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Pony War Chronicles

Une fiction écrite par ironponymaiden.

Chapitre IV : Perdues à Jamais

Du cidre. Il n’y avait que ça de vrai, dans ce monde de tarés. Du cidre de bonne qualité, avec des pommes venant d’un des rares vergers encore en activité, triées par le nouveau système de détection de la pourriture, plus rapide et plus performant, pour éviter un nouvel « accident Ponyville ».

De toute façon, les jumeaux n’ont plus jamais accepté un pari. C’était mauvais pour les affaires. Et le Super Speedy Cider Squeezy 9000 se suffisait à lui-même. En plus de son nouveau design novateur, d’un moteur digne d’un tank et de pâles rétractables pour permettre un déplacement plus rapide par la voie des airs, il produisait en plus du cidre alcoolisé, idéal pour remonter le moral aux soldats au front.

Où à deux ingénieurs en manque de travail. Car au final, ils pourraient se remettre au commerce du cidre, mais ça ne valait rien à côté de ces magnifiques années à travailler pour le compte de la Princesse/Impératrice/Déesse/On-ne-savait-plus-quoi. Les armes. Engins de mort atroces, symbole de la déchéance de ce monde, mais aux yeux des frères, c’étaient de magnifiques bébés, des concentrés de technologie, de mécanique précise, de savoir-faire assuré. Leur imagination était sans limite, et chaque prototype était soigneusement étudié.

Certes, ils créaient la mort. Mais une belle mort, par ce qui se produisait de mieux en Equestria.

Les armes créées par « T », le pseudonyme guerrier des commerçants autrefois connus sous la marque « FlimFlam Brothers ».

Mais aujourd’hui, c’était la fin. Ils étaient riches, tranquilles, profitant de leur retraite, mais plus jamais les autorités ne leur demanderaient de mettre en marche leur géniales cervelles jumelées pour façonner des œuvres d’arts mécaniques.

Enfin, ça pourrait être pire. Ils pourraient être connus pour ça. Et ils pourraient être totalement sans défenses face aux revanchards, au lieu d’être entourés de gardes du corps cachés dans les clients du pub comme présentement. Et ils pourraient être en train de boire cette horreur du vieux Jack au lieu de leur divin cidre. Ou cet affreux alcool de patates rapporté par des griffons de passage.

Flim leva les yeux. Un poney venait d’entrer dans le pub, sous le regard inquisiteur mais discret des protecteurs des jumeaux. La licorne portait un costume de façon négligé, un haut-de-forme posé penché sur sa tête, et une barbiche ornait son menton. Il avait l’air ailleurs, ce visage d’imbécile heureux vivant dans les nuages, et se dirigeait vers le bar en chantonnant.

Et cet air fit tiquer les oreilles des jumeaux. Ils connaissaient cet air. Pour la simple et bonne raison que c’était leur thème quand ils faisaient la promotion de leur machine autrefois.

Et ils avaient cessé de la chanter après un certain concours...

Ils regardèrent leurs gardes de façon inquiète, mais ceux-ci ne semblaient pas réagir. C’était juste un doux rêveur qui venait se désaltérer, en commandant un amaretto pomme au barman, en précisant qu’il devait y ajouter deux glaçons.

Puis il se tourna vers les frères, et commença à chanter :

-Oh ! Regarde-moi donc ça, ma chère A.J., c’est la même chose qu’ailleurs.

Des poneys en armes, peu méfiants, protégeant la cible des Impardonneurs.

Peut-être faut-il les secouer un peu, tirer dans le tas, et tous les massacrer…

Puis entra dans la salle une terrestre orange, son stetson sur la tête, un long cache-poussière avec cousu un symbole de crâne en forme de pomme dans le dos, et un fusil à pompe dans la patte.

Et Applejack chanta :

-J’suis parfait’ment à l’aise avec ça, Swift Quill, j’adore vraiment tes idées.

Puis elle pointa son arme sur un des gardes présents, alors que le dénommé Swift Quill tirait son revolver de sa veste pour viser un pégase près de lui, et que les fenêtres explosaient sous les coups de crosses d’autres poneys en armes au-dehors.

Et le carnage commença. Les tirs fusèrent dans toute la salle, les balles transperçant sans faire de distinction entre gardes du corps ne pouvant pas répliquer, les clients venant simplement profiter de la fin de la guerre autours d’un verre qui éclata à cause d’une balle perdue, ou serveurs qui avaient la malchance de ne pas être en vacance ce jour-là. Les seuls à être épargnés à l’intérieur semblaient être Applejack, Swift Quill et les jumeaux.

Et par-dessus les balles, on entendait les tueurs chanter :

-Quand on a l’opportunité

D’attraper ces deux enfoirés…

Quill visa le garde qui se trouvait derrière la licorne imberbe, et lui transperça le crâne d’une balle. Le poney se renversa en arrière, alors que l’ingénieur hurlait de terreur en sentant des gouttelettes de sang sur sa nuque, et le corps du garde s’effondrer derrière lui.

-C’est Flim.

La ponette de ferme pointa ensuite le canon de son arme sur un autre poney musculeux qui faisait barrière de son corps pour protéger le moustachu, et sa poitrine explosa sous l’impact de la chevrotine de l’arme au canon scié. Il s’écroula à genoux dans un gargouillis sanglant, et fini par tomber sur le côté, sous le regard incapable de se détacher de la scène du deuxième frère.

-C’est Flam.

Puis les deux poneys se dirigèrent vers les jumeaux pendant que le massacre se terminait dans un concert de rafales, chantant en chœur :

-Ce sont les fameux FlimFlam Brothers.

Et ils s’assirent en face des licornes terrifiés, alors que le dernier client qui rampait à terre voyait son crâne éclater au sol dans une détonation, mélangeant son sang et sa cervelle au liquide rouge qui recouvrait désormais la surface du pub.

Et la chanson se termina :

-Célèbres pour leurs armes mortelles.

Applejack et Swift Quill restèrent ainsi à observer les deux frères, qui s’étaient rapprochés l’un de l’autre, et se serraient le plus possible pour se rassurer face au regard de ces deux tueurs aux vêtements tachés de sang, qui affichaient d’imperceptibles sourires.

D’autres poneys en arme entrèrent dans le bar, et se mirent à sécuriser la position, rangeant les cadavres dans un coin de la pièce, et vérifiant les fenêtres, sous les tables, derrière le comptoir et ailleurs dans le bâtiment. Dehors, des Impardonneurs montaient la garde et éloignaient les curieux qui de toute façon étaient plus terrifiés que curieux.

Finalement, au bout d’une minute d’observation silencieuse, Swift Quill décida de lancer la conversation :

-Bien, je suppose que vous vous doutez que si vous êtes en vie, c’est pour une bonne raison.

-Et qu’si nous sommes là, c’pas par hasard, conclu Applejack. N’est-ce pas, « T » ?

Les frères frémirent à cette lettre. Ça avait fini par leur exploser à la gueule, en définitive.

-Qu’est-ce que vous voulez de nous ? demanda Flim. Des armes ? Des munitions ? Du…

-Une arme, dit Applejack.

-Une seule ? fit Flam, surpris. Que…

-Pas n’importe laquelle, le coupa Swift en se levant.

La licorne commença à tourner autour de la table, sans lâcher les frères des yeux.

-Laissez-nous vous raconter une histoire, commença-t-il.

-Il était une fois en Equestria, fit Applejack, la Princesse a commencé à entrer dans un délire…

-Elle voulait protéger son pays contre les envahisseurs. Tous les envahisseurs. Et surtout les gros, forts, puissants, aux écailles solides…

-Aucune arme de c’temps n’pouvait percer les écailles des Dragons. Si leur… Leur…

-Conseil.

-‘rci. Si leur Conseil décidait de rassembler les lézards volants, on n’aurait rien pu faire.

-C’est alors qu’elle entend parler d’un accident à Trottingham. Deux espèces d’inventeurs auraient raté une expérience, dans le cadre de leur projet pour leurs machines à cidre. Augmenter la puissance pour écraser les pommes, il me semble ?

Les jumeaux acquiescèrent lentement, se demandant pourquoi les tueurs mettaient ces vieilles histoires sur le tapis.

-Pour ce faire, ils utilisaient un nouveau type d’explosif. Mélange de nitrate de potassium, aussi appelé « salpêtre », de charbon et de souffre, sous la forme d’une poudre noire. Ce composant est extrêmement inflammable, et produit une explosion puissante. Assez puissant pour projeter un morceau de tôle à travers un mur, et blesser le poney qui se trouvait derrière.

-Celestia demande à c’qu’on relâche les deux licornes qui étaient en prison, et leur demande d’améliorer le concept pour fabriquer des armes.

-Et c’est ainsi que naquit la balle, déclara Swift Quill en posant un des projectiles sur la table, dressé vers le ciel. Petit cylindre de métal rempli de poudre, avec le capuchon effilé qui file à l’explosion, fiiiiiuuuu! Pouvant aller jusqu’à percer une écaille de dragon si on a de la chance.

Swift posa ses pattes avant sur la table, et montra son pistolet.

-Bien sûr, la balle seule ne sert à rien, et ils ont aussi inventé le lanceur. Fusil. Plusieurs tirs à la fois : fusil d’assaut. Réduisons le poids, augmentons la cadence de tir : mitraillette. Version légère : pistolet. Les deux jumeaux étaient impossibles à arrêter, mais au final, qui voulait les arrêter ?

-Les armes ont rapidement équipé toute l’armée, et s’sont répandu dans le civil.

-Provoquant les premiers trafics d’armes, et les premières guerres de gangs, notamment à Ponylem, acquiesça Quill. Mais les jumeaux ne voulaient pas s’arrêter aux armes personnelles.

-Plus c’est gros… Un truc à compenser ? ricana Applejack.

-Au point de s’associer avec Herdry Foald, l’inventeur du moteur à explosion magique avec l’aide d’Aperture Science, qui a mis au point l’électromagie. Ce dernier a d’ailleurs aussi été contacté par les frangins, qui voulaient son expertise.

-Science a r’fusé toute implication dans l’matériel militaire, dit Applejack en haussant les épaules. Il en est mort plus tard, d’ailleurs.

-Bref, alors que Foald s’apprêtait à lancer « l’automobile » pour des transports moins fatiguant sur de longues distances, il travaille aussi sur un prototype de véhicule blindé doté d’un canon.

-Le tank vient d’naitre.

Puis Applejack se pencha sur la table, se rapprochant des deux frères.

-Et là, c’est la guerre.

-Luna fait sécession ! Les poneys s’entre-tuent ! lance Swift en s’élançant comme s’il s’agissait d’une nouvelle à fêter. Les besoins en armes sont en hausse, et tant qu’on leur permet de créer et d’en tirer une montagne de bits, les jumeaux se foutent de savoir si ça part vers l’Empire ou si ça alimente le marché noir pour finir dans les sabots des rebelles lunaires. Non, mais ils sont malins. Ils se planquent derrière un pseudonyme unique et font disparaître les traces de leur implication, au cas où.

-La guerre prend de l’amplitude, et on a b'soin d’arme toujours plus puissante.

-Bientôt, ils créent des bombes, des engins plein de poudre pour faire exploser les poneys.

-Puis, il y a eu le Sonic Rainnuke.

-Un joyau de destruction, et un vrai challenge à réaliser ! s’excite Swift. Les deux ingénieurs travaillent sans relâche, créant les premières bombes à concentré de magie. Plus destructrice, plus puissantes…

-Mais rien ne vaut une ville rasée par un Rainnuke. Las Pegasus était le pinacle de la destruction à l'époque. La limite impossible à atteindre.

-Alors, ils pensent gros. Très gros. Et inventent un nouveau procédé.

Sur ces mots, Swift sorti un papier de sa veste, le déplia, et le posa religieusement sur la table, en face de Flim et Flam. Les deux licornes déglutirent. Ils reconnaissaient le brevet entre mille. Et l’engin aussi. Leur chef-d’œuvre, mais aussi leur création la plus dangereuse. Lorsqu’ils l’avaient mise au point, tellement pris dans leur euphorie, ils avaient laissé de côté toute considération morale.

C’était la colère de Celestia à ce moment-là qui leur avait ouvert les yeux. Ils avaient créé un monstre.

Un monstre qui revenaient sur le devant de la scène. Et s’ils savaient ?

-La bombe atomagique. L’énorme quantité magie manipule les atomes pour créer une réaction nucléaire relâchant une énergie incommensurable, propre à détruire une ville entière et annihiler ses habitants. Un seul prototype est fabriqué, et n’a même pas été testé, car à ce moment la Folle a eu un coup de lucidité et a interdit l’utilisation d’une arme aussi puissante.

-Le Sonic Rainnuke suffisait bien, acquiesça la cow-pony. Et de toute façon, ni les Solaires ni les Lunaires ne l’auraient utilisée…

Puis Swift Quill se mit à sourire d’une façon inquiétante.

-Oui, mais voilà, nous ne sommes ni les Lunaires, ni les Solaires.

-Et on n’a bien envie d’tester vot’ joujou, confirma la ponette.

-Sauf que la bombe a disparu dans un raid des Lunaires. Nous ne savons donc pas où elle est passée...

Soudain, les jumeaux sentirent des présences dans leur dos, mais avant de pouvoir esquisser un geste, deux Impardonneurs leur plaquèrent le visage sur la table, devant l’air goguenard de leurs leaders.

-‘Z’allez donc bien gentiment nous dire où s’trouve la bombe, et vite, parc’qu’on n’a pas toute la journée.

-Mais elle a disparue ! hurla Flam. On ne sait pas où...

-T’as perdu, dit Quill.

Flam vit alors le poney qui maîtrisait son frère relever celui-ci, mais son propre agresseur lui bloquait la tête, et son jumeau disparu de son champ de vision.

-Bien, on va demander à l’imberbe, déclara Swift Quill. Dis-moi, où se trouve la bombe ?

-Je n’en sais…

Un craquement suivit du hurlement d’une voix trop connue le coupa. Il tenta de forcer pour voir son frère, mais l’autre poney lui écrasa le visage contre la table. Applejack approcha son visage du sien.

-On n’a pas b’soin de vous deux. Un seul suffit. Alors cause ou ton frangin est mort.

-On sait très bien que vous avez toujours gardé la trace de votre joujou, les informa le poète. Un engin d’une perfection pareille, votre chef-d’œuvre, vous n’alliez pas le laisser sans protection.

-Alors, continua la ponette, on répète…

Nouveau craquement, suivit du hurlement étouffé du frère moustachu. Flim entendit alors le bruit d’une lame en métal.

-Pit…

Il entendit un bruit glissant, et le cri de douleur noyé dans un gargouillis de la licorne torturée. Flim ferma les yeux, priant pour qu’on le pardonne de ses péchés et de l’horreur qu’il allait lâcher.

-Po… Ponyville, souffla-t-il. La bombe a été cachée à l’endroit du Massacre, à Ponyville. Pitié, je jure que je sais pas où précisément !

-Et bien voilà, fit Swift Quill en souriant. C’était pas si difficile !

-Dommage, ça arrive un peu tard, commenta Applejack.

A ce moment, le poney qui le maintenait lâcha Flim, alors que le tortionnaire laissait tomber Flam sur la table. La licorne rousse moustachue s’écrasa de tout son long sur le meuble. Flim le regardait d’un air horrifié. Ses yeux grands ouverts étaient vides, sa bouche entrouverte laissait échapper un mince filet de sang, mais surtout ce qui focalisait son attention était la gorge grande ouverte qui laissait couler des flots de liquide de vie.

Flim trembla en levant le sabot vers le cadavre de son frère. Il ne pouvait pas être mort. Pas comme ça. Ils méritaient mieux qu’une exécution sommaire dans un boui-boui au fin fond du pays.

Il leva les yeux vers Applejack, et tomba museau-à-museau avec le double canon du fusil de la ponette.

La détonation projeta sa tête en arrière, creusant un cratère sanglant dans son crâne. Le corps s’écrasa contre le mur, désarticulé. Swift regarda les corps d’un air songeur.

-On aurait pu en garder un en vie au cas où ils auraient menti...

-Si c’est l’cas, on aura qu’à se démerder.

-Au pire, s’il faut qu’on retrouve Stalker pour lui demander...

-L’est pas mort, lui ?

Swift haussa les épaules.

Les Impardonneurs quittèrent l’établissement en ruine, non sans avoir aspergé le sol de tout l’alcool qu’ils pouvaient trouver. Applejack se garda néanmoins les bouteilles de Jack Poniel’s, qu’elle rangea dans un coin du coffre ouvert du pickup.

Derrière elle, elle entendit le souffle chaud de l’incendie qui prenait, et elle sauta dans le camion.

Bientôt, elle aurait sa vengeance.

Ce monde avait connu la haine, la violence, la guerre.

Ça ne serait rien face à la colère d’Applejack.

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Le vent soufflait doucement dans les jardins du château. Les poneys qui y travaillaient d’ordinaires avaient quitté les lieux, mus par un étrange instinct stimulé par quelques poneys cornus en uniforme. Les deux juments étaient donc seules, marchant en silence dans la végétation colorée, les traces du désastre ayant disparues. Les quelques animaux encore présents s’approchaient, curieux, partagés entre la confiance que leur inspirait la pégase, et l’aura de terreur que dégageait la licorne.

Twilight jeta un œil en coin à Fluttershy. La jument jaune laissait son regard dériver sur les jardins, ressassant de vieux souvenirs liés à cet endroit, toutes les fois où les six amies s’étaient retrouvées pour partager des moments d’amitié, le Grand Galloping Gala, les fêtes, le labyrinthe...

La discussion avec la Princesse ne s’était pas déroulée comme prévue. Celestia s’était montrée assez distante avec la pégase, et la licorne avait senti que l’alicorne ne savait pas sur quel patte danser avec la jument qui avait passé toutes ces années recluses, loin des changements de ce monde. Celestia avait participé à de nombreuses transformations au cours de sa longue vie, mais jamais encore Equestria avait tellement changé en si peu de temps, et elle s’en rendait compte avec Fluttershy. La pégase était restée dans le même état d’esprit que treize ans auparavant, et tous voyaient à présent à quel point leur mentalité avait changé.

Rainbow était arrivée très vite, ne s’embarrassant pas de passer par la porte et préférant passer par une vitre miraculeusement ouverte à ce moment-là, sinon nul doute que la pégase l’aurait défoncée. Quand elle avait vu la jument timide, elle s’était jetée sur elle et l’avait enserré dans ses pattes aussi fort qu’elle le pouvait.

Pendant quelques minutes, aucune parole ne fut échangée. Les quatre protagonistes savouraient juste ce moment hors du temps, hors de la guerre, loin des problèmes de l’Empire et des rebelles. Twilight et Celestia laissaient les deux vieilles amies se retrouver en restant en retrait, et il avait semblé à la licorne que la Princesse avait esquissé un sourire en voyant la scène.

Puis il avait fallu mettre fin à ce moment pour en revenir à des sujets plus graves. La première des choses à faire avait été de demander à Fluttershy comment s’étaient déroulées les dernières années, comment elle avait vécu, et ce qu’était advenu de Pinkie. A ce nom, la pégase avait baissé les yeux, et sa mine s’était assombrie.

Elle leur avait alors parlé du Massacre, de ces centaines de poneys qui s’entre-tuaient en hurlant, de la folie qui avait régné dans la paisible ville. Aucune des juments présentes n’avait participé à cet évènement. Celestia était toujours à Canterlot, Rainbow était dans ses quartiers de l’armée de l’air. Quant à Twilight, elle ruminait de sombres pensées sur sa décision qui entraînait au même moment la mort de centaines de coupables potentiels, parmi lesquels la plupart étaient d’anciens amis.

Mais elle avait fait ce qu’il fallait. Luna avait attenté à la vie de la Princesse du Soleil, et fomenté une sécession. Et même si le Massacre n’avait pas empêché ladite rébellion, elle l’avait maintenu dans l’ombre un certain moment.

Fluttershy leur conta alors comment, au milieu des cris de souffrances et des pleurs appelant à la pitié, alors qu’elle pataugeait, horrifiée, dans des flaques de sang en évitant d’être prise à parti, elle avait vu Pinkie en larme au milieu de la place centrale, les yeux fous, qui tentait d’appeler tout le monde au calme et à l’amitié, en vain. Fluttershy s’était précipitée sur la ponette rose, mais avant qu’elle ne réussisse à l’atteindre, un étalon s’était posté devant elle, et avait levé une matraque, prêt à l’abattre sur la fêtarde. Fluttershy était trop loin pour l’en empêcher, et Pinkie restait apathique face à son destin.

Puis il y eut la détonation. L’étalon était resté immobile un instant, et s’était affalé par terre. Fluttershy s’était alors précipitée vers la terrestre, jetant au passage un coup d’œil au cadavre par terre, le crâne transpercé d’un petit trou à l’arrière et le visage défoncé. La pégase avait détourné les yeux, retenant sa bile qui lui remontait dans la gorge, et avait fixé Pinkie.

La ponette rose avait les yeux grands ouverts, regardant droit devant elle, et balbutiait des paroles incompréhensibles. Son visage était couvert de projection de sang. La jument avait porté un sabot à sa joue, et l'avait mit devant ses yeux. Le membre était dégoulinant de liquide de vie. Alors la terrestre avait hurlé et s’était élancée au galop, droit devant elle. Fluttershy l’avait suivie, devant s’aider de ses ailes pour garder la distance, évitant la bataille qui se déroulait alors que certains poneys se mettaient à se défendre véritablement contre les fous qui les avaient attaqué. Du coin de l’œil, Fluttershy avait vu Luna être escortée par toute une bande de poneys, dont certains armés qui tiraient sur leurs poursuivant, s’enfuyant vers les vergers d’Applejack. Pinkie, elle, avait couru droit sur la forêt Everfree, mais Fluttershy n’avait pas noté ce détail tout de suite, trop occupée à tenter de rattraper la terrestre paniquée.

Au bout d’une longue course, elle avait fini par retrouver Pinkie recroquevillée dans une clairière de la forêt, se murmurant à elle-même. Fluttershy l’avait rejointe, et avait commencé à lui dire des paroles apaisantes, maîtrisant sa propre panique pour être plus convaincante. Quelques minutes après, Pinkie s’était légèrement détendue, mais sa crinière était devenue complètement lisse, toute joie ayant disparu de ses traits.

Alors était sortie des ombres une grande silhouette, qui s'était révélée être Zecora. Elle s’était dirigée vers les deux pouliches paniquées, et avait longuement observé le visage de Pinkie.

Puis elle avait craché des insultes et une malédiction sur Equestria, et avait fermé les yeux. Le vent avait soufflé à travers les arbres, des tourbillons de poussières avaient commencé à encerclé les trois juments. Zecora s’était mise à parler en langue étrangère, d’une voix profonde et grave, dont les échos se transmettaient partout dans la clairière et sûrement au-delà. Des lueurs verdâtres étaient apparues au milieu des arbres, des traînées de sable phosphorescent s’était soulevé de terre et avaient tourné autour de la zèbre, alors que les incantations s’intensifiaient.

Puis Fluttershy avait aperçu des formes diffuses à la limite de son champ de vision, des silhouettes d’animaux, de poneys ou d’autres créatures, à peine visibles, translucides, qui s’amassaient aux abords de la clairière, comme subjugués par la zébrelle. La crinière en iroquois de la shamane retomba sur les côtés de son visage, blanchirent et s’allongèrent, formant une cascade blanche jusqu’au sol. Les tourbillons verts s’étaient resserrés autour de la sorcière, puis l’avait cachée aux yeux des deux pouliches.

Quelques secondes plus tard, les incantations avaient cessé, et les lueurs s'étaient éteintes. Fluttershy avait alors pu constater que les silhouettes translucides étaient toujours présentes, observant Zecora au milieu.

La zébrelle avait relevé la tête, et ouvert les yeux. Ses pupilles arboraient une aura du même vert que les lueurs quelques instants plus tôt. Elle avait ouvert la bouche, et quand elle parla, sa voix avait semblé venir de partout dans la forêt à la fois.

Elle avait dit :

-Esprit des bois, allez traquer, chasser et tuer, Et que dans cette forêt nul n’entre plus jamais.

Les silhouettes s’étaient alors détournées, et avaient disparu dans les bois, laissant les trois juments seules. Quelques instants plus tard, Fluttershy avait cru entendre des cris, venant des abords de la forêt.

Zecora s’était tournée vers elles, et avait parlé, de la même voix qui semblait provenir de leur crâne et pas de la bouche de la zébrelle.

-Venez. Restez dans la forêt aussi longtemps qu’il vous plaira. Le monde ne vaut plus la peine qu’on s’y attache au-delà.

Puis elle était partie, et les deux ponettes l’avaient suivie.

Fluttershy avait continué de raconter son histoire à la petite assemblée, treize années passée à tenter en vain de redonner le goût de vivre à Pinkie dans la cabane de Zecora, tandis que la zébrelle, désormais liée aux esprits de la forêt, protégeait leur sanctuaire hors du monde. Mais elle avait échoué, Pinkie n’ayant pratiquement pas dit un mot en plus d’une décennie.

Puis elle leur avait raconté comment, le jour où le soleil s’était enfin levé pour de bon, la pégase avait commencé à sentir en elle l’espoir de pouvoir retrouver une vie normale. Zecora était au courant de ce qui se passait à l’extérieur, et leur avait raconté des histoires terribles de guerre entre les poneys, mais cette fois, la shamane leur avait confié que c’était la fin des combats. Fluttershy avait alors voulu essayé de tirer Pinkie hors de cette forêt sombre, la ramener au soleil, et tenter de retrouver ses amies pour lui redonner le sourire.

Mais la terrestre avait silencieusement insisté pour se draper d’une cape noire qu’affectionnait Zecora. Puis elle avait guidé la pégase sur un sentier bien connu, celui qui menait à Ponyville. Fluttershy avait tenté de la dissuader, en vain.

Alors, la pégase leur avait raconté leur arrivé dans leur ancien village, et s’était effondrée en larme en leur contant le moment où Pinkie avait basculé dans la folie, et son désespoir face à son échec, celui de sauver leur amie. Elles avaient perdu l’Elément du Rire.

Puis elle avait timidement demandé si ce qu’elle avait ressenti était vrai. Si Rarity était...

Face aux mines sombres de Rainbow et Twilight, elle avait pleuré, se demandant comment toute cette folie était possible. Twilight avait révélé qu’il s’agissait d’un meurtrier qui l’avait assassiné avant de la brûler, et qu’elle mettait toutes ses capacités dans sa traque et sa capture.

Puis on avait guidé Fluttershy jusqu’à des appartements du château pour qu’elle se repose. La pauvre avait subit plus que sa part. Au fond d’elle, Twilight aurait préféré qu’elle ne quitte jamais la forêt. Elle ne correspondait plus à ce monde.

La licorne s’était regardée dans un miroir. Elle y avait vu le monstre défiguré qu’elle était devenue...

Ça ne lui avait rien inspiré. C’était ce qu’elle était. Ce qu’elle faisait, elle le faisait pour le bien de l’Empire, pour Celestia. Peu importait les dégâts collatéraux.

A présent, les deux pouliches se promenaient dans le jardin, sans dire un mot, marchant d’un pas tranquille. Twilight dirigeait discrètement leur chemin jusqu’à un endroit particulier, un endroit où elle pourrait dire à Fluttershy ce qu’elle avait à lui dire.

Elles passèrent à côté du labyrinthe, cet endroit où elles avaient rencontré pour la première fois l’un de leur plus féroce ennemi, Discord, et le longèrent jusqu’à la zone se situant derrière, le jardin aux statues. Victoire se tenait à côté de Ténacité, Harmonie côtoyait Paix, et toutes les qualités du royaume ponifiées se dressaient fièrement au-dessus des deux pouliches.

Puis elles arrivèrent à un piédestal vide. Fluttershy prit un air interrogatif, mais Twilight lui fit faire le tour, montrant des débris de pierre brisée répandu d’un côté du montant, comme si quelqu’un avait poussé la statue pour la détruire. Puis Fluttershy retint un cri.

Elle avait reconnu la tête de la statue, au milieu des autres morceaux. Une forme allongée, un air surpris et effrayé, une dent disproportionnée...

Discord.

La pégase se tourna vers Twilight, interloquée. Celle-ci secoua la tête.

-Celestia a fait cela le jour où nous avons déclaré Luna ennemie de l’Etat. Voici le monde dans lequel nous vivons, Fluttershy. Ce n’est plus un monde dans lequel nous pouvons nous permettre de bannir notre ennemi pendant un millénaire. Ce n’est plus un monde dans lequel on enferme un adversaire dans la pierre en risquant son évasion.

Twilight leva les yeux vers Fluttershy et les deux pouliches s’entre-regardèrent.

-Nous avons appris, reprit la licorne, que pour se débarrasser d’un ennemi définitivement, il ne faut pas lui tourner le dos avant de l’avoir tué.

La pégase baissa les yeux vers les débris. Discord était donc mort. Une larme coula sur sa joue.

-Et la possibilité de se racheter ? Chacun d’entre nous devrait avoir le droit à une seconde chance.

-Non, Fluttershy. Nous ne pouvons plus nous le permettre. L’ancien monde est fini, l’innocence n’existe plus. Si nous laissons une chance à nos ennemis, ils nous frappent dans le dos.

-Mais où est passé le respect pour la vie, Twilight ? souffla Fluttershy. Comment peut-on tuer définitivement une personne ? Pourquoi plus personne ne respecte ça ?

-La vie... dit pensivement Twilight.

Elle baissa les yeux sur une fleur à ses sabots.

-Tu vois cette fleur ? Elle est belle, plein de promesse, et si une abeille passe par-là, elle donnera naissance à des tas d’autres fleurs. Elle est pleine de vie.

Puis par magie, elle cueillit la fleur et la posa dans la crinière de la pégase, au-dessus de son oreille.

-A présent, elle est toujours aussi belle, mais elle est morte. Elle ne donnera plus rien, fanera, et finalement sera jetée pour se mêler à nouveau à la terre et donner de nouvelles plantes, qui subiront le même sort. Mais est-ce que quand j’ai cueilli cette fleur, le monde s’est arrêté ? Non. Que quelqu’un vive ou qu’il meure, ça ne change absolument rien.

Elle désigna les débris par terre.

-Cela fait des années qu’il est dans cet état. Le monde a-t-il changé ? Non. Des milliers de poneys sont morts, sommes-nous sous le coup d’une colère divine ? Non. Des poneys continuent d’acheter leur pain comme toujours, les poulains vont à l’école comme toujours, et rien ne vient changer leur quotidien. Mais la différence, Fluttershy, c’est que pour maintenir nos idéaux dans cette tempête, nous ne devons plus nous contenter d’écarter les problèmes. Nous devons les effacer.

Twilight croisa le regard peiné de la pégase.

-Nous n’avons pas changé d’objectif. Nous avons juste changé de méthode.

-La violence appellera toujours la violence, répondit la pégase.

-Il y a toujours une limite. Vois aujourd’hui. L’Empire Solaire est vainqueur, et la paix pourra s’installer en Equestria, à certaines conditions. La violence est terminée.

-Dis-moi, Twilight. J’ai entendu parler de tes Licornes du Soleil. Puisque le monde est en paix, elles ne sont plus utiles. Pourquoi ne les as-tu pas déjà révoquées ?

Twilight resta pensive un instant.

-Il faut parfois forcer les gens à vivre en paix.

Fluttershy baissa les yeux.

-Twilight ?

-Oui.

-Je ne crois pas être faite pour ce monde.

-Tu t’y feras, répondit la licorne. Je t’aiderais. Mais il faudra juste une petite chose...

-Quoi ?

Twilight inspira profondément.

-Il nous faut maintenir définitivement l’Empire. Et le peuple d’Equestria serait plus confiant si nous avions... l’appui de la dernière héroïne encore saine.

Fluttershy regarda la Licorne Suprême d’un air interrogatif.

-Rarity est morte. Applejack a basculé dans une folie meurtrière et s’en prend aux citoyens du pays. Pinkie vie recluse à Ponyville, enfermée dans son esprit malade. Des trois dernières d’entre nous, tu es la seule à ne pas avoir choisi de camp dans la guerre et capable de nous soutenir.

-Je ne comprends pas.

-Nous pourrions faire revenir la stabilité plus vite, si tu déclarais officiellement ton soutient à l’Empire. C’est tout ce que je te demanderais, et je te laisserais vivre comme tu le souhaites, nous pourrons te laisser la charge du zoo impérial, mais il nous faut ta parole.

-Tu veux... M’utiliser ?

Twilight serra les dents.

-Je ne t’y oblige pas. Mais aujourd’hui, la politique est sur un fil de rasoir, et le moindre avantage face à nos ennemis...

-Quels ennemis, Twilight ? s’emporta Fluttershy. Tu parles de paix, mais tu n’arrêtes pas de me parler d’ennemis ! Est-ce que la paix pourra revenir, oui ou non ?

Twilight resta silencieuse. Fluttershy baissa les yeux.

-Dé…désolée. Je vais retourner dans ma chambre. Je vais réfléchir à tout ça.

Puis la pégase voleta hors du jardin aux statues sans un regard pour la licorne. Twilight baissa les yeux sur le visage de Discord, qui semblait la regarder avec ce même air qu’avaient pris tous ceux qui étaient passé par sa bibliothèque. Comme un air de supplication, d’appel à la pitié.

Alors elle fit ce qu’elle faisait systématiquement face à ces personnages.

Elle l’écrasa sous son sabot.

---

L’air soufflant sur son visage, le vent s’infiltrant entre les plumes de ses ailes, sa crinière tirée en arrière sous la vitesse. Elle était définitivement restée trop longtemps amorphe, dans sa tour d’ivoire sans vouloir voir personne. Mais c’était terminé. Elle était Rainbow Dash ! Elle ne se laisserait plus morfondre à la moindre difficulté. Elle savait pertinemment qu’elle pouvait perdre ses amies dans cette guerre, surtout celles qui étaient en face, alors c’était inutile de s’apitoyer sur le sort de l’une d’entre elle.

Elle avait failli tuer Applejack de ses propres sabots. Et elle avait pleuré parce que Rarity était morte tuée par un maniaque quelconque quelque part dans le monde ? Non, c’était ridicule.

Heureusement, Fluttershy était apparue, et lui avait redonné le goût de vivre. Elle avait été si heureuse quand elle avait vu son amie d’enfance, qu’elle avait cru perdre définitivement, enfermée dans la forêt jusqu’à la fin de ses jours. Si la pégase restait plus longtemps parmi eux, peut-être que Rainbow pourrait enfin alléger sa conscience. Elle avait besoin de confier ses doutes à quelqu’un hors du système.

Treize ans de guerre. Treize ans où elle avait mis ses talents pour le vol et la vitesse au service de l’Empire et de la mort. Plus d’une décennie depuis que son Sonic Rainboom était devenu une arme de destruction massive, une menace planant au-dessus de la tête des ennemis de Celestia. Treize ans à servir loyalement la Princesse du Jour, et pourtant, elle doutait à chaque seconde. Elle avait assassiné sa propre race, formé des chasseurs de pégases, perverti l’équipe des plus fameux pilotes d’Equestria, anéanti des centaines de poneys d’un simple geste…

Elle passa à côté d’une tour du château, et s’arrêta. Une des vitres faisait miroir, et elle s’observa dedans.

Le temps ne pardonnait pas. Elle tirait sur la quarantaine, et la moitié de sa vie, elle l’avait passé dans l’armée. Elle avait les traits tirés, des cernes marquaient ses yeux. Les cicatrices qu’elle arborait désormais sur le visage lui rappelaient les douloureux souvenirs de la bataille de Canterlot.

Elle ressemblait à ce qu’elle était, une guerrière.

Quand Fluttershy avait raconté sa vision du Massacre, Rainbow s’en est voulu de ne pas avoir été là à ce moment. Elle ne parvenait pas à comprendre ce qui avait bien pu pousser ces fanatiques à attaquer aussi rapidement après la fuite de Luna. De ce que savait la pégase, les deux alicornes s’étaient battues, et l’ancienne Princesse de la Nuit avait fui vers Ponyville. Presqu’immédiatement, elle avait convoqué la totalité du village pour faire son discours sécessionniste.

Comment autant de fous auraient pu se trouver au même endroit juste à ce moment ? Et pourquoi avaient-ils attaqué ? Etaient-ils téléguidés ?

Etait-ce la première tuerie fomenté par l’Empire, avant même la guerre ?

Rainbow frappa son reflet, explosant la vitre. Puis elle frappa le mur de pierre à côté, encore et encore, jusqu'à ce que la pierre se fende et se teinte de rouge venant de son sabot meurtri, l’empêchant de réfléchir plus avant à cette théorie. Ne pas douter. Ne pas se poser de question. Rester fidèle. Rester loyale.

Rainbow détestait son Elément. Rainbow détestait tous les Eléments. Ils n’avaient plus de sens. Pinkie avait perdu le sourire, Fluttershy vivait dans un monde violent, Twilight gardait les mages les plus puissants du royaume à sa botte, Applejack reniait toutes ses convictions, Rarity avait été spoliée, et Rainbow doutait de son camp.

L’Harmonie avait disparue. Tout ça, c’était des conneries. Et il n’y avait personne d’autre qu’eux-mêmes à blâmer.

Rainbow vit Twilight s’adresser à une silhouette encapuchonnée dans un coin reculé des jardins. Fluttershy était partie il y avait un certain temps, et Rainbow se demandait bien qui cela pouvait être. Encore un de ses espions, assurément, mais cette fois, Rainbow voulait savoir de quoi il en retournait. Elle en avait assez de toutes ces messes basses dans le château.

La silhouette s’écarta de la licorne, et Rainbow la survola quelques instants. L’individu marcha à travers les jardins, contourna le château, et en quelques minutes atteint la porte d’entrée. Puis il déploya ses ailes, poussa sur ses pattes et s’envola.

Rainbow reconnaissait ces ailes.

La silhouette encapuchonnée prit de l’altitude, jusqu’à atteindre la couche de fins nuages au niveau duquel volait la pégase. Rainbow donna un coup d’accélération pour rejoindre le mystérieux messager, qui s’arrêta sur un nuage pour sortir un papier, et un petit objet. Rainbow prit de l’altitude, et anuagit derrière l’étranger.

Celui-ci se retourna vivement, et Rainbow se retrouva avec un sabre sur la gorge, qui restait ferme dans la serre de la créature qui menaçait la pégase cyan. Sous la capuche, un bec sortait au soleil, et dans l’ombre des tissus, la pouliche vit des yeux sans âme, braqué sur leur cible.

-Salut Gilda, dit la ponette.

-Salut Dash, répondit la griffonne.

Gilda retira sa capuche, se dévoilant au grand jour, et remit son arme dans son fourreau, sous sa cape, où Rainbow entraperçu des tas des lames et armes diverses, qui disparurent rapidement de son champ de vision. La pégase leva alors les yeux vers son ancienne amie.

-Ça faisait longtemps, dit-elle.

-Tu l’as dit, répondit Gilda.

Les deux restèrent silencieuses quelques secondes. Elles ne s’étaient presque pas revues depuis l’accident avec Pinkie, de nombreuses années auparavant, et leurs liens avaient un peu gelés.

-Qu’est-ce que tu me veux, Dash ? demanda la griffonne.

-Je voulais savoir ce que te voulait Twilight, répondit la pégase, mais je crois que je devine, ajouta-t-elle en montrant la cape de son ancienne amie.

-Possible. Et ça serait quoi, d’après toi ?

-T’es une tueuse à gage.

Gilda haussa les épaules.

-Touché.

-Depuis quand tu fais dans ce genre de chose, Gild’ ? Ça ne te ressemble pas.

-Et toi, Dash, depuis quand tu exploses des villes entières ? Je t’aurais pas cru capable de ça quand on était en camp de vol.

Rainbow serra les dents et détourna la tête.

-C’était un coup bas, ça...

-Oh, vraiment ?

Gilda s’approcha d’elle et la regarda, intriguée.

-Tu regrettes ?

Rainbow leva les yeux vers son ancienne partenaire.

-Je sais plus. Je sais plus où j’en suis. Je sais plus si j’ai choisi le bon camp, si ce que je fais a un sens, si...

-Oh, pitié, Dash, t’es pire que quand on s’est retrouvées à Ponyville, quand on était jeunes. Les poneys t’ont vraiment ramolli le cerveau, et pourtant, ces derniers temps, ils ont pas été les plus calmes du monde.

-Bordel, Gilda, tu peux pas me dire que tout ça est normal !

-Ben si, figure-toi.

Gilda montra le paysage en contrebas, Canterlot et les plaines d’Equestria qui s’étendaient sur des kilomètres, jusqu’à la limite de la vision. Au loin, le soleil entamait sa lente descente du soir.

-Les normes ont changées, Dash. Tuer et mourir est un truc qui fait partie du paysage, et ça changera pas avant longtemps. Alors au lieu de t’enfoncer des idées noires dans la tête, fais comme moi, choisis-toi une ligne de conduite, un credo et ne t’en écarte pas.

Elle se retourna vers Rainbow.

-Ça fait des années que je sers d’assassin à ta copine la licorne, ça me permet de vivre comme je veux, et je m’en plains pas.

-Mais...

-Y’a pas de « mais », Dash. Y’a plus de place aux « mais ». Tu t’adaptes ou tu crèves.

Les deux combattantes s’observèrent quelques instants, puis Gilda soupira.

-Enfin, ça fait plaisir de te revoir Dash.

-Ouais... Ça faisait vraiment longtemps.

-Même si j’arrête pas d’entendre parler de toi, dit la griffonne en souriant.

Rainbow acquiesça, et dit :

-Tu dis que tu bosses pour Twilight depuis longtemps. Depuis quand exactement ?

-Presque depuis le début de la guerre. Chez les griffons, toute cette histoire a remis en jeu les tensions entre les clans, et ça s’entre-tue gaiement pour le pouvoir là-bas. Des fois, c’est des escarmouches armées, d’autres, on fait appel à des gens comme moi. Chez les griffons, tueur à gage, c’est un métier comme un autre. Sauf que moi, j’ai décidé de retourner à Equestria. Y’avait des tas de possibilités, surtout chez l’Empire. T’imagines pas à quel point ta copine peut être généreuse pour ce genre de boulot.

-Elle a eu souvent besoin de toi ?

-Surtout pour des sujets sensibles. Tiens, par exemple, tu te rappelles de Manehattan ?

-Vaguement. On avait plus ou moins soumis l’idée de m’utiliser pour faire la même chose qu’à Las Pegasus.

-Mouais. Ils avaient repéré leur chef, l’espèce de poney qui ressemblait à un clebs.

-Pipsqueak ?

-Ouais. On m’a demandé de le buter.

-Donc, c’était toi...

-Ouaip. Mais ces derniers temps, Sparkle m’utilisait surtout pour se débarrasser de ceux qui étaient gênants dans son entourage. Comme on savait pas qu’un griffon était aux ordres de l’Empire, ça écartait les soupçons.

Gilda sembla pensive.

-Ça me rappelle cette espèce de bourge à moustache, au moment où la guerre a dégénéré. On m’avait demandé de m’en débarrasser discrètement. Une espèce de licorne blanche...

-Fancy Pants ? C’était pas hyper discret.

-J’ai été doublée.

La griffone soupira.

-Y’a des mecs chez les Lunaires qu’étaient plus efficaces que moi pour buter les gradés solaires. Ça m’a toujours énervé, surtout que j’étais pas payée après.

-Dur...

-Te fous pas de ma gueule.

-J’oserais jamais.

Les deux femelles se regardèrent quelques instants, puis un léger sourire apparu à la commissure de leurs lèvres. Gilda abaissa sa capuche sur son visage.

-Ça m’a fait plaisir de te revoir, Dash. Mais je dois aller bosser.

-C’est indiscret si je te demande des précisions ?

-Oui.

La griffonne déploya ses ailes.

-Tout ce que je peux dire, c’est que je vais regretter d’avoir accepté.

-Pourquoi ?

-Les griffons vivent dans le froid des montagnes. Le désert, c’est pas notre truc.

Puis elle s’envola, laissant Rainbow seule avec ses pensées. La pégase resta quelques minutes sur le nuage, méditant sur ce qu’elle venait d’apprendre sur son amie d’enfance. Gilda avait raison. Il fallait qu’elle arrête de ruminer comme ça sur le passé. C’était fini. Equestria était comme elle était, et il fallait s’y adapter.

Elle s’envola, et retourna vers le château. Elle voulait revoir Fluttershy. La pégase jaune lui avait manqué pendant toutes ces années, et elles n’avaient pas pu se voir en privé depuis son retour. La combattante fit le tour des flèches du bâtiment, pour repérer la fenêtre de la chambre de la réfugiée. Elle s’approcha, prête à toquer à la vitre pour se signaler, mais arrêta son geste.

A l’intérieur, Fluttershy était assise sur son lit, et contemplait une fleur qu’elle avait posée devant elle. Elle caressait la plante du bout de son sabot, plongée dans ses pensées.

Puis elle s’effondra en larme et enfouit sa tête dans un coussin. Rainbow écarta son sabot de la fenêtre, hésita un instant, et s’écarta. Elle s’envola dans les nuages, s’éloignant le plus possible de ce château et ses pièges. Elle avait besoin d’être seule. Elle avait besoin de vitesse.

Rarity.

Applejack.

Pinkie.

Fluttershy.

Comment s’adapter à un monde qui blessait autant ceux qu’elle aimait ?

---

Le ciel prenait des tons orange, signe que le soleil ne tarderait pas à disparaître, laissant une fois de plus la place à une nuit froide et noire. Penser au soleil ramenait les pensées de la jument à Celestia, et son sabotmis sur le ciel. Penser à la nuit noire les faisait diverger sur Luna, planquée on-ne-savait-où sans même avoir les couilles de lever une nuit digne de ce nom. Applejack n’était pas dupe. Luna avait survécu, sinon on aurait planté son corps sur un pal et l’aurait accroché à l’entrée de Canterlot.

Il était vraiment temps qu’ils arrivent. D’une part parce que le sang de la terrestre bouillait d’impatience, et d’autre part parce qu’elle ne voulait pas arriver à Ponyville de nuit. Tant de mauvais souvenirs étaient enterrés là-bas, à commencer par le corps d’une pouliche à peine adolescente.

Applejack fronça des sourcils. D’ailleurs, était-elle enterrée ? La dernière chose dont se souvenait l’ancienne fermière, c’était la grange en feu et le serment qu’elle avait fait de tuer Celestia, avant de rejoindre les rangs de la Princesse de la Nuit. Mais à aucun moment, elle n’avait pris soin des corps, ni de sa sœur ni de sa grand-mère.

Luna. C’était à cause de Luna. A cause d’elle qu’elles étaient morte, à cause d’elle qu’elle n’avait pas eu le temps de les enterrer. Elle paierait pour ça aussi.

Quelqu’un hurla quelque chose, et la ponette leva les yeux. Le village était en vue, dans la vallée. A ses côtés, la forme noire et menaçante de la forêt Everfree s’étendait plus loin que le regard ne pouvait porter, gardée d’une manière ou d’une autre part la shamane zébrelle. Zecora avait encore le respect d’Applejack, car elle avait eu la décence de ne pas choisir de camp, et n’avait fait de mal à personne, du moment qu’on restait loin de sa forêt. Soudain, une pensée frappa l’ancienne fermière, qui commença à s’inquiéter. Et si Stalker avait planqué la bombe à l’ombre des arbres ? Même s’il n’était pas entré, juste la jeter aussi loin que possible aurait suffi. La ponette se voyait déjà à contempler son salut placé à quelques mètres devant elle, derrière le tapis de cadavre que ne manquerait pas d’être l’orée de la forêt.

Elle se secoua la tête pour chasser cette idée. Flim avait bien précisé Ponyville, pas la forêt.

Alors que les bâtiments se rapprochaient, les souvenirs commencèrent à affluer dans la tête de la ponette. De vieilles images datant d’une éternité plus tôt, quand la vie était encore facile, à peine perturbée par les aléas des récoltes, et qu’elle pouvait profiter de ses amies à loisir. Quand leur seul souci était le contenu de la lettre qu’elles allaient envoyer à la Princesse, qui était encore plus ou moins saine d’esprit. Quand on y repensait, c’était évident que tout avait commencé après l’invasion Changeline, mais elles n’avaient rien vu. Des avis étaient plaqués sur les murs, mais personne n’y faisait attention.

Et puis, il y avait eu ce procès. Applejack ne se rappelait pas des détails, sûrement un poney qui avait dit la mauvaise chose au mauvais moment. Mais ce qui avait choqué, c’était la sentence. Le coupable avait été jugé par Celestia elle-même, la Princesse voulant montrer la teneur de ses réformes. Et le poney avait été condamné aux cachots à vie. Personne ne se souvient plus de son méfait, mais ce qui était sûr, c’était que le jugement était disproportionné.

Alors on avait fait attention aux affiches, et on s’était aperçu que les règles étaient modifiées. Les poneys étaient interloqués par ces mesures. Rien ne changeait vraiment dans le fond, mais les punitions pour avoir défié la loi étaient beaucoup plus sévères.

Puis, au bas des journaux, on avait commencé à voir apparaître des petites phrases. A la fin des affiches, on pouvait lire en petit « Les Alicornes veulent votre bien. Ne leur compliquez pas la tâche », « L’obéissance mène à l’ordre », et autres. Mais on s’en amusait. Ça semblait tellement évident.

Puis des gardes avaient été affectés à la paisible ville. Des gars pas drôles, qui ne laissaient aucune marge de manœuvre. Pas de magouille, il fallait marcher droit. Applejack et ses amies n’avaient rien à se reprocher, mais ces précautions les irritaient. Puis, Cherrilee était venue voir la ferme des Apple, en leur signalant qu’elle passait chez toutes les personnes qui avaient un enfant dans son école, pour les prévenir des quelques « changements » dans le programme. La fermière n’avait pas bien compris de quoi il en retournait, mais on mettait l’accent sur le respect dû aux alicornes. C’était irritant.

Elle n’avait pas compris, parce que tout cela coulait de source. Mais tout le monde acceptait. Après tout, une piqûre de rappel ne pouvait pas faire de mal. Les poneys s’en amusaient, et se prêtaient volontiers au jeu de l’obéissance, chose naturelle. Le jeu redoubla même quand les placards avec les portraits des Princesses ont commencé à apparaître. Certains les volaient pour les mettre au-dessus de leur cheminée. Les voleurs étaient arrêtés, mais rapidement, on les relâcha, et un message passa pour signaler à ceux qui le voulaient qu’il suffisait de demander pour recevoir une affiche, et que voler était interdit. Rien de bien grave.

Puis, les gros titres des journaux se tournèrent vers les tensions qui opposaient les Princesses au « Conseil des Sages » draconique. Applejack ignorait que les dragons avaient une autorité, et Twilight avait tenté de leur expliqué en disant que c’était plus un groupe de vieux dragons qui donnaient des conseils à leurs congénères, mais ils représentait leur race en cas de force majeure. Et là, on tablait sur une possibilité, infime, certes, mais présente, d’une guerre.

Les affiches changèrent. Plus que des Princesses bienveillantes, c’était des pégases en armure et des alicornes au regard inspiré, qui regardaient les passants qui pouvaient lire « Equestria a besoin de VOUS » avec un sabot qui pointait vers eux. Une véritable armée, autre que les simples gardes royaux, se mettait en place. Applejack ne s’y intéressait pas, à l’époque, préférant se concentrer sur sa production, mais les journaux présentait chaque race non-équine comme une menace. Les journalistes ne manquaient pas d’encenser les Princesses, mais tout cela semblait normal au vu de la situation de l’époque.

Puis, il s’est passé une chose étrange. Une ponette s’était trimbalée dans la rue, arborant un médaillon en forme de soleil comme celui de la Marque de Celestia, et professait à qui voulait l’entendre sa foi envers la Princesse du Jour. D’autres firent pareil au fil des mois, louant Celestia, Luna ou les Alicornes. Etrangement, Cadence était très peu représentée. Twilight finit par s’y intéresser de plus près, peut-être trop, et partit à Canterlot avec une espèce de guilde de licornes qui vénéraient l’ancien professeur de la pouliche. Depuis ce jour, dire que le contact avec la magicienne avait été sporadique était un euphémisme.

Et maintenant, avec le recul, ça devait être là qu’avait commencé les Licornes du Soleil...

Puis quelque chose dégénéra. On parla de rupture de dialogue avec les zèbres, au-delà de l’océan, et de la nécessité des pégases à se mobiliser pour contrôler l’espace aérien. Ce fut à cette époque que Rainbow décida de s’engager, histoire de montrer de quoi elle était capable, mais aussi, avait-elle confié à la terrestre, pour tenter de retrouver Twilight, qui ne donnait plus de nouvelles.

Si elle savait. Quelques temps après, on entendait parler d’un véritable culte, une église consacrée à répandre le respect dû à la Princesse qui donnait le jour au monde entier, et qui s’avéra dirigée par Twilight elle-même. Ce culte se propagea comme une traînée de poudre, qui avait d’ailleurs été inventé des années avant dans l’éventualité d’une guerre contre les dragons, et finit par inscrire dans l’inconscient collectif que oui, les alicornes, immortelles, possédant des pouvoirs incommensurables et capable de décider du cycle jour/nuit, étaient bel et bien des déesses.

Et Applejack continuait de se concentrer sur son verger, qui semblait avoir des problèmes. Comme si la nature présageait de la tempête à venir.

A cette époque, on commença à voir de moins en moins le visage de Luna sur les murs. Les références à la Princesse de la Nuit se faisaient de moins en moins évidentes. Rétrospectivement, Applejack se demanda si c’était déjà le début de la dispute entre les sœurs, ou si, comme elle le prétendait, Luna ne voulait pas de cette reconnaissance.

Puis, ce fut le drame. Un jour, dans la rue, Applejack croisa une licorne. Mais pas une licorne normale. Celle-ci possédait un uniforme étrange, un manteau long en cuir qui la recouvrait en grande partie, et arborant des signes de cultes évidents. Notamment, une broche symbolisant une corne sur un soleil en fond. Ce n’était pas une licorne. C’était une Licorne.

Applejack trouvait son comportement exécrable. Elle engueulait quiconque n’affichait pas suffisamment sa foi envers les alicornes. Une fois, elle l’avait vu lentement déverser tout le contenu d’un étalage par terre au marché, parce que la pouliche qui le tenait venait de faire une blague incluant Celestia comme sujet de moquerie. La marchande outrée appela les gardes qui passaient dans la rue, mais ceux-ci continuèrent leur route sans rien voir. La ponette énervée voulu alors s’en prendre à la licorne.

Applejack se souvenait très bien du dégoût qu’elle avait ressenti quand elle avait entendu les os des pattes de la pauvre ponette craquer, retournés dans le mauvais sens. Et les gardes n’avaient pas bougé un fer.

Quelques temps après, un nouveau placard était accroché sur l’hôtel de ville. Les Licornes du Soleil avaient les pleins pouvoir en ce qui concernait « l’hérésie ». La Licorne se présenta alors chez la marchande accompagnée de deux gardes. On entendit plus jamais parler de cette dernière.

Quelques temps après, la Licorne disparut, et Applejack n’en vit plus aucune dans le village. Mais elle entendait parler de leurs actions partout ailleurs, des humiliations publiques, des livres brûlés... Elle ne parvenait pas à y croire. Les Princesses ne pouvaient pas cautionner ça.

Ponyville avait été épargnée. Etait-ce parce que Twilight, qui semblait les diriger, ne voulait pas que ses anciennes amies soient prises dans la tourmente ?

Et le verger continuait de baisser sa production. Les pommes Zap n’apparaissaient même plus.

Puis, une autre affiche fut placardée.

L’Edit Maudit. L’Edit des Alicornes.

Un monceau de blabla dont la fermière se fichait. Il n’y avait que deux phrases qui resteraient dans l’histoire.

« Par la présente, je déclare aussi la naissance de l’Empire Poney, autorité centrale mondiale par décret Alicorne… »

« Toute action allant à l’encontre de l’Empire, des Alicornes et de leur décisions sera considéré comme une déclaration de guerre à l’encontre dudit Empire… »

Ce jour-là, tout bascula.

On ne connaissait pas les détails, mais ce qui était sûr, c’est que le soir même, Luna arrivait à Ponyville, blessée, et partagée entre la tristesse et la haine. Elle refusa qu’on l’emmène à l’hôpital, se contentant de simples premiers soins, et déclara qu’elle avait une annonce importante à faire le plus tôt possible. Quelques heures plus tard, elle s’avançait sur l’estrade…

Applejack ferma les yeux.

Les Impardonneurs approchèrent de la ville, et immédiatement, la ponette nota un fait étrange. On aurait dit qu’il y avait un attroupement de poney sur la place centrale. Elle cria un ordre, et les pickups firent halte. Elle sauta du coffre et observa plus attentivement la ville, pendant que Swift la rejoignait.

-Qu’est-ce qu’il y a, A.J. ?

-Tu vois pas les poneys, là-bas ?

L’étalon plissa les yeux, et demanda à ce qu’on lui apporte une paire de jumelle. Il s’en saisit par magie, et regarda à travers les lentilles.

-Mais qu’est-ce que…

Applejack lui prit l’objet, et observa la ville. Rien ne bougeait, comme si les poneys étaient figés. Mais plus étrange encore, c’était ces banderoles qu’on retrouvait partout, et des ballons, comme si…

-On dirait une fête de Pinkie.

-Tu crois qu’elle...

-Je n’crois rien. On s’en fout, on est venu pour la bombe. Ton sort de détection est prêt ?

-Va falloir fouiller un peu, mais oui, on devrait pouvoir le trouver facilement.

-Alors en route.

Les Impardonneurs continuèrent leur route, à pied, les bâtiments se rapprochant pendant que Quill apprenait son sort qui permettrait de détecter la forte puissance magique à distance aux autres magiciens. De toute façon, signala la licorne, la puissance de la bombe est telle qu’il n’y aurait à priori pas besoin de magie pour la repérer.

Ils atteignirent les faubourgs du village en une demi-heure. La luminosité commençait à baisser fortement, et l’ambiance était vraiment stressante. Malgré les poneys qu’ils avaient aperçus, la ville était complètement silencieuse, et pas un son, ni naturel ni artificiel, ne venait perturber ce calme oppressant. Rien ne bougeait dans ces ruines rongées par la nature qui reprenait ses droits. Mais une chose frappa Applejack, c’était la propreté des rues. La ville avait été massacrée, et, à ce qu’elle sache, personne n’avait nettoyé après le carnage. Il y aurait dû y avoir des cadavres, des débris, mais hormis les ruines délabrés, rien ne montrait ce qui s’était produit ici.

Applejack sentit un frisson dans son dos. Elle n’aimait pas cet endroit, et les derniers rayons de soleil formaient des ombres inquiétantes sur les murs et le sol.

-Bon, dit Swift en se frottant une patte, aussi peu à l’aise que la fermière. On devrait se séparer pour couvrir un maximum de terrain. Je doute que les Nopes aient fait quelque chose d’aussi évident que mettre la bombe au milieu du village.

-J’veux y aller quand même, répondit la ponette. J’veux tirer c’t’histoire au clair.

-Si tu veux. Tu prends qui avec toi ?

-Pumpkin et Earth. Ça d’vrait suffire.

-Okay. Nous, on va se séparer en équipe de six, on devrait pouvoir trouver notre colis plus rapidement.

-On reste en contact.

Les Impardonneurs prirent quelques minutes pour former les équipes et assigner les secteurs, puis ils divergèrent à mesure qu’ils pénétraient dans la ville. La place centrale n’étant pas exactement au milieu du village, Applejack se retrouva rapidement avec son équipe et six autres poneys qui devaient s’occuper de l’autre côté de l’hôtel de ville. Les licornes gardaient leurs cornes allumées en permanence, scannant l’air pour y trouver les traces de magie de la bombe. Mais de l’aveu de Pumpkin, sa puanteur était permanente dans l’air. Une chose était sûre, elle était là, quelque part.

Soudain, l’un des poneys ralentit son allure, intrigué par quelque chose dans une ruelle. Il tourna la tête vers les autres et leur signala sa découverte. Les combattants levèrent leurs fusils, et l’Impardonneur s’avança, méfiant. Pour être sûr, il alluma une torche, et recula soudainement de surprise.

Dans le faisceau de lumière se trouvait un squelette debout, sa grimace semblait sourire aux nouveaux venus, et une de ses pattes dressée comme s’il saluait les passants.

-Putain, qu’est-ce que...

-Vous devriez regarder par-là.

Tout le monde se tourna vers Pumpkin, qui illuminait avec sa corne une grande banderole dressée d’un côté à l’autre de la rue. C’était un grand drap blanc, avec des inscriptions dessus. Applejack lu :

-La... vie... est une...

-Putain, mais c’est écrit avec quoi ?

La fermière cessa de déchiffrer l’écriture brouillon et dégoulinante, et constata que c’était écrit avec du sang.

-Nom de... Meeerde, qu’est-ce qui s’est passé ici ? s’écria l’un des terroristes.

Les poneys baissèrent les yeux et leurs torches en même temps. La nuit était tombée et on ne voyait plus que ce que voulait bien montrer les maigres faisceaux de lumières. Ils étaient arrivés à la place centrale, mais il n’y avait toujours pas un bruit. Soudain, Applejack nota dans le cercle de lumière formé par sa lampe des formes de sabots. Elle remonta son engin, et déglutit.

C’était un squelette, ouvrant la bouche comme s’il discutait avec… L’autre squelette qui « écoutait » en face de lui.

La ponette fit de rapides mouvements autour d’elle avec sa lampe-torche. Partout, il y avait des corps, disposés de curieuse manière, l’un se cabrant, l’autre accoudé à une table où il y avait... un gâteau.

C’était une fête.

Un nom surgit dans l’esprit d’Applejack.

-P…

Puis son faisceau rencontra autre chose. Le corps avait encore sa peau. Et sur sa gorge coulait un filet de sang encore chaud. Applejack leva encore sa lampe, pour voir le visage du poney.

C’était Stormy Sky. C’était un Impardonneur. Le détail impossible à manquer était ses joues découpées depuis les commissures de sa bouche, comme une parodie de sourire. Ses yeux étaient roulés dans leurs orbites. Applejack fit doucement le tour du corps, regardant autour d’elle si le tueur était encore dans les parages. Il avait été poignardé dans la nuque.

Applejack prit sa radio et annonça, paniquée :

-A tous ! Faites gaffe, y’a un t...

-Où est Pinkie Piiiiie ?

Les neuf poneys se tournèrent vivement, pointant leurs armes et leurs lumières sur les environs, mais impossible de trouver l’origine de la voix. Tout autour d’eux n’était que l’ombre opaque de la nuit. Ils se resserrèrent, dos à dos, pointant dans toutes les directions pour ne pas être pris par surprise.

Mais au fond d’elle, Applejack se demandait : est-ce que cela pourrait stopper...

-JE SUIS LA ! hurla une voix au milieu du cercle défensif.

Avant que quiconque n’ai eu le temps de se retourner pour faire face à la menace, Earth Quake, le troisième poney de l’équipe d’Applejack, poussa un cri étranglé. Un faisceau se braqua vers l’origine de son cri, et ils purent voir que le poney se tenait le bas du visage, les sabots en sang. Il les retira lentement, et la fermière vit que la peau de ses joues avait été tranchée de la même manière que Sky.

Puis, une lueur apparu à la limite de la lumières, deux petites lumières, les reflets des lampes dans les yeux de…

Il y eut un éclair noir, et la gorge de Quake explosa dans une gerbe de sang. Le poney s’écroula à terre et ne se releva plus.

Pumpkin, paniquée, commença à tirer autour d’elle dans le noir, et la radio d’Applejack grésilla.

-*Putain, A.J., il se passe quoi ?*

-J’en sais rien, mais ça tue ! Trouvez de la lumière !

-*Hey*, fit une troisième voix.*C’est quoi ce OH MER…*

Puis la radio coupa. Applejack tripota nerveusement l’engin, et finit par hurler :

-Trouvez vite la bombe, et on dégage le plus vite possible.

-*Y’a des putains de fantômes ici ! Je dégage.*

-*Rain* dit la voix de Quill.*Tu te barres pas avant...*

-*Ta gueule Swift. Vous et vos idée d...*

La radio coupa.

-Rain ? demanda Applejack. Swift ?

-*Je ne reçois plus Rain. Merde, A.J., c’est quoi ce bordel ?*

Le sabot de la fermière se crispa.

-Une amie...

-*Oh, merde, attends, j’ai un signal.*

-Quoi ?

-*Je crois que je l’ai trouvé. C’est une espèce de boutique de... C’est quoi ça ? Du tissu ?*

-C’est l’Carrousel Boutique ?

-*Attends je… Vous avez entendu ?*

La communication coupa, et Applejack se mit à paniquer.

-Swift ? Swift ! Merde réponds ! Swift !

-*Fausse alerte. Putain, cette histoire me fout les jetons. Venez sur notre position.*

Applejack ne répondit pas.

-*A.J. ?*

Elle écarta doucement la radio de son oreille, tout en fixant l’espace noir devant elle.

-*Applejack !*

Dans la lumière de la torche d’Applejack, des pattes roses étaient apparues, marchant implacablement vers la ponette. Elle leva sa torche, révélant le corps maigre de la tueuse enveloppée dans une large cape noire, et finit par atteindre le visage, un masque blanc inexpressif couvert d’un côté de projection de sang et de l’autre d’une cascade de crins roses désespérément lisses. Dans le fond du masque, les yeux de la pouliche reflétaient la lumière de la lampe sans trahir le moindre tressaillement. Applejack se rendit alors compte qu’elle était seule. Seule avec son ancienne amie qui avait sûrement tué tout le monde. Dans la radio, Swift continuait de lancer ses appels et de donner des ordres pour aller récupérer le leader des Impardonneurs.

Applejack serra les dents.

-Même Pumpkin... Merde! T’as même tué Pumpkin Cake !

-Pumpkin est une enfant, répondit calmement l’autre ponette. Je n'ai pas vu d'enfant.

-Pinkie ! Il s’est passé treize putains d’années depuis la dernière fois qu’tu l’as vue !

-Elle ne souriait pas, répliqua son amie.

Le sabot de la fermière se crispa sur sa lampe-torche à tel point que le plastique craqua.

-Pourquoi, Pinkie ? Pourquoi est-c’que tu tues ?

-Pourquoi ?

Applejack se retrouva soudainement avec le masque juste en face de son visage, un masque qui lui rappelait de très mauvais souvenirs. Le trou dans le front confirmait ses doutes. c’était le masque de Heartless, l’assassin d’Applebloom. Au fond des ouvertures pour les yeux, Applejack voyait la colère qui emplissait Pinkie

-POURQUOI ? hurla la ponette rose.

Elle fit jaillir son couteau et le plaça sur la joue de la terrestre orange.

-Parce que les vivants ne sourient plus ! cria-t-elle. Parce qu’ils sont tous obnibulabilés par les mauvaises nouvelles, et ils ne font plus de fêtes, plus de rires, plus de sourires ! Ils sont tous tristes ! Les morts, eux, ils sourient naturellement ! Regarde !

Elle lui montra un crâne qu’elle tenait dans son autre sabot, la grimace du squelette.

-Mister Eggskull, lui, on a pas besoin de le forcer à sourire, il le fait tout seul ! Il est toujours de bonne humeur et a toujours une bonne blague à raconter. Alors que vous, tout ce que vous avez fait depuis que vous êtes arrivés, c’est avoir peur, parler d’armes, et gâcher ma fête ! Et personne n’a rendu son salut à Skeleton Joe !

Elle fit glisser le couteau sur la joue de la cow-pony, faisant couler un petit filet de sang.

-John avait raison. Il faut aider les gens à sourire. Il est très efficace, tu veux voir ?

Applejack mit peu de temps à comprendre que le dénommé « John » était le couteau, et que les sourires en question étaient les sourires d’anges qui marquaient toutes les victimes de la ponette psychotique.

Le couteau passa lentement à l’intérieur de la bouche de la fermière, qui était incapable de bouger, même pas pour se défendre. Elle allait finir tuée par une folle au fin fond d’un village fantôme alors qu’elle était sur le point d’achever sa vengeance, tout ça pour finir en mannequin affublé d’un sourire sanglant et d’une pose ridicule, comme une poupée de chair et de sang.

Elle éclata de rire face à cette situation grotesque.

Pinkie eut un mouvement de recul et retira le couteau de sa bouche, entaillant légèrement la lèvre de la fermière. Elle tourna la tête de droite à gauche, et sa patte armée lui gratta le haut du crâne. Elle dévissa son cou pour voir derrière elle, et finit par se lever. Applejack était intriguée par son manège, comme si elle cherchait quelque chose. Pensive, la fermière commença à reprendre un visage sérieux, et Pinkie retourna brusquement la tête vers elle.

Prit d’une soudaine inspiration, Applejack sourit, découvrant ses dents.

-Mais... dit Pinkie, interloquée.

Elle chercha autour d’elle, mais ne trouva pas l’objet de ses recherches. Elle commença alors à s’éloigner, pour finir par disparaître dans l’obscurité. Lentement, Applejack se releva, et ramassa sa radio tombée à terre, tout en maintenant son sourire artificiel.

-Swift, dit-elle.

-*Oh, putain, A.J. j’ai eu peur ! Il s’est passé quoi ?*

-Souriez, dit la jument sans répondre.

-*Attends... Quoi ?*

-Souriez. Elle n’voit pas ceux qui sourient, alors souriez !

-*Euh... t’es sûre de ton coup, là ?*

-SOURIEZ, MERDE !

-*Ok, ok, je transmet*

-J’arrive à la boutique.

Applejack traversa la ville au galop, et finit par arriver à la boutique où l’attendaient une trentaine de poneys, affublés de sourires forcés complètement ridicules, mais salvateurs. Au milieu trônait une grande caisse de métal, et l’air bourdonnait aux alentours. Les licornes, Swift compris, semblaient mal à l’aise. Soudain, elle entendit des bruits derrière elle, et se retourna. Au loin, sur un toit, elle pouvait voir la silhouette de la ponette fouillant les rue, tel un fantôme hantant la ville. Applejack se retourna vers les maigres restes de ses suivants.

-Prenez la bombe, on se casse de c’te ville maudite.

Le trajet de retour se fit dans le silence le plus complet, et lorsque les poneys furent sûrs d’être assez loin, ils s’autorisèrent un moment de répit pour souffler et se masser les zygomatiques.

-C’était quoi, ça ? demanda l’un des poneys.

-Vaut mieux pas savoir, répondit un autre.

Swift, lui, regardait les troupes qui lui restait, songeur.

-C’est un massacre.

-On change le plan ? demanda Applejack.

-Non, mais il va falloir le retarder un peu.

-On se r’lance dans le recrutement ?

-Vaut mieux pas. Mais il va falloir qu’on se débrouille pour réduire la garde de Canterlot, ou éloigner la Folle de son château. Et puis, va falloir apprendre à se servir de la bombe. On aura le droit qu’à un seul essai.

-Alors perdons pas d’temps. On y va.

---

La nuit était complètement noire. Les maigres éclairages des jardins ne parvenaient pas à lutter contre cette obscurité oppressante, et la jument marchait sans voir à un pas devant elle. Mais les animaux, petits et minuscules, l’aidaient à éviter les obstacles, tout en l’encourageant à ne pas continuer. Mais il manquait de la conviction à ces tentatives. Même ses amis muets comprenaient qu’elle ne reculerait pas.

Fluttershy arriva au balcon du jardin. Un endroit dangereux, car totalement dépourvu de sécurité en cas de chute, et les barrières n’étaient pas bien hautes. Mais ceux qui venaient ici prenaient soin de ne pas tenter le diable. Ils venaient pour admirer le paysage, pas pour se jeter du haut de la falaise.

Mais en cette nuit, on ne voyait rien du paysage, et de toute façon, Fluttershy s’en fichait.

Elle observa en bas du gouffre. Immédiatement, à la vue de ce monstre à la gueule d’ombre, ses ailes se contractèrent dans son dos. La pégase fit une maigre tentative de les déployer, mais son inconscient refusait obstinément d’effectuer cette action. Parfait.

Elle prit la fleur qui ornait ses cheveux, et l’observa un instant. Tout ce que lui avait dit Twilight lui revint en mémoire. Une larme commença à lui couler sur la joue. Elle était désolée. Désolée pour ce qu’elle allait infliger à ses amies, désolée d’être aussi égoïste. Désolée de ne pas pouvoir combattre.

Mais ce monde n’était plus pour elle. Elle n’avait plus rien à y faire.

Elle lâcha la fleur, qui s’engouffra dans l’ombre, portée par les courants d’airs de la montagne, s’envolant hors du champ de vision de la ponette. Puis Fluttershy se dressa sur ses pattes arrière, prit une grande inspiration, et enjamba la barrière. Elle était en équilibre au bord du gouffre, et seule sa prise sur la barrière avec ses pattes avants l’empêchait de basculer dans le vide.

Elle ferma les yeux, et lâcha la barrière.

Mais ses pattes refusèrent de lâcher prise.

Elle rouvrit les yeux, et fixa ses sabots. Elle tenait fermement la pierre, et ne semblait pas vouloir bouger. Elle tenta de forcer, mais impossible de décrocher. Elle regarda en bas, et par réflexe se raccrocha plus fermement encore à la sécurité. Une larme coula sur sa joue. Elle en était incapable. Elle ne pouvait même pas fuir. Elle était coincée.

-Pourquoi faites-vous ça ?

Fluttershy leva les yeux, et une lampe s’alluma, dévoilant un étalon qui la regardait, accrochée à sa rambarde en pierre. Elle baissa les yeux.

-Je n’ai plus rien à faire ici.

-Ne dites pas ça. Vous êtes plus importante que vous ne le pensez.

Disant cela, l’étalon s’approcha et prit Fluttershy pour la soulever. Mais la pégase l’empêcha de la passer par-dessus la barrière.

-Non. Non, je ne suis pas importante. Je n’ai plus rien de commun avec les poneys d’aujourd’hui, je ne suis pas capable de supporter ce qu’Equestria est devenue. Il y a trop de violence, trop de haine. Je ne représente plus rien.

-Ce n’est pas terminé. Il existe encore des endroits où vous pouvez vivre, loin de tout ça. Vous ne devez pas abandonner.

-Je ne peux pas ! cria la pégase, surprenant le terrestre. Twilight ne me laissera pas partir, je ne réussirais pas à m’enfuir, et même si j’y arrivais, comment est-ce que je pourrais vivre tranquillement en sachant ce que sont devenues mes amies ?

Fluttershy pleurait abondamment.

-Je n’en veux plus. Je n’aurais jamais dû sortir de ma forêt, je n’aurais jamais dû voir ce qu’est devenue Equestria.

-Vous pouvez encore y retourner.

-Non. Non ! NON !

Fluttershy croisa le regard du poney, et le supplia du regard.

-S’il vous plait. Laissez-moi en finir.

-Vous-même n’y arrivez pas. Je ne peux pas vous laisser faire ça.

-Alors, lâchez-moi. C’est tout ce que vous avez à faire. Laissez moi tomber.

-Non.

-Faites-le, je vous en prie.

-Non. Je ne peux pas. Pas une autre.

-Fluttershy !

L’étalon et Fluttershy tournèrent leur regard vers le centre du jardin. Twilight se tenait là, la mâchoire pendante, incrédule. Puis un masque de rage se peignit sur son visage, alors que sa corne s’illuminait.

-Lâche-la, assassin ! hurla la licorne.

L’étalon se tourna vers Fluttershy qui le suppliait.

-Ne la laissez pas me reprendre. S’il vous plaît.

L’étalon hésita, puis finalement se pencha vers son oreille et murmura :

-J’espère que vous trouverez la paix, Fluttershy.

Puis il la lâcha.

Fluttershy bascula en arrière, et disparu. Twilight hurla, et tira un rayon de magie sur le poney. Stalker se jeta sur le côté pour esquiver, passant alors dans l’ombre, et le trait explosa la rambarde. Twilight fit de la lumière avec sa corne, mais n’arriva pas à trouver le tueur. Elle se précipita alors vers le trou de la rambarde, et chercha des yeux, paniquée, la pégase jaune, illuminant le vide. Elle pouvait s’envoler, on ne pouvait pas tuer une pégase en la jetant du haut d’une falaise, c’était impossible.

Son cœur se serra soudainement, et elle dû se tenir aux restants de barrière pour ne pas tomber. Quelque chose se brisa en elle.

Elle hurla dans la nuit noire.

---

Quelque part dans le château, une voix brisée hurla en écho.

---

Applejack se réveilla en sursaut dans son pickup, en criant le nom de la pégase jaune. Surprit, Swift freina et se tourna vers la fermière qui commençait à délirer.

---

Pinkie stoppa ses recherches. Bon. Ils avaient disparus, plus la peine de perdre du temps. Et puis, il fallait faire une nouvelle fête.

Pour Fluttershy.

---

Quelqu’un toqua à la porte. Flower Dream s’éveilla difficilement, et regarda par la fenêtre. Le soleil se levait à peine, et le ciel était d’un mélange orange-mauve assez agréable. Beaucoup plus, en tout cas, que les martèlements de sabot sur sa porte.

N’y avait-il aucun respect pour le sommeil des gens ? Déjà, Velvet était arrivé en pleine nuit, pressé, et avait défoncé son parquet sans lui donner la moindre explication. Puis il avait récupéré un truc qui devait être un fusil et d’autres affaires, et était parti, sans même lui accorder un regard.

C’était étrange. Et le trou dans le sol était toujours là. Merde.

-Ouvrez, au nom de Celestia !

-Ouais, ouais…

Flower ouvrit la porte, et se figea.

En face d’elle se trouvait une licorne violette au visage à moitié brûlé, et pas des plus amicaux.

-Que...

La corne de Sparkle brilla, et Flower sentit une pression sur sa gorge, qui l’empêcha de respirer. Derrière la Licorne Suprême se trouvaient d’autres Licornes en arme. La ponette commença à paniquer. Velvet l’avait prévenu qu’elle risquait d’être torturée par Twilight. Maintenant, elle comprenait qu’il ne plaisantait vraiment pas.

-Il était ici ? demanda la voix impérieuse de la Licorne.

La pression sur la gorge s’accentua, et Flower tenta de gargouiller une réponse, avant de hocher la tête.

-Il est parti.

C’était plus une affirmation qu’une question, mais la jardinière confirma. Twilight eut un sourire mauvais.

-Et je suppose que tu ne sais rien d’autre ?

Flower n’eut pas le temps de répondre, et fut projetée au milieu de son salon. Elle toussa et cracha pour dégager sa gorge et reprendre sa respiration. La porte se referma, et elle entendit de l’autre côté de la porte :

-Foutez-moi le feu à ce bordel. Et trouvez-moi Rainbow Dash !

Le feu ?

Soudainement, les poutres explosèrent en flammes, qui retombèrent sur le parquet. Flower hurla, et fonça vers la porte tandis que l’incendie prenait rapidement. Elle tenta de tourner la poignée, mais elle était bloquée. Alors elle se retourna et décocha plusieurs ruades dans la porte, sans succès. Une portion du toit s’effondra et elle poussa un cri. Elle se jeta alors par la fenêtre, cependant elle rebondit contre celle-ci, se blessant à l’épaule. Elle donna plusieurs coups de sabot sur la vitre, mais le verre résista. Elle vit au-dehors des licornes avec leurs appendices brillants. Ils la coinçaient à l’intérieur.

Une poutre s’effondra sur elle, et lui écrasa le dos. Elle hurla de douleur alors que le feu prenait à ses poils et se propageait sur la totalité de son corps. Elle cria le nom de la seule personne qui pouvait l’aider à ce moment.

Mais « Velvet » était déjà loin.

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