L’odeur du sel. Le son du flux et du reflux. Les cris des oiseaux marins qui batifolaient dans le ciel. Le vent qui s’infiltrait dans les fentes creusées à même le béton. Juste cette sérénité omniprésente, ce calme qui engourdissait les sens, et faisait tendre les esprits à la paresse et au repos.
Ce qui peut être problématique quand on était sentinelle.
Snips releva la tête, les yeux encore rouges de son réveil, plissant les paupières afin de ne pas être ébloui par la lumière du soleil qui passait par l’ouverture du bunker. Il tourna lentement le cou, se rappelant progressivement où il était et ce qu’il faisait là. Il était dans un des nombreux bunkers surplombant les plages côtières d’Equestria, protégeant et surveillant la mer à l’un des points faibles de la défense maritime du pays. Si les falaises étaient relativement sûres, les plages de sable fin, très agréables pour passer l’été au demeurant, étaient de véritables portes ouvertes pour des ennemis trop entreprenants.
Les bunkers étaient là depuis longtemps, la plupart ayant été vidés au fur et à mesure des années. A quoi bon surveiller une frontière à peu près sûre quand le plus gros danger venait de l’intérieur ?
Enfin ça, c’était la situation il y avait encore quelques mois. Avant la défaite des Lunaires. Et depuis peu, le général Crimson Brush avait redéployé une grande partie des troupes dans la zone, et réinvesti les casemates en béton abandonnées. La raison tenait en peu de mot. Les zèbres étaient entrés en guerre. Tout ça à cause d’un foutu Prince et d’une tentative de putsch heureusement étouffée dans l’œuf. Mais le mal était fait. Equestria allait de nouveau connaître une période de violence, alors qu’elle se remettait péniblement des cicatrices de la guerre civile.
Snips aimait son pays. Il aimait sa Princesse, et se pliait volontiers à ses commandements, surtout si ceux-ci impliquait d’aller jouer au héros à défendre l’honneur de sa contrée contre des envahisseurs étrangers. Sa petite amie, elle, était moins enthousiaste à cette idée. Elle l’avait accusé de s’embarquer une nouvelle fois bille en tête dans un nouveau fanatisme sans réfléchir. Comme si on pouvait comparer son adoration pour la Princesse Celestia avec celle qu’il avait eu pour la Grande et Puissante Trixie !
D’ailleurs, elle était passée où, celle-là ? On n’en avait plus aucune nouvelle depuis sa fuite de Ponyville.
La petite amie de Snips s’inquiétait beaucoup pour lui. Elle lui reprochait de toujours écouter le premier qui parlait sans peser le pour et le contre. Elle craignait qu’il ne soit trop réceptif à la propagande. Quelle idée ! S’il s’était engagé dans l’armée, c’était pour défendre son pays. Pas parce qu’une affiche lui avait tapé dans l’œil au marché. Et c’était une coïncidence si elle demandait de s’engager pour défendre son pays.
Cette histoire de propagande avait quand même failli mal finir. La pouliche avait menacé de le quitter s’il entrait dans les Licornes du Soleil. Heureusement, il avait été recalé. Il n’était pas sûr qu’il s’en soit sorti aussi bien sans elle. Mine de rien, elle lui était précieuse. Oui, Snips était peut-être un peu impulsif, et elle l’aidait à garder ses distances. Et pour la remercier, il allait empêcher des vilains zébrés de mettre Equestria à feu et à sang. On racontait des choses horribles sur ce qu’ils faisaient aux prisonnières et aux juments, au réfectoire. Il ne laisserait pas ça arriver.
Il tourna la tête vers le fond du bunker. Dans un ronflement léger, un grand poney malingre dormait affalé sur une table, la tête pendante. Comment Snails était arrivé dans cette position, le petit poney toujours un peu enveloppé malgré les exercices réguliers que l’armée l’obligeait à faire ne cherchait même pas à le savoir.
Snails était un ami. Un vrai. Pas toujours très malin, c’était vrai, mais à cela, Snips compensait par sa réactivité. Qui elle aussi était absente chez l’équidé jaune-orangé. Mais il était d’une fidélité à toute épreuve, ne cessant jamais de soutenir le petit poney dans ses projets, même les plus fous. Et quand il était question de laisser sa femme derrière lui pour s’engager en même temps que Snips afin de ne pas le laisser aller seul au-devant du danger, il n’avait pas hésité une seconde. Ce qui n’empêchait pas que la prise de décision avait été longue. Mais c’était pour ça qu’on l’aimait. Surtout la ponette devant qui il s’était agenouillé il y a de ça combien ? Trois ans ? Avec un écrin ouvert dans les sabots, et la bague la plus précieuse qu’il avait pu se procurer reposant en son milieu.
Snips n’avait jamais été aussi ému que quand il avait été choisi comme témoin. La cérémonie avait été parfaite. Snails n’avait même pas buté sur les mots lors des paroles rituelles. Et la bague qui était accrochée en collier autour de son cou et pendait actuellement dangereusement au-dessus de sa bouche ouverte ne l’avait plus jamais quitté. Il avait par contre abandonné l’idée de la laisser sur la corne, le bijou le démangeait affreusement à cet endroit, surtout lorsqu’il utilisait la magie. Non pas qu’il soit réellement puissant non plus, d’ailleurs il s’était fait recalé aux Licornes en même temps que Snips.
Et selon les dernières nouvelles qu’il avait reçues lors du passage du courrier, sa chère Blissy Dawn attendait un heureux évènement. Ils avaient fêté ça comme il se le devait, même si les deux auraient préféré qu’il puisse rentrer pour revoir sa jument. Mais le général n’autorisait aucune permission, quelques soit le motif. Pas quand un débarquement ennemi était imminent.
Snips espérait quand même qu’ils seraient rentrés pour la naissance.
Enfin, pour l’instant, rien ne semblait perturber la sieste de la licorne. Sieste qui aurait pu leur coûter très cher à tous les deux, car si un supérieur avait téléphoné, ou pire, était venu pendant que les deux roupillaient, ça aurait mal fini. Crimson Brush était assez intransigeant.
Ils faisaient une belle paire de sentinelles, tiens...
Snips tourna la tête vers l’horizon bleuté de l’océan. Et perdit son sourire.
Cinq minutes plus tard, l’alerte sonnait sur toute la ligne de défense de la côte.
L’attaque avait commencée.
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Alors que les murs se rapprochaient, l’estomac de la jument se contractait petit à petit. Combien de temps cela faisait-il depuis la dernière fois ? Le temps pour eux de se cacher, se reformer, entrainement dans une cité fantôme, préparer le terrain, et lancer les opérations à la faveur d’une déclaration de guerre tombant à pic. Peut-être même trop. Mais aussi septiques qu’ils pouvaient l’être, les Lunaires devaient bien croire aux coïncidences. Elles étaient la cause de leur dernière défaite. Et pour une fois que les conditions idéales étaient réunies, ils n'allaient pas faire la fine bouche.
Néanmoins, Luna sentait qu’il s’agissait de sa dernière chance. Son ultime carte à abattre. Aujourd’hui, elle affronterait Celestia et la vaincrait, ou l’Empire régnerait en maître. Avec tout le respect qu’elle devait aux zèbres, elle ne pensait pas qu’ils puissent les vaincre, du moins pas seuls. Si toutes les races non-Equestriennes s’alliaient, alors ils pourraient peut-être reconquérir l’Empire.
Mais restait le problème de Celestia elle-même. Malgré ce qu’elle semblait penser ces dernières années, elle était loin d’être sans ressources, et son pouvoir sur les astres lui donnait un avantage considérable. Ça, et la bande de monstres sur laquelle elle régnait. Las Pegasus était un véritable désastre. La puissance du Sonic Rainnuke, si Rainbow Dash laissait libre court à ses penchants pour la violence. Et c’était sans compter la Licorne Suprême.
Twilight Sparkle.
La Princesse regarda fixement devant elle, détaillant une des nombreuses planches du fond du camion, qui gravissait la haute colline vers Canterlot. Encore une fois, leur ruse fonctionnait sans heurt, et si les gardes semblaient nerveux au premier abord, ils étaient soulagés quand ils voyaient une Licorne et un détachement de soldats qui retournait vers la ville fortifiée. Heureusement, personne, ni Black Jack ni les autres, ne commit l’erreur de demander ce qu’il se passait.
S’ils venaient en se faisant passer pour des renforts envoyés mater une révolte populaire, valait mieux éviter de se montrer ignorant. Mais au moins, les réactions des gardes confirmaient les messages envoyés par Spike. Leurs efforts avaient payés. Equestria les suivait.
La route était tortueuse. La montée avec les tanks avait été difficile quelques mois plus tôt, et leur retard avait coûté cher aux Night-Ops. Avec des camions tout-terrain, c’était certes plus rapide, mais il restait largement le temps pour les regrets.
Les regrets d’une époque révolue, où Luna avait soudainement ouvert les yeux sans les filtres de la haine et de la vengeance, sans cette pulsion oppressante de réduire le monde à sa merci et le recouvrir d’une nuit éternelle. Où elle avait récupéré son moi sans la corruption de Nightmare Moon, et que ses yeux s’étaient posés sur sa sœur et cinq pouliches affublées de collier, ainsi qu’une licorne mauve, une crinière à frange cinglée de mèches plus claire, portant une coiffe ornementée.
Twilight Sparkle, la ponette qui n’avait pas hésité à plonger la tête la première dans le vortex de téléportation que Nightmare Moon avait créé pour s’enfuir avec les Eléments de l’Harmonie. Celle qui n’avait pas hésité à se battre en duel avec l’alicorne folle pour sauver Equestria. La licorne qui avait appris la magie de l’amitié avec de parfaites inconnues, qu’elle n’avait pu se résoudre à quitter par la suite.
Cette même Twilight Sparkle qui, quelques mois après, pendant lesquels la Princesse de la Nuit avait récupéré ses pouvoirs, lui avait appris à s’adapter à cette nouvelle époque aux mœurs plus relâchées, et avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour que l’ancienne captive parvienne à s’intégrer dans la société ponette, et puisse enfin se faire des amis malgré le mauvais timing de sa première réapparition publique.
Les poneys aimaient avoir peur. C’était une chose qu’elle avait encore du mal à appréhender. Mais au final, elle avait fini par s’habituer, et commencé à aimer ce peuple qui, cette fois, se réunissait régulièrement sous la voûte étoilée pour admirer les œuvres de la Princesse. Dire que Luna, lors de son retour, avait décidé de bâcler le travail, vu que personne ne le regardait. Mais la ponette lui avait montré le véritable visage des poneys. Un visage souriant, amical, un peu niais et parfois peureux, mais toujours ouvert et aimant.
Un visage bien loin de celui qu’ils arboraient aujourd’hui. Et Twilight Sparkle s’était enfoncée dans les ténèbres, pour n’en ressortir qu’une fois son esprit imprégné de tout ce qui se faisait de pire dans ce nouveau monde. Et dire qu’avec Celestia, les alicornes avaient commencé à se demander si, peut-être, elles allaient la faire passer au « niveau supérieur » une fois l’histoire du mariage terminé.
Mais il y avait eu le coup d’Etat. La reine Chrysalis des Changelins qui avait surpassé Celestia, la plongeant dans le doute, et finalement...
Si seulement à ce moment-là, Luna n’avait pas été retenue ailleurs, eout se serait passé différemment. Contre les deux sœurs, la reine-insecte n’aurait pas pu vaincre, même avec tout l’amour du monde. Et si Celestia avait brisé la Règle...
Non. Il ne fallait pas. Pas à cette époque en tout cas. Les alicornes avaient passé des millénaires à bannir la violence de ces terres pour éviter une nouvelle catastrophe, ce n’était pas pour rebasculer devant la provocation de l’ennemi. Mais quand on voyait le résultat, la différence était négligeable.
Aujourd’hui, Luna le sentait, elle allait briser la Règle. C’était l’unique moyen d’arrêter cette folie.
Dehors, le camion s’arrêta, bloqué par les barrières qui contrôlaient la circulation au niveau des portes. Les lourds battants de bois décoratifs doublés de métal restaient ouverts, inutiles en l’absence d’attaque, et pas franchement pratique pour la régularisation des entrées et des sorties. Un soldat s’approcha de la cabine côté chauffeur, dont la vitre se baissa pour laisser apparaître une pégase couleur pelouse à la crinière brune ébouriffée, qui jeta un air blasé au garde. Une licorne en armure commença à contourner le camion pour voir ce qu’il y avait sous la bâche, mais elle fut stoppée par l’apparition d’un étalon cornu noir, en uniforme de cuir et la casquette distinctive des dévots de Celestia, qui la toisa avec l’air suffisant de ses pairs. Elle écarquilla les yeux, et ses entrailles commencèrent à se serrer.
-J’aimerais entrer rapidement, dit la Licorne. J’en ai ma claque des péages.
-B-b-bien sûr, balbutia le garde. Mais on doit filtrer les entrées, à cause de la...
-J’ai pas le temps, la coupa l’étalon.
La pauvre licorne déglutit, et se retourna vers ses compagnons pour leur ordonner d’ouvrir la barrière. L’autre poney, lui, retourna sous la bâche, et le camion démarra sitôt les barrières relevées, laissant les murs de la cité derrière lui. Black Jack enleva sa casquette et s’épongea le front.
-J’ai horreur de faire ça.
-Je trouve que tu t’en sors bien, lui dit Derpy en souriant.
-Ouaip, t’aurais fait une très bonne L.d.S.
La licorne jeta un regard noir à Flesh, qui était à l’autre bout du camion, un sourire satisfait sur les lèvres, et s’obligea à souffler pour éviter de s’énerver. Le pégase savait à quel point le magicien était mal à l’aise à la simple idée de se faire passer pour ce que sa race a fait de pire, et le charriait souvent sur ce point sensible. Très sensible. Explosif, même, certains murs de Las Pegasus s’en souvenaient.
Au lieu de cela, la licorne se risqua à jeter un coup d’œil au-dehors, et entrouvrit la bouche sous la surprise.
-Arrêtez le camion.
Windvision, à côté de la vitre donnant sur la cabine, fronça des sourcils mais toqua sur le morceau de plexiglas, qui s’ouvrit rapidement.
-Qu’est-ce qu’y’a ?
-On s’arrête là, Green.
-Tant mieux. J’avais envie de me dégourdir les pattes, fit le chauffeur alors que le véhicule ralentissait. Et je pense que ce qu’y’a dehors va vous plaire.
Pendant ce temps, Black jack sautait à terre, sans prendre la moindre précaution, son uniforme ouvert pour se permettre de respirer et ne plus avoir ces maudits insignes juste sous le museau. Faisant confiance au magicien, Derpy sortit de sous la bâche à son tour, et eut un hoquet de surprise, partagé par tous au fur et à mesure que les résistants mettaient le sabot à terre.
La rue était complètement vide, et les seuls sons venaient de l’écho des fers des lunaires sur les pavés de la capitale, qui avait désormais gagné le qualificatif de ville fantôme, pour ce quartier tout du moins. Mais le plus impressionnant, c’était l’état des bâtiments. Les drapeaux de l’Empire avaient été descendus de leurs hampes, déchirés et parfois même brûlés. Les bâtiments étaient tagués de partout, certaines fois représentant le symbole de la mort-née République Lunaire, d’autres demandant le retour au pouvoir de Luna, mais surtout, des insultes à l’encontre de l’Empire, de la Princesse et des Licornes du Soleil.
Maintenant que les moteurs étaient éteints, les lunaires entendaient une clameur venant de plus loin de la ville, comme si des centaines de poneys élevaient la voix contre quelque chose. Luna tourna le regard tout autour d’elle, incapable de croire ce qu’elle avait devant ses yeux. Elle fut intriguée par Windvision, qui s’était assise devant un mur où trônait une grande affiche, l’une des plus utilisées par l’Empire, représentant la silhouette de Celestia s’élevant dans le ciel en même temps que le soleil derrière elle, au bout d’une haie d’honneur formée par de multiples gardes en armure. En dessous de l’affiche, on pouvait normalement lire « Vers un avenir plus radieux ».
Cet endroit de l’affiche était déchiré comme si on avait donné des coups de sabots répétés pour en arracher chaque lettre une par une, et remplacé par un grand tag blanc « Mensonge ! ». Une autre marque « Dictature ! » cachait les mots « L’Empire » de l’en-tête de l’affiche, et la silhouette de l’alicorne était masquée par un gros motif de la République Lunaire bleu nuit.
Et juste à côté de l’affiche, il y avait un trou, un impact de balle, entouré de projection de sang qui s’étendait jusqu’au placard, maculant les gardes blancs de gouttes écarlates. Le sang était encore frais. Mais aucune trace d’un quelconque corps.
Flesh se posta à côté de la Princesse.
-Et bien, on dirait qu’on a réussi.
-Oui.
Soudain, ils entendirent des claquements venir du centre-ville. Juste trois, caractéristiques de tirs de fusils.
-Dépêchons-nous, fit Luna, avant tout ceci ne finisse par se retourner contre nous.
-Où est le quartier général ?
-A trois rues d’ici, répondit Green Shell en s’approchant d’eux, une carte tenue devant elle grâce à ses ailes.
-Aussi proche de l’entrée ? demanda Derpy.
-C’était pour faciliter les passages en douce avec l’extérieur, répondit Black Jack.
De nouveaux coups de feu éclatèrent au loin.
-Allons-y vite, pressa Luna.
Les poneys s’élancèrent à la suite de la pégase verte, et traversèrent rapidement les ruelles désertées, manquant parfois de briser un boulet en marchant dans un pavé manquant qui avait sûrement servit à être jeté sur un soldat ou une des nombreuses vitrines brisées. Partout, les signes de la révolte qui avait eu lieu ici étaient évidents. Une révolte qui prenait parfois des tournures de pur vandalisme.
C’est que qui intriguait Black Jack alors qu’ils arrivaient en face du bâtiment où devaient se cacher la cellule de résistance de Canterlot. Tout ça était trop évident. Les poneys aspiraient à la paix depuis la bataille pour la capitale, quelques mois auparavant, et réussir à les convaincre de remettre leur tranquillité à plus tard pour se donner l’occasion de mettre fin à l’oppression n’avait pas été facile.
Et surtout, ils ne seraient jamais allés jusqu’à détruire leur ville. Les Canterlotiens auraient au mieux fait une grande manifestation, quitte à ce que ça dégénère une fois devant le palais.
Luna monta les quelques marches du palier, et frappa à la porte, montrant son visage au judas pour que ceux qui attendaient à l’intérieur puissent l’identifier.
Les poneys n’auraient pas commencé leurs actes de vandalisme dès l’entrée. Et si ça avait été le cas, les gardes n’auraient pas été aussi tranquilles.
La malaise de Black Jack atteint son paroxysme lorsque la porte s’ouvrit, sur une personne qui n’avait rien à faire là, la tête baissée et les poings serrés, tremblants.
-Spike ? demanda Luna, interloquée. Vous deviez être à Mane...
-Princesse, fit le dragon en relevant la tête, les yeux humides. Je suis dés...
Il fut interrompu par une puissante détonation. De son crâne jaillit une gerbe de sang qui macula le visage de l’alicorne. Luna hurla alors que le corps du dragon s’effondra en avant, dévalant les escaliers comme un jouet désarticulé. Les Lunaires mirent le sabot à leurs armes, mais tout autour d’eux, des Licornes du Soleil apparaissaient sur les toits des bâtiments, leurs cornes brillantes chargées de sorts meurtriers.
Luna n’avait d’yeux que pour le corps du reptile, dont la tête baignait dans une mare de sang qui s’étendait à chaque seconde. Elle porta un sabot à son propre visage, et l’écarta pour le voir couvert de liquide vital, tremblant.
Puis elle se tourna vers la porte entrouverte de la maison, laissant dépasser le canon d’un revolver entouré d’une aura violette.
Ils avaient été manipulés.
Twilight Sparkle, uniforme luisant sous le soleil, ouvrit complètement la porte et sortit au grand jour.
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Fleur-de-Lys tentait désespérément de s’accrocher à n’importe quoi, juste pour éviter d’être ballottée comme elle l’était jusqu’à présent. Mais il n’y avait rien pour se maintenir. Si l’expression « coquille de noix » devait être appliquée à quelque chose, c’était bien à son embarcation actuelle. Et dire qu’auparavant, elle n’avait pas le mal de mer. Maintenant, son estomac était retourné.
Mais que dire des pauvres zèbres qui l’accompagnaient ? La plupart d’entre eux n’avait jamais vu la mer, parfois même ils ne connaissaient aucune étendue d’eau plus grosse qu’un puits. Le pelage blanc de certains d’entre eux était en train de passer au vert, et un étalon finit par baisser la tête dans un coin pour laisser son petit déjeuner ressortir à l’air libre, arrachant des grimaces de dégoûts de la part de ses camarades, qui luttaient pour ne pas finir pareil.
Une zébrelle, s’approcha du zèbre et lui posa une patte sur l’épaule :
-Ben alors, on tient pas le choc ?
-Ta gueule, c’est horrible cet engin. Y aller en volant n’était pas assez bien ?
-Les dirigeables sont trop lents et trop fragiles, répondit Fleur, nous n’aurions pas pu les manœuvrer efficacement.
-On vous a sonné ?
-Kal’Ek !
Fleur-de-Lys fut surprise du regard que le zèbre avait posé sur elle l’espace d’une seconde. Un regard chargé de reproche. La femelle lui donna un coup sur l’épaule, arrachant un grognement à l’équidé mal embouché, qui continua de lutter contre les humeurs de ses entrailles. La zébrelle leva les yeux vers la ponette élancée, et inclina légèrement la tête.
-Désolée, Kal’ vient du désert, il a un peu de mal avec l’eau.
-N’empêche que sans les poneys et leurs lubies, Je ne me serais jamais retrouvé ici, continua l’autre.
Fleur ne put s’empêcher de remarquer la femelle parlait « normalement », quand son compagnon suivait la tradition de la rime chère à leur peuple. La petite embarcation, qu’on pourrait facilement décrire comme cinq plaques de métal blindées collées ensemble, quatre pour chaque parois et une pour le sol, n’aidait pas à les habituer. Les ingénieurs zèbres n’avait pas réfléchi très longuement à la conception des barges de débarquement, et avaient paré au plus fonctionnel.
Au moins, ça flottait. Vaguement.
-Rien ne t’obligeait à venir, continua la zébrelle.
-Les Touazèbres ont leurs règles et leurs lois, Et une stipule que nous devons suivre notre roi.
Puis il leva une nouvelle fois ses yeux assombris vers la licorne non loin de lui.
-Surtout lorsqu’il s’agit d’exploser Ceux qui tentent de le tuer.
Fleur soutint le regard de l’étalon quelques instants. La zébrelle nota leur jeu, puis frappa violemment son compagnon au visage, l’envoyant s’écraser contre la paroi de la barge.
-Mademoiselle Lys n’a rien à voir avec ça.
-N’empêche que si les poneys avaient gardés leurs problèmes chez eux, continua Kal’Ek en se massant la mâchoire, Nous serions toujours chez nous, au lieu d’aller courir sous le feu.
-Vous avez peur, Kal’Ek ?
Le zèbre tourna des yeux surpris vers la licorne qui venait de lui parler, dont la voix n’avait aucun ton de défis ou de moquerie, juste une question sincère sur son état d’esprit. L’étalon serra la mâchoire.
-Je n’ai pas peur de mourir, Mais je redoute que mon corps ne puisse jamais revenir.
Fleur hocha doucement la tête. D’après ce qu’elle avait compris, pour qu’un esprit se libère du corps dans lequel il se trouve, à la mort d’un zèbre le cadavre doit se trouver, sous une forme ou une autre, dans le désert, pour faire le lien entre le désert matériel et celui des esprits, où vont les disparus selon la tradition des équidés rayés.
Ça faisait partit des raisons pour lesquelles les zèbres n’aimaient pas beaucoup l’idée de se battre à l’étranger. Sur leur propre terre, ils se seraient battus sans craindre d’y rester, mais maintenant, ils devaient se débrouiller pour que quelqu’un ramène leur dépouille. D’où le système qui s’était mis en place avant le grand départ, lorsque tous étaient soudainement mis face à l’évidence qu’il allait falloir traverser l’océan pour combattre les poneys. Les zèbres formaient des binômes, ou parfois des groupes de trois ou quatre, dont chaque membre devait en permanence savoir où était l’enveloppe terrestre de son ou ses camarades, et, au besoin, se débrouiller pour la ramener en terre sacrée.
Cela créait une cohésion et une fraternité parmi les troupes que Fleur avait très rarement vu chez les poneys, quel que soit le camp.
-Vous êtes frères d’âmes ? demanda la licorne en désignant les deux zèbres, utilisant le terme utilisé pour désigner ceux qui étaient liés par ce système.
La zébrelle acquiesça.
-Nous nous sommes entrainés ensemble à Djiponi, et nous avons décidé de veiller sur nos corps. Mon nom est K’Sea, et vous connaissez déjà celui de Kal’Ek.
-Enchantée, fit la ponette.
Laissant les zèbres à leurs angoisses et leurs pensées, Fleur-de-Lys tourna la tête vers le reste de ceux qui l’accompagnait. Un peu plus de trente zèbres étaient entassés dans l’étroite barge, luttant contre le mal de mer, priant ou vérifiant une énième fois leurs armes. A côté de la jument se trouvait un équidé âgé ne portant aucune protection, juste des colifichets ornant son cou, et qui psalmodiait avec les yeux mi-clos. Eliah avait affecté un shaman à chacune des deux cents barges qui attaquait cette plage, et un Evzèbre, ses guerriers d’élite, pour leur protection. Les shamans utiliseraient leur magie spirituelle pour protéger leurs frères, et celui qui accompagnait Fleur et ses compagnons n’avait rien fait d’autre que marmonner dans sa barbe fournie depuis qu’il s’était assis sur le métal froid et mouillé de l’embarcation.
L’ancienne top-model espéra que c’était efficace, à défaut de pouvoir en voir les effets. Elle se prépara néanmoins à lancer un sort de bouclier, regrettant de ne pas avoir plus fait fructifier sa magie quand elle était plus jeune. Mais lorsque son talent était juste d’être belle, on ne faisait pas beaucoup attention aux cours.
Le bateau racla sur quelque chose, penchant légèrement sur le côté, et la ponette se raidit, prête à voir la rampe à l’avant s’abaisser soudainement, dévoilant si son destin était de survivre ou de mourir en courant. Ou juste de se noyer parce que le bateau se serait renversé.
Le shaman marmonna quelques paroles, et Fleur-de-Lys se sentit soudainement apaisée. Au fond d’elle, elle sut qu’ils n’avaient touché qu’un rocher particulièrement gros. Par chance, le contrôle du shaman sur les forces naturelles empêchait la barge de se retourner, et servait aussi à la manœuvrer, pour une attaque plus silencieuse. Bien qu’il y avait de fortes chances pour qu’ils aient déjà été repérés. La faute au retard qu’ils avaient pris sur l’heure de l’attaque.
Pour se calmer, Fleur fit ce qu’elle faisait assez souvent : poser les choses pour voir où elle en était. Cela faisait une semaine depuis la déclaration de guerre entre les Royaumes et l’Empire, le temps de rapatrier toutes les troupes disponibles et de peaufiner la stratégie. Douze mille zèbres étaient partis pour attaquer Equestria, divisé en deux fronts qui débarqueraient sur des plages de chaque côté de Le Haras, le principal port d’Equestria. Les deux colonnes encercleraient ensuite la ville et finiraient par la prendre, établissant ainsi une tête de pont et s’emparant des ses ressources, notamment son embarcadère à dirigeable. Le reste des forces zèbres arriveraient pour renforcer leur position, et ils avanceraient droit sur Canterlot.
Alors que Big Macintosh s’interrogeait sur le flou laissé sur « l’après Le Haras », le maréchal Malhayk, principal commandeur de l’armée des Royaumes, lui avait indiqué que la stratégie zèbre reposait sur sa malléabilité et sa capacité d’improvisation. En effet, dans le désert où rien n’est sûr et où les embuscades succèdent aux tentatives d’assassinat lors des périodes de guerre, les zèbres avaient pris l’habitude de ne préparer que leur prochain mouvement, gardant uniquement les grandes lignes pour le reste de la guerre. Tout reposait sur la capacité des soldats à s’adapter aux changements brusque de plan et à celle des commandants à prendre des décisions extrêmement rapidement, ainsi qu’à la préparation en amont des combattants. Le Haut-Roi Eliah avait de bonnes raisons de penser qu’il s’agissait peut-être là d’une des clés qui mèneraient son peuple à la victoire, contrant l’inertie de l’Empire et son temps de réaction.
Les ressources de l’Empire et la capacité d’action des rebelles... Fleur-de-Lys s’était demandé ce qui avait retenu les équidés bichromes de combattre leur ennemi auparavant. La réponse leur est venue d’un vieux zèbre lourdement orné, drapés d’atours bleus nuits qui lui enveloppaient entièrement le corps, et qui s’était présenté la veille du départ dans la salle où siégeait le Haut-Roi dans la ville portuaire de Djiponi, alors que la licorne discutait avec lui de sa volonté de prendre part aux combats. Sans même s’inquiéter de couper la parole à Fleur, il avait annoncé :
-Je veux la province d’Appleloosa.
La jument s’était tourné vers l’intrus, la bouche bée. Eliah, lui, était resté imperturbable.
-Je vous demande pardon ? avait fait l’Equestrienne.
Le vieux zèbre lui avait à peine jeté un regard en coin, puis était revenu au Haut-Roi.
-Nous avons déjà discuté de cela, avait dit celui-ci.
-Appleloosa est une contrée isolée. Ses ressources ne viendraient à manquer.
-Le problème n’est pas là, Tu le sais, Neguss Nephala.
-Alors je me contenterais d’une parcelle du désert à sa sortie. Je saurais modérer mes appétits, avait continué son interlocuteur avec un sourire qui était terriblement faux.
-Je ne reviendrais pas sur ma décision, avait fait Eliah en haussant le ton, tout en se redressant légèrement de son trône. Cette attaque n’est certainement pas une invasion, Et aux poneys je laisserais leur terre, Dont je n’ai ni le cœur ni l’esprit de leur soustraire. Nous ne sommes pas là pour instaurer nos lois, Mais rentre à cette terre à qui de droit.
L’autre s’était renfrogné.
-La famille des Neguss n’a pas pour habitude De faire preuve d’une telle mansuétude. « A qui de droit » tu as dit, Et selon nos traditions La terre revient à celui Qui a vaincu sans réclamation.
-Nous ne sommes pas lors d’une de nos guerres...
-Alors dans ce cas, pourquoi la faire ?
Eliah s’était redressé sur son trône, ses sabots enfoncés dans le sol au point qu’on entendait le plancher craquer, et le front barré d’un pli soucieux. Fleur-de-Lys elle-même avait ressenti une certaine colère envers cet individu qui avait manqué à toutes les règles de politesse et de protocole non seulement en coupant la phrase de son interlocuteur, mais en rimant dessus. Dans une époque reculée, cela revenait purement et simplement à une provocation en duel ou, dans le cas du rang des deux zèbres, à une déclaration de guerre.
Heureusement, ces temps étaient révolus, mais le roi du clan Neguss avait affiché un sourire satisfait. Fleur n’avait même pas pris le temps de réfléchir avant de lancer :
-Equestria n’est pas une marchandise à vendre !
Nephala avait lentement tourné la tête vers la jument, l’air presque étonné, et dit à Eliah :
-Dans quelle décadence vous êtes-vous laissé entraîner, A laisser ainsi votre concubine écouter lors d’affaires privées ?
La mâchoire de Fleur-de-Lys était tombée devant cette question. Tous les Rois savaient, à peu près, qui était la jument et pourquoi Eliah l’avait accepté à sa cour, et Nephala n’était sûrement pas le dernier à être au courant, le vieux zèbre tentant tout ce qui était en son pouvoir pour ennuyer le nouveau Haut-Roi. Le pelage blanc de la licorne avait viré au cramoisi, et elle s’apprêtait à laisser de côté son éducation reçue de Fancy Pants pour balancer ses quatre vérités à l’insolent, mais elle avait alors senti une patte sur son épaule. Eliah s’était rassit au fond de son trône, récupérant son impassibilité, et par ce simple geste invitait la jument à se calmer. Puis il avait joint ses deux sabots devant son visage, et annoncé d’une voix tranchante :
-Neguss Nephala, Roi de la Province des Sources. J’aurais pu comprendre ton besoin avide de ressources, Et au prix de longues et pénibles palabres Finir sur un accord à l’amiable. Mais, envers et contre toutes ces traditions, Dont tu portes le flambeau avec tant de passion, Tu as délibérément insulté mon invitée, Trahissant ainsi nos règles concernant l’hospitalité. Soit, fais comme tu le veux, Fuis ou combat, le choix n’est plus le mien. D’Equestria tu n’auras pas un chemin. Sors d’ici et soustrais-toi à mes yeux.
Le regard des deux rois étaient restés croisés un long moment, le visage d’Eliah complètement fermé, et aucun de ses poils n’avait tressailli. Nephala, lui, semblait jauger son adversaire, son dégoût pour le relativement jeune roi transpirant par ses yeux. Finalement, il les avait détourné, et s’était retourné vers l’entrée de la salle sans dire un mot, ses pas traînants créant des échos dans le silence. Mais alors qu’il s’apprêtait à franchir la porte, Eliah avait fouillé à côté de son trône, et lui avait lancé :
-Neguss Nephala !
Le vieux zèbre s’était stoppé, et avait tourné la tête. Il avait alors aperçu quelque chose voler vers lui et reculé de quelques pas. L’objet était tombé sur le sol et avait glissé en tournant sur lui-même dans un raclement de métal sur la pierre, pour s’arrêter à ses sabots. Une expression d’horreur était passée sur le visage du roi lorsqu’il avait reconnu la nature de l’objet, mais il s’était rapidement maîtrisé pour faire comme s’il n’en était pas affecté. Malheureusement pour lui, il était trop tard. Il avait ramassé l’objet, une longue dague d’acier ouvragée et décorée de multiples arabesques, et l’avait présenté au monarque suprême.
-A’Kun Eliah, avait-il dit d’un air qui se voulait détaché, vous avez laissé tomber ceci.
-Gardez-le, je vous en prie, avait répondu le Haut-Roi. Jusqu'à ce que cette campagne soit finie, je vous laisse réfléchir. Et à mon retour, je vous demanderais de choisir. Nous verrons alors si vous vous plierez aux traditions qui vous sont si chères, Ou si vous souhaitez, une nouvelle fois, mener notre peuple à la guerre. Maintenant partez, je ne vous retiens pas. Nous nous reverrons bientôt pour régler tout cela.
Neguss Nephala avait soutenu le regard perçant d’Eliah un petit moment, puis il avait rangé la dague au milieu des draperies qui l’habillaient, s’était retourné, et avait quitté la salle dans les échos des sabots se répercutant dans le silence de la salle. Quand il eut disparu, Eliah avait fait un léger signe de tête, et les deux Evzèbres silencieux qui gardaient la porte –et qui ne révéleraient jamais la moindre information sur ce qu’il se passait dans cette salle- avaient fermé les battants, puis s’étaient remis au garde-à-vous et avaient repris leur apparence de statues.
Soudain, une ombre était tombée du plafond, et Hashin, le protecteur du souverain, avait relevé la tête en enlevant son capuchon. Le muet avait regardé le Haut-Roi d’un air réprobateur, mais celui-ci était resté de marbre :
-Il était nécessaire que les Neguss cessent de nous menacer. Je ne saurais tolérer une dissension qui pourrait tout faire échouer.
Le vieil assassin ne s’était pas départi de son regard accusateur.
-Cela est certes une mesure extrême, avait continué Eliah comme s’il comprenait le muet, Mais il est temps que les Rois finissent par accepter mon règne. Et si pour cela je dois provoquer en duel un grand-père, Au risque qu’il refuse et déclenche une nouvelle guerre, Alors c’est un prix que je ne refuserais pas A la veille du jour où nous partons pour Equestria.
Hashin avait soupiré, et secoué la tête, mais n’avait pas insisté et s’était rangé à côté du trône, l’air absent, sûrement plongé dans des pensées concernant l’accident. Eliah, lui, s’était tourné vers Fleur, perplexe face à la scène qui venait de se dérouler sous ses yeux.
-Il est peut-être de bon ton, lui avait-il dit, Que je vous donne quelques explications. L’arme que j’ai lancée est une Dague du Ta’Lissera, Un objet rituel utilisée par les chefs et les rois Afin de régler une affaire dans le cadre d’un duel Lorsque la nécessité et la situation l’appellent. L’offensé offre l’arme à son adversaire en lui proposant un choix. Soit le défié accepte l’objet et l’honneur sera rendu dans un combat, Soit il le rend et choisis l’alternative, dans notre cas, Si Neguss Nephala me rend le Ta’Lissera, Alors nos deux Royaumes entreront en guerre, La Province des Sources contre celle de Kinzhebra, Mettant fin à cette paix pour laquelle ont lutté les pères de nos pères.
Fleur avait ouvert des yeux ronds, comprenant enfin les implications du geste du Haut-Roi.
-Vous… Vous l’avez défié en duel ?
-Mon honneur est quelque peu entaché D’avoir ainsi défié un aîné. Mais depuis la mort de mon frère sans héritier Et mon accession au trône précipité, Neguss Nephala a été une épine dans mon sabot, Lui étant le plus âgé, estime que devait lui revenir le rang le plus haut. Il entraîne malheureusement dans son sillage D’autres Rois avide de changement, et bernés par des mirages J’ai peur qu’ils ne deviennent gênants. Demain nous partons pour une longue campagne Et j’aimerais que seul des amis m’accompagnent. J’ai donné au chef de la famille Neguss jusqu’à mon retour pour faire son choix, Nous verrons à ce moment, et advienne que pourra. Maintenant, pour en revenir à notre problème, Je ne peux apparemment pas vous empêcher de combattre vous-même. Soyez sûre cependant que je ferais en sorte, Que vous soyez protégée par une discrète escorte. A présent, si vous voulez bien m’excuser, J’ai beaucoup de diplomatie à gérer.
Fleur-de-Lys avait acquiescé, et s’était retiré dans le silence, non sans avoir jeté au préalable un dernier coup d’œil derrière elle, pour voir le Haut-Roi, un sabot posé sur le museau et les yeux fermés, plongé dans une intense réflexion.
Il avait par la suite réussit à empêcher les incidents avec les autres chefs de royaume, dont la plupart étaient eux aussi lassés des manigances grossière de Neguss Nephala pour discréditer Eliah. L’épisode sur l’insulte envers Fleur les outraient particulièrement, et au final, seul le Roi de la Province des Sources était absent lors de l’attaque. Mieux encore, malgré le fait que le vieux zèbre ait déclaré que les troupes de sa régions ne participeraient pas à l’assaut, la plupart étaient restés en volontaires
Fleur était toutefois attristé qu’il ait fallu en venir à une promesse de combat à mort entre ces deux partis. S’ils arrivaient à vaincre l’Empire Solaire, Eliah aurait à gérer ce problème à peine rentré, et ce n’était pas le moment d’affaiblir les Royaumes.
Mais à présent, tout ceci paraissait bien loin. En réalité, Fleur n’arrivait même pas à se projeter plus loin que le moment fatidique où la plaque avant de l’embarcation basculerait pour lâcher son flot de soldats sur la plage.
Au loin, elle entendit des détonations. Puis des sifflements venant du ciel, d’origine impossible à localiser. Ces sifflements augmentaient de seconde en seconde, jusqu'à ce qu’elle sente dans ses tripes que les objets qui les produisaient étaient juste à côté d’elle. Une gerbe d’eau explosa à côté du petit bateau, éclaboussant tous les occupants. L’eau ressortit bien vite par les écoutilles, mais d’autres explosions secouèrent les zèbres et la licorne. Le shaman se mit à réciter ses incantations de plus en plus vite, et commençait à trembler sous l’effort. L’Evzèbre à ses côté le soutint du mieux qu’il pouvait avec les remous.
Soudain, il y eut une explosion et une vague de chaleur recouvrit la barge. La jument suffoqua un instant, les poumons brûlants, et toussa pour dégager sa respiration. Une embarcation voisine venait de se faire toucher. Les tirs dans l’eau se firent de plus en plus nombreux, créant des vagues de plus en plus difficile à maîtriser pour le vieux zèbre qui maintenant prononçait ses paroles à haute voix, à toute vitesse. Une nouvelle gerbe d’eau s’éleva dans les airs, et Fleur-de-Lys entendit une trentaine de voix hurler, avant de s’étouffer d’un coup dans un son d’objet très lourd frappant la surface. L’image de la totalité des occupants d’une barge se noyant s’imprima dans l’esprit de la licorne qui ne put tenir plus longtemps. Elle se pencha en avant et vomit, tremblante, et des larmes commençant à lui couler des yeux.
C’était ça, la guerre ?
Une patte se posa sur son épaule, et elle leva les yeux sur K’Sea et Kal’Ek qui l’observaient, le zèbre soutenant la licorne dans son épreuve. Au-delà des deux équidés rayés, haut dans le ciel, elle voyait des points noirs qui grossissaient à vue d’œil. Des pégases.
Elle était rentrée en Equestria.
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Les résistants s’écartèrent de plusieurs pas, et mirent le sabot à leur armes, mais Twilight secoua négativement la tête. Les ombres sur les toits se firent plus menaçantes, et des dizaines de soldats surgirent des rues pour encercler le petit groupe.
-Nous venons de remettre la ville en état, dit la licorne mauve sur un ton las. Soyez gentils, évitez-nous d’avoir à recommencer.
Elle fit la moue en regardant dans la direction d’où venaient les rebelles.
-Déjà qu’il va falloir enlever toutes ces bêtises pseudo-révolutionnaires dont on a tapissé toute l’entrée de Canterlot. J’espère que vous avez apprécié. Surtout ce sort pour les sons de révolte projetés. Un chef-d’œuvre signé Torn Pieces.
-Pourquoi ?
Twilight baissa les yeux vers la Princesse de la Nuit, qui la fixait avec des yeux mêlant rage et profonde tristesse.
-Il vous a toujours considéré comme sa mère. Pourquoi ?
-Fils, ami, assistant, esclave, peu importe. Il m’a trahie et abandonné. Il n’était rien de plus qu’un ennemi.
-« Esclave » ?
L’alicorne bleue écarquilla les yeux d’horreur. Twilight haussa les épaules.
-Comment appelez-vous un être obéissant au moindre de vos ordres sans jamais se plaindre, sans être payé, alors que celui qui le commande pourrait faire le travail mieux et plus vite ?
-Vous... Vous êtes un monstre, Twilight Sparkle !
-Un monstre...
La licorne descendit lentement les marches du perron, maintenant le contact avec les yeux de l’alicorne, son air s’assombrissant à chaque pas, une haine farouche emplissant ses yeux à mesure qu’elle approchait son visage à moitié brûlée de la princesse déchue.
-Un monstre, oui. Un monstre ayant perdu toute envie de rire. Un monstre menteur et malhonnête. Un monstre déloyal et traître. Un monstre ne faisant preuve d’aucune compassion. Un monstre égoïste et froid.
Elle arriva au niveau de Luna, et même si celle-ci la dépassait d’une tête, Twilight ne s’en soucia pas pour lui cracher :
-Un monstre qui a perdu ses amies à cause de VOUS !
Elle se détourna brusquement, montrant le monde environnant.
-Regardez autour de vous, Princesse ! Tout ce qui est arrivé est de votre faute ! Vous et votre misérable rébellion, vous avez réduit la paix et l’harmonie à néant, vous avez déchiré les familles, vous avez séparé les amis. Combien de frères se sont entre-tués ? Combien d’amants sont morts la haine dans les yeux, parce que vous avez été incapable d’accepter que votre sœur veuille affermir son pouvoir ?
-La tyrannie n’est pas une solution !
-Déclare fièrement Nightmare Moon.
-JE NE SUIS PAS NIGHTMARE MOON ! hurla Luna en déployant ses ailes, la corne crépitant sous l’effet de la colère.
Les soldats solaires reculèrent immédiatement d’un pas, soudainement moins sûrs d’eux, pendant que les Licornes du Soleil se mettaient plus en évidence, prêtes à défendre leur chef. Cependant, Twilight ne se démonta pas, murmurant du bout des lèvres :
-Vous en êtes sûre ?
La rage fit place à l’incompréhension chez la Princesse, reculant d’un pas alors que la ponette mauve poursuivait :
-Depuis votre réapparition sur ce monde, les Eléments de l’Harmonie, autrefois gardés par deux personnes uniquement, ont soudainement décidé de devoir être séparés en six. Depuis que vous êtes là, notre monde a dû faire face à des calamités parfois bénignes, comme des invasions de parasprites venus d’on-ne-sait où, mais aussi au grand retour de Discord, qui a mis presque un an avant de réapparaitre. Un an pour profiter de la baisse de régime des Eléments.
Twilight se mit à marcher, tournant autour de l’alicorne comme un prédateur observant sa proie.
-Pendant toute cette année, vous n’êtes pas apparue une seule fois. Pendant le court règne de l’esprit du chaos, vous étiez introuvable –et j’ai du mal à croire qu’avec vos pouvoirs combinés à ceux de Celestia, vous n’auriez pu en venir à bout. Et étrangement, une fois la crise passée, vous revenez mettre le chaos à Ponyville.
-Je récupérais mes pouvoirs ! se défendit l’alicorne. Et vous savez très bien pourquoi la nuit de Nightmare Night a eu des ratés. Vous étiez là, au nom d’Equestria ! Vous m’avez aidé !
-A quoi bon, puisque la seule fois où on vous a aperçue par la suite, c’était au mariage de mon frère ? Mariage qui se déroulait sous VOTRE surveillance, et qui a fini en coup d’Etat !
-Je...
-Où étiez-vous quand la reine Chrysalis a pris l’apparence de Cadence ? Que faisiez-vous quand Celestia se dressait contre elle pour défendre son pays ?
-Vous...
Luna serra la mâchoire, ne parvenant pas à croire les accusations qu’on portait sur elle.
-Vous... pensez que je voulais destituer ma propre sœur ? C’est complètement insensé !
-Et que tentez-vous de faire depuis treize ans ?
La réponse de la Princesse lui resta coincée dans la gorge.
-Vous avez dupé tout le monde, Luna, et certainement vous la première. Cette pseudo-république dont on n’a vu aucune trace hormis le nom, cette propagande contre Celestia clamant qu’elle voulait soumettre le pays, ce régime basée entièrement sur une armée... Regardez les choses en face ! D’un côté, il y a l’Empire, qui n’est ni plus ni moins que l’Equestria d’autrefois, avec une légère différence, cette différence étant la volonté de sa Princesse de protéger le pays contre une nouvelle attaque étrangère. Et de l’autre, qu’avons-nous ?
Twilight leva les yeux vers les rebelles situés derrière Luna.
-Aucun système politique, une junte militaire qui, telle une ruche changeline, conquiert territoire après territoire pour prendre de quoi survivre et continuer sa route, un ramassis d’assassins, de voleurs, d’espions et de traîtres. L’Empire n’a pas fait que de belles choses, et je suis la mieux placée pour le savoir. Mais nous avons toujours tout fait en bombant le torse, en montrant à tous chacune de nos actions. Nos citoyens ont toujours su ce qui se passait, ce que nous faisions, en bien comme en mal. Et ils ont très bien vécu avec.
La licorne se retourna de nouveau vers Luna, et cracha :
-Et pendant ce temps, vous envoyiez cet assassin, ce... Shadow Stalker, pour assassiner Rarity dans nos propres murs !
-MENSONGES !
Twilight tourna la tête, surprise, vers Windvision qui venait de hurler, campée sur ses jambes et prête à bondir sur elle.
-Shadow n’aurait jamais tué Rarity !
-Vraiment ?
La leader de la police d’Etat de l’Empire s’approcha de la terrestre, qui lui soutint le regard sans ciller.
-Et pourquoi pas ? Parce qu’ils étaient les meilleures amis du monde, que Rarity lui rendait sans arrêt service car elle le considérait comme l’être le plus poney au monde ? Parce qu’il n’assassinerait jamais personne de sang-froid, en lui collant une balle dans la tempe à bout portant, et en brûlant le corps pour effacer les preuves ? Oh, non, je sais ! Il ne tuait jamais ses alliés, n’est-ce pas.
Twilight pris un air faussement désintéressé, faisant un geste vague du sabot.
-Si on oublie le petit accident Fancy Pants, bien entendu. Et j’ai évidemment inventé le fait qu’il ait balancé Fluttershy du haut de la falaise de Canterlot, sans aucune raison, hormis, évidemment, celle que la pégase ait choisi de se réfugier chez nous. Le morceau de viande à la morgue n’est à l’évidence qu’une simple erreur d’identification de notre part.
-Vous... Vous...
-Et puisque vous avez l’air de tenir autant à lui –Windvision, n’est-ce pas ? Vous serez ravie d’apprendre qu’il est mort. Empalé sur une porte de Ponyville par Pinkamena Diane Pie -mon amie, devenue folle à cause de votre guerre, Princesse, encore- et son corps a été brûlé en même temps que l’arbre-bibliothèque qui était ma maison.
La terrestre recula de quelques pas, la bouche entrouverte sous l’horreur.
-Que... Comment le savez-vous ?
D’un mouvement de tête, Twilight attira à elle un orbe flottant, dans lequel défilaient des images de nuages et des silhouettes de pégases en formation.
-Un sort bien pratique, dont votre amie Polished Drill a déjà fait les frais. J’ai eu un point de vue imprenable sur le cadavre.
-Les sorts de contrôle mental ont été interdits il y a des millénaires ! s’insurgea Black Jack.
-Il n’y a aucun interdit pour les Licornes du Soleil.
Flesh jeta des coups d’œil rapides autour de lui. L’envie de prendre son arme en sabot et de tirer sur la licorne psychopathe le démangeait de façon difficilement supportable, mais même lui se rendait compte que ça n’avait aucune chance de réussir. Une sourde pression commença à s’installer dans sa poitrine. Où que portait son regard, il voyait des licornes à l’air mauvais et des soldats pointant leurs fusils sur eux. Ils n’avaient aucune possibilité de sortie, à la merci des décisions de Sparkle, dont ils étaient obligés d’écouter le discours pour gagner quelques minutes de survie. Or, ce qui inquiétait Flesh, c’était que les paroles de la licorne semblaient faire effet.
Depuis qu’elle s’était faite accusée d’être Nightmare Moon, Luna semblait s’être figée. C’était un ramassis d’inepties évident, mais l’alicorne doutait. Et si leur leader doutait, les Lunaires étaient finis. Flesh ne s’était jamais véritablement préoccupé des états d’âmes de la Princesse, du moins jusqu’à leur fuite après le fiasco de Canterlot. Mais l’alicorne bleue nuit avait toujours été sensible sur le sujet de sa faute dans la guerre, et insinuer qu’elle s’était faite manipuler par son alter-ego maléfique ne l’aidait sûrement pas à se sentir mieux.
L’autre problème venait de Windvision. Elle était dévastée, ça se voyait. Ses sentiments pour le sniper avaient déclenché une lutte intérieure constante entre son envie de se laisser abattre et son devoir de rester debout pour guider les autres. Elle n’avait jamais vraiment accepté qu’il ait pu mourir d’une manière ou d’une autre, et se le voir confirmer de façon aussi froide, après la longue liste des horreurs perpétrées par le poney. Mais le plus dur, c’était cette impression que Twilight Sparkle n’avait pas menti. Elle n’aurait eu aucun intérêt à inventer de telles accusations, et semblait elle-même croire à ce qu’elle disait. Et imaginer que Stalker ait pu exécuter de sang-froid Rarity... Certes, leur relation n’était pas tendre et la Lady avait disparu après la bataille, sûrement enfuie, mais est-ce que le sniper serait allé jusqu’à l’abattre ?
Ce qui posait une autre question : qu’était-il allé faire à Ponyville ? Pourquoi n’avait-il pas rejoint les rebelles ? Est-ce qu’il avait... pété un câble ? S’il avait fait un séjour dans les sabots des Licornes, ça pouvait se comprendre. Flesh l’avait toujours considéré un peu douillet.
Le pégase secoua la tête. Les paroles de la Licorne Suprême commençaient à l’atteindre lui aussi. Il observa autour de lui. Luna se battait silencieusement avec sa conscience, Windvision continuait de se faire haranguer par l’ancienne pupille de Celestia, et, en général, les Lunaires avaient perdu leur volonté de se battre. Seul Black Jack semblait avoir emmagasiné assez de colère pour tenter quelque chose. Il forçait sa respiration à ralentir, mais la rage bouillonnait dans ses pattes, et il fermait les yeux, comme extrêmement concentré. Avec lui, Flesh et Nicholaus, il y avait peut-être quelque chose à tenter...
En parlant de ce cinglé...
Flesh tourna la tête vers la droite, puis vers la gauche, et il fut pris d’un doute. La grande licorne blanche était absente. Flesh chercha rapidement dans sa mémoire, mais ne parvint pas à se souvenir quand il leur avait faussé compagnie. Une saute d’espoir monta dans sa poitrine, très vite réprimée. Nicholaus ne viendrait pas à leur rescousse. Ça serait hautement improbable. Ils ne devaient compter que sur eux-m...
-Finissons-en.
Tous les poneys se tournèrent vers Luna, qui s’était redressée, l’air fier mais résigné, et s’approchait de Twilight d’un pas calme. La licorne eut un sourire en coin, et son appendice s’illumina, faisant léviter hors d’une des poches un petit anneau de métal, un anneau que tous connaissaient bien. La bague s’enfila le long de la corne de la Princesse, et une fois arrivée à sa base, émet un arc électrique qui arracha une grimace de douleur à la captive.
-Celestia désire vous voir, dit Twilight. Messieurs, emmenez la Déchue devant Sa Majesté.
Immédiatement, quatre soldats encadrèrent l’alicorne, et le groupe se mit en marche sans un mot de plus, sous le regard incrédule des Lunaires. Twilight savoura un instant la vue, puis une petite lumière sur son orbe l'interpella.
-Alors... C’est comme ça que ça se termine ?
Derpy avait fait quelques pas dans la direction qu’avaient prise les soldats et leur prisonnière, une profonde tristesse inscrite sur le visage.
-Tant de sacrifices, tant de morts, tous ces efforts, pour qu’on en finisse comme ça ? On rend les armes et on arrête ?
-Dites-vous que cela vaut mieux pour tout le monde, fit Twilight. Une nouvelle lutte armée ne ferait qu’augmenter les risques que des innocents soient pris dans la tourmente. Vous ne voudriez pas ça, n’est-ce pas, mademoiselle Hooves ?
-Tu peux m’appeler Derpy, Twilight. Ne fais pas semblant de ne pas me connaître.
-J’ai tendance à oublier ceux qui tuent leur propres enfants.
Derpy écarquilla les yeux, se figeant dans son mouvement. Twilight continua :
-Dinky était déterminée à venger sa mère, aussi elle a sauté sur l’occasion de brûler Sweet Apple Acre et la bande de traîtres qui s’y trouvait. Vous n’imaginez pas le mal que j’ai eu à protéger sa véritable identité pour que tu ne viennes pas me l’enlever. Et je n’ose même pas penser à sa déception quand elle s’est aperçue que sa propre mère l’avait assassiné.
La lèvre de la pégase tremblait, alors que des larmes se formaient aux coins de ses yeux qui revoyaient la scène s’étant déroulée des années plus tôt.
-Et après cela, qu’on ne vienne pas me dire que votre « République » était autre chose qu’un ramassis de monstres.
La lumière de l’orbe se fit plus intense. La licorne se tourna vers ses soldats.
-J’ai à faire sur les remparts. Je veux une unité de Licorne et deux de soldats prêts au combat dans cinq minutes.
-Et qu’est-ce qu’on fait pour eux ? On les amène au donjon ? Ou on les exécute maintenant ?
Twilight s’arrêta et considéra les captifs, songeuse. Elle regarda autour d’elle, toutes les « décorations » qu’ils avaient prévu pour tromper les révolutionnaires sur des bâtiments vidés, afin que la population n’y prenne pas goût.
A ce moment précis, un énorme flash illumina la rue, aveuglant toutes les personnes présentes, accompagné d’un « bang » sonore qui vrilla les tympans des poneys. Twilight et les Licornes déployèrent immédiatement des boucliers pour se protéger en cas d’attaque. Il fallut quelques secondes et un peu de magie à la licorne mauve pour récupérer sa vue, et elle leva les yeux vers le centre de l’encerclement. Les Lunaires avaient disparu.
-Black Jack...
Elle se renfrogna. Elle avait baissé sa garde, et n’avait pas vu que le magicien surdoué chargeait sa magie en gardant le contrôle de la luminosité de sa corne. Un truc répandu chez les licornes adeptes de duels –et les joueurs invétérés comme lui. Twilight se retourna vers les remparts :
-Fouillez chaque rue de la ville, et triplez la garde du château. Ils n’ont pas trente-six endroits où aller. Et je veux mes unités sur les murailles.
Elle jeta un dernier coup d’œil à l’orbe montrant l’image d’une pégase à la crinière arc-en-ciel, et plus loin dans le décor une ville faite de tours blanches au flanc d’une montagne.
-Ça commence à devenir urgent.
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Canterlot était enfin en vue. L’estomac de Rainbow Dash se serra. Tout ce chemin pour en arriver là. Toutes ces questions, ces doutes et ces remises en cause, tout ce temps passé à se persuader que la Loyauté était à placer avant tout, pour finalement en arriver à ce qu’elle avait toujours voulu éviter. Aujourd’hui, Rainbow Dash trahissait son camp.
Et maintenant, à mesure que les tours immaculées de la capitale approchaient, elle se posait une autre question. La pégase n’en avait rien à faire de l’Empire, des problèmes politiques du royaume, de la guerre contre les zèbres ou même de Celestia. Non, il n’y avait qu’un seul poney dans cette ville qui l’intéressait. Mais y arriverait-elle ? Arriverait-elle à tuer Twilight Sparkle ?
Le combat contre Applejack avait été terrible, autant au niveau physique que pour le moral de la jument. Mais au final, aucune d’entre elle n’avait réussi à ne serais-ce que mettre l’autre hors-combat, et l’éventualité que son amie aurait pu lui mourir dans les sabots avait été éclipsée par le défi qu’elles s’étaient lancé, et l’honneur qui régulait leur duel. Elles s’étaient battues dans les règles.
Mais Twilight ne se battrait pas selon les règles. La licorne n’avait plus aucun honneur, ni même aucune considération pour ses amies. Spitfire connaissait peu de détail sur le destin de Rarity. Juste qu’elle était sûrement passée entre les sabots sadiques des Licornes du Soleil, et qu’on lui avait expressément demandé de fermer son clapet, notamment en présence de la pégase cyan. Hormis cela, ce qu’il s’est passé dans le donjon du château et les raisons de la mort de la Lady restaient un mystère. Le souvenir de la licorne emplissait Rainbow de rage. Spitfire lui avait révélé que même lorsque sa survie dépendait d’un tir, Rarity avait été incapable de presser la détente. La pégase de feu savait bien reconnaître des combattants de ceux qui ne le sont pas, ou plus précisément, les lâches et ceux qui savaient foncer sans peur. Rarity ne faisait pas partie de la seconde catégorie. C’était une couturière, une fashionista. En aucun cas, elle n’aurait dû participer à cette guerre. Et surtout, elle ne méritait pas de finir torturée.
Le sang que Rainbow bouillonnait. Jamais elle n’avait réellement désiré la mort de quelqu’un. Tuer faisait partie de son boulot de militaire et elle n’en avait aucune attirance en général, voire même, cela la dégoûtait parfois. Mais en cet instant, tout son être brûlait de voir un cadavre, un corps disloqué devant elle, qu’elle frapperait de sa lame encore et encore même lorsque le sang s’arrêterait de couler. Elle voulait voir Twilight Sparkle morte. Elle voulait mettre fin au cauchemar vivant que la licorne représentait. Oui, elle parviendrait à la tuer. Peu importait ce que ça lui coûterait, elle y arriverait. Pour Rarity. Pour Fluttershy. Pour Applejack. Et un peu pour Pinkie aussi.
Thunderlane monta à son niveau, l’air soucieux en regardant vers les remparts.
-On a un comité de réception, on dirait.
Rainbow haussa un sourcil, et se tourna vers la ville, les yeux plissés. Elle distinguait de vagues points, mais rien qui ne l’alarmait vraiment. Le plan prévoyait de passer le plus vite possible et de gagner les quartiers de la licorne pour que Rainbow en finisse elle-même. Les autres Faucons devraient se charger d’éviter les gêneurs. C’était un aller simple presque assuré pour la plupart d’entre eux, mais le résultat en vaudrait la peine. Twilight hors-course, les Licornes du Soleil auraient du mal à se maintenir en place.
Mais quoi qu’il en soit, à cette distance, Rainbow ne voyait rien.
-T’as de bon yeux, dit-elle en se tournant vers le pégase, parce que moi je vois...
La jument se figea une seconde. Thunderlane la regardait avec un air étrange, la bouche entrouverte et ses yeux violets exorbité fixés sur la pégase.
Des yeux violets ?
Mais, pire que tout, il pointait un pistolet sur Rainbow.
La jument fit un tonneau pour tenter d’esquiver au moment où Thunderlane appuyait sur la détente. Une intense douleur la cueillit à la base de l’aile droite, et son sens de l’équilibre vacilla alors que les couleurs tournaient autour d’elle, son sens de l’altitude lui hurlant qu’elle tombait. Elle tenta de bouger ses membres emplumés, mais la douleur lui traversa tout le corps, la paralysant quelques autres fatales secondes.
Rainbow impacta violemment le sol, lui arrachant un cri de douleur alors qu’elle sentait les os de son épaule craquer, et elle rebondis sur quelques mètres avant de retoucher la terre et glisser dans un grand nuage de poussière. Son corps était perclus de souffrance, et son aile n’était qu’un immense brasier, sur lequel elle était tombé. Elle souleva une patte, et força pour rouler sur elle-même et dégager son membre. Elle entrouvrit les yeux, et tenta de redresser la tête pour voir son aile. C’était franchement dégueulasse, et la première image qui lui venait à l’esprit, c’était la tête qu’avait le phénix de la princesse Celestia la première fois que les amies l’avait vu. Déplumé, tout rouge, osseux. La seule différence, c’était que le rouge n’était pas sa couleur naturelle, et qu’il continuait de couler. Ah, oui, et les os n’étaient pas censés être visibles.
Rainbow relâcha son cou et laissa sa tête frapper le sol, la vue troublée. Elle avait mal. Partout. Mais en même temps, cette douleur s’atténuait d’elle-même. Comme si son cerveau avait décidé que c’était bon, on avait compris, tout en elle était cassé, plus la peine d’envoyer de message. Elle n’arrivait pas à remuer le moindre muscle. Devant son museau, l’air trembla, et se colora d’une teinte violacée. Dans un dernier effort, la pégase regarda au-dessus d’elle pour voir Twilight qui l’observait, l’air mi-amusée, mi-inquiète. C’était sa partie brûlée qui s’amusait.
Rainbow sentit un déplacement d’air derrière elle, suivit de l’impact de l’atterrissage des autres Faucons, mais elle ne parvenait pas à les voir. Elle était prise d’une grande lassitude. Elle s’était faite avoir en beauté, avait encore foncé tête baissée sans penser une seule seconde que Twilight aurait prévu de surveiller le moindre de ses faits et gestes. Quelle idiote ! Elle savait pourtant que ses doutes n’étaient secrets pour personne, et elle aurait dû savoir qu’avec toute cette affaire, la licorne ne l’aurait pas lâchée dans la nature sans s’assurer qu’elle reste loyale.
Loyauté. Schmoyauté, ouais.
-Vous avez été un peu durs avec ce pauvre Thunderlane, fit Twilight, observant au-delà de la pégase au sol. Il ne savait même pas qu’il travaillait pour moi. J’ai déjà eu des problèmes avec des pions possédant encore leur libre arbitre.
Rainbow leva des yeux chargés d'incompréhension vers son ancienne amie. Elle sentit alors un déplacement d'air derrière elle. Forçant sur les muscles de ses pattes avant, elle se redressa légèrement, et regarda derrière elle. Les autres Faucons avaient atterrit, Spitfire en tête, sa lame encore en bouche couverte de sang qui allait jusqu'à lui recouvrir le museau, et un regard chargé de haine pointé sur Twilight. Serrant les dents, elle se propulsa en avant, droit sur la licorne qui ne fit que prendre un air las sans faire mine de s'écarter. Arrivée à son niveau, la pégase de feu tenta de l'entailler avec son sabre, dans un mouvement qui aurait dû la décapiter. Mais la lame traversa la jument sans rencontrer de résistance, faisant perdre l'équilibre à l'ancienne Wonderbolt qui se rétablit en écartant les pattes. Rainbow Dash, elle, continuait de regarder ses pégases, entourant un cadavre sanglant, la gorge grande ouverte. Thunderlane avait payé sa trahison, volontaire ou non.
La pégase cyan réussit à se remettre debout, luttant contre la douleur qui engourdissait ses membres, et fit face à son ennemie -ou plutôt, son image. La pseudo-Twilight lui rendit son regard, et les deux jument restèrent silencieuses un long moment, chacune plongeant dans les iris de l'autre pour découvrir quelles pensées secrètes se cachaient derrière.
-Alors, c'est ainsi que ça se termine, dit la licorne. Ma dernière amie décide finalement de briser l'harmonie et de trahir son Elément.
-Ne joue pas à ça avec moi, Twilight. Tout est de ta faute et tu le sais très bien !
-Vraiment ? Et qu'ais-je fait ?
-TU AS TUÉ RARITY !
La ponette mauve pencha la tête sur le côté, l’air curieuse.
-Qui a bien pu te mettre cette idée dans la tête ?
-Ne fais pas l'innocente, Twilight. Je sais que tu as fait enfermer Rarity dans le donjon !
-Oui, je sais. Et ?
Rainbow Dash hésita un instant. Ce n'était pas la réponse qu'elle attendait.
-Et tu vas me faire croire qu'elle est restée gentiment dans une cellule sans que personne ne la touche ?
-Je n'ai pas dit ça.
-Alors quoi ? s'énerva la pégase. Tu lui as juste tourné le dos et tu es partie pendant que d'autres la torturaient, c'est ça ?
-Je ne lui ais pas tourné le dos. C'est elle nous a trahie !
-Et ça te donne le droit de vie ou de mort sur elle ?
-J'ai le droit de vie ou de mort sur chaque poney d'Equestria, Rainbow Dash. Et je ne ferais certainement pas d'exception pour une personne qui a renié notre amitié !
-Renié ? Qui nous a laissé en plan pour aller rejoindre sa Princesse quand l'Empire a commencé ? Qui a arrêté de nous donner des nouvelles lorsqu'elle est entrée dans cette foutue secte ? Tu nous a abandonné bien avant, Twilight !
-Mais tu m'as rejoint ! Alors que les autres fuyaient et tentaient de m'oublier, tu es venue jusqu'ici pour aider l'Empire, pour m'aider !
-Non, Twilight. J'étais venue pour te ramener.
La licorne secoua la tête, déçue.
-Alors, depuis le début, tu n'étais rien d'autre qu'une traîtresse en puissance.
-Non, Twilight ! Depuis le début, je suis ton amie !
Rainbow Dash serra les dents, ses membres tremblant plus à cause de la rage et de la tristesse que par la faute des blessures qui la martyrisaient encore.
-Mais ça, tu l'as oublié depuis longtemps.
-Oublié ?
L'image de Twilight se rapprocha de la pégase, son stoïcisme ayant laissé place à un mélange entre la colère et une profonde peine qu'elle tentait de cacher.
-Je n'ai JAMAIS oublié aucune de mes amies ! Applejack et Rarity, qui ont rejoint l'ennemi, j'ai tout fait pour leur éviter d'être tuées ! Pinkie et Fluttershy, j'ai prié pendant TREIZE ANS qu'elles pour qu’elles vivent heureuse, et j'ai bondi de joie quand j'ai appris qu'elles étaient revenues. Peux-tu seulement imaginer ce que j’ai ressenti quand j'ai appris que Pinkie était devenue une meurtrière cinglée ? Mon impuissance lorsque j'ai vu Fluttershy se faire tuer sous mes yeux ? J'ai toujours fait tout ce qui était en mon pouvoir pour vous éviter des malheurs, et comment on me remercie ? En me trahissant, en tentant de me tuer, et en m'accusant de vous avoir abandonnées !
La licorne respirait par à-coup, comme si son discours l'avait épuisée. Puis elle pris une grande inspiration, et son air impassible revint sur son visage.
-Mais c'est terminé maintenant. Fluttershy et Rarity sont mortes, tuées par cet assassin, Pinkie est devenu une psychopathe, Applejack une terroriste massacrant étalons, juments et poulains de façon aveugle, et toi, tu me trahis à cause de mensonges. Que me reste-t-il, maintenant ?
-La Princesse.
Rainbow Dash renâcla.
-Tu te plains d'avoir perdu tes amies, mais tu as tout fait pour ça, Twilight, et pourtant, tu as toujours quelqu'un, une épaule sur laquelle pleurer. Tu as toujours ta Princesse. Et moi ? Moi, j'ai failli tuer ma meilleure amie, j'ai appris que celle que je connaissais depuis l'enfance avait finie écrabouillée au pied d'une montagne, qu'une autre a été enfermée et torturée jusqu'à en mourir... J'ai tué des centaines de pégases, à tel point qu'on m'a accusé d'avoir trahi ma race, j'ai détruit des villes entières, et on m'a accusé d'avoir trahi mon talent, et pour une fois que je fais ce que je pense être juste, on m'accuse de trahir mes amies. A chaque fois que je tente de rester loyale à quelqu'un, on m'accuse de trahir. Qu'est-ce qu'il me reste ?
La jument cyan ferma les yeux, retenant des larmes qui voulaient couler sur ses joues.
-QU'EST-CE QU'IL ME RESTE ?
Twilight dévisagea son ancienne amie, et soupira en fermant les yeux à son tour.
-La vie.
Rainbow regarda l'image de la magicienne, qui commençait à disparaître.
-Va-t-en, Rainbow Dash. Pars, et laisse-moi t'oublier. Va vivre une vie tranquille quelque part dans un autre pays.
La projection disparu complètement, et dans un écho, la voix de Twilight dit :
-Si tu franchis ces portes, je te tuerais moi-même.
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Sur les remparts, Twilight se tourna vers la Licorne du Soleil à côté d'elle :
-Ouvrez les portes, et faite partir la garde. Que ne restent ici que les Licornes et les soldats qui m’accompagnaient.
Elle jeta un coup d'œil vers l'espace au-delà des remparts. Les Faucons se rassemblaient autour de Rainbow immobile. Puis ils s'écartèrent, et la pégase cyan se mit à marcher, boitant sur ses pattes blessées, très lentement, vers la porte, suivit par ses compagnons ailés qui tirèrent leurs armes. La licorne tourna alors son regard vers l'enceinte des murailles. Les Licornes commençaient à charger leur cornes, qui se mettaient à briller de lueurs colorées, et les soldats armaient nerveusement leurs fusils.
Ce serait une batailles d'ailes et de cornes. Twilight ferma les yeux.
Qu'on en finisse avec cette foutue Magie de l'Amitié.
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-DEUX MINUTES !
Big Macintosh se retenait comme il le pouvait à l'embarcation. Les tirs de mortier se multipliaient autour des barges d'assaut, agitant la mer au point que le shaman en charge de la stabilisation n'arrivait plus à compenser tout à fait le roulis, et les pauvres zèbres qui n'étaient pas parvenus à s'accrocher solidement tombaient sur leurs camarades qui tentaient de les retenir. Les oreilles du géant rouge sifflaient continuellement à cause des projectiles, et à chaque fois, il ne pouvait s'empêcher de serrer les dents au moment où le son atteignait son maximum, généralement pour finir, avec un soupir de soulagement de la part des équidés, par un son de plongeon.
Mais des fois, c'était un bruit d'explosion qui suivait la chute du missile, de plus en plus souvent à mesure que les troupes ennemies ajustaient leur visée. Les tirs eux-mêmes s'étaient multipliés, et c'était un véritable concert mortel auquel assistaient les envahisseurs, impuissant dans leur barques. C'était ce qui gênait le plus le capitaine, rester passif là-dedans jusqu'à ce qu'ils atteignent la plage. Il commençait à devenir claustrophobe.
D'autres sons d'impact lui parvint, venant de devant. Pas des bruits de destruction, mais plutôt étouffés. Par-dessus la plaque frontale, il vit au loin une gerbe de sable s'élever dans le ciel. Puis des claquements, qu'il n'avait pas entendu depuis longtemps. Il avait vu des fusils tirer lors de l’entraînement dans les Royaumes, évidemment, mais ce son-là était différent. Il promettait la mort, il sentait la haine, le moindre tir était une possibilité de trépas. C'était un son différent lorsqu'on se trouvait sur un champ de bataille, une agression pour les oreilles.
Puis la plaque frontale se mit à émettre des petits cliquetis alors que les balles la frappaient. Les poneys et les zèbres se baissèrent d'instinct, et levèrent leur fusils. Certains se mirent à chantonner une prière, et le rythme des incantations du shaman changea, s'accélérant. Avec de larges gestes du sabot, il semblait désigner l'équipage, et l'embarcation se mit à avoir des mouvements beaucoup plus violent. Soudain, un obus passa juste à côté de la barge, frappant l'eau une nouvelle fois, mais, sous la mer, il frappa le fond assez rapidement pour leur faire faire une embardée. Le pilote leva la tête et se mit à rétablir la trajectoire. Une nouvelle rafale frappa le blindage de la barge, et Big Macintosh entendit un sifflement lui passer au-dessus. Suivi d'un son mat et d'un bruit de chute. Il se retourna. Le pilote était à terre, les yeux grands ouverts, et une trace sanglante en plein milieu du front. Un autre zèbre se précipita sur la barre, sans toutefois oser lever la tête, les yeux fixés avec horreur sur le corps de son prédécesseur.
Big Mac tourna la tête vers l'équipage, et s'aperçut que tous regardaient le corps l'air inquiet. Pour la plupart d'entre eux, c'était leur premier combat. Et leur premier mort. Une zébrelle, les yeux exorbités, s'assit sur sa croupe et s'entoura de ses pattes avant, tremblante comme une feuille. L'un de ses camarade s'accroupit à ses côtés pour l'enjoindre à se relever, mais elle semblait ne plus pouvoir l’entendre.
Big Macintosh se mit alors à hurler pour couvrir les tirs qui fusaient :
-On y est, les gars ! Les plages d'Equestria !
Les zèbres levèrent les yeux vers lui, désorientés.
-Rapp'lez-vous d’pourquoi vous êtes ici ! Vous combattez pour vos parents ! Vous combattez pour vos Royaumes ! Vous combattez pour vot'liberté ! Aujourd'hui, vous allez montrer à l'Empire qu'les zèbres ne s'plieront jamais à sa tyrannie ! Vous allez mettre fin à son règne !
Au fur et à mesure de son discours, les zèbres paraissaient moins craintifs. et ils prêtaient moins attention au chaos ambiant. Une fois assuré que leurs esprits étaient tourné vers lui, Big Macintosh arma son fusil de façon un peu théâtrale, et hurla :
-Pour Eliah ! Pour le Haut-Roi !
-POUR LE HAUT-ROI ! reprirent-ils tous en chœur, galvanisés.
-Cinq secondes !
Le fond de la barge racla le sol, et s'immobilisa. Le zèbre à côté de la trappe de sortie enclencha un levier, et la plaque s'abaissa, révélant les plages de sable blanc du pays des poneys. Dans un hurlement collectif, les zèbres sortirent l'arme au sabot, certain se faisant faucher par les tirs de mitrailleuse avant d'avoir pu se jeter dans les quelques centimètres d'eau restant dans une cacophonie de ricochet de balle sur le métal. La zébrelle tenta de se lever mais une rafale lui explosa le flanc, et elle s'écroula sur le sol en acier en hurlant de douleur. Big Macintosh se pencha vers elle et la souleva, se dirigea péniblement vers la rampe d'assaut.
Puis il entendit un sifflement, qui s'amplifia très rapidement. Sans réfléchir, il sauta en avant et jeta la zébrelle le plus loin possible, juste avant que la barge ne soit touchée par un tir de mortier, et n'explose.
Le géant rouge était sur la rampe à ce moment-là, et la jument le vit disparaître dans une langue de flamme, avant qu'il ne réapparaisse, propulsé par le souffle, et lui passe par-dessus. Il frappa le sable dans un bruit sourd, un nuage se formant autour de lui. Puis le nuage retomba, couvrant les poils du corps inerte de l'étalon, qui laissait s'échapper du sang tout de suite absorbé par la plage.
La zébrelle serra les dents, et tira sur ses pattes avant. Sa blessure la brûlait horriblement, et elle progressait affreusement lentement. Son regard se troubla, la rendant incapable même de distinguer le capitaine. Finalement, elle ferma les yeux. Elle allait faire un petit somme avant de continuer...
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Snails fermait les yeux et tremblait dans un coin du bunker, agrippé à son fusil. A chaque impact de mortier, il se recroquevillait un peu plus, et maintenant s'étaient ajoutés les tirs de fusil. Il n'osait même pas lever les paupières pour voir comment s’en sortait son ami, qui s'était jeté sur la mitrailleuse juste après avoir donné l'alarme, mais étrangement, il n'entendait aucun des claquements caractéristique du gros calibre. Finalement, la curiosité et l'inquiétude finirent par prendre le dessus, la licorne orange craignant pour la survie de celui qui l'accompagnait depuis l'enfance. Il ouvrit un œil.
Snips tenait fermement l'arme sur pivot entre ses sabot, mais ne bougeait pas d'un poil. Il se contentait de regarder droit devant lui, prostré sur ses pattes arrière. Snails décida finalement de se lever pour le rejoindre, mais à ce moment, un balle venant des envahisseurs pénétra par l'ouverture de l'abris, et détacha un éclat de béton du plafond. La licorne se jeta à terre les pattes sur la tête pour se couvrir, serrant les dents. Mais, au bout de quelques secondes, il se releva, déterminé à aider son ami.
Arrivé à côté de Snips, l'étalon orange regarda son visage. La licorne couleur d'opale grise était figé dans une expression de panique fixant un point juste en face de lui. Il ne tremblait même pas, tel une statue incapable de tirer. Snails, ignorant les combats faisant rage au-dehors, lui passa un sabot devant le visage pour le faire réagir, et l'appela plusieurs fois :
-Snips ! Ohé, Snips ! Je suis là ! C'est moi, Snails !
L'étalon corpulent tourna alors la tête vers lui, la lèvre tremblante.
-Je peux pas...
-Quoi ?
-Je peux pas... Je peux pas, je peux pas, JE PEUX PAS !
Les yeux de Snips s'emplirent de larmes, et il lâcha la mitrailleuse pour s'effondrer dans les pattes de son grand ami, qui le rattrapa. Il se mit à sangloter, répétant sans cesse son impuissance, et Snails le serra contre lui, tentant de le rassurer du mieux qu'il le pouvait. Dehors, ce n'était que concert de frappe d'obus et tir d'armes légères ou lourdes. Il entendait même le sifflement de missiles lancés, frappant le béton des abris sur la plage. Heureusement, le leur était relativement épargné, hormis quelques balles qui semblaient se perdre contre leur mur ou passant au-dessus d'eux par la fente.
Au bout de quelques minutes, Snips se calma, cessant de parler, et se mit à renifler en s'écartant de son ami. Les deux compères restèrent assis un moment contre le mur frontal, juste sous l'ouverture, observant l'intérieur de leur bunker, plein d'armes qu'ils ne voulaient plus utiliser. S'engager avait été une idée de merde depuis le début, comme la plupart de celles qu'ils avaient eues jusque-là. Snails se remit à penser à Blissy Dawn, sa femme restée à l'arrière, et à leur enfant à naître. Il aurait dû rester avec eux. Peu lui importait s'il lui avait fallu vivre en étant vendeur de sandwichs à la paille, au moins, il était à peu près sûr de rentrer chez lui et profiter de sa famille.
Là, le seul avenir qu'il voyait, c'était de mourir aux côté de son meilleur ami, pour ne pas avoir voulu combattre. Il n'était pas sûr que les zèbres fassent trop la différence en plein affrontement...
A moins que...
Snails se redressa, et jeta un coup d'œil à la plage. Comme il s'y attendait, les zèbres, voyant que personne ne tirait depuis cet abris, commençaient à se regrouper dans leur direction. Ils n'étaient plus très loin, et la licorne se baissa à nouveau pour ne pas être vu. Puis il se dirigea vers un coin du bunker, où se trouvait le réfrigérateur et leur table à manger, et tira la nappe à lui. Presque pas de tâche sur le bout de tissu immaculé, aussi blanc que la croupe du Prince Blueblood. En espérant que le code couleur des zèbres soit le même que le leur. Avec un sourire, Snails se retourna vers son ami, et lui montra la grande pièce de tissu. Snips mit quelques secondes à comprendre, et soudain son visage s'éclaira. Ils allaient s'en sortir !
A ce moment, la porte de leur abri explosa sous une charge de C4. Ils se jetèrent au sol par réflexe, se couvrant la tête pour éviter les débris. Snails se reprit vite, et se redressa pour étendre son drapeau improvisé, plissant des yeux pour tenter de voir quelque chose à travers la fumée.
Le tonnerre gronda dans le bunker, accompagné d'éclairs de mort.
Snips vit son ami se reverser en arrière et tomber à terre, la bouche bée et les yeux grands ouverts. Sa poitrine rougeoyante se soulevait rapidement comme s'il était essoufflé, juste avant de se faire recouvrir lentement, presque comme dans un rêve, par la nappe trouée qui s'imbiba immédiatement de sang. La licorne écarquilla les yeux d'horreur, ne pouvant fixer autre chose que le corps entre la vie et la mort de celui qui l'accompagnait depuis l'enfance.
-Cessez le feu ! Arrêtez de tirer ! fit une voix fortement accentuée derrière lui.
Snips tourna la tête, et tomba sur une troupe de trois zèbres qui étaient entrés, dont le premier passait successivement de la licorne gris-verte à l'autre gisant sous ce qui ressemblait fortement à un drapeau blanc. Il s'attarda sur celle-ci, qui cherchait sa respiration, s'accrochant au maigre fil qui la retenait encore à la vie. Puis il lança derrière lui :
-Médecin ! Allez me chercher un toubib, merde ! Vite !
Puis il se jeta sur Snails, retira la nappe pour en faire une boule qu'il pressa sur les blessures répandant leur flot de sang. Il leva la tête vers l'autre combattant solaire, le regardant droit dans les yeux, et lui ordonna :
-Votre trousse de secours. Vite !
Sans même chercher à comprendre ce qu'il se passait, Snips sauta sur ses sabots et chercha l'armoire à pharmacie, en tira autant de bricoles que ses pattes pouvaient porter et les rapporta au zèbre. Un remue-ménage lui parvint de la porte, et un poney marron à la crinière tirée en arrière entra en bousculant les troupes présentes, et s'agenouilla au chevet de Snails. Il l'ausculta rapidement, et ouvrit un sac plein d'ustensiles qu'il renversa sur le sol pour en récupérer certains. Il leva ensuite les yeux vers le zèbre :
-Sergent, retournez au combat, je m'occupe du reste.
-Vous êtes sûr que ça ira, Docteur ? demanda l'intéressé.
Le médecin leva alors les yeux vers Snips :
-Vous voulez sauvez votre ami ?
Sans pouvoir articuler un mot, la licorne acquiesça d'un mouvement de tête.
-Alors vous ferez exactement ce que je vous dis.
Puis il se retourna vers le zèbre qui s'était levé :
-Laissez-nous, maintenant. La guerre est finie, ici.
Et il se reconcentra sur Snails à terre. Une licorne rose à la crinière verte entra, se figea un instant en voyant Snips et le Docteur qui soignait Snails, mais se reprit très vite et parla au sergent des zèbres :
-Sergent, on a besoin de nous au secteur A-alpha ! On est en train de se faire massacrer !
-Bordel !
Le zèbre hésita un instant en jetant un regard aux deux licornes et au terrestre qui ne s'occupait déjà plus de lui, puis donna un ordre et les zèbres sortirent de l'abri. A l'extérieur, les combats faisaient fureur, et on entendait les cris de rage et de souffrance venant des deux camps, entrecoupés de tirs de fusils et d'impacts de mortier. Le Docteur demanda à Snips de lui passer des accessoires, qui les lui passait aussi vite que possible. Snails s'était évanoui, et respirait difficilement, mais le médecin semblait décidé à ne pas le laisser partir. Ses sabots étaient couverts de sang, et la sueur coulait sur son front. Snips sortit un mouchoir de sa poche, et le passa sur le front du terrestre.
-Merci, fit celui-ci.
-Pourquoi ?
Le Docteur ne répondit pas tout de suite, et Snips se sentit idiot d'avoir posé cette question sans réfléchir. Qu'est-ce qu'il en avait à faire du « pourquoi » ? Que lui importait de connaître la raison pour laquelle un ennemi sauvait son ami ?
-Parce que je suis un médecin.
Il leva les yeux vers la licorne.
-Passez-moi la pince...
Snips s'exécuta, et le Docteur baissa la tête vers le blessé.
-Solaire, Lunaire, Zèbre, Griffon, j'en ai rien à faire. Mon travail, c'est de faire en sorte qu'ils survivent, pour qu'ils puissent connaître des jours meilleurs. Qui qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, Quel que soit leur camp. Une vie est une vie, et ça, j'ai l'impression qu'on l'a oublié.
Il inspira profondément, puis expira doucement.
-Maintenant, au travail.
Et il plongea la pince dans la blessure de Snails.
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La porte paraissait immense vu d'en dessous. Immense et menaçante, là ou autrefois elle était symbole d'émerveillement, de privilège, de fête, de joie, bref, de Canterlot la Grande. Ecrin du château des Princesses. Lieu du Grand Galloping Gala. Centre culturel et capitale d'Equestria, ville des licornes, Cité aux tours Blanches... Mais ces murs étaient désormais promesses de mort et de souffrance. Pour Rainbow, en tout cas. Ces portes l'effrayaient, parce qu'elle était incapable de voler par-dessus. Si les pégases étaient décrit comme sans peurs et casse-cou, c'était parce que du ciel, rien n'était effrayant. Tout pouvait rétrécir jusqu'à pouvoir être virtuellement écrasé par un sabot, on était obligé d'emprunter aucune route, ni même de respecter les deux dimensions. Le ciel, c'était la liberté et l'absence de peur.
Mais Rainbow ne pouvait plus voler. Pas maintenant, pas dans son état. Et elle ne se faisait pas d'illusion. Elle ne volerait plus jamais. Dans quelques instants, tout serait terminé.
Elle avait toujours pensé que même avec la magie, la vie d'une licorne était fade. Il leur fallait apprendre des sorts pour tout et n'importe quoi, et même si elles pouvaient voler, marcher sur les nuages et influer sur la météo, comme les pégases, elles étaient limitées par leur niveau de magie. Même si ils avaient moins de possibilités, les pégases eux, pouvaient faire ce qu'il voulaient de leurs ailes.
Mais au fil des années et de la guerre, Rainbow en était venue à redouter les licornes, et notamment leur sœurs sous les ordres de Twilight. Elle avait appris que la magie était traîtresse. Ce n'était pas le combat poitrine au clair, sabre à la bouche des pégases. C'était un déploiement de puissance qui ne s'arrêtait qu'une fois la cible morte. A moins d'être soi-même une cornue, s'échapper de la magie était très difficile. Même en volant. Et c'était pire en marchant.
Aujourd'hui, Rainbow Dash mourrait. La licorne mauve qui s'était téléportée en face d'elle, à l'intérieur des murs, y veillerait. Au-devant de ses troupes aux cornes chargées et aux armes pointées vers les intrus, Twilight se tenait droite, un visage froid et sans émotion rivé sur celui de la pégase cyan, qui lui rendait son regard sans sourciller. Elle avait la magie. Elle avait le pouvoir.
Mais Rainbow avait quelque chose qu'elle n'avait pas. Spitfire apparu à sa droite, et se posta à son niveau, les yeux fixés vers l'avant. A sa gauche, Snowflakes, le musculeux pégase albinos qui avait gagné ses lettres de noblesses au combat, renâclait à chaque paire de pas, les veines saillantes sous la pression. Et derrière elle, la chef des rebelles ailés sentait chaque membre de la trentaine de pégases, marchant dans un même ensemble, à l'unisson, se réglant à l'allure moribonde de la blessée. Rainbow tourna la tête pour les voir. S'ils la ressentaient sûrement, aucun d'entre eux ne laissait entrevoir sa peur. Ils étaient les parfaits descendants des pégases d’antan, des soldat-nés prêts à mourir dans l'honneur et le combat plutôt que se retirer la queue entre les jambes pour vivre un autre jour.
Chacun d'entre eux rêvait lorsqu'il était jeune de devenir un grand pégase. Ils avaient tous collé dans leur chambre des posters des Wonderbolts, ils avaient tous caressé l'idée d'en faire parti un jour. Certains ont dû y renoncer, d'autres ne l'ont jamais fait, mais ils avait tous été choisi personnellement par la pégase cyan pour faire parti des Faucons, ce groupe armé de l'Empire, fondant sur la proie désignée et la déchiquetant sans aucune forme de pitié. Mais derrière cette façade, ils avait tous été choisi selon un idéal que suivait Rainbow Dash, et aujourd'hui, les Faucons avaient brisé leurs chaînes. Ils n'étaient plus des rapaces sans âmes. Ils étaient l'élite des pégases, leur meilleurs représentants.
Sous leurs gilets pare-balles, leurs casques pour certains, leur bardas et leurs armes, ils revêtaient en rêve l'uniforme bleu parcouru d'éclairs jaune, les lunettes de pilotes vissées sur le crâne.
Ils étaient des Wonderbolts. En route pour leur dernier vol.
Rainbow Dash passa sous le porche, et s'arrêta devant une marque laissée au sol, tracée par magie. La frontière entre la lâcheté et la mort. La dernière limite imposée par l'ultimatum de Twilight. Déjà, les licornes avaient abaissés leurs appendices, visant précautionneusement les traîtres, et les soldats avaient portés leur fusils devant leur visage, l’œil collé à la mire. Mais leurs pattes tremblaient. Si les Licornes du Soleil étaient suffisamment cinglées pour ne pas ressentir la panique, les simples fantassins, eux, n'étaient plus sûrs de rien. Parce que rien n'était plus impressionnant qu'une simple unité, bien inférieure en nombre et en puissance, faire face sans montrer aucun signe de faiblesse, et les suivants de Dash irradiaient par leur volonté de fer. Les poneys se rendaient maintenant compte de leur rôle. Ils n'avaient aucune chance contre ces pégases surentraînés, capable de réduire à néant des compagnies entières, dont on murmurait qu'ils pouvaient esquiver les balles. Ils n'étaient que de la chair à canon placée là pour éviter que les Licornes ne reçoivent trop de dégâts.
Rainbow Dash prit une grande inspiration, tenta d'oublier sa douleur, et leva une patte.
-Attends.
Bloquée dans son geste, la pégase tourna son visage interloqué vers Spitfire, qui le lui prit en coupe dans ses sabot et colla ses lèvres sur les siennes.
Surprise, le premier réflexe de la ponette cyan fut de tenter de se dégager, mais son camarade de feu la tenait fermement. Puis elle se rendit compte de ce qui arrivait vraiment. Spitfire, LE capitaine Spitfire des Wonderbolt, l'embrassait aux portes de la mort, avec une absence de rage, de perversion ou de malice qu'elle ne lui avait plus vue depuis plus de treize ans. Et elle serait assez folle pour refuser ?
Rainbow Dash ferma les yeux, et passa un de ses sabots dans la nuque de la pégase jaune pour resserrer leur étreinte, leur baiser gagnant en intensité à chaque seconde. Peu lui importait le ridicule de la situation, poneys ailés d'un côté hésitant entre voyeurisme, gêne et stoïcisme, et les Impériaux de l'autre, dont la pression augmentait encore avec l'incompréhension, de savoir s'ils devaient tirer ou pas alors que deux ponettes s'embrassaient au niveau de la marque fatale.
Twilight, elle, n'avait pas bougé un muscle, pas un tressaillement n'était apparu sur son corps. Elle se contentait d'observer la scène, l'ordre fatidique au bord des lèvres. Les conditions étaient claires. Si elles traversaient la frontière, le combat s'engagerait. Avant, elles pouvaient bien temporiser autant qu'elles voulaient.
Loin de vouloir relâcher leur étreinte, Rainbow dû cependant donner un signe pour mettre fin à ce moment. Mais alors qu'elles se quittaient, la pégase cyan ressentit une douleur au cou, une piqûre qui s’évanouit aussitôt, suivie presque immédiatement de toute la souffrance de son corps. Elle ouvrit les yeux sur une Spitfire jonglant avec une seringue vide, la marque caractéristique de l'antidouleur universel sur le tube, le Booster. L'ancienne capitaine des Wonderbolt lui adressa un clin d'œil.
-Si on tombe, on tombe en volant. T'es prêt, Snow' ?
-YEAAH !
D'un coup de sabot puissant, Spitfire poussa Rainbow sur l'étalon blanc qui l'attrapa entre ses pattes, et, d'une même poussée, tous les pégases s'envolèrent et pénétrèrent dans Canterlot. Immédiatement, des dizaines de tirs colorés partirent dans leur direction, rapidement suivit par le bruit de tonnerre des fusils, mais, surpris par la manœuvre des volants, les visées furent mal ajustées, et la plupart des impacts déchirèrent le sol, arrachèrent des morceaux de pierre à la muraille ou se perdirent à l'horizon.
Mais, dans un mouvement de cloche, suivi par une traînée de fumée, un corps s'écrasa au sol, et glissa jusqu'aux sabots de Twilight, un trou béant dans le torse et une grimace de douleur sur le visage. La licorne mauve renifla, et se concentra sur le ciel. Les pégases fusaient dans tous les sens, esquivant tirs matériels et magiques, dans une explosion de couleurs.
Spitfire obliqua soudainement sa course, et plongea, à la grande surprise des Licornes qui relâchèrent leurs rayon d'énergie sans avoir le temps de viser. Sabots en avant, elle écrasa la tête d'une jument azur au sol dans une gerbe de sang, et dégaina un pistolet qu'elle pointa tour à tour sur trois autres combattants magiques qui s'écroulèrent de douleur ou simplement morts, puis redécolla au moment où une rafale de métal s'apprêtait à la déchiqueter. D'autres pégases suivirent sa manœuvre, plongeant rapidement en effectuant des tonneaux pour esquiver les projectiles mortels.
Mais tous n'avaient pas la chance de pouvoir redécoller. Power Pill, une jeune pégase à la robe améthyste, se jeta sur une Licorne qui esquiva son attaque, et lui plongea sa corne dans l'épaule. La jument hurla de douleur, et le poney magicien chargea sa magie, qu'il fit exploser, arrachant la patte de son adversaire et l'envoyant valdinguer plus loin, au pied d'un soldat qui pointa son arme sur elle, et vida son chargeur sur son crâne.
L'effet de surprise passé, les attaques des pégases étaient beaucoup plus risquées. Les Licornes dressaient des boucliers au-dessus d'eux sur lesquelles s'écrasaient les ailés, et leur décochaient ensuite leur sort préféré pour les achever. Rainbow voyait de plus en plus de cadavres de ses camarades étalés au sol, et de moins en moins d'ennemi tomber. Les Faucons hésitaient désormais sur la marche à suivre, et la plupart se contentaient de tirer en contrebas, préférant viser les soldats de l'Empire qui n'étaient pas protégés, selon l'habitude des Licorne du Soleil.
C'était une des choses qui avait toujours fait vomir la pégase. Les cornues n'en avaient rien à faire de leurs alliés, tout au plus s'en servaient-elle comme chair à canon, comme dans le cas présent. Snowflakes n'était pas un mauvais pilote, et même avec le surplus de sa chef, il parvenait à éviter d'être touché, mais n'osait pas attaquer. Le regard de Rainbow se fixa sur Twilight, observant tranquillement les événements sans paraître craindre une quelconque attaque. Elle vit Light Feather se poser violemment côté de la licorne mauve, et se jeter sur elle, sabre en bouche. Mais au moment où il allait lui planter la lame en travers de la gorge, il disparut dans un flash blanc. Et lorsque la lumière baissa, il ne restait du fier pégase qu'un squelette qui s'écroula aux sabots de la jument qui leva une patte pour éviter d'être touché par un os.
La pégase cyan serra la mâchoire, et observa le reste de la bataille. Les Faucons avaient été décimés, et les survivants étaient entrés dans les manœuvres d'esquives. Seule Spitfire attaquait encore, parvenant à déjouer les défenses des ennemis en contrebas, et à chaque assaut parvenait à tuer une poignée de Licornes ou de soldats. Mais même elle commençait à s'épuiser, et une balle lui traversa la cuisse, l'obligeant à reprendre son envol et ses esquives.
Sur le dos de son acolyte blanc, Rainbow décida d'en finir. Elle se dégagea des pattes de Snowflakes, et se laissa tomber. Droit sur Twilight. Elle étendit ses ailes meurtries mais dont elle ne ressentait pas la douleur, et de quelques battements esquivait les tirs qui lui étaient adressés. Le pégase albinos la rejoint rapidement, et d'un mouvement de tête, la ponette à la crinière arc-en-ciel lui donna un ordre. Bandant ses muscles, il posa un de ses sabots antérieurs sur le postérieur de son leader, et la propulsa.
Il la vit foncer vers le sol à grande vitesse, trop rapidement pour qu'elle se fasse tirer dessus. Elle maintenait son cap avec ses ailes dont les plumes étaient couvertes de sang, et tira son sabre pour le tenir fermement en bouche. Puis il ressentit une intense douleur au ventre. Il baissa les yeux, pour voir une lance magique verdâtre lui traverser l'abdomen. Et la lance explosa.
Rainbow ne regarda pas en arrière, mais des larmes commençaient à lui perler au coin des yeux, alors qu'elle s'approchait de sa cible qui lui rendait son regard sans ciller. La corne de Twilight se mit à briller, et Rainbow donna d'autres coups d'aile pour accélérer encore, avalant la distance qui les séparait dans l'espoir que son ennemie n'ai pas le temps de lancer son sort. Elle resserra la prise de ses dents sur la garde, et la pointa vers le cœur de la ponette mauve. Elle n'était pas sûre de survivre au choc, mais elle parviendrais à assassiner son ancienne amie dans la foulée. Pour les pégases morts aujourd'hui. Pour tous les poneys morts ces treize dernières années. Pour Pinkie, pour Fluttershy, pour Rarity, pour Applejack et sa famille.
La corne de Twilight brillait de mille feux, mais elle n'avait toujours pas relâché son sort. Voulait-elle l'annihiler en un coup ? La pégase s'en fichait, et accéléra encore, le vent faisant couler les larmes qu'elle tentait de garder pour elle. Puis elle atteignit Twilight au moment où un grand flash aveuglant sorti de sa corne. Rainbow dû fermer les yeux, mais lança quand même sa tête en avant, et sentit que sa lame rencontrait une résistance. Elle percuta le sol avec violence, perdant son sabre et s'écrasant le museau contre le sol avant de rebondir et de s'étaler en faisant des tonneaux dans la poussière. Elle ne souffrait aucunement de s'être écrasée, et rouvrit rapidement les yeux, récupérant sa vue et la dirigeant vers sa cible. Twilight levait une de ses pattes, et son uniforme était déchiré sur toute une longueur, volant au vent. Elle lui lança un regard mauvais, et sa corne se chargea une nouvelle fois de magie.
Sans se soucier des dégâts que son corps subirait, Rainbow se remit sur ses quatre pattes, compensant son tangage dû à ses blessures, et esquiva d'un bond un rayon mortel envoyé par la magicienne. Puis elle chargea en hurlant. La licorne se campa sur ses pattes, et sa corne se mit à luire d'une aura orange, puis déversa un torrent de flamme sur l'attaquante. La pégase concentra toutes ses forces dans ses muscles fessiers, et d'une détente sauta par-dessus le déluge, tout en dégainant son pistolet. Sans perdre de temps à viser, elle se mit à vider son chargeur à l'instinct, obligeant son adversaire à déployer un bouclier pour parer les projectiles mortels.
Rainbow jeta un léger coup d'œil au reste de la bataille. Il reste à peine une demi-douzaine de Faucons, les meilleurs, dirigés par Spitfire qui donnait tout ce qu'elle avait pour acheter du temps à son homologue cyan. Son pelage de feu était couvert en grande partie par du sang, le sien et celui de quelques ennemis, ainsi que sa lame dont l'acier était devenu invisible, dégoulinant de liquide carmin. Elle avait renoncé à voler, utilisant ses ailes pour augmenter sa vitesse et zigzaguer entre les Impériaux, dont la plupart hésitait à faire feu de peur de toucher un allié. Malheureusement, les Licornes ne faisaient pas preuve d'autant de précaution, et des soldats étaient vaporisés alors que Spitfire réussissait ses esquives.
La pégase la crinière multicolore se reconcentra sur son combat pour voir sa propre lame foncer vers sa gorge, enrobée d'une aura violette. Elle plaça alors ses deux pattes avant devant elle, et la lame plongea à travers elles, lui permettant de dévier sa trajectoire et de la bloquer. Mais elle avait les pattes coincés, désormais, et se servait de ses ailes pour se maintenir en bipède. Twilight disparut alors dans un flash, et réapparut à ses côtés, sa corne émettant une espèce de lame violette, qu'elle tenta d'abattre sur le flanc de la pégase. Rainbow esquiva le coup en faisant un tonneau et en sautant au sol, mais alors qu'elle tombait sur l'épaule, elle vit un membre bleu, emplumé, partir dans le ciel et s'écraser de l'autre côté de la licorne, dont le visage était désormais couvert de sang. Avec horreur, elle porta son regard vers son aile, ou plutôt là où elle devait se trouver. A la place, elle vit un horrible moignon battant par réflexe, comme s'il appelait le membre manquant.
Poussant un hurlement de rage, Rainbow sépara ses deux pattes, récupéra son sabre dans sa bouche et se releva. Elle tremblait de tous ses membres, et sa vision commençait à noircir. Son corps ne tiendrait pas beaucoup plus longtemps. Twilight, elle, rétracta sa lame de corne, et plongea son regard dans celui de la pégase. Celle-ci se prépara à charger, aussi inutile que cela puisse être. Elle était trop mal en point. Mais elle ne laisserait pas à Twilight le plaisir de pouvoir l'achever sans qu'elle ne riposte.
Soudain, elle ressentit une pression sur l'une de ses pattes. Elle baissa les yeux. Il y avait là une seringue, presque identique à celle du Booster, qui se vidait. Puis elle ressentit la piqûre. Et la blessure causée par son sabre, ses os broyés, et la douleur remontait à l'épaule pour se propager dans tout son corps.
Toutes ses blessures s'étaient soudainement remise à la faire souffrir. Rainbow hurla à s'en détruire la voix, puis sombra dans l'inconscience.
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Spitfire hurla le nom de la pégase cyan, et se précipita vers la Licorne Suprême, son arme brandie, la rage lui serrant le cœur. Mais alors qu'elle fonçait au point de laisser une traînée orange et jaune derrière elle, elle reçut une force comme un coup de poing dans le ventre, qui lui coupa la respiration, et fut projetée contre le mur d'une maison non loin, qui explosa sous l'impact. Elle s'écrasa sur le parquet d'une chambre, et glissa sur quelques mètres jusqu'à se cogner à un lit. Le corps meurtrit, elle tenta pourtant immédiatement de se relever, mais ses muscles faillirent et elle s'affala sur le sol. Elle tendit un sabot vers l'ouverture créée par son entrée, mais sa vue se brouilla, et sa patte retomba lourdement. Des sons lui parvinrent de l'extérieur, mais elle ne pouvait plus bouger.
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Le sifflement fut le premier signe du retour à la réalité de Rainbow. Ses oreilles lui interdisaient toute ouïe, alors elle tenta d'ouvrir les yeux. Sa vue était embuée, floue, mais à dominante violette et noire. Elle cligna des yeux quelques fois, et sa vision se stabilisa sur l'image de Twilight Sparkle, en uniforme de Licorne Suprême déchiré, la toisant de haut. Elle secoua la tête en amenant la seringue vide sous ses yeux.
-Je ne remercierais jamais assez Wunder Blut pour cet antidote au Booster. Dommage, elle est morte.
Puis son regard fut attiré par quelque chose non-loin de Rainbow, et sa corne s'illumina. Le sabre de la pégase fut attiré par télékinésie devant ses yeux, et elle l'admira. Puis elle s'approcha de la ponette cyan, jusqu'à ce que celle-ci ne puisse voir que ses pattes. La chef des Faucons tenta de lever les yeux, mais son corps ne lui répondait plus. Alors elle les ferma, et attendit le coup fatal. Qui ne vint pas.
Twilight observa le corps disloqué à ses sabots. Rainbow avait un sacré paquet de défaut, mais lorsqu'elle avec un objectif, elle s'y tenait jusqu'à ce que son organisme n'en puisse plus, et bien après, même. C'était complètement idiot. Comme ce plan de l'attaquer de front, après une provocation évidente de la part de la licorne. A vrai dire, celle-ci avait hésité tout simplement rester sur les rempart et laisser son double faire croire qu'elle était descendue. Mais si une personne méritait le respect d'un combat dans les règle, c'était celle qui était étendue devant elle.
Elle posa un de ses sabots sur le corps de Rainbow, et le fit tourner pour la mettre sur le dos. La pégase ouvrit les yeux, et elles partagèrent un regard. La poitrine dégagée de la blessée se soulevait avec peine, et même si ses deux disques roses, ces yeux magnifiques, en disait long sur son état d'esprit, elle ne parvenait pas à parler.
Alors Twilight Sparkle plaça le sabre de son amie au-dessus d'elle, à la verticale, la pointe vers le bas visant le cœur. Elle ferma les yeux une seconde, pensant que ça allait la faire souffrir autant que la pégase. Des images de leurs longues années d'amitié lui traversèrent l'esprit, comme pour l'empêcher de commettre cet acte. Mais elle les chassa de ses pensée. L'Harmonie était morte.
Alors, de toute la force de sa magie, elle planta la lame dans la chair de Rainbow Dash.
La pégase cracha du sang, et presque immédiatement, son corps s'affaissa, les yeux vitreux. Twilight passa du visage sans vie de la ponette, à l'arme plongée jusqu'à la garde dans son torse, sûrement enfoncée dans le sol, puis retourna aux yeux vides et grands ouverts. Elle leva un sabot vers eux.
Puis tout explosa.
La Licorne Suprême se mit à hurler de douleur, sous les regards surpris de ses subordonnés, inquiets de l'origine de sa souffrance. Twilight s'effondra à terre, la tête entre les sabots, sans cesser de vider ses poumons. Elle se tordit sur le sol, comme une possédée, se compressant la tête comme si cela pouvait évacuer la douleur. Mais il n'en fit rien. Son esprit subissait les assauts d'une force qu'elle ne pouvait arrêter, et sa voix fini par se briser, plongeant la scène dans le silence. De la bave commençait à couler du coin de sa lèvre, et les Licornes s'approchèrent pour l'aider.
La corne de leur leader s'alluma, et une explosion magique les envoya voler en arrière et s'écraser contre les murs des bâtiments ou au milieu de la rue. Les soldats, paniqués, s'entre-regardèrent, incapable de se mettre d'accord sur la décision à prendre. Soudain, Twilight frappa du sabot au sol, et cessa de tenter de crier. Elle serrait la mâchoire, la respiration lourde, et sa patte tremblait tandis que l'autre était toujours posée sur sa tête.
-...tez... Arrêtez...
Elle se releva tant bien que mal, et se redressa. Elle se retourna ensuite, tanguant comme une ivrogne, et dévoila son visage aux soldats qui reculèrent de surprise et de peur. Les marques de brûlures s'étaient approfondies, comme au moment de son combat contre Black Jack, rendant son œil aveugle une nouvelle fois, et dégarnissant son crâne sur la moitié. Son autre œil était exorbité, la pupille rétrécie à son maximum, et des veines rouges le striaient. Elle se mit à marcher en claudiquant sur trois pattes, la dernière toujours posée sur la tempe, le regard perdu dans le vide. Elle dépassa les soldats sans leur adresser un mot. L'un d'entre eux lui demanda si elle allait bien, et elle se tourna vivement vers lui, l'obligeant à reculer :
-LAISSEZ-MOI !
Puis sa corne s'illumina, et elle disparu dans un flash.
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Windvision s'assit, dos à un mur, le souffle court. Autour d'elle, les derniers membres des forces lunaires, tous aussi exténués qu'elle, prenaient position dans la cours, certains vérifiant les accès, l'œil vif, les autres se reposant de leur cavalcade. Coffee Crime et Moonface déposèrent le corps sans force de Black Jack sur le sol sans aucun ménagement, lui arrachant un grognement de douleur.
-Fallait pas faire ta feignasse, lui lança Flesh en passant.
La licorne était trop fatiguée pour lui répondre, alors il se contenta de lui lancer un regard noir. Le pégase brun, qui s'en fichait éperdument, se dirigea vers Windvision, l'air énervé.
-On fait quoi, maintenant ?
La ponette leva vers lui des yeux vidés de toute énergie, et soupira.
-Qu'est-ce que tu veux que j'en sache ? Même Luna s'est rendue.
-On va pas rendre les armes maintenant, si ? s'emporta le soldat.
-Quel espoir nous reste-t-il ? demanda la petite voix de Derpy, dont les yeux avaient commencé à verser des larmes. Comment veux-tu qu'on continue ? Luna s'est rendue, et tous nos plans ont foirés !
Tous arboraient des expressions tristes, fatalistes. Flesh serra la mâchoire. Lui-même devait s'y résoudre. Ils étaient finis. Si Black Jack ne les avaient pas téléportés loin de Twilight, ils seraient déjà tous morts à l'heure qu'il est. Il leur avait quand même fallu cavalé à travers les rues de Canterlot, sans but, pour trouver un endroit sûr, et ils avaient perdu deux soldats dans la manœuvre. Ils étaient finalement arrivés ici, mais il s'en rendait compte, leur temps était compté.
Les perspectives n'étaient pas réjouissantes. Avec Luna qui s'était rendue, l'essence même de la rébellion avait disparue. Personne parmi les survivants n'avait de quoi tuer Celestia, ils étaient dans une ville remplie d'ennemis qui les recherchaient et ne tarderaient pas à les retrouver. Valait mieux sauver les meubles et s'enfuir tant qu'il en était encore temps.
Mais Flesh s'y refusait. Ses tripes lui hurlaient de continuer, quitte à crever. Au moins, il mourrait arme au sabot, en explosant le crâne à ses ennemis. La vie civile, c'était pas pour lui. Ça l'était plus depuis des lustres. Il devait crever en soldats.
« Flesh ». Il s'était choisi ce nom quand il avait rejoint les rangs lunaires. Il avait alors plongé dans le monde de la guerre avec un plaisir non dissimulé. Chaque seconde de sa vie avait été un régal, chaque blessure, une bénédiction, chaque ennemis descendu, une victoire. Il avait le sang en feu sur le champ de bataille, il était né pour ça. Sa vie d'avant n'avait aucune importance. Il était véritablement né le premier jour de la guerre, le jour où Shadow l'avait appelé « Flesh ».
Né pour la guerre. Vécu par la guerre. Et il mourrait avec elle, aujourd'hui.
Il s'alluma une cigarette, et en inspira une bouffée. Il passa un sabot sur son crâne à la crinière neige qui recommençait à prendre de la hauteur. Mais pourquoi devrait-il continuer ? Juste pour tuer un maximum de mecs avant de clamser ? L'idée ne le dérangeait pas fondamentalement, mais il avait passé trop de temps avec les autres, avec Shade, Wind', Derpy, Jack... Tuer sans raison, c'était le propre des Licornes du Soleil. Ou de Nicholaus.
D'ailleurs, où était-il passé, celui-là ? Il avait fuit avant qu'ils ne se fassent coincer par Sparkle, et depuis, pas une nouvelle. Pas de doute sur le fait qu'il soit allé poursuivre encore un de ses objectifs bizarre. C'était pas le genre de type à qui on pouvait faire confiance. Mais il avait tellement l'air de vouloir casser du Solaire...
Il tourna son regard vers Windvision. Elle était triste, et ça pouvait se comprendre. Elle et Shadow, c'était une histoire étrange, sortie de nulle part, mais vraie. Flesh avait toujours trouvé la terrestre sympathique, mais savait laisser la place aux autres. Surtout quand il y avait Drill derrière.
Drill... Les avait trahi. Pire, elle leur avait menti. C'était une Salope du Soleil, comme les autres. Pas la peine de réfléchir plus avant. Pas la peine de laisser le sentimental entrer en ligne de compte. C'était comme ça qu'on arrêtait de savoir qui était ses ennemis. N'empêche, juste pour ça, le pégase avec une sérieuse envie de farcir la Sparkle d'une giclée de plomb dans l'arrière-train.
Flesh se rapprocha de Windvision, et lui posa une patte sur l'épaule. Celle-ci leva des yeux baignés de larmes vers lui, se maîtrisant pour ne pas éclater en sanglots. Comme d'habitude. Toujours plus sensible que les autres Night-Ops. Et en cela, meilleure qu'eux tous. C'était juste pas pratique pour mettre au point des tactiques. Flesh soupira, et se releva, en inspirant une nouvelle bouffée de fumée. Avec Wind' et Jack hors-course, il allait falloir qu'il prenne les rênes.
En levant les yeux au ciel, il vit une chose étrange. Puis il hurla :
-ATTENTION !
Malheureusement, au moment où il lançait l'avertissement, une vingtaine de soldats impériaux apparurent sur les toits entourant la cours, pointant leurs armes sur les fugitifs. Les Night-Ops n'eurent pas le temps de lever leurs fusils avant que l'un des ennemis ne leur lance :
-N'essayer pas de riposter. Vous êtes cernés. Rendez-vous paisiblement, et tout se passera bien.
Flesh étouffa un juron dans sa barbe. Cette fois, ils étaient bels et bien foutus.
Une série de claquements lui parvinrent depuis les toits au sud, et les soldats impériaux tombèrent en hurlant. Les autres, surpris, levèrent leurs armes en direction des tirs, qui continuaient, décimant les Solaires qui commençaient à paniquer. Flesh n'attendit pas une meilleure occasion, et leva sa mitrailleuse vers les toits, libérant un déluge de feu et de métal qui faisait exploser les tuiles et renversait les combattants touchés en arrière. Les autres Night-Ops suivirent son exemple, et chacun se mit à faire feu sur les cibles en contre-jour qui, pris en deux feux, étaient incapables de répliquer. Il se firent massacrer jusqu'au dernier, qui tomba sans hurler jusqu'au centre de la cours pour s'écraser sur les pierres.
Flesh leva les yeux vers le mur sud, et vit, se découpant sur le ciel bleu, une haute silhouette aux épaules carrés, affublée d'un chapeau haut-de-forme. Celle-ci sauta du haut du toit, et atterrit dans une roulade en se rétablissant immédiatement, replaça son chapeau sur la tête, épousseta son costume et resserra sa cravate. Le pégase ne put pas s'empêcher, par réflexe, de lever son arme vers Nicholaus qui passa devant lui sans lui accorder un regard. La licorne à l'appendice brisé balaya les troupes lunaires des yeux, et dit :
-Vous en mettez du temps.
Black Jack se releva, encore un peu groggy, et lui lança sur un ton sarcastique :
-Au cas où tu serais pas au courant, Luna s'est rendue. La guerre est finie, définitivement.
Nicholaus lui jeta un coup d’œil en coin.
-Si c'était le cas, vous seriez finis depuis la première bataille de Canterlot.
Là-dessus, il se dirigea vers une des sorties de la cours, le regard fixe et le dos droit, son fusil d'assaut en bandoulière. Avant de sortir de leur champ de vision, il lança :
-Une tempête se prépare au château.
Puis il disparut de nouveau. Les Night-Ops, eux, restèrent immobiles quelques secondes. Moonface brisa le silence :
-Est-ce qu'il vient de nous sauver ?
Black Jack secoua la tête.
-Non, définitivement, j'arrive pas à comprendre ce qu'il a dans le crâne.
-Cherche pas, fit Flesh.
Derpy, elle, restait en retrait, plongée dans ses pensées. Windvision s'approcha d'elle, inquiète sur ce qui la tourmentait. Soudain, la pégase au strabisme leva la tête, et dit :
-On est idiots.
Les autres Night-Ops se tournèrent vers elle, curieux d'avoir été insultés de la sorte. Derpy les regarda dans les yeux, chacun d'entre eux :
-Pourquoi est-ce qu'on se bat ? Pour Luna ? Pour la république Lunaire ? Pour tuer Celestia ? Non. Ou, en tout cas, c'est pas pour ça que je me bat.
Elle s'avança, et prit son fusil dans ses sabots, le portant devant ses yeux.
-Vous vous souvenez, il y a quelques mois ? C'était fini. On avait perdu la guerre, et Luna s'était rendue. L'Empire avait gagné, et on n'avait plus de raison de se battre. Et pourtant, on a continué. On a motivé Luna à reprendre les armes, je me suis motivée à reprendre les armes. Pour que Luna monte sur le trône ? Pour qu'un camp gagne ? Non.
Son arme toujours devant elle, elle ferma les yeux.
-Aujourd'hui, Luna n'est plus là pour nous guider, pour être notre symbole. Mais ce n'est pas pour elle que nous nous battons. C'est pour être enfin débarrassés de la folie qui gouverne notre monde. Pour mettre fin à l'Empire Solaire. Et même sans Luna, nous pouvons continuer à lutter pour la liberté, pour nous et pour ceux qui vont nous suivre.
Les Night-Ops s'étaient rassemblés au centre de la cours. Ils ne devaient pas perdre de temps, car les renforts allaient sûrement arriver, et pourtant, ils prirent une minute à s'entre-regarder après le discours de Derpy. Flesh eut un sourire. Il voyait leurs muscles se tendre, leurs yeux se rallumer, et le feu du combat couler à nouveau dans leurs veines. Il posa sa mitrailleuse sur son épaule, et jeta son mégot de cigarette.
-Je sais pas vous, mais y'a une tempête au château que j'ai bien l'attention de voir.
Black Jack tordit sa tête jusqu'à s'en faire craquer les vertèbres.
-C'est pas comme si on avait autre chose à foutre, pas vrai ?
Coffee Crime leva son arme devant elle, et dit :
-Jamais sans combattre.
Moonface leva aussi son fusil, et la plaça au-dessus de celle de la jument.
-Jamais sans combattre.
Un a un, tous les combattants lunaires placèrent leurs armes sur celle de leurs coéquipier, en scandant la phrase. Flesh fut le dernier, hormis Windvision qui restait en retrait. Il tourna la tête vers elle. Elle semblait hésitante, mais elle leva les yeux vers le pégase, et son air se raffermit. Elle prit son fusil, et le plaça au-dessus de la pile.
-Pour Shadow. Pour Luna. Pour la liberté.
Flesh sourit.
-Allons botter du train solaire !
-AYE ! firent tous les soldats à l'unisson.
Et, comme un seul poney, ils se mirent en route. Black Jack prit la tête de la colonne, un plan en holographie magique de la ville sous les yeux. Ils allaient passer par les égouts pour atteindre le château, libérer Luna, et déclencher la tempête au cœur même de l'Empire. Aujourd'hui, ils verraient la fin de l'Empire Solaire.
Sauf s'ils voyaient leur propre fin.
Une vingtaine de Licornes du Soleil les attendaient après un virage dans la ruelle qu'ils empruntaient. Des centaines de rayons colorés fusèrent vers la tête de la colonne, prise par surprise. Par réflexe, Black Jack déploya un bouclier devant lui pour se protéger. Mais uniquement lui.
Il tourna les yeux avec horreur vers Coffee Crime, qui était à côté de lui et se faisait déchiqueter par les rayons mortels, la bouche ouverte dans un cri silencieux. Les autres Night-Ops se mirent immédiatement à l'abri de l'autre côté du coude, mais Black Jack resta sur place. Son bouclier absorbait les tirs qui remplissaient la ruelle, lui pompant ses réserves d'énergie magique, mais il ne le ressentait plus. Toute son attention était focalisée sur le cadavre à ses sabots, méconnaissable tellement les Licornes s'étaient acharnées dessus.
Tremblant, le poney noir leva les yeux vers les ennemis plus loin, dont les tirs s'espaçaient. Sa respiration se fit plus lourde, plus rauque, et il sentait sa rage bouillonner dans ses veines. Coffee...
Elle était son partenaire depuis tant d'années. Ils s'étaient sauvés la vie mutuellement à tellement de reprises, ils étaient presque inséparables. Le cerveau et les muscles. La magie et la force. Ils étaient complémentaires.
Pourquoi ? Pourquoi n'avait-il pas déployé un bouclier plus grand ? Pourquoi les Solaires étaient-ils là ? Ces licornes étaient la honte de leur race. A cause d'elles, on regardait les cornues d'un mauvais œil dans tout le pays. A cause d'elles, la peur et la dénonciation régnaient dans le royaume. A cause d'elles, des centaines, des milliers d'innocents étaient morts sans raison.
A cause d'elles, il avait perdu Twilight Sparkle. Et maintenant, il perdait aussi Coffee.
La rage se convertissait en magie dans tout son corps. Sa corne s'illuminait progressivement, devenant éblouissante. Inquiètes, les Licornes se remirent à vider leur répertoire de sort sur lui, mais son bouclier avait brusquement reprit de la consistance, et la magie s'écrasait dessus dans le moindre dégât. Mais l'étalon à la crinière d'or n'en ressentait rien. Il baissa une dernière fois les yeux vers le cadavre de sa camarade.
Tellement de non-dits.
Il ferma les yeux. Puis les rouvrit. Ils brillaient d'un éclat blanc aveuglant, et son visage était déformé par un rictus de rage. Il se cabra et hurla :
-COFFEEEEEEE !
Et il frappa des deux sabots au sol, envoyant sa tête en avant. Toute la magie accumulée se relâcha d'un coup sous la forme d'une gigantesque boule de feu qui occupait tout l'espace de la ruelle. Les briques et les pavés commencèrent à fondre sous la chaleur qui coupa le souffle à tous les poneys présents. Les Licornes, paniquées, levèrent toutes leurs boucliers, qui se volatilisèrent au contact de la magie incandescente. Elles se mirent toutes à hurler de peur puis de douleur lorsque la boule les traversa, brûlant leurs poils, caramélisant leur peau jusqu'aux os, calcinant leurs entrailles et finalement transformant leurs os en poussière qui s'enflamma à son tour. Le feu s'éteint alors, mais la rage de Black Jack ne s'arrêta pas là. Il avait trop perdu. Chaque Licorne devait payer, chaque cadavre être vengé. Il s'élança dans la ruelle jusqu'à atteindre la rue, les Night-Ops sur les talons. Derpy se tourna vers les autres, l'air inquiet :
-Il a perdu les pédales ! Je vais aller le couvrir !
-Je viens ! fit Flesh en emboîtant le pas à la pégase.
Derrière, Windvision ordonna :
-Moonface, Scatter, Bit, Trust, avec moi, on va vers le château. Les autres, suivez Flesh et Derpy, et protégez Jack !
Les deux groupes se séparèrent, et le petit commando mené par la terrestre verte arriva bien vite en vue d'une bouche d'égout, dans laquelle ils pénétrèrent rapidement. Avant de fermer le couvercle, Windvision jeta un coup d’œil dans la direction d'où provenaient désormais des tirs et des sons de magie. Elle adressa une petite pensée pour ses camarades, et disparu dans les souterrains.
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Derpy tirait coup sur coup, et chaque pression sur la détente s'accompagnait d'une gerbe de sang provenant de la tête du malheureux visé. Chaque fois que le recul meurtrissait son épaule, l'envie de vomir lui reprenait, alors qu'elle revoyait le visage masqué de sa fille, tuée des années plus tôt. Mais elle se maîtrisait, et continuait. Elle faisait ça pour protéger ses frères d'arme, et pour faire gagner du temps à son amie partie à la rescousse de la Princesse.
Elle jeta un coup d’œil derrière elle. Ils étaient sur la place centrale de Canterlot, plus proche du château qu'elle ne l'aurait pensé, là même où Fancy Pants avait été tué des années plus tôt. Une grande esplanade circulaire, au milieu de laquelle se trouvait une fontaine dans laquelle s'étaient réfugiés les rebelles, se protégeant derrière les murets. L'endroit était très dur, voire impossible à défendre, et tout stratège se serait frappé le front si on lui avait dit que des soldats faisaient un dernier carré ici. Mais Black Jack n'était plus en état de faire de la stratégie, et cette place lui donnait l'occasion d'attirer une ribambelle de soldats et de Licorne à incinérer. Derpy ne l'avait jamais vu dans un état pareil. Il tenait presque un tiers du cercle à lui seul, et avait fait augmenter la température ambiante d'une bonne dizaine de degrés. Les pavés au sol de son côté étaient si brûlants que les soldats impériaux avaient du mal à marcher dessus.
Mais la plupart préférait contourner le magicien fou, et s'en prendre aux autres Night-Ops. Et là, ils se faisaient tirer comme des lapins par la précision de la tireuse d'élite, ou faucher par les rafales désordonnées de Flesh, qui s'était mis à rire et insultait dès qu'il le pouvait les troupes ennemies pour les faire venir à découvert. Les autres Night-Ops n'étaient pas en reste, mettant à profit les mois d’entraînement reçu pour tuer un maximum de poneys en un minimum de balles. Certains tiraient une rafale et se mettaient à couvert, d'autres restaient, comme le pégase brun, à découvert, ne perdant pas une seconde à ne pas tirer. Aucun n'avait cependant eu la même audace que Flesh, qui avait ouvert en deux son gilet pare-balle pour présenter son torse aux balles ennemies, et avait depuis longtemps abandonné son casque. Derpy s'était alors donné pour mission d'abattre les éventuels francs-tireurs qui auraient plus de précision que la moyenne.
Soudain, elle vit débarquer une troupe de six poneys en uniforme de cuir noir, et se mit à leur tirer dessus, sans effet. Foutus boucliers.
-LICORNES !
Les Night-Ops se mirent à couvert, sauf Flesh qui se contenta de descendre du rebord de la fontaine sans cesser de vider son chargeur. Soudain, une ombre passa au-dessus de Derpy, qui releva la tête pour voir Black Jack, des ailes enflammées dans le dos, atterrir entre eux et les Licornes, des projectiles divers et variés frappant son bouclier. Il rejeta sa tête en arrière, sa corne se chargea en lumière, et il la balança vers l'avant, libérant une nouvelle boule de feu gigantesque. Mais, à mi-chemin, celle-ci sembla exploser, et l'allongea sur toute la longueur de l'esplanade, pour frapper les protections magiques des Licornes qui volèrent en éclat. Immédiatement, les Night-Ops se mirent à tirer pour éliminer la menace, et les magiciennes furent déchiquetées sous une tempête d'acier.
Black Jack se retourna, et se dirigea vers le bassin. Sa respiration était plus profonde, plus difficile, et son bouclier commençait à se rapprocher de lui. De la sueur lui coulait sur le museau, et il avait du mal à marcher. Il commençait à s'épuiser. Il se jeta dans le bassin, éclaboussant les poneys aux alentours, et ferma les yeux. Quand il les rouvrit, ils avaient reprit leur couleur orangée.
Flesh hurla alors :
-Nightingale, Milky, Berry, allez couvrir le côté Est ! Vite !
Black Jack se releva péniblement.
-J'peux encore me battre.
-T'as intérêt, mon gros, répliqua le pégase. Parce qu'on en a pas terminé !
Un sourire de plaisir naquit sur son visage.
-Oh, non, c'est pas terminé...
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Des sons sourds. Comme des explosions venant de l'autre côté d'une ville. Des paroles étouffées comme si on avait plaqué des coussins sur la bouche de ceux qui les prononçaient. Des bruits de sabot dotés d'un léger écho. De l'agitation, venant d'un monde lointain. Très lointain. Mais pas assez. Car ce monde se rapprochait. Les sons devenaient plus forts, les paroles, plus audibles. On sentait une urgence. Ces sons étaient gênants. Ils agressaient. Les claquements, surtout. C'était désagréable. Mais de quoi ça pouvait bien provenir ?
La vision est floue, sombre. Impossible de distinguer quoi que ce soit, juste de la lumière et des ombres qui la coupent. Sauf quand les images sont proches. Là, on peut vaguement reconnaître un poney. Cligner des yeux, plusieurs fois. La vue s'améliore, en même temps que l'ouïe. Les images se superposent au son. Les gens sont agités. Ils réagissent aux bruits sourds et aux claquements. Puis le goût s'y mêle. Le goût de la bouche. Une substance ferreuse. Du liquide. Ce goût est connu. C'est pas bon. C'est du sang. Du sang dans la bouche.
Le toucher revient avec la douleur. Dans tout le corps. De la bouche pleine de sang sort un gémissement. Ça fait mal. Est-ce que c'est pour ça qu'il y a du sang ? Si ça fait mal, alors l'agitation des gens est compréhensible. Ils ne veulent pas avoir mal. Sur le corps, on sent quelque chose. Des vêtements ? Mais les poneys ne portent pas de vêtements ! Parfois un harnais, ou pour les grandes occasions. C'est une grande occasion ?
Il y a autre chose. Un truc dur sous le sabot. Ça a une forme bizarre. On dirait une poignée. Et à côté, un petit truc, qui bouge quand on appuie dessus. Faut pas appuyer dessus, au cas où. C'est long, aussi.
L'odorat arrive en dernier. Ça sent la fumée. Le sang. Le sel, aussi. L'air humide. La sueur. La peur, si on se concentre bien. Et les épices. Ça sent les épices.
Le zèbre. Ça sent le zèbre.
Big Macintosh se releva doucement, son corps le faisant énormément souffrir. La tête encore dans les brumes, il se tourna autour de lui. Il n'était plus sur la plage, mais dans une pièce, dont l'aspect ressassait en lui de vieux et douloureux souvenirs. Il était dans une des alcôves d'une tranchée. Il posa le sabot sur son fusil, le remit en bandoulière, et commença à se lever, tâchant de garder l'équilibre. Un zèbre non loin se dirigea vers lui.
-Content de vous revoir en vie, Capitaine, lui dit-il en lui tapotant l'épaule.
-...elle,… éou ?
-Quoi ?
-La zébrelle. Elle est où ?
L'autre haussa un sourcil.
-Va falloir être plus spécifique.
L'étalon rouge garda le silence un instant, puis laissa tomber :
-Rapport d'la situation.
-Aaah, ça fait du bien de vous voir direct à l’œuvre. La ligne de bunker est tombée il y a deux heures, et sur les trois rangées de tranchée, on en a eu deux. La troisième oppose une forte résistance, mais le Haut-Roi ne relâche pas la pression.
-Deux heures ?
-Vous avez comaté un paquet de temps, capitaine.
L'étalon secoua la tête.
-J'vais à la seconde ligne. Où en sont les blindés ?
-Impossible à débarquer. L'Empire a reçu des renforts pégases qui coulent nos barges d'assaut quand elles arrivent.
-On a pas d'unité anti-aérienne ?
-Elles ont le même problèmes que les tanks, capitaine. Mais le Haut-Roi va tenter quelque chose avec les shamans.
Il prit une feuille de papier, et souffla dessus pour l'envoyer de l'autre côté de la salle de soin, remplie de poneys et zèbres blessés. Big Mac observa la feuille un moment, acquiesça puis remit son casque et sorti de la pièce.
Il fut immédiatement agressé par les odeurs de l'air ambiant qui lui comprimèrent la poitrine. Il s'arrêta un instant, s'emplit les poumons de cet atmosphère atroce pour s'y habituer, et reparti au trot à travers la galerie. Les tranchées de la côte étaient réparties sur trois grandes lignes parallèles à la mer, jointes entre elles par des coursives bien armées. L'étalon emprunta l'une d'elle, slalomant entre les soldats qui allaient et venaient, pressés, et rejoignit la seconde ligne. Ici, les combats étaient à leur paroxysme, et il se baissa rapidement le plus qu'il le pouvait pour éviter les éclats. Les zèbres étaient pour la plupart couchés contre la paroi, attendant une ouverture pour se lever et tirer contre leurs adversaires, qui ripostaient dès qu'ils voyaient une tête dépasser, voir même avant, pour obliger les débarqués à garder profil bas, certainement dans le but de gagner du temps. Big Mac passa néanmoins sans s'arrêter, se dirigeant vers l'endroit où se trouvait généralement la chambre des officiers.
En chemin, il croisa cependant un très jeune zèbre, à peine sorti de l'enfance. Il était cramponné à son fusil, tremblant, et baissait les yeux vers le sol, n'osant pas lever la tête. Big Macintosh ralentit, et finit par s'arrêter à côté de lui, sans qu'il ne semble le remarquer. L'étalon rouge se rangea sur le côté pour laisser passer les autres soldats, et s'accroupit à côté du zébreau. Celui-ci cessa de regarder le sol pour fixer les sabots du capitaine, réalisant alors qu'il était observé, et leva la tête vers le capitaine. Le poney lui posa alors délicatement une patte sur l'épaule, et le jeune ferma les yeux pour éviter que sa panique ne se voit trop.
-D-désolé, ca-capitaine... J'y arrive pas...
-Comment tu t'appelles ?
Le zébreau déglutit, et formula difficilement :
-Pel'Hiat, m-mon capitaine.
-Retourne à l'arrière, Pel'Hiat. Va à l'infirmerie et restes-y quelques minutes.
-J-je peux pas, j'ose pas b-bouger.
Big Macintosh souffla, puis glissa sa tête sous le ventre du jeune surprit pour le mettre sur son dos, en prenant garde à ce qu'il ne dépasse pas de la crevasse, et il partit en sens inverse, rejoignant rapidement une des cursives. Là, il déposa le zèbre à terre, et lui dit :
-Fonce.
Pel'Hiat le regarda quelques secondes sans bouger, puis se remit sur ses pattes et disparut vers la première tranchée. Satisfait, Big Macintosh se retourna, et reprit sa route initiale.
Il finit par arriver devant une alcôve creusée dans la parois de terre, dont l'ornementation indiquait un lieu plus important. Il passa une tête à l'intérieur, et y vit le Haut-Roi Eliah accompagné de trois autres zèbres en uniformes décorés, ainsi que son garde du corps tapi dans l'ombre non loin. Ils s'interrompirent en pleine discussion pour lever la tête vers l'entrée et le poney qui se trouvait là. Eliah l'enjoignit du sabot à s'approcher.
-Capitaine, vous tombez à pic, Vos conseils sur la situation seraient bénéfiques. Si nous avons pu jusque-là avancer sans trop d'encombres, La tendance se renverse, et je crains l'hécatombe. Si les renforts ennemis arrivent avant que les notres ne débarquent, Notre assaut pourrait vite tourner au désastre.
-'faut charger, dit simplement l'étalon rouge.
Les militaires restèrent muet quelques secondes face à cette affirmation brute, mais l'un des généraux brisa rapidement le silence :
-Charger ? Avez-vous perdu la tête ? Vous rendez-vous compte du nombre de pertes ? C'est du suicide, et je refuse Que nos zèbres paient notre manque de ruse.
Big Macintosh se contenta de secouer négativement la tête.
-J'ai passé trois ans à combat’ dans les tranchées d'Equestria. J'peux vous promettre qu'on a tout essayé : attaque par l'flanc, infiltration, bombardement... Y'a qu'deux techniques qu'ont fonctionnées : l'assaut massif et les gaz. Et même si on pouvait l'faire, j'refuserais qu'on utilise la deuxième.
-Donc quoi, nous attaquons en masse Et prions pour que certains de nos soldats passent ?
-Pas forcément.
L'étalon rouge jeta un coup d'oeil à la carte d'état-major au centre de la pièce. On y voyait l'océan au sud, la plage où ils avaient débarqué avec les bunker marqués par des croix, les lignes de tranchées dessinées le plus fidèlement possible et le village situé à quelques kilomètres au-delà, leur objectif pour confirmer leur tête de pont. Vu de là, la distance entre la plage et les bunkers n'était pas si immense.
-Vous allez faire quoi pour les pégases ?
Les généraux s'entre-regardèrent, mais ce fut Eliah qui répondit :
-Nos shamans préparent les rituels pour attirer le courroux du vent Et ainsi souffler vers leurs lignes tous ces poneys volants. La brise, qui plus est, nous permettrait De faire avancer nos barges plus vite pour débarquer.
-Dernière question, fit le capitaine. Vous savez vous battre dans une tempête de sable ?
-Nos soldats de métier sont bien entrainés, Et les autres peuvent se débrouiller, Mais je ne vois pas, d'après votre climat, En quoi cette compétence nous ai...
Les yeux du Haut-Roi s'écarquillèrent.
-...dera...
Le zèbre considéra le poney rouge, et un sourire s'élargit sur son visage.
-Si cette idée fonctionne, Au poste de grand stratège je vous nomme.
-Hey ! fit un des généraux présent, l'air indigné.
Mais Eliah ne s'en préoccupa pas, et appela l'un des soldats postés à l'extérieur.
-Allez voir les shamans, et dites-leur Que dans les rituels qui sont les leurs, De faire souffler les vents jusqu'au sable, Et de déclencher une tempête de tous les diables. Qu'on n'y voit plus à deux mètres, Et qu'un assaut elle puisse nous permettre.
Le zèbre salua et sorti immédiatement. Le Haut-Roi se tourna alors vers son état-major :
-Messieurs, voici le plan : Une fois que les shamans auront levé les vents, Nous attaqueront profitant de la tempête A laquelle les poneys nullement ne s'apprêtent, Et nous les combattrons à notre manière, Comme lors des aléas de notre désert. L'assaut ne sera pas sans fracas, Mais le sable en limitera les dégâts. D'ici-là, nos blindés devraient débarquer, Et apporter le soutien qui pourrait nous manquer. Messieurs, à vos armes Et puisse les dieux bénir vos âmes.
Les autres zèbres reprirent la dernière phrase en chœur, et il se mirent s'équiper de leurs fusils et leur barda. Big Macintosh sortit de l'alcôve pour replonger dans l'atmosphère lourde des combats, ses oreilles immédiatement assaillies par les claquements des armes et bombardements. Il sentit une pression sur son épaule, et se tourna pour voir Eliah, qui acquiesça.
-Vous participez à l'assaut, Haut-Roi ?
-Je serais un bien piètre dirigeant Si je laissais mon peuple se battre sans que je sois devant.
L'étalon rouge nota alors deux zèbres aussi large et musculeux que lui, voire plus, se tenant derrière le roi, ainsi que Hashin, son garde du corps, à peine plus en retrait. Eliah nota son regard, et haussa les épaules. Puis son regard se fit plus dur.
-Maintenant, il nous faut faire preuve de patience, Et prier les dieux pour attirer la chance.
Big Macintosh tira sur la culasse de son fusil.
Si seulement ce n'était pas qu'une question de chance...
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Fancy Pants.
Fleur-de-Lys rouvrit les yeux, couchée contre la paroi de la tranchée. Le vent s'était levé d'un coup, et soufflait de plus en plus fort. Le radio de l'escouade les avait prévenu de la suite des opérations, et l'heure fatidique approchait. La jument avait souvent entendu des vétérans de la guerre des tranchées lui dire que l'attente était le plus dur de ce genre de bataille. Elle ne pouvait pas les contredire.
Régulièrement, pour ravaler sa peur, elle avait fermé les yeux, mais alors elle avait toujours la même image qui s'imposait à son esprit : Fancy Pants, en costume complet, sa moustache parfaitement taillée et sa crinière coiffée au crin prêt, comme pour aller à un gala d'importance. Non pas qu'il aimât passer des heures devant un miroir pour être plus que présentable, mais sa place dans la société Canterlotienne lui donnait des obligations.
Et puis, il était tellement beau après... Une fois, elle s'était même jetée sur lui après plus de deux heures de préparation. Il avait tout fallu recommencer une fois qu'elle en avait eu terminé avec lui, et il était arrivé en retard.
Fleur secoua la tête. Elle ne devait pas se laisser déconcentrer, se laisser partir dans la mélancolie. Ça valait ce que ça valait, mais elle avait lu suffisamment de romans pour savoir que celui qui pensait à son être aimé avant la bataille mourrait à coup sûr.
Remarque, quel mal cela pouvait lui faire ? Au moins, elle serait aux côtés de son bien-aimé...
-Ça va, Mademoiselle Lys ?
Fleur leva les yeux vers K'Sea, qui la regardait d'un air inquiet. Elle hocha la tête.
-Désolée, K'Sea. J'ai encore un peu de mal à me faire aux champs de batailles.
-Restez avec nous, Mademoiselle. Ce n'est pas le moment de flancher.
-Enfin, elle au moins, Elle mourra chez les siens.
Kal'Ek esquiva de justesse la ruade lancée par la zébrelle, qui lui jeta un regard courroucé, sans qu'il ne s'en émeut plus qu'un haussement d'épaule. Fleur ne put s'empêcher de fixer la large traînée rouge qui lui cinglait l'encolure, trace d'un coup de couteau fatal qu'il avait réussit à éviter, du moins en majeure partie, lorsqu'il était descendu dans la première ligne de tranchée. La blessure s'était arrêté de saigner entre-temps, mais le moindre effort brusque, comme l'esquive du sabot de son camarade, la rouvrait.
Fleur se leva en tirant une compresse de son sac. Le zèbre la regarda en fronçant les sourcils, mais ne fit rien pour s'écarter quand elle le lui posa sur la cicatrice ouverte. Au cours de l'assaut sur la plage et l'attaque sur les tranchées, la licorne avait fini par comprendre le jeu des deux rayés, notamment celui du touazèbre. Il était réellement terrifié à l'idée de mourir loin de chez lui, et le cachait derrière des insultes et une rage au combat que Fleur n'avait encore jamais vue. Il utilisait peu son fusil, tirant quelques rafales le temps de se rapprocher de son ennemi, mais préférait clairement combattre au corps-à-corps, son sabre courbé virevoltant au rythme de ce qui pouvait presque passer pour une danse. Son pelage était maculé du rouge du sang de ses ennemis, et malgré tout, il s'en était tiré sans trop de blessures graves.
K'Sea, elle, s'occupait de le couvrir, car si le zèbre aimait aller au contact, ce n'était pas le cas de ses adversaires. Avec Fleur, elles avait formé un espèce de trinôme, les deux juments se couvrant mutuellement tout en gardant un œil sur le guerrier qui se jetait sur l'ennemi sans paraître y réfléchir. Entre-temps, la zébrelle tentait de faire en sorte que Kal'Ek ne soit pas trop insultant, mais cela cachait sa propre peur, qu'elle évacuait en frappant le zèbre de toutes ses forces et en hurlant des paroles en vieux zèbraïque à chaque tir.
Fleur, elle, ne parvenait même plus à avoir peur en combat. Si l'attente et l'expectative des combats la terrifiait, lancée dans sa charge, son arme au bout des pattes, elle s'empêchait de penser à quoi que ce soit. Juste avancer, viser, tirer, faire attention à Kal'Ek et K'Sea, continuer à avancer...
C'était le cas jusqu'à ce qu'elle pénètre dans la première tranchée. Elle avait sauté à bas de la crevasse, mais un faux mouvement l'avait faite tomber. Et elle s'était alors paralysée. Juste devant elle s'était tenu le visage d’un soldat ennemi, perforé au niveau d'un œil, le sang se répandant encore à travers l'orbite éclatée. La jument s'était retrouvée incapable de bouger, jusqu'à ce que Kal'Ek l'attrape par les épaule et la remette debout. Là, elle avait commencé à retrouver ses réflexes, mais à l'intérieur, elle était devenue vide. Le combat avait continué, mais elle ne parvenait plus à se souvenir de ce qu'elle avait fait. Juste ce visage, sans émotion particulière, surpris en pleine action d'une balle à l'oeil.
La lutte avait stagné au niveau de la seconde tranchée. Passer de la première à la seconde avait été coûteuse en soldats, les cursives étant équipées de mitrailleuses sur pivot à leur extrémité. Depuis, l'état-major avait bloqué l'avance, craignant de gâcher trop de vie dans cet assaut, déjà catastrophique au niveau du débarquement. Mais ils avaient mis au point une nouvelle stratégie, comptant sur la capacité des zèbres à se battre dans une tempête de sable. Kal'Ek se délectait déjà de cette opportunité, enroulant sa tête dans les bandeaux couleur pourpre traditionnels de sa famille.
Fleur-de-lys, elle, passait son temps à ressasser des souvenirs d'elle et Fancy Pants. Que penserait-il de la voir ici, à tuer des poneys sans même y réfléchir une seconde ? Il secouerait la tête, se détournerait, et irait s'enfermer dans son cabinet, comme toujours quand la jument le décevait sur un point. Puis il sortirait quelques heures après, l'envelopperait de ses pattes, et ils n'aborderaient plus jamais le sujet.
Au moins, elle mourra chez les siens.
Et elle en serait heureuse.
-Mad... commença K'Sea, voyant que la licorne s'était bloquée, la patte pressant toujours le bandage contre la blessure de Kal'Ek.
-Si vous plait, K'Sea. Tutoyez-moi et appelez-moi Fleur.
La zébrelle hésita un instant, puis acquiesça.
-La même chose vaut pour toi, Fleur.
A ce moment, Kal'Ek prit le sabot de Fleur et l'écarta de lui, puis il planta ses yeux dans les siens.
-Tu ferais mieux de te souvenir De ce qui t’as fait venir, Et de pourquoi notre peuple t’as suivie. Pour détruire cette tyrannie. Ne laisse pas des tours ton esprit te jouer Et sache que sur nous tu pourras compter.
Il maintint le contact avec le regard de Fleur quelques secondes, puis la licorne se tourna vers K’Sea, qui hocha la tête. Alors l’ancienne top-model reprit son arme, prit une grande inspiration, et ses yeux se mirent à brûler de détermination.
Elle était là pour son pays.
Le vent sifflait maintenant avec force, et charriait avec lui des tourbillons de sable qui fouettaient les imprudents à découverts. Les grains s'insinuèrent dans la cursive non loin de la position de Fleur, par où elle allait s'engager, elle et son escouade, dès que l'ordre leur en serait donné, et au fur et à mesure, leur vision s'amenuisait jusqu’à quelques mètres à peine. Mais les zèbres ne semblaient pas s'en soucier outre mesure. Au contraire des quelques poneys qui tentaient de recracher le sable qui leur était entré dans la bouche et les naseaux. Il se consolaient en se disant que le vent était dos à eux, et leur donnerait un avantage certain.
En face, les soldats de l'Empire avaient baissé la tête pour se protéger de l'agression des éléments, et peinaient à garder les yeux ouverts sous les bourrasques. Les pégases dans le ciel luttaient contre ce vent surnaturel pour rejoindre leur position, mais finissaient par se laisser porter vers leur ligne, les mâchoires serrées. Au loin ils voyaient, impuissant, des barges d'assaut remplies d'engin de métal foncer au plus vite vers la plage.
Puis trois coups de sifflets retentirent, aussitôt suivis d'un cri de guerre repris en chœur par des centaines d'équidés. Aussitôt, les troupes solaires se mirent en position, avant de constater qu'ils n'y voyaient toujours rien et que le sable les gênait toujours. Certains tentèrent néanmoins de tirer au hasard, l'écho des détonations se perdant dans le tumulte. Au niveau des cursives, les mitrailleuses se mirent en route, balayant l'espace devant elles dans un tir de suppression préventif. Porté par le vent, le cri de guerre retentissait toujours.
Mais au bout d'une minute, ils se rendirent à l'évidence. Ils avaient été joués. Et les bandes de munitions des mitrailleuses arrivèrent à leur extrémités, la culasse claquant dans le vide. Les poneys chargés de réapprovisionner les armes se jetèrent sur celle-ci, mais le vent les fouettant ne leur permettait pas d'être aussi efficace qu'à l'entraînement.
Et soudain, comme des fantômes surgis du néant, accompagné d'un véritable cri de guerre cette fois, les zèbres apparurent.
Fleur était derrière Kal'Ek, d’autres zèbres se trouvaient encore devant, et K'Sea était derrière elle. Elle galopait dans la cursive, qui effectuait de légers virages, joignant sans l'entendre sa voix au hurlement collectif. En face d'elle, elle entendit les claquements témoignant de l'engagement entre les deux forces, et les cris de souffrances qui l'accompagnait. Le pari avait payé. Ils avaient forcé le passage.
Kal'Ek partit brusquement sur la droite, pénétrant dans l'ultime ligne de tranchées. Fleur le suivit immédiatement, accompagnée par K'Sea, et enjamba les corps sans vie des servants de la mitrailleuse. Au-dessus d'elle, le vent de sable continuait de souffler, les empêchant de lever la tête trop haut. Soudain, de éclats de tirs fusèrent autour d'eux, arrachant des pans de terre aux murs de la crevasse. Deux zèbres s'abattirent dans la poussière, fauchés en plein élan, mais Kal'Ek dépassa les cadavres sans s'en soucier, son fusil au sabot et son sabre entre les dents, et s'élança vers les solaires surpris par sa manœuvre. Fleur et K'Sea visèrent rapidement les parties visibles des soldats ennemis entre le touazèbres et le mur, et délivrèrent quelques rafales qui firent éclater des gerbes de sang. Kal'Ek abattit alors son sabre sur l'un des soldat, entaillant son cou jusqu'à sa colonne vertébrale, et donna un violent coup dans un deuxième, ce qui dégagea une ligne de tir à Fleur, qui visa rapidement avant d'appuyer sur la gâchette, et les balles transpercèrent le crâne du poney qui s'effondra en arrière, libérant la place pour un autre qui chargea le zèbre avec une pelle. D'un coup de tête, Kal'Ek dégagea sa lame du corps de son précédent adversaire, et para habilement l'attaque tout en plaquant le canon de son fusil contre la tempe de l'assaillant, qui eut tout juste le temps de prendre un air apeuré avant de recevoir une volée de balle dans l'oreille. K'Sea bondit alors en avant, et continua de tirer pour couvrir son acolyte.
Fleur s’élança pour les rejoindre, mais une douleur fulgurante lui traversa brusquement le dos, lui arrachant un hurlement qui se perdit dans le tumulte du vent et de la bataille, et elle tomba à terre, cherchant à atténuer sa souffrance. Elle tourna la tête vers l'arrière, et vit un soldat solaire se relever, en bipède, une patte tenant un pistolet pointé vers la licorne, et l'autre se tenant la large blessure qu'il avait en travers de l'encolure.
Il boita en se rapprochant de la jument, la douleur se lisant sur chacun des traits de son visage, et tenta d'ajuster sa visée sur la tête de Fleur. Il tira une balle qui frappa le sol juste à côté d'elle, et elle chercha, paniquée, son arme. Derrière le solaire, il n'y avait pas de zèbre pour la secourir, et personne ne venait à sa rescousse, Kal'Ek et K'Sea étant trop occupés par leur propre combat. Elle était seule.
Elle chercha du sabot quelque chose pour se défendre, pendant que l'autre relevait sa patte, luttant contre la mort qui le rattrapait pour abattre un ultime ennemi, un traître, qui plus est. Le sabot de la licorne rencontra un objet, et elle l'abattit de toute ses forces contre la patte qui se tendait vers elle. Le coup partit juste avant que le tranchant de la pelle ne découpe le sabot ennemi, et la balle arracha l'oreille de Fleur qui poussa un hurlement en même temps que son adversaire. Celui-ci s'appuya contre le mur, portant son moignon à ses yeux. Paniquée, Fleur se releva d'un bond, l'adrénaline lui faisant oublier la douleur de son dos, et leva une nouvelle fois son arme improvisée. Puis, sans y réfléchir, elle frappa.
La tête du soldat solaire s'envola jusqu'à sortir du couvert de la tranchée, et disparu dans la tempête. Son corps décapité resta debout une très longue seconde, puis s'effondra aux sabots de la licorne, qui ne parvenait plus à en détacher les yeux. Elle lâcha sa pelle, et la souffrance la rattrapa aussitôt. Elle tomba au sol en hurlant
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Crimson Brush baissa ses jumelles, et fronça du museau. Ces foutus rayés étaient définitivement pleins de surprises. Les pégases météo avaient reçu l'ordre formel d'un calme plat sur la côte pour une durée indéterminée -jusqu'au débarquement, en fait- et pourtant, il y avait eut ce vent qui avait bien gentiment soulevé tout le sable de la plage et soufflé leurs forces aériennes comme des fétus de paille.
La situation semblait s'être stabilisée au niveau des tranchées, pourtant, et le général s'apprêtait à donner l'ordre à ses poneys d'avancer pour réduire cette tentative d'invasion pitoyable à néant. Mais alors que tout se passait bien, leur vision avait été bouchée. Impossible de savoir ce qui se passait là-bas, et les transmissions radio étaient vagues. Un coup c'était l'assaut, l'autre, une diversion, finalement ils attaquaient...
Et pendant ce temps, Crimson Brush souriait, alors que ses subordonnés le suppliait de lancer l'assaut. Et ils avaient raison. Il aurait fallu donner l'ordre tout de suite, profiter de la faiblesse de l’ennemi même avec cette tempête de sable, et les écraser sous les chenilles conquérantes de l'Empire. Mais il leur avait dit d'attendre.
A présent, le massacre imminent se muait. Les zèbres étaient désormais retranchés, leurs blindés débarquaient et se mettaient en position, leurs unités antiaériennes levaient leurs museaux vers le ciel pour en distinguer la moindre tâche anormale. L'équilibre se créait.
L'hécatombe se transformait en bataille rangée, le massacre en guerre équitable. Une guerre qui ferait des morts aussi bien chez les zèbres que chez les poneys, qui mettrait à mal les deux camps et sèmerait la désolation dans les familles des deux pays. Crimson Brush n'allait pas leur rouler dessus. Il allait les combattre.
Il se lécha les babines à cette pensée. Dire qu'ils avaient failli entrer en période de paix. Mais enfin, tous ces ronds-de-patte, ces infiltrations, ces longues discussions avec Blueblood, ces manipulations, ces assassinats, tout cela prenait enfin leur véritable sens. Et Brush retrouvait son habitat favori.
La guerre. Un monde en flamme. Des êtres qui s'entre-tuent. C'était tout ce qu'il voulait. C'était tout ce qu'il désirait connaître.
Crimson Brush se redressa, juché sur l'un de ses blindés, et se tourna vers ses forces. Deux milles poneys attendant son simple ordre, une centaine de blindés garés, les moteurs vrombissant. Une compagnie entière de pégases prêts à l'envol. Des Licornes du Soleil parsemés parmi les soldats pour leur insuffler l'envie d'avancer.
En face, plus ou moins la même chose de zèbres prêt à défendre leur contrée contre une attaque éventuelle -voire même, assurée. Et en prime, le Haut-Roi lui-même, dont la perte plongerait les Royaumes dans le chaos.
Trois mots uniquement, pour déchaîner une nouvelle fois la folie qui avait gangrené le monde.
-A l'attaque.
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Et pareil pour neguss nephala, j'ai juste repris le nom. C'est un hommage, la construction des deux univers est totalement différente.
Tu remarquera par exemple que j'ai inclus quelque part le roi Aurum, ancien roi licorne de BAZ.
De nombreux hommages se cachent dans les noms des personnages et des titres, mais l'univers est personnel et construit avec mes propres briques.
Autrement moins gravement, je voulais poser une question au sujet d' Eliah. Je lis PWC en parallèle avec Brasier Année Zéro, de @Bro-nie, et je retrouve le même nom pour le Haut-Roi zèbre. La logique amènerait à pensée qu'il s'agit de son descendant ici, mais dans B.A.Z., Eliah est frère avec le Neguss. Y aurait-il eu céssession? Je sais qu'il ne s'agit pas d'une de tes fictions, mais comme tu écrivais en même tant que @Bro-nie, vous aviez fait en sorte d'inclurent Eliah comme un clin d'oeil nourrissant ton World-Building chez les zèbres. Ma supposition est-elle fondée?
Celle qui m'a fait détester Twilight.
Celle qui m'a fait ressentir la colère d'Apple Jack.
Celle qui m'a fait peur devant Pinkie Pie.
Celle qui l'a fait prendre Rainbow Dash en pitié.
Celle qui m'a fait prendre Fluttershy en affection.
Celle qui m'a fait bouillir de rage devant le sort de Rarity.
République Lunaire, Empire Solaire. Chacun se battent pour leurs idéaux. Il n'y a pas de méchant, pas de gentils. Juste la guerre.