer sa liberté.

Il ne restait plus rien des Night-Ops. Moonface, qui était plutôt discret comme gars, même s’il cachait un jeu bien plus important. Flesh, aussi, et enfin Windvision, qui était un peu la petite sœur adoptive de tout le monde dans l’unité. La terrestre n’était pas désagréable, mais putain, elle ne pouvait pas lâcher Stalker une seconde. Un vrai clebs, parfois.

Drill espérait sincèrement que Blut avait tué le sniper. Les Night-Ops auraient été bien mieux s’il n’avait pas été là pour constamment les encadrer. Il était d’un chiant fini, toujours à faire ses plans sans arrêt, et tolérait difficilement un accroc dans les chorégraphies qu’il prévoyait. Et Drill n’avait jamais vraiment aimé les tireurs d'élite. Tuer de loin, sans autre forme de cérémonie qu’un petit trou dans le front de la victime, ça manquait sérieusement de punch. A la limite, avec un fusil anti-matériel explosant le crâne, ça pouvait passer, mais rien ne valait les effets pyrotechniques d’un barrage à la mitrailleuse ou d’une explosion.

Ce qui lui faisait se demander pourquoi donc elle avait un fusil dans les sabots. Elle aurait préféré faire exploser l’abri dans lequel s’était réfugiée la Princesse, voir si une demi-déesse résistait à du C4. Mais impossible de s’approcher du camp pour ça, Drill n’avait jamais été la meilleure en infiltration. Elle s’était donc rabattue sur le classique assassinat à distance avec un fusil de précision.

D’ailleurs, en parlant de ça...

Elle allait avoir du mal à atteindre Luna d’ici. Si elle savait se servir de cette arme, elle n’avait pas le niveau d’expertise des vrais snipers de l’armée, et l’emplacement qu’elle avait choisi était très mauvais, mais elle ne pouvait pas trouver mieux à moins de risquer d’être découverte. C’était donc à une tripotée de centaine de mètres de distances dans l’espace entre deux tours brisées qu’elle allait devoir placer sa balle, à l’endroit de la table de briefing, au moment où la Princesse daignerait se montrer.

Tout ça dans un laps de temps trop court pour elle. Il aurait mieux fallu que la Licorne Suprême lance son sort de contrainte sur Stalker, ça aurait été plus simple, et elle aurait foutu la paix à Drill. Mais on ne pouvait pas changer le passé, et ça serait sa dernière chance de retrouver sa liberté. Alors elle allait trouer la caboche de la licorne ailée.

Et peu importait les autres.

Les minutes passèrent, et Drill continua d’observer patiemment le camp. Luna finit par se montrer, discutant avec Black Jack qui observait une carte attachée à une table, et lui montrait certains points, la Princesse commentant parfois et montrant d’autres endroits.

Il était temps de mettre fin à tout ça. Drill ajusta légèrement sa visée, se remémorant tous les trucs auxquels il fallait penser quand on voulait tuer quelqu’un à cette distance. Et c’était une sacrée liste, même si dans le coin, elle était un peu allégée. Le vent, par exemple, était totalement inexistant. La mire se posa sur le crâne de la Princesse –nom d’un chien, elle avait une petite tête en fait. Windvision n’était curieusement pas présente à la réunion, cette fois. Le sabot de l’assassin effleura la détente, alors qu’elle activait sa corne pour imprégner la balle d’un petit sort qui lui éviterait de trop dévier de sa trajectoire.

Soudain, quelqu’un tira sa crinière vers l’arrière. Elle appuya sur la gâchette par accident, puis fut jetée au milieu de la salle. Elle tenta de se relever, mais des sabots puissants la plaquèrent au sol. Elle leva des yeux haineux vers son agresseur, tentant de se dégager.

Mais lorsqu’elle croisa son regard, elle se figea.

Le poney dans l’ombre leva un couteau au-dessus de sa tête.

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-Pourquoi l’avez-vous laissé en liberté ? hurla Windvision à la face de la Princesse.

-Ai-je eu tort, Windvision ? répondit calmement l’alicorne. Je serais morte à l’heure qu’il est s’il était resté enfermé.

-Mais nous ne pouvons pas lui faire confiance !

-Si je devais me méfier de ceux qui me sauvent la vie, je ne serais pas aussi entourée aujourd’hui. Nicholaus nous a assez prouvé qu’il était de notre côté.

-Il veut tuer Shadow !

-S’il y a une personne qui aurait su nous rejoindre s’il voulait combattre à nos côtés, c’est Shadow Stalker. Or, aujourd’hui, je ne le vois nulle part. Il faut se rendre à l’évidence, Windvision : il ne viendra pas. Ou il est mort, ou il a fui.

-Shadow ne fuirait jamais !

-Alors il est mort.

Les pattes de la terrestre verte tremblaient.

-Comment pouvez-vous être aussi froide en énonçant de telles choses ?

Luna soupira, l’air grave.

-Windvision, je sais que Stalker comptait énormément pour vous, et qu’accepter l’idée de sa mort vous est difficile. Mais réfléchissez : s’il était encore en vie, il continuerait de nous apporter son soutien.

-Je... je...

Luna s’approcha de la ponette, l’enlaça dans ses pattes et lui chuchota :

-Je suis désolée d’être si abrupt, mais nous manquons de temps, et je ne souhaite pas vous voir vous enfoncer dans de faux espoirs. Vous avez raison, Nicholaus est un poison, et il n’est pas à exclure qu’il ait dit que Stalker soit encore en vie uniquement pour vous déstabiliser.

-Si c’est un poison, dit la pouliche dont les larmes commençaient à perler, alors pourquoi est-ce qu’on ne s’en débarrasse pas ?

-Parce que nous pouvons le verser dans la coupe de ma sœur. Je ne veux pas me priver d’un soutien aussi puissant.

L’alicorne s’écarta de la terrestre, et s’éloigna vers sa tente.

-Pleurez tant que vous le souhaitez, ne vous retenez pas. Vous avez des amis qui sont là pour vous.

La Princesse disparut, laissant les poneys dans le silence. Derpy s’approcha de la jument, et la prit sous son aile. Windvision porta une patte à son visage et s’essuya une larme qui avait coulé. Elle ne devait pas se laisser abattre. Elle avait accepté la mort de Shadow autrefois, et elle devait recommencer. Luna avait raison. S’il était encore en vie, il serait ici, à ses côtés.

Mais ça faisait mal. La terrestre leva les yeux et son regard croisa celui de Nicholaus. Celui-ci sembla se souvenir d’une chose, et fouilla dans son gilet pour en tirer un petit objet, qu’il lança à Windvision.

-J’ai trouvé ça sur elle, dit-il simplement. Sur la licorne.

La jument attrapa le projectile au vol, et l’observa. Un objet qui appartenait à Polished ? Qu’est-ce que...

Elle se figea. Un insigne, la corne sur le soleil.

-Tu mens !

-J’ai une raison particulière de mentir ?

Windvision jeta violemment l’insigne au sol, et serra les dents pour se retenir de verser encore des larmes. Elle avait vu Polished Drill à la fenêtre de ce bâtiment. Elle l’avait vu viser en direction du camp. Elle avait même demandé à Derpy de la stopper. Mais Nicholaus avait été plus rapide. Lui avait repéré la traîtresse depuis leur arrivée. Peut-être même était-il au courant depuis le début que la licorne avait été envoyée pour tuer Luna.

En quelques minutes, elle avait perdu une amie, qui les avait trahis et était morte, perdu ses illusions sur Shadow, et à présent, elle s’apercevait que Drill était une Licorne du Soleil. Et ce, sûrement depuis longtemps. Elle avait toujours joué avec eux.

Flesh restait stoïque, mais ce devait être dur pour lui aussi. Windvision avait toujours pensé qu’il y avait une connexion spéciale entre eux deux, une complicité un peu folle qui les unissait bien plus solidement qu’une simple camaraderie entre militaires.

Nicholaus venait de balayer ça d’un revers de patte. Il avait brisé deux cœurs en quelques jours, et presque sans prononcer un mot.

-Dis-moi, fit Moonface à Nicholaus en montrant son flanc, orné d’un point entouré de trois espèces de part de fromage coupé à leur bout, c’est quoi ton talent, à toi ?

La licorne haussa les épaules et se retourna pour rejoindre les quartiers qui lui avaient été assignés. Moonface secoua la tête.

-A tous les coups, c’est celui de pourrir la vie des gens...

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On crevait de chaud ici. Définitivement, elle en viendrait presque à regretter les montagnes de son enfance. Gilda leva les yeux au ciel. Pas un nuage à l’horizon, juste une immense voûte bleue sans la moindre tache, au milieu de laquelle trônait un cercle jaune lumineux plus gros que la normale.

Il parait que pas mal de chercheurs se sont demandés pourquoi le soleil était plus gros et plus chaud au sud, quand il paraissait plus lointain et réchauffait moins au nord. Mais la griffonne s’en tapait. Elle avait juste envie de s’arracher les plumes, de virer cette foutue cape et de laisser tomber ce turban qui lui enlaçait la tête.

Ce qui l’aurait condamnée à mort, bien entendu.

Le métier d’assassin griffon n’était pas aisé, loin de là. Bien qu’Equestria restait un pays très ouvert, la rareté des voyageurs à plume attirait presqu’automatiquement l’attention sur eux, et en faisait généralement des coupables idéals lorsqu’un assassinat était commis. Donc il fallait développer sa technique, la préférée de Gilda restant la dissimulation complète. Pas question de se déguiser et de marcher au milieu de la foule, elle serait grillée immédiatement. Mais elle restait en planque, de sorte à ce qu’on ne se doute pas de sa présence avant qu’elle ne frappe. Et alors après, qu’on sache qu’elle avait commis le meurtre n’avait aucune importance.

Au pays des poneys, ça marchait plutôt bien. Il y avait profusion de villes, et les cibles se trouvaient généralement proches de zones de combat en ruine ou désertées, offrant un large panel de planques et de coupe-gorges depuis où frapper. Au besoin, elle avait juste à voler, les nuages la dissimulaient ou mieux, elle était prise pour un pégase.

Ce qui était hors de question chez ces crevures de zèbres. Tous terrestres, pas un nuage à l’horizon, et les bâtiments avaient rarement plus d’un étage. Et surtout, ça bourdonnait de vie. Les rayés n’ayant pas peur qu’une attaque subite viennent réduire leur village en cendre, ils passaient leur temps dehors, sauf aux heures les plus chaudes, lorsqu’ils s’enfermaient chez eux pour avoir un peu de fraicheur. Dans un cas ou dans l’autre, elle était la seule griffonne à des centaines de kilomètres aux alentours, et elle ne se faisait pas d’illusion sur l’impression qu’elle donnait.

Elle avait donc mis ses principes à la poubelle, et avait opté pour le déguisement. Heureusement pour elle, les zèbres arboraient souvent de grandes tuniques pour se protéger du soleil, et elle pouvait cacher ses formes. Elle avait tout de même dû opter pour une espèce de corset modifié afin d’éviter que ses ailes ne ressortent à travers le tissu, et l’étouffement continuel qu’elle subissait achevait de lui donner des envies de meurtre.

Ce qui tombait bien, au demeurant.

Elle avait même adopté la mode d’une tribu nomade du désert, les Touazèbres, et avait enroulé un turban autours de sa tête. Si on n’y regardait pas de trop près, on ne noterait pas son bec ni ses autres attributs de griffons, le sable qui recouvrait les rues étouffant les cliquetis de ses serres. Mais autant en finir aussi rapidement que possible.

Enfin, ça serait pour ce soir, au maximum. La griffonne savait où la licorne vivait, et les sécurités mises en place ne lui poseraient aucun problèmes. Ça serait du gâteau. Mais elle suivait quand même Fleur-de-Lys dans la ville, des fois qu’une ouverture se présentait et lui permette de rejoindre un climat auquel elle était adaptée plus rapidement. Présentement, la cible se baladait tranquillement dans la rue de la capitale des Royaumes, visitant les étals, discutant avec les marchands qui semblaient bien la connaitre. Elle était revêtue d’une tunique légère qui la mettait en valeur, et les mâles tournaient la tête à son approche. Pour une veuve qui commençait à collectionner les crins blancs, elle s’en sortait bien.

Même les quelques gardes qui se baladaient ne pouvaient pas s’empêcher d’avoir les yeux qui pivotaient, oubliant dans le même temps de remarquer un touazèbre à l’air étrange. Bref, la cible aidait l’assassin, et ça, c’était une chose que Gilda adorait dans certains contrats.

Fleur continua sa promenade, suivie à distance respectable par sa destinée, et traversa des rues moins peuplées. Bien, elle continuait de lui faciliter la tâche. Ou alors, elle l’emmenait droit dans un piège.

Gilda ralentit un moment pour porter une serre à son étui à couteau attaché à sa poitrine, et tira une des lames. Au moins, dans l’éventualité d’un piège, elle serait pr...

Soudain, elle se fit violemment bousculer par un zèbre qu’elle n’avait pas vu, arrivant en sens inverse. Le couteau lui échappa, mais elle le récupéra au vol, sortant un court un instant sa serre de sa cape. Elle leva les yeux vers l’autre équidé couvert de tissu gris qui s’éloignait déjà sans s’excuser, l’air absorbé par une chose dans ses sabots. Un livre, apparemment.

Gilda secoua la tête. Même ici, il y avait des malpolis. Il aurait au moins pu lui faire une petite rime d’excuse. Elle tourna à nouveau son regard dans la direction qu’avait prise Fleur-de-Lys, et vit la jument plus loin dans les ruelles. L’assassin accéléra le pas, ne perdant pas de vue sa cible. Soudain, la concentration de militaire dans les rues se fit de plus en plus importante. Gilda se mit à prendre des chemins détournés pour les contourner, se demandant ce qu’il se passait par ici.

Finalement, la réponse était assez évidente : ils venaient d’arriver en bordure d’une espèce de camp militaire, à l’emplacement d’un ancien square, où des dizaines de zèbres s’entraînaient, ainsi que quelques poneys bariolés. Et Fleur s’y dirigeait.

Et merde...

La licorne remarqua un terrestre rouge qui donnait des ordres aux zèbres présents, et l’appela. Les deux échangèrent quelques mots, puis le poney parla à un rayé et les deux Equestriens s’éloignèrent du terrain d’entrainement. Gilda les suivit et tendit ses ouïes.

-Vous vouliez me parler ? demanda l’étalon.

-Oui. J’aurais préféré que Big Macintosh soit présent, cependant.

-Il s’est accordé un petit congé. Plus exactement, se corrigea-t-il, je l’ai forcé à prendre une journée.

-Pourquoi donc ?

-Parce qu’il a retrouvé une vieille amie, et que je pense qu’il mérite d’avoir du temps pour la revoir.

Fleur regarda le sol.

-Oui, vous avez raison, cependant le temps nous manque. Je n’arrive toujours pas à comprendre les manœuvres de l’Empire, mais nous devons nous préparer à subir une attaque à tout moment.

-Êtes-vous sûre que nous la subirons ? demanda le poney.

-Je vous demande pardon ?

Le terrestre soupira.

-Toute cette préparation, je n’ai pas l’impression que nous la faisons juste pour défendre les Royaumes. Malgré le fait que ce soit totalement hors du traité qu’il a signé avec l’Empire Solaire, le Haut-Roi nous a donné carte blanche pour notre projet. Mais les formés insistent un peu trop lourdement sur les tactiques en territoire de plaines, sur les infrastructures solaires, ou des configurations de cités qui n’existent pas dans les Royaumes. Ils savent défendre leur désert, Fleur, mais j’ai l’impression qu’ils ne veulent pas se battre sur leur propre terrain.

-Vous craignez qu’Eliah ne veuille attaquer Equestria ?

-C’est plus que probable. Et peut-être même veut-il provoquer Celestia, avec cette histoire d’entrainement « spécial poney ».

Fleur se tut un instant, plongée dans ses pensées.

-Et est-ce véritablement une mauvaise chose ? Si avec l’aide des zèbres nous pouvions renverser Celestia et remettre Equestria dans le droit chemin, nous n’aurions rien perdu.

-Peut-être. Mais peut-on faire confiance au Haut-Roi ?

-Pardon ?

L’étalon haussa les épaules.

-Si les zèbres nous aident à reprendre le pays, il y aura une compensation à donner. Des terres, des avantages, je ne sais pas, mais il ne va pas menacer la vie de ses zèbres simplement pour la justice.

-Lieutenant Rainfall, de quel droit osez-vous parler de la sorte de notre hôte ?

Le militaire soupira.

-J’ai servi dans l’armée. J’ai vu des soldats mourir, d’autres tuer. J’ai entendu les commandants parler aux réunions stratégiques. J’ai été capturé, enfermé et torturé pendant des années. J’ai vu la face cachée d’Equestria, Fleur, et je doute que quiconque existant sur cette planète fasse quoi que ce soit par pure charité d’âme.

-C’est un triste mode de pensée.

-Sûrement. J’espère avoir tort. Mais le fait est qu’il veut nous faire croire qu’il veut uniquement défendre son pays, alors qu’il semble évident qu’il suit le dicton « la meilleure défense est l’attaque ».

Les deux poneys restèrent silencieux un moment, puis le lieutenant reprit :

-Mais vous vouliez me parler ?

-Oui. Une réunion est prévue avec Shining Armor, le Haut-Roi et le Maréchal Malhayk. Vous et le capitaine êtes conviés. Cette assemblée aura pour but de clarifier le statut de notre petite rébellion. Et nous pourrons toujours demander à notre hôte ce qu’il a derrière la tête.

-Très bien. Autre chose ?

-Non. Et vous, vous ne souhaitez pas prendre de congé ?

Rainfall sourit.

-J’ai eu le droit à des vacances tous frais payés dans les chambres du donjon de Canterlot, je ne vais pas me reposer maintenant.

Il salua la jument et s’éloigna vers le camp d’entrainement. Fleur resta un instant sur place, à contempler le militaire qui passait devant les gardes, avant de revenir vers la ville, suivie de près par Gilda. Elle se dirigea droit vers la grande structure blanche du château des zèbres, et passa le mur d’enceinte après avoir été identifiée par les gardes. Un sourire se dessina sur le visage de l’assassin, qui contourna le mur haut d’environs trois mètres. Une fois à distance, elle vérifia être hors de vue, et délaça son corset qui lui retenait les ailes. Elle prit immédiatement une immense bouffée d’air, et déploya ses membres emplumés, dont les articulations craquèrent. Une vague de plaisir lui parcouru l’échine. Enfin, elle pouvait se laisser aller !

Elle se ramassa sur elle-même et bondit, donnant un coup d’aile pour passer par-dessus la protection. Elle atterrit de l’autre côté, dans des jardins remplis de fleurs colorées et exotiques. Mais loin de se laisser distraire par les plantes bariolées, la griffonne se précipita vers l’imposant bâtiment, et fit quelques battements pour atteindre un balcon et s’y suspendre. Elle jeta un coup d’œil à travers les arabesques, puis se hissa dans la cursive qui bordait un grand jardin intérieur agrémenté d’une fontaine, et marcha rapidement, comptant mentalement pour estimer la position de la cible en ce moment. Une fois à l’intérieur du hall d’entrée, il lui serait impossible de prévoir sa direction.

L’avantage de ce palais était sa hauteur de plafond. Les zèbres aimaient en général les grands espaces, s’éloignant de toute sorte d’étouffement, et le palais répondait à cette tendance en s’étirant vers le haut. Gilda se propulsa dans les airs et atterrit sur les poutres de soutient. Puis elle se dirigea vers l’entrée du château en suivant les charpentes. Elles étaient d’ailleurs parfaites, car agencées de telle façon qu’elle n’avait pas à passer autour d’un morceau de bois vertical au milieu de son chemin. Il y avait toujours un moyen de contourner l’obstacle.

Comme si ça avait été pensé pour les assassins. Gilda sourit à cette idée. D’ici à ce que l’architecte qui avait pensé cette œuvre en voulait au dirigeant de l’époque...

Elle finit par atteindre l’interface entre le patio et le hall d’entrée, l’ouverture étant assez haute pour lui permettre de rester au plafond, hors de vue. Et elle vit sa cible se faire arrêter par la troisième alicorne, Cadence.

-Alors, comment se passe votre petite « rébellion » ? demanda la licorne ailée d’un ton tranchant.

Fleur se pinça les lèvres.

-Princesse, vous devez comprendre...

-Quoi donc ? Que votre cause est juste ? Que les enjeux méritent de mettre un pays et ses habitants en danger ? Que Luna vaut mieux que Celestia, et qu’il faut être prêt à sacrifier la paix entre nos deux contrées pour lui permettre d’accéder au trône ? J’ai déjà entendu ces arguments. Et je ne les approuve toujours pas.

L’alicorne soupira.

-Mais il semblerait que je n’ai pas mon mot à dire. Même Eliah a accédé à votre idée. Qu’y puis-je si tout le monde autour de moi semble prêt à retourner dans le feu des combats ?

-Princesse...

-Dites-moi, Fleur. Qu’avez-vous ressenti lorsque votre mari est mort ?

La gorge de la licorne se serra. Elle se souvenait parfaitement de ce qu’elle avait enduré lorsqu’elle avait appris le destin de Fancy Pants. Elle prit une inspiration, et dit :

- L’incrédulité. L’envie pressante de le voir. La douleur. La peine. Les regrets de ce que je ne lui ai jamais dit. Le doute quant aux dernières paroles que nous avons échangées : est-ce que je lui ai communiqué mon amour, ou mes derniers mots ont-ils été blessants ? La tristesse, qui augmente au fur et à mesure du temps, alors qu’on se rend compte à quel point sa maison est vide...

Fleur-de-lys se tut, maitrisant sa respiration qui commençait à trembler. C’était terminé depuis des années. Mais la douleur était toujours là, quelque part.

Cadence secoua la tête.

-Est-ce que vous me souhaitez la même chose ?

-Jamais !

-Alors pourquoi faites-vous tout pour me retirer mon mari ?

La licorne leva les yeux vers l’autre jument, choquée. L’alicorne détourna le regard.

-Je suis désolée.

-Cadence, que vous arrive-t-il ?

La Princesse soupira, contemplant un mur aux arabesques compliquées.

-J’ai peur. J’ai déjà trop perdu, et je vois la seule personne qui m’a permis de tenir s’éloigner de moi pour aider le Haut-Roi et vous-même à se préparer à combattre. La guerre m’a déjà pris mes tantes qui m’ont tout donné, ma demi-sœur que j’aimais plus que tout, et a réduit mon pays en cendre. Et aujourd’hui, j’ai peur qu’elle vienne me prendre celui qui possède mon cœur. Fleur...

L’alicorne se tourna vers la jument, et celle-ci voyait bien que la Princesse faisait de son mieux pour se maîtriser, sans arriver à empêcher quelques larmes de perler.

-...ne me l’enlevez pas. J’ai fui toute cette folie pour trouver même un ersatz de paix, où je n’avais plus peur, où je savais que ceux que j’aime sont en sécurité. Je n’ai pas envie que ce monde s’écroule à nouveau. Je ne le supporterais pas.

Fleur resta silencieuse un moment. Puis elle prit sa tunique entre ses dents et en déchira une bande, sous l’air surpris de l’alicorne, et plaça la bande sur les yeux de la Princesse.

-Me voyez-vous, Cadence ?

-Non. Qu’est-ce que...

-Ai-je disparu ?

-Fleur, à quoi rime...

-Répondez à ma question.

Cadence se pinça les lèvres, et répondit :

-Non, vous êtes toujours là.

Fleur acquiesça, puis donna soudainement un coup de sabot dans la poitrine de Cadence. L’alicorne poussa un cri de douleur, et arracha son bandeau.

-Fleur ! A quoi jouez-vous ?

-Ne pas me voir m’a-t-il empêché de vous faire du mal ? Non. Il en est de même de tout le reste. Nous pouvons nous voiler la face, nous dire qu’ici nous n’avons plus de problèmes, ces problèmes existent toujours, et nous font du mal. Vous n’avez pas vu votre terre, votre pays, depuis des années, Cadence. Ne me dites pas que vous n’avez jamais entendu parler de ce qu’il est advenu de Twilight Sparkle ?

-Je ne dis pas ça, mais...

-Imaginez les pensées de votre mari. Sa sœur est un monstre. Elle est de votre famille. Ainsi que le sont Luna et Celestia. N’avez-vous jamais souffert, durant votre exil, d’entendre parler de ce qu’elles font, de la haine qui les oppose ?

-Fleur...

-Vous pouvez mettre autant de distance que vous le voulez, Cadence, mais vous l’avez dit vous-même. Ils appartiennent à votre cœur, et privée d’eux, vous souffrez.

Fleur détourna les yeux.

-Si je fais tout cela, si Shining Armor participe à cet effort de guerre, c’est que nous ne voulons plus subir sans pouvoir rien faire. Quitte à souffrir, nous voulons que ce soit en tentant de regagner une véritable paix. Pour être honnête avec vous, Cadence...

La licorne se pinça les lèvres.

-...J’aurais préféré tirer moi-même la balle qui a tué mon mari, si j'avais su cela inévitable, plutôt que l’apprendre après, sans comprendre les raisons qui l’avaient mené à ça.

Fleur soupira.

-Maintenant, Cadence, j’aimerais savoir : si vous aviez une chance, même infime, même seulement une lueur impossible, de pouvoir remettre les choses en ordre, la prendriez-vous ?

La Princesse croisa le regard de la licorne, puis ferma les yeux.

-Je ne sais pas. Sûrement, oui. Mais je n’arrive pas à me faire à cette idée.

-Lorsque Fancy Pants m’a annoncé qu’il travaillerait en sous-marin pour les Lunaires, et que sa couverture serait de créer les pires horreurs qui puissent être dites en l’honneur de l’Empire, j’ai immédiatement su que c’était une mauvaise idée. Que ça allait le détruire. Mais je lui ai fait confiance, car j’ai vu la lumière au bout de ce tunnel. Et même s’il s’est effondré sur lui, même si aujourd’hui je regrette de l’avoir soutenu, je me dis qu’au moins, il est mort pour ce qu’il aimait. Shining Armor était le capitaine de la garde. Son travail était de se sacrifier pour son pays, et il s’apprête à recommencer. Le soutiendrez-vous, ou le laisserez-vous partir devant ?

-Bien sûr que je le soutiendrais !

-Alors faites-lui confiance. Faites-nous confiance.

Cadence baissa la tête, et s’assit sur le sol carrelé du hall d’entrée du château. Fleur commença à marcher, dépassant l’alicorne. Gilda se redressa sur sa poutre, étirant ses membres et ses ailes et étouffant un bâillement. Elle n’y croyait plus, à la fin de cette discussion.

Avant de quitter le hall pour accéder au jardin intérieur, Fleur s’arrêta un court instant, et dit :

-Au fait, j’aimerais aussi que vous réfléchissiez à une autre question.

Cadence leva la tête vers la ponette.

-J’ai beaucoup pensé à ce que nous faisons. A ses conséquences, aux futurs possibles. Et une idée folle m’a traversé l’esprit...

Fleur tourna la tête vers l’arrière.

-Seriez-vous prête à vous asseoir sur le trône, si la situation l’exigeait ?

Cadence entrouvrit la bouche sous la surprise.

-Ne répondez pas, déclara Fleur. Pas tant que nous n’avons pas à y répondre.

Puis elle sortit dans les jardins. Cadence resta sur place quelques instants, puis se releva et se dirigea vers la sortie du château.

Gilda suivit la licorne depuis les poutres, et prit une lame dans sa serre gauche. Fleur s’approcha de la fontaine au centre du parterre, et trempa son sabot dedans, pour ensuite se frotter le visage et se rafraîchir. Elle était de dos par rapport à l’assassin. Pas de garde ou de témoin en vue. L’instant parfait.

La griffonne se ramassa sur elle-même, déployant ses ailes, et bondit d’un coup vers sa cible, sa patte armée en avant. C’était trop facile.

Tout d’un coup, alors que son arme était à quelques centimètres de la nuque de la licorne, sa vision s’obscurcit soudainement, et elle sentit du tissu sur elle, qui lui bloquait la vue. Elle hurla un juron et tenta de se dégager, mais ressentit alors un contact froid sur sa gorge. Puis un éclair de douleur.

Sa vision se dégagea, et elle vit un zèbre finir un mouvement tournant avec sa tunique. Elle porta sa patte à son cou, et sentit un liquide chaud qui en coulait. Elle leva les yeux vers les deux équidés en face d’elle. Fleur s’était brusquement retournée, surprise et horrifiée par la scène qui se déroulait devant elle. A ses côtés se tenait en bipède un grand zèbre assez âgé, comme en témoignait sa barbe taillée grisonnante, un sabre ensanglanté au sabot, qui ne lâchait pas la griffonne de son regard d’acier. Il était enveloppé dans une tunique grise qui n’avait pas reçu une goutte de sang.

La première pensée qui traversa l’esprit de Gilda était que ce zèbre était un assassin, et un bon. La deuxième était qu’il devait être caché et au courant de sa présence depuis le début, et qu’il avait dû lui cacher la vue avec sa tunique.

La dernière, c’était qu’il devait sûrement s’agir de cet enfoiré qui l’avait bousculée tout à l’heure. Et au lieu de s’excuser, il la tuait.

C’est un concept.

Fleur vit le griffon s’effondrer à terre comme une poupée de chiffon, sa gorge émettant sans discontinuer un flot de sang qui se perdait dans la pelouse soignée du jardin. Elle posa un sabot sur sa bouche, maîtrisant la bile qui lui montait, et leva les yeux vers le zèbre à ses côtés, qui se remit à quatre pattes. D’où sortait-il ? Elle ne l’avait pas vu, ni l’hybride d’ailleurs, et voilà que deux créatures armées se livrait à un duel dans son dos.

-Que... Qu’est-ce qui se passe ici ?

L’autre lui jeta un regard sans émotion, et se baissa sur le cadavre sans prononcer un mot. Il découpa la tunique du griffon –qui se révéla être une griffonne-, et la retira, montrant l’impressionnant panel d’armes blanche de ce qui devait être un assassin.

Des gardes accoururent, demandant ce qui se passait ici. Mais en arrivant sur les lieux, ils stoppaient, et courbaient la tête.

-Maître Gardien, dit l’un d’eux. Que se passe-t-il ?

Le vieux zèbre ne répondit pas, se contentant de faire quelques signes. Les gardes acquiescèrent, et l’un d’entre eux disparu pendant que les autres patrouillaient dans la zone, fouillant les endroits où pouvaient se cacher d’autres tueurs. Et au milieu de tout cela, Fleur était complètement perdue.

-Mais il se passe quoi ici ? hurla-t-elle dans le vide.

-Cela me semblait évident, ma foi. Vous venez d’échapper à un assassinat.

Le Haut-Roi Eliah pénétra dans le jardin, encadré de quelques gardes, dont celui qui était partit sur l’ordre silencieux du vieux zèbre.

-Vous devriez remercier votre ange gardien, dit-il en désignant l’équidé en gris. Sans lui, vous n’auriez pu connaître demain.

-Je serais plus encline à le remercier s’il me répondait, argumenta la licorne.

-Il serait, j’en suis sûr, ravi de le faire. Mais il s’est condamné à se taire.

Fleur observa le tueur.

-Il est muet ?

-Disons qu’il a eu un accident Qui nous privera à jamais de ses mots chantants. Au passage, je vous présente Maitre Hashin, Et s’il est muet, son ouïe est encore fine.

Fleur se tourna vers l’autre zèbre.

-Je... Je suis désolée, Maître. Je vous remercie de m’avoir sauvée.

L’assassin hocha la tête, et reprit sa fouille du cadavre, extrayant de leurs étuis chacune des lames de la griffonne. Le Haut-Roi continua : 

-Je devrais peut-être vous éclairer pour que vous compreniez bien. Maitre Hashin ici présent possède le titre d’Ange Gardien. Cette fonction, il y a des millénaires instaurée Est le plus grand honneur auquel un zèbre du peuple peut accéder. Elle consiste en la protection de son souverain, Restant dans l’ombre, vivant comme un assassin. Il est notre ultime bouclier, le zèbre qui jamais ne dort, Et nous préserve à tout instant de la pire des morts. Maitre Hashin est tout cela et plus encore. C’est un ami fidèle à la famille, un conseiller et un mentor Qui a servi mon frère avant moi, Et mon père avant cela. Malheureusement, comme vous l’avez appris, Mon frère a voyagé en Equestria et y a perdu la vie. Maitre Hashin, qui n’avait pu l’accompagner, A immédiatement voulu se supprimer, Et la gorge s’est tranchée. Je passais à ce moment, et me suis précipité, Refusant de perdre en plus un ami, J’ai voulu qu’on le sauve à tout prix.

Hashin leva les yeux vers la pouliche, et souleva sa barbe, montrant une profonde cicatrice qui lui parcourait tout le pourtour de la gorge. Puis il se reconcentra sur sa tache.

-Il ne peut certes désormais plus parler, Mais au moins sert toujours à mes côtés. Pour en revenir à notre affaire, Un rapport est récemment arrivé d’une ville côtière Me prévenant de l’arrivée d’un griffon. Connaissant pour la chaleur leur aversion,
J’ai voulu qu’on enquête sur la présence de cet intrus, Qui jusqu’à notre cité est venu. Le goût meurtrier de certains griffons étant reconnu, J’ai demandé une enquête là-dessus. Hashin lui-même est allé voir, Et a découvert son objectif, à savoir Qu’elle vous suivait, et que vous étiez sûrement La cible de cet être malfaisant. J’ai demandé alors à Hashin de faillir à sa mission, Afin de vous accorder à vous sa protection. Aujourd’hui, il vous a sauvé la vie, Mais je pense qu’il y a bien pis.

A ce moment, Hashin se releva, et tendit à Eliah des objets que Fleur ne vit pas.

-C’est bien ce que je craignais. Monnaie Equestrienne, s’il en est. A n’en pas douter, une manœuvre des poneys colorés Pour d’une pièce en trop se débarrasser.

Eliah baissa la tête, réfléchissant un instant, puis la releva en regardant Fleur-de-Lys.

-Je sais que vous n’êtes pas idiote, madame, Et que vous avez sûrement remarqué les faits de mes armes. A vrai dire, j’avais jusqu’à présent du mal à me décider, Et cet acte arrive à point pour me lancer.

Eliah prit une inspiration.

-Je m’étais préparé à cela, Mais je doute encore que ce soit le bon choix.

-El... Haut-Roi, vous n’êtes pas obligé de...

-Mademoiselle Fleur-de-Lys, il est trop tard pour faire machine arrière.

Alors, nous y voilà...

-Désormais, continua Eliah, entre nos deux contrées...

---

-...c’est la guerre !

L’identité de celui qui avait prononcé ces paroles se perdit dans le brouhaha qui s’ensuivit, mélange de peur, de colère, d’incompréhension et d’indignation, autour d’une table sur laquelle trônait le journal de l’Empire, titrant sa première page sur le conflit déclaré entre Equestria et les Royaumes Zèbres de l’autre côté de l’océan.

-Vous nous aviez dit que les rayés n’attaqueraient pas, Prince ! fit une terrestre rose à la crinière violette sertie de mèches blanches. Qui sait à présent ce que va donner cette déclaration par rapport à notre plan !

-Calmez-vous, Lady Tiara, fit un étalon gris-bleu, derrière ses petites lunettes rondes, se servant un petit verre depuis la bouteille de bourbon qui trônait sur la table. Je suis sûr que tout ceci est prévu par n...

-Ah, vous, la ferme ! le coupa la jument, le faisant renverser son verre sous la surprise. Vous ne semblez pas vous rendre contre vers quel désastre nous nous dirigeons.

-Miss Tiara a raison, Jet Set, fit une autre licorne mâle bleue affublée d’un nœud papillon. Nous comptions sur le fait que Fleur-de-Lys empêche les zèbres d’attaquer réellement, de façon à ce que nos manipulations sur l’armée soient perçues comme une énième lubie paranoïaque de Celestia. Mais avec une véritable confrontation, l’inverse pourrait se produire.

-La question devient alors, dit une autre terrestre grise à la crinière tressée, de savoir comment profiter de ce revers du destin pour lancer notre action. Car si nous devons agir, c’est maintenant.

-Et comment ? s’insurgea Diamond Tiara. Nous pourrions allez dans la salle du trône et en retirer Celestia, mais même si nous y arrivions, que se passerait-il ensuite ? Nous serions vus comme des usurpateurs par cette même populace que nous avons tenté de mettre à notre botte, et nous ne tiendrions pas longtemps.

-Pourtant, Silver Spoon a soulevé une question intéressante, continua l’étalon bleu. Nous devons agir, et vite, ou nous taire à jamais.

-Nous pourrions nous présenter en protecteur du pays, renverser Celestia et arrêter le massacre avant qu’il n’ait lieu, proposa quelqu’un dans l’assemblée.

-Le Prince a-t-il une solution ? demanda Jet Set en se tournant vers la licorne blanche.

Tous les regards des conjurés convergèrent vers Blueblood, en milieu de table. Celui-ci était dressé les pattes avant sur le meuble, les yeux fixés sur le journal au milieu.

-Prince ? fit Silver Spoon.

Les membres de l’étalon tremblaient de rage, craquant le bois de son appui.

-Vous n’êtes qu’une bande de CRETINS ! hurla-t-il en ponctuant sa phrase d’un coup de sabot qui surprit tout le monde.

Il leva la tête vers les poneys présents, un profond sentiment de colère dans son regard.

-Vous n’avez jamais compris. Vous continuez de vous monter à la tête avec cette histoire de conjuration, à jouer les méchants comploteurs, alors que vous n’avez jamais servi à rien. Vous restez bien au chaud à l’abri, vous ne vous êtes jamais mis en danger. La seule chose que vous ayez fait pour cette entreprise, c’est m’amener vos fonds pour me permettre de mettre tout cela en place. Mais regardez les choses en face : vous n’avez jamais réellement contribué à cette conjuration.

Diamond Tiara se redressa vivement.

-Qu’est-ce qu’il vous prend, Blueblood ? Nous avons tous, ici présents, participé à votre projet ! Il est injuste que...

-Et en quoi exactement, la coupa le Prince, avez-vous « participé » à ce « projet » dernièrement, Miss Tiara ? En faisant votre « voyage d’affaire » à Manehattan ?

La terrestre pris un air choqué.

-Bien sûr ! Il était vital pour nous de nous assurer du soutiens des gangs encore présent...

-En les exaspérant à déballer votre luxe aux yeux de tous ?

Blueblood renâcla.

-Peu utile face à la mise en place d’une police renforcée qui agit « en prévision » d’actes malfaisants hypothétiques.

Le Prince sembla se calmer un instant, soupirant.

-Ne vous en voulez pas. Si vous n’avez eu en réalité qu’un rôle mineur, c’est que je l’ai voulu. Les enjeux et les implications de tout ceci vous dépassent complètement.

-Mais dans ce cas, dit Silver Spoon en se leva à son tour, pourquoi nous avoir impliqué là-dedans ?

-J’avais besoin de soutiens. D’alliés. D’argent, aussi, venant d’autres fonds que les miens, de sorte à ce que Sparkle ne se doute de rien. Au moment du renversement de ma tante, si j’avais été seul, j’aurais été condamné à l’échec. Mais avec vous derrière moi, je pouvais réussir. Certes, vous n’avez pas eu un véritable rôle à jouer, mais vous m’étiez toutefois indispensables. Et si vous vous inquiétez par rapport à ce que je vous avais promis, sachez que j’aurais respecté ma parole.

Un silence suivit cette déclaration. Les poneys de la haute société Canterlotienne s’entreregardaient, encore choqués par les révélations du Prince, et commençaient doucement à réaliser la justesse de ces paroles. Ils avaient été floués.

-Mais tout cela n’a plus d’importance, désormais. Nous n’aurons jamais l’occasion de finir ce que nous avons commencé...

-Ne dites pas cela, fit doucement Silver Spoon. Vous pouvez encore renverser la vapeur, et mettre fin à la tyrannie de Celestia.

-Qu’est-ce que tu racontes, Silver ? demanda Diamond Tiara. Blueblood nous considère comme des moins que rien ! Pou...

-Il se trouve que si j’ai rejoint cette assemblée, ce n’est pas pour les récompenses qu’il y avait au bout, Diamond.

La ponette grise posa son regard sur le Prince, qui releva la tête vers elle.

-Si je suis ici, c’est que j’ai véritablement envie que s’achève le règne de Celestia, et croyez-le ou non, ces dernières semaines m’ont appris que Blueblood pourrait très bien gouverner ce pays.

La jument replaça une mèche de crinière rebelle derrière son oreille, et ajouta :

-Je crois en vous, Prince.

Blueblood sourit d’un air grave.

-Je vous remercie, Silver Spoon. Mais si je vous ai traité de crétins... Ce n’est rien comparé à moi.

Son regard se perdit dans l’espace en face de lui.

-Je suis le pire crétin de cette assemblée. Pour être franc, j’ai toujours considéré qu’il n’y avait que deux personnes ici qui œuvraient pour notre projet...

Ses yeux divergèrent vers Crimson Brush.

-... et l’une d’entre elle ne se départit pas de son sourire depuis le début de cette réunion.

Blueblood se redressa, tandis que le général s’installait plus confortablement dans son fauteuil.

-J’ai été aveugle, général.

-Et pourtant, je ne me suis jamais considéré comme un grand espion. Mon terrain à moi, c’est plus le feu de la bataille...

Il haussa les épaules.

-...Ce qui explique sûrement pourquoi j’ai tout fait pour jeter de l’huile sur le feu de cette guerre qui couvait.

-Comment avez-vous pu tomber si bas, général ?

-Oh, c’est une longue histoire. Vous voulez l’entendre ?

Le sourire de Crimson Brush s’élargit.

-Puisque nous avons un peu de temps, je vais vous confier quelques petits secrets, ça vous permettra peut-être de bien cerner l’étendu de votre boulette. Pour commencer au commencement, disons que n’ai pas eu de chance au début de ma vie. Une mère morte dans un accident, un père amoureux qui m’a un peu laissé tomber par la suite, je vous passe les détails, je ne suis pas là pour vous faire pleurer. J’ai quitté mon foyer assez jeune, sans perspective d’avenir, juste un certain talent pour casser la figure à d’autres poneys. Et puis un jour, j’ai été sauvé. Par une affiche. Montrant le portrait de notre déesse-reine. Par curiosité, je me suis inscrit dans l’armée Solaire. Et c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à voir la lumière au bout du tunnel. J’étais doué pour ça. Quand la guerre s’est déclarée, ça a été mon nirvana. Et vous savez quel est le meilleur, dans l’armée de l’Empire ? Le silence.

Crimson s’adossa à son fauteuil, l’air pensif.

-Comme pour ce petit comité de rayés. Excès de zèle, on les a un peu zigouillés. Mais personne n’a jamais rien dit. Car le silence est roi.

Les yeux de Blueblood s’écarquillèrent sous l’horreur.

-Alors c’est vous... Pour la délégation zèbre...

-Pardon ?

-Vous avez assassiné l’ancien Haut-Roi !

-Possible, répondit le terrestre sans paraître sans préoccuper. De toute façon, ils doivent être en train de pourrir dans une forêt perdue. Idem pour les prisonniers hissant le drapeau blanc. Je ne supporte pas ceux qui pensent pouvoir affronter Celestia et se rendre sans en subir les conséquences. Et pour cela, on m’a nommé Colonel, au lieu de me passer devant une cours martiale. Oh, ils étaient tous plus ou moins au courant, mais comme personne ne parlait, personne ne pouvait rien prouver. Et ce ne sont pas les Licornes du Soleil qui me seraient tombées dessus.

-Vous êtes la honte de l’armée !

-Pire. Je suis Héros de Canterlot.

Brush joignit ses sabots.

-Sauf que voilà, après la Bataille pour sauver notre belle capitale et notre Princesse, le héros se faisait chier comme un rat mort. Vous avez déjà vu un rat mort ? C’est pas jouasse comme vie. Mais voilà que je surprends notre Prince ici présent à faire des cachotteries à notre maîtresse et son chien de garde. Alors, pour m’occuper, j’ai tenté d’établir le contact. Et c’est fou à quel point ça a été facile de vous faire croire que je voulais la déchéance de Celestia.

Crimson tira la langue d’un air dégoûté.

-Et à quel point ça m’a écorché la gueule de dire des choses pareil sur notre Déesse. Sérieusement, elle nous offre un moyen de vivre selon nos talents depuis des millénaires, et s’est même adaptée pour que les violents comme moi qui sont nés pour vivre dans le feu de la bataille puissent s’en donner à cœur joie, et vous, vous voulez la remplacer par le personnage le plus détesté d’Equestria. Même Discord avait plus de fans à son époque.

Le général renâcla.

-Vous n’êtes que des ingrats.

-Vous êtes un traître, Crimson Brush ! s’insurgea Silver Spoon.

L’étalon eu un air surprit.

-Moi, un traître ?

-C’est vous, les traîtres.

Les conjurés se figèrent à l’entente de cette voix. Tous la connaissaient, tous la redoutaient. Ils pivotèrent lentement pour faire face à l’unique porte de la salle, porte en travers de laquelle se tenait Twilight Sparkle.

-Ah, Miss Sparkle ! dit Brush. Je commençais à être à cours d’histoire pour les retenir.

-Il ne fallait pas vous inquiéter pour ça, répondit la licorne, je suis là depuis un certain temps. J’ai particulièrement apprécié le passage sur le « chien de garde ».

-Avec tout le respect dû, bien sûr.

-Bien sûr, répondit-elle en souriant.

Puis elle se tourna vers les conjurés. Son expression était terrible de froideur dans cette salle mal éclairée, et les cicatrices résiduelles de son visage accentuaient l’aura de terreur qui se dégageait de la pouliche. Elle fit un pas en avant, et des licornes en uniforme pénétrèrent la salle par dizaines, encerclant les conjurés sans leur laisser d’échappatoires alors que la Licorne Suprême parlait :

-Prince Blueblood, ainsi que toutes les personnes ici présentes, pour vos crimes parmi lesquelles la mise en place d’un complot, la préméditation d’un régicide et d’un déicide...

-Nous ne voulions pas la tuer !

-...d’une usurpation de pouvoir, de tentative de corruption envers des dignitaires de l’Empire, de meurtre commandité...

-Quel meurtre ? demanda Jet Set. Nous n’avons commandité aucun meurtre !

-La tentative ratée chez les rayés qui a déclenché cette nouvelle guerre, voyons, fit Brush en se levant et en rejoignant Twilight.

-...et d’action ayant mené à une nouvelle guerre...

-C’est vous qui avez mis tout cela en place, pas nous ! hurla Diamond Tiara.

La jument violette et Crimson ricanèrent doucement.

-Et vous pensez sincèrement que la presse en a quelque chose à foutre ? demanda le général en montrant le journal au milieu de la table.

-Dès demain, continua la licorne mauve, il titrera sur la découverte d’un complot visant à destituer Celestia...

-Le beurre.

-...qui a conduit à la manipulation du Héros de Canterlot et à la provocation des zèbres, ainsi que la mise en place des dernières mesures militaires...

-En gros, si l’Empire ne s’est pas encore démilitarisé, ça sera vu comme étant de votre faute. L’argent du beurre.

-...et enfin, il conclura sur votre totale implication dans les actions ayant mené le pays à la guerre.

-Ce qui nous dédouanera en ce qui concerne ce nouveau conflit, tout en restaurant la confiance des poneys, qui rejoindront les rangs de l’armée en masse et accepteront le combat. Ce qui fait une jolie croupe de crémière.

-Personne ne croira à votre histoire ! fit le Prince Blueblood.

Crimson Brush haussa les épaules.

-Nous verrons. Pas vous.

-Pour tous ces crimes, et par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare tous condamnés à mort. Exécution.

La salle s’emplit de flashs lumineux et de cris de souffrances, sous les sourires en coins des deux tortionnaires.

---

-C’est quoi la suite du plan ? demanda Brush.

-Vous, vous allez organiser la défense sur les côtes. Je ne veux pas que les zèbres posent un sabot en Equestria. De mon côté, je me charge de la propagande et de tous les détails « administratifs » pour assurer les renforts.

-Et une fois les rayés renvoyés à la flotte ?

-On trouvera bien un moyen de convaincre la Princesse que c’est une bonne idée de les suivre.

-Je pars tout de suite, alors. J’en ai marre des ronds de pattes de cette foutue ville, et je veux avoir un canon sous le sabot le plus vite possible.

-Je ne vous retiens pas.

Crimson fit un léger salut, et sortit de la pièce. Twilight resta un instant à contempler ce qui avait été le quartier général de la plus pitoyable assemblée de traîtres jamais vue sur ce monde.

Il ne me reste plus qu’à trouver un moyen de ramener Rainbow. Elle aurait dû avoir réduit cette espèce d’enfoiré en pièces depuis longtemps.

---

Ça fait un bail...

La ville n’avait pas changée. Toujours dans le même état. Juste un peu plus végétale. Et les corps n’étaient pas tous là. En fait, si, peut-être, mais pas à la bonne place. En tout cas, Shadow Stalker ne se souvenait pas d’avoir vu des cadavres se tenir debout au moment de mourir.

Et certains étaient trop frais. La Mort n’avait apparemment pas quitté Ponyville depuis le massacre.

Ici et là, le sniper retrouvait les traces de sang séché sur les murs, les sabres et autres lames laissées par ceux qui avaient décidé de punir l’hérésie dans le sang.

Hérésie...

C’était le cri qu’avaient poussé ces cinglés quand ils étaient passés à l’action. « Hérésie ! Hérésie ! Traîtres ! ». Et tout ça pour quoi ? Pour avoir écouté un discours. Un discours auquel personne n’aurait cru si le massacre n’avait pas eu lieu. Des paroles impossibles à relier à la réalité.

Luna avait pourtant été sincère. Elle était triste. Triste de devoir annoncer aux poneys que sa sœur avait définitivement basculé dans la folie. Triste de dire qu’elle voulait se séparer d’elle et créer un nouveau gouvernement. Déchirée quand elle avait prononcé le mot « sécession ».

Personne n’était parvenu à la croire. Tout le monde s’était regardé, sans comprendre. L’alicorne bleue nuit avait l’air fatiguée, elle avait des bandages qui pansaient des blessures cachées, mais surtout, on lisait dans son visage que chaque mot qui franchissaient ses lèvres lui infligeait une douleur atroce. Elle reniait sa sœur, sa famille, celle qui lui avait permis de revenir dans le monde.

Et puis, quelqu’un a crié le mot. Et là, tout s'était enchaîné très vite.

D’où est-ce que ces poneys sortaient leurs armes ? Avaient-ils prévu ce massacre avant même que Luna ne monte sur l’estrade ? Comment en était-on arrivé là ?

Aucune de ces questions n’avait eu d’importance à ce moment. Seule comptait la survie. Courir, fuir, trouver un abri, éviter les lames mortelles. Les armes à feu étaient sorties très vite. D’un côté comme de l’autre, fusils, pistolets, mitrailleuses, associés aux sabres, épées et lames de rasoir. Rapidement, un petit groupe s’est formé autour de la Princesse pour la protéger, dirigé par l’étalon noir qui était son garde du corps, Platinum Armor.

Ce fusil était tombé devant lui. Il ne s’était jamais considéré comme un combattant, mais cette arme l’avait appelé, l’avait attiré sans qu’il ne comprenne pourquoi. Il l’avait prise, comme s’il s’en était toujours servi. Puis il avait vu ce fanatique attaquer un poney du village, et le massacrer à coups de marteau. Il avait visé. Il avait tiré. Et sur son flanc était apparu une mire alors que le corps de l’ennemi s’écroulait à terre, tué net, le crâne percé d’un trou sanglant.

C’était le passé. On ne pouvait pas le changer. Mais aujourd’hui, Stalker regrettait cet état de fait.

S’il n’avait pas touché à ce fusil, il serait peut-être mort aujourd’hui. Ou il aurait fui, et serait resté un poney lambda, juste un peu lent à trouver son talent. Il n’aurait pas combattu treize ans aux côtés de Luna. Il n’aurait pas arraché Windvision à sa vie tranquille pour la plonger dans la guerre. Il n’aurait pas formé les Night-Ops, et embarqué les Lunaires à leur perte. Il n’aurait pas tué Rarity, ni Fluttershy. Il n’aurait pas fui tout ce temps la colère vengeresse de Rainbow Dash.

La chasse durait depuis Canterlot. Le sniper avait à peine pu s’écarter de la ville qu’il avait vu la traînée multicolore de la pégase s’envoler dans le ciel, à faire des rondes autour des murailles. Derrière venaient des longs traits de fumées électrisées, caractéristiques des Wonderbolts, ou de leur nouveau travail, les Faucons. L’unité avait été dissoute après la guerre, et l’étalon n’avait pas de doute quant à la cause de sa nouvelle formation. Ni Twilight ni Dash n’avait apprécié le double meurtre des Porteuses, quand bien même le second était un suicide assisté.

Et, que les Faucons étaient très bons en traque, que Shadow ait perdu son talent ou que l’amour que portait la pégase cyan à ses amies soit si fort qu’elle arrivait toujours à retrouver sa trace, ils étaient toujours derrière lui. Il avait bien tenté de les semer à Manehattan, mais les forces de polices présentes, sur les dents en cette période à cause de la recrudescence des gangs, l’avaient délogé. Il s’en était fallu de peu pour qu’il s’en sorte.

Pareil pour toutes les villes traversées. Soit qu’elles soient trop petites pour le cacher efficacement, soit que sa couverture craquelait en moins d’une journée, il devait toujours se retrouver sur la route.

Finalement, sa route erratique l’avait conduite ici. C’était assez ironique. C’était là qu’il avait commencé sa carrière.

Ça serait là qu’elle connaîtrait son paroxysme. Il ne pouvait pas se cacher ici, mais il en avait assez de fuir. Il ne se débarrasserait jamais de Dash. A moins de la tuer.

Je deviens un vrai spécialiste en traque des Eléments d’Harmonie.

Cette ville était parfaite pour tendre une embuscade. Les Faucons n’étaient pas plus d’une dizaine, un bon piège pouvait en dessouder quelques-uns et lui donner le temps de descendre les autres.

Stalker tripotait une balle qui traînait dans le creux de son sabot. Par contre, il tenait à avoir Dash lui-même. Il voulait être sûr qu’elle soit tuée de façon propre. Quitte à devoir tuer presque toutes les Héroïnes, autant leur éviter de souffrir.

Car après la pégase, sa mission ne s’arrêterait pas. Par curiosité, il avait jeté un œil dans la Carrousel Boutique, et la bombe que lui et ses soldats avaient placé là il y avait des mois ne s’y trouvait plus. Et parmi les cadavres récents affublés du triste sourire de l’ange, certains arboraient le symbole du crâne en forme de pomme. Applejack était passée par là, et avait emporté cette arme terrible. Il devait l’arrêter, stopper sa folie. Définitivement. Et enfin, il y avait Sparkle.

Au final, il n’y aurait que Pinkie Pie qu’il n’était pas sûr de devoir tuer. Et encore, c’est parce qu’il ne savait pas où la trouver, ni ce qu’elle était devenue.

Stalker avisa l’arbre-bibliothèque, à moitié mort et laissé à l’abandon. Ça serait l’endroit idéal pour avoir une bonne vision sur les arrivants. Il avait piégé la place centrale, où se trouvaient tous les cadavres, car il était sûr que les pégases s’y rendraient dès qu’ils l’apercevraient. Il abattrait alors Dash et déclencherait les explosifs.

Traqueur d’Ombres...

Il posa le sabot sur la poignée de la porte du bâtiment, mais ses oreilles se dressèrent. Il se retourna vivement pour abattre l’intrus qui se trouvait derrière lui...

...Mais beaucoup plus près qu’il ne l’avait estimé. Il eut soudainement le souffle coupé, et une douleur aigüe lui traversa la poitrine. Il fut incapable d’émettre un son, et se sentit soulevé, et plaqué contre la porte. Il ne touchait plus terre, maintenu contre la porte au niveau du torse. Il leva une patte tremblante vers l’objet qui lui dépassait du corps, une espèce de pieu en bois.

Il toussa et des gouttelettes de sang traversèrent l’air et aspergèrent le poney qui se trouvait en face de lui. Stalker leva doucement la tête vers celui qui l’avait empalé, et rencontra un masque blanc, sans expression, le masque d’Heartless.

Sa vision se troubla, et il ne distingua pas la lame que tenait le meurtrier, ses sensations s’étaient déjà évanouie quand elle pénétra dans sa bouche.

Shadow Stalker mourut avant que Pinkie ne commence à lui tailler les joues.

---

-Hum, c’est crade.

Spitfire tapota du bout du sabot le pieu en bois enfoncé dans le corps.

-C’est lui ? demanda-t-elle en levant les yeux vers son leader.

Rainbow Dash observa le cadavre empalé, sa robe rouge et sa crinière noir en bataille. Elle s’approcha de lui, et lui ouvrit une paupière, dévoilant son œil à l’iris vert.

-On dirait bien, dit-elle.

Alors c’est ça, l’assassin de Rarity et Fluttershy ?

Elle pencha la tête pour mieux apprécier l’individu accroché à la porte. C’était un militaire, ça ne faisait aucun doute, sa musculature et ses cicatrices faisaient foi. Et à en juger par sa Marque, c’était bien un sniper.

Jusque-là, ça concordait.

Ce qui concordait moins, c’était sa tête.

Son âge, surtout. Il devait être plus jeune que Rainbow, et franchement, si ce n’était cet horrible sourire factice qui le défigurait, il n’avait pas l’air bien méchant. Ou alors, c’était la mort qui lui donnait cet air paisible, mais la pégase se l’était imaginé bien différemment. Plus vieux, pour commencer, le visage plus dur, ou limite psychopathe, enfin bref, un tueur.

Là, elle avait juste un soldat de base empalé sur un mur.

Et c’était ça, le monstre qui traquait ses amies ? C’était ce type qu’elle poursuivait depuis Canterlot ? Elle avait vu des portraits, mais ils n’étaient pas très précis. Etrange, d’ailleurs, vu qu’il avait été pensionnaire du donjon un certain moment.

Un sourire se dessina sur les lèvres de la pégase. Elle tenta de se retenir, y parvint un moment, mais finalement elle éclata de rire. Un fou rire franc, impossible à arrêter. Les autres poneys ailés s’entreregardèrent, interloqués. Puis Spitfire sourit à son tour, et pouffa. Puis finalement, elle se laissa aller à rire avec Rainbow. Les autres ne comprenaient toujours pas, mais cette joie était communicative, après les pressions de ces derniers jours, et rapidement tous les Faucons rejoignirent le mouvement.

Non loin de là, sur un toit, un poney capé enleva son masque pour mieux voir l’endroit où se trouvait le groupe quelques secondes auparavant, et qui avait disparu. Puis il sourit à son tour et sauta du toit pour s’évanouir dans la ville.

Rainbow commença à se calmer, et se rendit compte qu’elle avait pleuré. Elle s’essuya les joues et renifla, levant les yeux vers le cadavre. C’était trop con. Il avait survécu à elle-ne-savait-quoi, infiltré le château, échappé à une poursuite, pour finir là, cloué comme un papillon chez un collectionneur. La vie était cruelle, parfois.

La pégase passa un sabot sur les joues ouvertes du corps. Les paroles de Fluttershy lui revenaient en mémoire, des paroles sombres, tristes, évoquant une folie atroce et cruelle qui s’était emparée de la ponette rose adepte des fêtes. Aujourd’hui, ces paroles le lui semblaient plus si terribles. Pinkie Pie avait vengé ses amies.

Rainbow regarda au loin, dans les rues désertes de Ponyville, et dit :

-Merci, Pinkie.

Et, dans son for intérieur, elle pouvait entendre la voix sautillante répondre : « De rien Dashie ! ».

Rainbow tourna le dos à l’arbre-bibliothèque, et fit un signe de tête à sa seconde. Spitfire confirma, et sortit un briquet de sa veste. Elle ouvrit le clapet, alluma la mèche, et approcha la flamme de la porte. Le vieux bois pourri s’embrasa immédiatement, et le feu se répandit rapidement à toute l’ancienne propriété de Twilight, brûlant les livres, les meubles et le corps sans aucune forme de discrimination.

Spitfire, elle, referma son briquet et le remit dans sa veste. Elle leva les yeux, et rencontra le regard interrogatif de Thunderlane. Elle haussa les épaules.

-Y’a que dans les films de gangster que les mecs peuvent se permettre de jeter un Zippony. C’est précieux ces trucs-là !

Le coin de la lèvre du pégase gris se souleva, et ils s’envolèrent pour suivre les autres Faucons dans le ciel. Spitfire se rangea aux côtés de la pégase cyan, et lui jeta un coup d’œil discret. Elle avait les yeux fixés sur l’horizon, comme perdue dans ses pensées.

Rainbow avait une impression étrange. Elle se sentait... légère, comme si un poids s’était enlevé de sa poitrine. Pourtant, rien n’avait changé. Deux de ses amies étaient mortes, une autre massacrait des innocents aux quatre coins du pays, une vivait tel un fantôme dans des ruines en jouant avec les cadavres qui y traînait, et la dernière n’avait sûrement pas retrouvé sa morale le temps de la chasse.

Elle n’avait même pas tué cet assassin. Elle n’avait pas pu lui parler, lui jeter toute sa haine au visage, s’acharner sur lui jusqu’à ce qu’il demande pitié. Elle n’avait pas pu lui demander pourquoi. Mais tout cela ne valait plus rien à ses yeux. Les deux seules de ses amies qui n’avaient pas leur place dans ce monde étaient parties, et leur meurtrier avait été puni. Les engrenages recommençaient à tourner dans le bon sens.

La pégase plana un instant, se laissant porter par les courants d’air chauds. Elle n’avait plus envie de penser. Elle n’avait plus envie de réfléchir. Pourtant, des tas de questions se pressaient dans son crâne : pourquoi les avait-il tuées ? Comment, de Canterlot, était-il allé retrouver Rarity, puis était revenu comme une fleur pour assassiner Fluttershy ? Où se trouvait la licorne, d’ailleurs, dans quel état était son corps ?

On avait retrouvé le cadavre disloqué de Fluttershy en bas du flanc de la montagne. C’était hideux. Rainbow avait vu suffisamment d’horreur dans sa vie pour ne pas être choquée facilement, mais là, voir son ancienne amie dans cet état... En réalité, si elle n’avait pas su de qui il s’agissait, elle aurait refusé d’y croire.

La pégase leva les yeux au ciel. Chasser ces pensées. Elles n’avaient plus d’importance. Bientôt, il lui faudrait se mettre en chasse pour traquer Applejack, et terminer le combat interrompu par le grand frère de la terrestre. Mais maintenant, elle voulait se vider la tête.

Et elle ne connaissait qu’un seul moyen pour cela.

D’un coup d’aile, elle s’éleva, et continua son ascension, haut, très haut. Elle se rapprocha de la couche nuageuse sous le regard curieux de ses camarades, et pénétra dans un gros cumulus, se dérobant à leurs yeux. Elle continua de monter, battant des ailes, jusqu’à percer l’amas d’eau gazeux, et se retrouver au-dessus de tout. Plus haut, il n’y avait que le vide, et partout, de tous les côtés, elle pouvait voir Equestria comme une carte.

Il faisait froid à cette altitude, mais elle n’en n’avait cure. Ce vide lui lavait l’esprit. Elle était née pour ça, pour voler, ne pas réfléchir, foncer, se laisser porter par la vie.

C’était paradoxal, d’ailleurs. La guerre, avec son lot de soldats décérébrés et de justifications plus que douteuses sur les raisons de tuer son prochain, entraînait, du moins chez elle, d’intenses réflexions, sur elle, sa vie, le monde, ses amies...

Encore quelques années, et mamie Dash pourrait donner des cours de philo.

Cette pensée la fit sourire. S’il y avait une « mamie Dash » un jour. Ses pensées divergèrent vers d’hypothétiques petits-enfants. Elle n’avait même pas de petit ami, et n’en n’avait jamais voulu. Quand on y repensait, aucune de ses amies n’avait vraiment quelqu’un pour les pleurer à leur mort. Pinkie et Fluttershy étaient isolées dans leur bois, Twilight n’avait d’yeux que pour sa princesse, Applejack... Mettait sûrement trop de cœur dans sa tâche de tuer, comme au temps de son service chez les Lunaires. Rainbow ne savait pas pour Rarity, mais elle doutait qu’elle laissait quelqu’un derrière elle.

Une belle brochette de vielles ponettes aux chats.

Les yeux de la pégase captèrent les autres Faucons qui continuaient leur route, sûrement sur l’impulsion de Spitfire. L’ancienne idole de l’Héroïne avait ses défauts, mais on ne pouvait contester son leadership et sa connaissance de Dash. Elle savait quand et quoi ordonner quand la porteuse d’Elément n’était pas dans le coin. Et s’il y avait une personne en qui Rainbow Dash pouvait avoir confiance, c’était bien elle.

Ce qui conduisait peut-être aux rumeurs qu’on entendait parmi les personnes proches des Faucons. La pégase était parfaitement au courant de ce qui se disait, et pour être honnête, elle n’avait aucun mal à y accorder crédit. Mais que Spitfire ait pour elle la même fascination que l’Héroïne quelques années plus tôt lui semblait étrange. Surtout qu’elle n’avait jamais vraiment cessé de la considérer, quelque part, comme quelqu’un de supérieur.

Enfin, la même fascination... Ce n’était un secret pour personne que Spitfire avait un penchant pour la chair. Autant celle brisée, sanglante et soumise à sa volonté que celle haletante, en sueur, et soumise à sa volonté. Dash, elle n’allait pas aussi loin.

Peut-être était-ce ce qui lui manquait pour s’empêcher de se triturer l’esprit. Vivre à fond les choses, sans limites, sans se soucier des conséquences.

Rainbow contempla les pégases en contrebas, son regard se posant sur le bolide jaune qui les dirigeait.

Et si... ?

La pégase ferma les yeux et secoua la tête. Elle verrait ça au calme. Pour le moment, elle avait une envie. Une pulsion. Une chose qu’elle n’avait pas faite depuis longtemps, pas de la façon dont elle voulait en tout cas. Ce qui la démarquait, ce qui la rendait spéciale, qui lui avait donné sa place dans le monde quand il n’était pas encore parti en couille.

Rainbow plia les ailes, et commença à se laisser tomber, les yeux clos. Le vent commençait à charrier ses plumes et ses poils, et elle sentait sa crinière lui fouetter le visage, au fur à mesure de son accélération. Ses ailes étaient plaquées contre son corps, ses pattes repliées contre elle dans une étreinte esseulée, et elle pointait son museau dans la direction de la chute.

Puis elle ouvrit les yeux, et déploya ses ailes, pour donner une nouvelle impulsion. Sa vitesse augmenta encore, et recommença le mouvement, encore et encore. Elle tendit une de ses pattes devant elle, et commença à voir un cône blanc d’eau condensée qui lui tournait autour formant comme un bouclier. Un bouclier qui se rétrécissait à mesure qu’elle accélérait, tandis que les yeux de la pégase commençaient à pleurer sous les assauts du vent.

Et finalement, l’explosion.

Elle sentait autour d’elle l’atmosphère changer, l’air s’écarter d’elle, et elle fit un large demi-tour pour observer son œuvre. Un disque assez large pour posséder le spectre de la lumière diffracté par l’explosion qui s’étendait à l’horizontale, et une longue traînée arc-en-ciel qui poursuivait la pégase, témoin coloré de son exploit.

Elle avait fait un Sonic Rainboom.

Pas un Rainnuke. Un Rainboom. Personne n’était mort, rien n’était détruit, c’était juste pour la beauté. D’ici, rien ne montrait le potentiel destructeur de cette chose. Il n’y avait rien que ce disque dans le ciel, et la satisfaction de l’avoir créé, au lieu de la culpabilité et du regret.

Ça faisait tellement longtemps...

Les autres Faucons s’étaient arrêtés sur un nuage quand ils avaient vu ce que préparait leur chef. Et ils admiraient.

Rainbow Dash anuagit à côté de Spitfire, qui sourit à son arrivé.

-Et qu’est-ce qui nous vaut l’honneur ?

-Mes amies reposent en paix, répondit la pégase cyan. C’était juste un petit message d’adieu.

-J’aimerais bien en avoir un pareil.

-Je préférerais pas avoir à t’enterrer comme ça.

Là-haut, le disque et la trainée multicolore s’estompaient déjà, laissant le ciel reprendre son aspect normal.

-En parlant d’enterrer, continua Rainbow Dash, j’aurais aimé qu’on retrouve le corps de Rarity.

-Il n’était pas à Canterlot ?

Rainbow haussa un sourcil et tourna la tête vers Spitfire en disant :

-Non pour...

Elle s’interrompit quand elle vit que la pégase jaune feu se mordait la lèvre. L’ancienne Wonderbolt porta son regard vers elle, mais c’était trop tard. Elle avait merdé. L’air de Rainbow se fit plus accusateur :

-Pourquoi est-ce que le corps de Rarity devrait se trouver à Canterlot ? Elle s’était enfuie à la fin de la bataille...

Le regard de Spitfire se décala vers derrière la pégase cyan, qui se tourna pour voir les autres Faucons, désormais mal à l’aise. Rainbow baissa la tête, et dit, d’une voix lourde de menace :

-Vous me cachez quelque chose ? Tous ?

-Général, fit Thunderlane, nous...

-Laisse, le coupa Spitfire.

La pégase planta ses yeux dans ceux de Rainbow Dash. Celle-ci commençait à trahir une colère sourde qui lui remontait dans tout le corps. Spitfire, elle, sentait comme un nœud se former dans son estomac. On pouvait dire ce qu’on voulait, l’autre ponette savait être intimidante quand elle le voulait. Surtout quand elle paraissait sur le point de vous tuer.

Spitfire prit une inspiration, et dit :

-La licorne était à Canterlot. Nous l’avons capturée.

Les yeux de Rainbow s’écarquillèrent, et sa bouche s’entrouvrit. Le capitaine enchaina :

-Nous avions promis de ne rien dire pour ne pas te perturber. Nous l’avons amené à Sparkle après la bataille de Canterlot.

-Et où était-elle ? Qu’est-ce que Twilight lui a fait ?

-Je...

Spitfire hésita un instant.

-Je ne sais pas. Sûrement la même chose que d’habitude.

Les yeux de Rainbow dévièrent dans le vague, alors que l’horrible vérité était mise à jour.

Rarity ne s’était jamais enfuie. Elle avait été cachée tout ce temps dans les bas-fonds de Canterlot.

Et si... et si Twilight l’avait torturée ? La licorne n’avait jamais caché sa déception que certaines de ses amies avaient préféré l’ennemi. Elle l’avait peut-être brisée, comme elle savait si bien le faire. Les pires images commençaient à envahir l’esprit de la pégase. Des images de la licorne blanche hurlant dans les ténèbres, maculée de son propre sang, et Twilight, en face d’elle, lui assénant des paroles qui la détruisaient mentalement.

Et si...

Et si c’était Twilight qui avait tué Rarity ?

Elle avait eu la licorne pour elle toute seule. Elle était le seul témoin de l’assassinat de Fluttershy. Et si toute cette histoire de « tueur d’Eléments » était bidon ?

Quoiqu’il en soit, Twilight avait tué Rarity. Directement ou non.

Et les Faucons la lui avaient apporté sur un plateau, sans jamais rien dire à la pégase.

Ils lui avaient mentis.

Rainbow leva soudainement les yeux vers la pégase de feu, et se jeta sur elle. Avant que le capitaine puisse réagir, l’Héroïne lui écrasa son sabot dans le visage, la renversant en arrière. Spitfire tomba sur le dos dans le nuage cotonneux, et Rainbow se mit au-dessus d’elle, lui bloquant fermement les pattes. La rage se lisait dans ses yeux en larmes.

Puis elle tordit sa tête pour dégainer son sabre entre ses dents, et poussa un cri en plongeant la lame vers la pégase au nuage.

Spitfire ferma les yeux.

Et attendit un moment. Elle sentait la respiration lourde de Dash juste à côté de son oreille, ses poils qui lui frôlaient la poitrine, ses sabots qui lui interdisaient tout mouvement. Elle se risqua à ouvrir un œil, pour tomber juste sur l’un des iris rose de son chef. Un œil magnifique.

Dans cette position, Spitfire sentait ses pulsions qui remontaient, mais les refoula aussitôt. Ce n’était pas le moment de fantasmer.

-Dash...

La pégase cyan se releva, et s’écarta de son second. Cette dernière tourna la tête sur le côté, pour se retrouver museau-à-lame avec le sabre planté dans le nuage, très, très prêt. De dos, Rainbow lui dit :

-Au moins, vous ne l’avez pas tuée...

La pégase leva le museau au ciel. Un temps passa, une minute qui sembla très longue aux yeux de ceux qui restaient suspendus à ses lèvres. Spitfire se releva, essuyant le sang qui commençait à lui couler de la bouche.

Puis Rainbow se retourna lentement. On voyait encore les sillons des larmes sur ses joues, mais elle affichait un air dur, déterminé.

-Que ceux qui le veulent rentrent à Canterlot maintenant.

Les pégases s’entre-regardèrent, se demandant le sens de cette question. Puis ils commencèrent à comprendre. Et pas un seul ne bougea. Au contraire, ils fixèrent leur regard sur leur général, leurs visages fermés. Spitfire prit le sabre entre ses dents, le retira du nuage, puis elle s’approcha de l’Héroïne et le lui présenta. Rainbow sourit, puis le prit et le rengaina. L’ancienne Wonderbolt lui rendit son sourire, et dit :

-Nous sommes des pégases. On va pas rentrer la queue entre les jambes pour obéir à une licorne quand on peut enfin avoir un peu d’action.

Elle soutint le regard du leader des Faucons un instant, puis Rainbow se détourna et déploya ses ailes. Elle tourna sa tête de façon à pouvoir parler aux poneys derrière elle :

-Alors venez. On va montrer à ces licornes ce qui arrive quand on met des pégases en colère.

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fredericdu2375
fredericdu2375 : #40233
Gab10 septembre 2015 - #27732
C'est bizarre je trouve... Cette manière de se débarrasser du perso principal (d'après moi).

A moins qu'il finissent par ressusciter miraculeusement (magie de Luna)... Mais j'ai peut être trop d'espoir... Sinon, j'aimerai savoir combien de chapitre il reste en tout (à chaques fois que je pensai que ça se finissait, tu publiait dix autres chapitres en cour d'écriture). Et aussi savoir si je pouvais exploiter ton univers pour une éventuelle fic (pas sûr qu'elle soit faite). Ça parlerait du Doctor Whoove qui créerai une machine à remonter dans le temps pour changer le cour de la guerre (Pas du tout inspiré de Red Alert, lol) et peut être d'autres fics.
ca serait pas mal du genre quoi assassiner celestia ou faire en sorte qu'elle reste une bonne personne
Il y a 2 ans · Répondre
mégabuilder
mégabuilder : #39612
tuer le perso principal c'est osé
Il y a 2 ans · Répondre
ironponymaiden
ironponymaiden : #27739
Gab10 septembre 2015 - #27732
C'est bizarre je trouve... Cette manière de se débarrasser du perso principal (d'après moi).

A moins qu'il finissent par ressusciter miraculeusement (magie de Luna)... Mais j'ai peut être trop d'espoir... Sinon, j'aimerai savoir combien de chapitre il reste en tout (à chaques fois que je pensai que ça se finissait, tu publiait dix autres chapitres en cour d'écriture). Et aussi savoir si je pouvais exploiter ton univers pour une éventuelle fic (pas sûr qu'elle soit faite). Ça parlerait du Doctor Whoove qui créerai une machine à remonter dans le temps pour changer le cour de la guerre (Pas du tout inspiré de Red Alert, lol) et peut être d'autres fics.

1/ Se débarrasser de ce personnage, disons qu'il fallait être là au moment de l'écriture pour comprendre ce qui s'est passé. Ensuite, le concept même de destinée manifeste est contraire au projet de PWC. Dès le moment où on pouvait penser que Stalker allait tuer tous les Eléments, il y avait un problème.

PWC avait pour objectif d'être une fic avec des personnages à un point de vie. Pour le bien de la narration, certains ont la peau un poil plus dure que les autres, mais faut pas déconner. Y'a pas de héros, et c'est pas parce qu'on est important qu'on est immunisé contre la mort.

2/ Y'a un moment dans la fic qui t'as laissé penser que je suis quelqu'un qui ressucite ses personnages ?

3/ Voyons, comme si c'était drôle de dire quand la fic se termine. Mais ça se verra, t'inquiète.

4/ Oui, si tu veux. A vrai dire, je contrôle plus vraiment ce qui se fait sur PWC. L'idée me parait pas forcément aller avec le ton de l'univers, mais je vais pas mettre des bâtons dans les roues de la création.
Il y a 2 ans · Répondre
Gab
Gab : #27732
C'est bizarre je trouve... Cette manière de se débarrasser du perso principal (d'après moi).

A moins qu'il finissent par ressusciter miraculeusement (magie de Luna)... Mais j'ai peut être trop d'espoir... Sinon, j'aimerai savoir combien de chapitre il reste en tout (à chaques fois que je pensai que ça se finissait, tu publiait dix autres chapitres en cour d'écriture). Et aussi savoir si je pouvais exploiter ton univers pour une éventuelle fic (pas sûr qu'elle soit faite). Ça parlerait du Doctor Whoove qui créerai une machine à remonter dans le temps pour changer le cour de la guerre (Pas du tout inspiré de Red Alert, lol) et peut être d'autres fics.
Modifié · Il y a 2 ans · Répondre
ironponymaiden
ironponymaiden : #27704
Gab09 septembre 2015 - #27672
Stalker était sûrement le perso principal de ton histoire. Et là, il vient de mourir bêtement, assassiné par Pinkie. Je trouve cette mort bien trop rapide (et stupide pour un type qui "traque des ombres", il aurais au moins du entendre Pinkie venir, et peut être faire un affrontement Pinkie-Stalker ou Stalker aurait gagné, supprimant un élément d'harmonie en plus avant de s'enfuir) et je m'attendais à ce que le personnage meurt à la fin du récit, peut être en affrontant la Licorne Suprême, ou face à Nikolaus.

T'as l'impression qu'un personnage important est mort de façon rapide et anti-climatique ? Qu'une destinée manifeste a été coupée en plein élan en quelques lignes, dans l'indifférence générale de l'univers ?

Bien. C'est exactement l'effet recherché.
Modifié · Il y a 2 ans · Répondre
Gab
Gab : #27672
Stalker était sûrement le perso principal de ton histoire. Et là, il vient de mourir bêtement, assassiné par Pinkie. Je trouve cette mort bien trop rapide (et stupide pour un type qui "traque des ombres", il aurais au moins du entendre Pinkie venir, et peut être faire un affrontement Pinkie-Stalker ou Stalker aurait gagné, supprimant un élément d'harmonie en plus avant de s'enfuir) et je m'attendais à ce que le personnage meurt à la fin du récit, peut être en affrontant la Licorne Suprême, ou face à Nikolaus.
Modifié · Il y a 2 ans · Répondre

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