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Pony War Chronicles

Une fiction écrite par ironponymaiden.

Réminiscence : Le Commencement

Comment décrire le Massacre de Ponyville ? Comment ne serait-ce qu'effleurer le fondement du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui ? Je ne le pourrais pas. Seule une personne l'ayant vécu pourrait, et elle refuserait. L'événement le plus traumatique de l'Histoire, au-delà même de l'Ere du Chaos, ne peut être décrit. Mais il peut être expliqué.

Les origines de la guerre remontent à sept ans avant le Massacre, dans un épisode qu'on appellera le Coup d'Etat Changelin. Peut-être même avant, lorsque les graines du doutes se sont implantées dans la tête de la régente solaire lors des retours successifs d'ennemis millénaires. Sept années durant lesquelles propagande, fanatisme, culte de la personnalité et totalitarisme ont pris des proportions démesurées dans ce royaume pourtant si paisible. Coupures de négociations avec les autres peuples, développement de l'armée de métier, instauration d'une église, Licornes du Soleil... Luna voyait toutes ces mesures prises par sa sœur d'un œil inquiet, jusqu'au tristement célèbre Edit des Alicornes, proclamant l'Empire Poney et la déité des alicornes. La violente confrontation sororale qui s'ensuivit resta par la suite dans les légendes, jusqu'à la fuite de Luna, vaincue, vers Ponyville.

Quelques heures après, Luna faisait son fameux discours de sécession. Comment les fanatiques de Celestia s'étaient retrouvés à Ponyville ? Personne ne le sait. Savait-ils que Luna allait faire un schisme avec leur alicorne bien-aimée ? Comment auraient-ils pu ? Quoi qu'il en soit, dans cette nébuleuse de mystères, un fait subsiste : le discours à peine entamé, les hostilités s'ouvrirent.

Peu en ont réchappé, quel que soit le camp. Luna réussi à s'enfuir une nouvelle fois, accompagnée de quelques poneys qui se taillèrent un chemin sanglant vers une zone sûre. Que s'est-il dit à ce moment-là ? Par quelles réflexions passa l'alicorne de la nuit ? Ce qui est sûr, c'est que quelques jours après, une bande de souris rebelles commettait sa première exaction à l'encontre l'Empire Solaire.

Ciel Rouge, par True Story, 53 E.S.

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-Princesse…

-LAISSEZ-MOI !

Platinum Armor s’assit en face de la tente, secouant négativement la tête. A l’intérieur, il entendait les sanglots de la Princesse de la Nuit, ponctués de « Ils sont morts » et de « C’est ma faute ».

-Princesse, dit le gardien d’une voix douce, vous n’y êtes pour rien…

-Si je m’étais juste exilée, ils ne seraient pas tous MORTS !

L’étalon ferma les yeux pendant que la jument continuait de verser des larmes à l’abri des regards.

-J’aurais pu partir. M’enfuir seule. Demander asile aux zèbres. Mais il a fallu que je vienne ici, et que j’implique des innocents dans ma bêtise. Ils sont morts, et c’est entièrement ma faute !

Le soldat n’y tint plus, et entra dans l’abri de toile, marcha droit vers l’alicorne prostrée dans un coin en position fœtale, les joues ruisselantes de larmes, et se posta juste à ses côtés. Il avait l’impression de revoir la petite pouliche à la crinière bleue qu’on lui avait présentée et assignée après la défaite de Nightmare Moon. Même position, mêmes larmes, et même auto-flagellation.

Ce qui impliquait le même remède.

Le garde eut autant mal que la Princesse lorsque son sabot gifla la joue de Luna. La jument, surprise, arrêta de pleurer et se posa le sabot sur la joue, les yeux ronds fixant son ange gardien. Le regard de celui-ci s’adoucit :

-Ça va mieux ?

-Je… Je crois… Je... Hein ?

-Vous vous rendez compte de ce que je dois faire pour que vous arrêtiez vos conneries ?

Luna avait encore du mal à remettre ses idées en place. L’attitude du militaire la renvoyait des années en arrière, quand il avait eu le même geste pour la sortir de la dépression qui l’avait prise après sa libération de Nightmare Moon. Les méthodes du soldat lui avaient presque valu la prison pour son irrespect et sa violence envers la pouliche, mais la voix de Luna s’était interposée. Il avait su comment la sortir de son état.

Et il recommençait aujourd’hui. Luna ferma les yeux, reconnaissante. Elle n’aurait jamais pu rêver meilleur garde du corps, et ami.

-Désolée. Mais je…

-Luna, la coupa le soldat, avez-vous tué l’un des villageois aujourd’hui ?

L’alicorne surprise bafouilla :

-N-Non, bien sûr.

-Vous avez donné l’ordre à ces fous de tuer ?

-Non, mais…

-Avez-vous-même jamais encouragé le bourrage de crâne qui a conduit à ces agissements ?

Luna secoua la tête.

-J’y ai toujours été opposée.

-Le Culte des Alicornes ?

-J’abhorrais cette idée.

Platinum fronça les sourcils.

-Alors, qu’avez-vous fait ?

La Princesse soupira.

-J’ai voulu faire sécession. J’ai voulu me séparer de Celestia, fonder une nouvelle nation libre, et j’ai entraîné des innocents dans cette folie...

-Alors, oui, vous êtes coupable…

Luna baissa la tête.

-…Coupable d’avoir offert une porte de sortie à ces poneys. Coupable d’avoir désobéi, et d’avoir risqué votre vie pour contrer la tyrannie qui est en train d’être instaurée par Celestia, et de vous être posée comme symbole d’une alternative.

Platinum posa son sabot sur l’épaule de la Princesse.

-Ces gens sont morts parce que l’Empire refuse que l’on en sorte. C’est lui qui les a tué, pas vous. Vous, c’est la liberté que vous avez offert.

Il se releva, et marcha vers l’entrée de la tente.

-Venez voir.

La jument se releva péniblement, et emboîta le pas à son garde du corps pour sortir de l’abri. Au-dehors, elle vit une trentaine de poneys, l’air triste et apeuré, regardant le vide ou tentant de réconforter leur voisin qui versait des larmes.

-Ces poneys attendent, dit Platinum. Ils attendent que quelqu’un leur dise que cela ne restera pas impuni. Que ce sacrifice n’a pas été une victoire de l’injustice et de la monstruosité sur la liberté. Ils veulent se relever, mais ont besoin d’aide. Et cette aide ne viendra pas d’une pouliche pleurant dans son coin.

Il tourna son regard vers l’alicorne.

-Ils ont besoin d’une Princesse.

Luna balaya l’assemblée. Certains poneys commençaient à relever la tête et à montrer la jument de la Nuit à leurs amis. Luna secoua la tête.

-Non. Plus de Princesse.

Platinum baissa la tête, déçu.

-Je les relèverais. Je les guiderais. Mais je ne prendrais pas le pouvoir. Le peuple doit se gouverner lui-même, et cesser d’être le jouet d’un pouvoir unique.

Sa corne brilla, et la couronne lévita pour se poser à terre.

-Nous mettrons fin au règne de Celestia, puis je partirais en exil.

Platinum sourit. Il se baissa, et ramassa la couronne pour la poser sur la tête de sa protégée.

-En attendant, vous serez toujours la Princesse Luna.

-Plus de titre. Juste Luna.

-Vous en demandez trop, s’amusa Platinum. Mais s’il en est ainsi, un peuple vous attend, Luna.

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C’était un engin étrange. Long, effilé, assez léger. Simple. Un bête mécanisme de ressort. On appuyait sur la languette de métal, ce qui libérait l’espèce de marteau à l’air canin, qui frappait le petit tube de métal, enflammait la poudre, et la pression chassait le bouchon pointu à une vitesse folle pour pénétrer les matériaux, tissus, briser les os, déchirer les chairs, détruire les organes.

Un engin de mort.

Un engin de mort qu’il utilisait uniquement avec son instinct, mais à la perfection.

Jamais il n’en avait tenu, et pourtant… Recharger, engager la balle, viser, compenser, tirer, tuer, il le faisait comme s’il avait vécu avec un fusil dans les sabots.

Shadow Stalker visa devant lui. Même sans regarder dans la mire, il savait où le projectile allait percuter un obstacle. Il visa plus loin. C'était comme si une voix lui criait de viser plus à gauche pour compenser le vent. L’endroit de l’impact lui semblait évident.

L’inverse marchait aussi. Stalker leva les yeux vers une pomme accrochée dans un arbre, et son fusil pointa dans cette direction presque naturellement. S’il avait tiré, il savait que la pomme aurait éclaté.

Comme les crânes de ces poneys. Comme leurs poumons, leurs cœurs, leurs pattes… Tuer, blesser, immobiliser, tous les endroits où tirer apparaissaient dans son esprit avec une parfaite clarté. Il n’avait pas gâché une munition.

Et il avait peur. Peur de cet instinct qui lui venait d’on-ne-sait-où.

-Félicitations.

Le poney pourpre leva la tête vers un pégase brun à la crinière longue et blanche comme la neige, alors qu’il n’avait pourtant pas l’air bien vieux, plus jeune encore que Shadow. Et contrairement à tous les ados qui avaient réussi à s’échapper, lui avait plus l’air amusé que paniqué. Ses yeux brillaient alors qu’il regardait successivement le fusil puis la cuisse du terrestre. Piqué par la curiosité, Stalker baissa les yeux.

Et la vit.

Son destin était désormais tracé. La cible, non, le réticule noir se dessinait parfaitement sur son flanc, montrant à tous ce talent qu’il avait découvert presque par accident.

-C’était déjà impressionnant là-bas, continua le pégase, mais maintenant, c’est officiel. T’es né pour ça, t’as ça dans le sang.

-« Ça » ?

-Tuer. Tirer une balle dans la tête de ton ennemi. Une balle, un mort. C’était un véritable spectacle, là-bas. C’était juste… Magnifique. J’ai jamais vu un truc pareil.

Shadow le regarda d’un air interloqué.

-Tu trouves ça « magnifique » de tuer des gens ?

-Tu ne te rends pas compte de ce que j’aurais donné pour avoir ce talent.

Shadow regarda la cuisse du pégase. Ça ressemblait à une boule de billard en flamme.

-Moi mon truc, c’est plus le bourrinage en règle, dit-il en remarquant le regard du terrestre.

-Si tu veux, je te le donne, ce talent, dit Shadow en baissant les yeux. Gratos.

Le pégase s’accroupit pour se mettre à son niveau, et lui donna un coup dans le front.

-Hey, va falloir te blinder, mon gars. Ces types allaient te faire la peau. Valait mieux eux que toi. Et le passé, c’est le passé, on le changera pas.

-Mais d’où tu sors, toi, pour me parler comme ça ?

Un sourire se dessina sur les lèvres du jeune étalon brun.

-Tu connais Ponylem ? Le quartier pauvre de Manehattan. J’y ai atterri il y a quelques années.

Il s’assit franchement, continuant de raconter son histoire.

-Avant, c’était juste un peu la misère, mais on s’en sortait. Mais avec ces conneries d’armée à entretenir, de persécution des infidèles, toute la crasse de l’Ordre Nouveau s’y est entassée. Et maintenant, c’est infecté de gangs en tout genre, qui se font sans arrêt des guerres, quand c’est pas l’armée qui vient faire des descentes.

Il désigna le fusil.

-Dans cet enfer, un talent comme le tien, ça sauve une vie un paquet de fois. Pire, on peut devenir riche en bossant comme merco. Mercenaire, ajouta-t-il en voyant l’air intrigué du poney.

-J’ai jamais entendu parler de ça.

-C’est que la propagande marche du tonnerre. T’imagines pas tout ce qu’on étouffe. Et un village comme Ponyville, ça se bouche facilement les oreilles. Pouf, exit le bordel géant qu’est devenu Las Pegasus. Jamais existé, la famine de Stalliongrad. Et Le Haras est plein de vacanciers, pas de fuyards qui veulent partir loin de tout ce bazar ambiant.

Shadow avait du mal à réaliser ce que disait le jeune pégase. C’était ça, l’état de l’Empire depuis quelques années ?

-C’est pas croyable.

-Bienvenue dans l’Empire d’Equestria ! fit l’autre en écartant les pattes. Depuis des années, le pays devient invivable, sauf si tu vas tous les jours dans un des temples pour rendre grâce aux Alicornes, ou au moins à Celestia. Et tu veux que je te dise ? Il y a une putain de tempête qui approche.

Il désigna le fusil du menton.

-Et ce joujou pourrait bien être ton meilleur ami. Alors prends-en soin.

Shadow considéra l’arme. Le pégase avait un air illuminé en parlant du pays, et pourtant, il y avait quelque chose dans son regard qui criait qu’il disait la vérité. Il en avait vu plus qu’il n’aurait dû.

-C’est quoi ton nom ? demanda le pégase.

-Shadow Stalker.

-Ah ouais, quand même… Ils avaient un grain, tes parents, non ?

-Bof… En fait, au moment où je suis né, les lumières se sont toutes éteintes, alors je suis né dans le noir. Ça a suffisamment marqué ma mère pour qu’elle décide de m’appeler « Shadow ».

-Et Stalker ?

-Mon père trouvait que ça sonnait bien. Il a toujours été tourné romans d’apocalypse, son préféré étant cette histoire de poneys dans une Zone contaminé par la magie noire. Les Traqueurs.

-Je sais pas lire.

Shadow pencha la tête sur le côté.

-Vraiment ?

-Ça m’a jamais été indispensable.

-T’as pas dû avoir une vie facile.

-Pas exactement.

-Va falloir apprendre, alors. C’est quoi, ton nom ?

Le pégase se frotta la nuque, gêné.

-Ça te dérange… Si je garde ça pour moi ?

Shadow haussa les épaules.

-C’est toi qui vois. Je t’appelle comment ?

L’autre réfléchit quelques instant, et dit :

-Flesh.

-Flesh… Pourquoi ?

-Mon ancien chef de gang nous traitait sans arrêt de chair à canon. J’aime bien l’idée.

-Essaye de rester du bon côté du canon, quand même.

Le pégase pouffa.

-Bien, dit-il, on dirait que tu commences à entrer dans le bain.

-Tu crois vraiment que ça va empirer ?

-Y’a qu’à voir, dit Flesh en regardant au-delà de l’épaule du terrestre. La Princesse va parler.

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Luna s’avança sur la butte. La trentaine de paires d’yeux la fixaient, attendant avec curiosité et crainte les paroles de la Princesse, qui annonçait la tempête à venir, dont les premiers vents avaient déjà dévasté leur petite ville. Ils avaient vu Luna, à peine une minute auparavant, retirer sa couronne, et le garde noir à ses côtés la lui avait remis. Ils étaient inquiets. Ils avaient à présent tous conscience de ce que représentait la vie sous l’Empire : pensée orientés, obéissance aveugle, peur des représailles, et aucune possibilité de vivre sa vie de façon insouciante comme jusqu’à il y avait quelques heures. Lorsque Luna était arrivée à Ponyville et avait entamé son discours, peu comprenaient réellement ce qui se passait. Maintenant, ils en étaient conscients, et l'avaient appris de la pire des manières.

Et à présent, ils attendaient, les yeux rivés sur les lèvres de la Princesse. L’alicorne inspira profondément, et ferma les yeux.

-Je suis désolée…

Elle baissa la tête.

-Lorsque vous m’avez vu pour la première fois, il y a des années, j’étais sous la forme maléfique de Nightmare Moon, voulant apporter la nuit éternelle sur Equestria. J’avais enlevé ma sœur, et il a fallu réunir les Eléments de l’Harmonie pour m’arrêter.

Elle rouvrit les yeux, brillants des larmes qui s'y accumulaient.

-Et pourtant, vous ne m’en avez jamais conçu de la rancœur. Le jour même de ma libération, vous m’avez acclamé comme une Princesse retrouvée.

Elle déglutit, et continua :

-J’ai passé de longs mois à reprendre le contrôle de moi-même, à me convaincre que je n’étais plus ce monstre qui avait terrorisé le pays. Et lorsque je me sentis prête, je revenais à Ponyville, pour la célébration de Nightmare Night.

Elle eut un petit rictus.

-Un beau fiasco, là aussi. J’étais à deux crins d’annuler purement et simplement cette fête que vous aimiez tant, à cause de mon caractère emporté, et de ma méconnaissance de l’évolution de ce monde…

Son regard parcourut l’assemblée. Elle voyait certains poneys avec un air peiné, se remémorant la déprime de la Princesse peu adaptée à son monde.

-Mais vous m’avez aidé. Vous m’avez accepté, et ce fut la plus belle nuit de ma vie. Et depuis ce jour, je n’ai eu de cesse de vous apporter tout l’amour que je pouvais vous donner. Même si vous ne les regardiez pas, je vous offrais les plus belles nuits que je pouvais imaginer, au cas où un poney regardait le ciel, pour vous remercier.

Elle baissa à nouveau la tête, serrant les dents.

-Mais aujourd’hui… Aujourd’hui, encore une fois, mon impulsivité vous a coûté votre paix, votre bonheur. Parce que je n’y ai pas réfléchi, j’ai conduit la haine et la mort sur votre village…

Elle frappa de rage sur le sol.

-Je n’ai pas pensé aux conséquences de mes actes. Mais, je vous demande de me croire, je suis venue ici par amour pour vous. Pour vous rendre ce que vous m’avez donné : le bonheur.

Son regard afficha de la détermination, tandis qu’elle relevait la tête et reprenait un port royal.

-Car aujourd’hui, nous vivons dans l’Empire d’Equestria. Aujourd’hui, les Licornes du Soleil, par un édit que je n’ai jamais voulu, ont obtenu les pleins droits sur toutes affaires concernant « l’hérésie », car ma sœur pense que nous sommes des déesses !

Une larme coula sur la joue de Luna.

-Aujourd’hui, j’ai arrêté de me rendre aveugle à ce qui se passait, et j’ai contemplé la folie de ma sœur. Depuis ce jour du coup d’état des Changelins, je ne reconnais plus Celestia. Celle qui m’a protégé et aidé pendant que je tentais de me réinsérer dans le monde n’existe plus. Aujourd’hui, ce n’est plus une Princesse…

Elle serra les dents. Les mots avaient du mal à sortir.

-Aujourd’hui, c’est un tyran qui gouverne ce pays.

Un murmure passa parmi les poneys. Pour la première fois depuis des millénaires, on remettait en cause l’hégémonie de l’alicorne du Jour.

-Un tyran… Qu’il nous faut…

Luna inspira un grand coup, et frappa du sabot sur le sol.

-Un tyran qu’il nous faut abattre !

Un silence se fit sur l’assemblé. Les mots étaient lâchés. Et les pacifiques poneys commençaient à peine à les réaliser.

-Mais je ne peux lutter seule. Sachez que prendre le pouvoir n’est pas mon objectif. Renverser Celestia n’est pas mon but. Ce que je veux, c’est libérer les poneys qui subissent les lois despotiques de l’Empire. Et je ne peux le faire seule.

Ses yeux parcoururent l’assemblée.

-J’ai besoin de vous. J'ai besoin de votre aide.

Et elle s’inclina devant les poneys. Ceux-ci étaient toujours bouche bée. Ils avaient tout perdu, toute leur vie leur avait été arrachée dans les flammes, parce que Luna avait voulu leur donner une porte de sortie à cet Empire dont ils n’avaient jusque-là pas à se plaindre. Et à présent, elle leur demandait de lutter, eux, une trentaine de poneys fatigués, traumatisés, blessés, contre l’Empire, ses armées, ses licornes fanatiques, et une alicorne ?

Oui, elle le leur demandait. A genoux. Cet Empire n’avait pas sévit jusque-là, mais sa cruauté n’avait apparemment pas de borne. Massacrer un village ne faisait pas parti des interdits. Et cette règle s’appliquait à tout le pays. Si eux ne faisaient rien, personne ne le ferait.

Luna vit une forme se déplacer dans les rangs des poneys, et se détacher. La licorne blanche se posta juste devant la Princesse agenouillée, et l’alicorne pu voir les pattes ensanglantés de l’Elément de la Générosité. Rarity prit le menton de Luna dans son sabot, et lui releva la tête. Elle paraissait extraordinairement négligée et fatiguée.

-Je doute pouvoir servir à quoi que ce soit dans votre lutte...

Puis elle s’inclina.

-…mais je vous suivrais quoi qu’il arrive, Princesse.

Un court silence s’installa, puis l'alicorne vit un autre poney dans l’assemblée s’agenouiller, rapidement suivi par ses voisins, et petit à petit, tous les poneys s’inclinèrent devant la Princesse de la Nuit. Platinum Armor lui-même baissa la tête.

Shadow mit un genou à terre, son fusil posé à côté de lui sur le sol. Flesh, quand à lui, se contenta d’incliner la tête.

-Tu vois ? chuchota le pégase. Je te l’avais dit.

L’oreille de Stalker pivota pour mieux entendre l’étalon. Flesh releva la tête vers Luna au loin.

-C’est la guerre.

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-Répète-moi ça ?

-Comme je vous le dit, Votre Honneur, dit précipitamment Raindrop. La prison d’Alcatrhooves a été attaquée il y a trois jours par les rebelles, et les prisonniers ont apparemment rejoint la Princ... L'ancienne princesse Luna.

-Raaaah !

Twilight Sparkle décocha une ruade dans l’étagère qui se trouvait derrière elle, provoquant une chute de lourds volumes qui s’écrasèrent sur le bouclier permanent de la mage surdouée, pendant que la pégase faisait de son mieux pour esquiver les masses imposantes du savoir d’Equestria.

-Combien ? demanda la licorne.

-Pardon ?

-COMBIEN DE PRISONNIERS ?

-J-j-je ne sais pas exactement, bafouilla la messagère. Une centaine, peut-être plus !

-Raaaah !

Un éclair traversa la bibliothèque, frappant un rayon de livres de l’autre côté de la pièce qui éclata dans un flash. Raindrop se ratatina de mieux qu’elle pouvait, priant Celestia pour que sa mort soit douce, rapide et sans douleur.

Un autre éclair fusa, et Twilight s’assit, prenant de grandes inspirations pour se calmer. Un mois. Ça faisait un mois que le camp de travail de Stalliongrad avait été détruit, les gardes choqués, les Licornes du Soleil présentes exterminées et les prisonniers libérés, avec pour seul trace des fautifs un billet écrit dans une calligraphie ancienne, déclarant la guerre à l’Empire. Les Rebelles Lunaires, voilà les coupables. Et pas moyen, depuis un mois, de leur mettre le sabot dessus. Ils saccageaient les affiches de propagande, taguaient les murs avec des messages incitant à la révolte, mais surtout, détruisaient les camps de l’armée, mettaient à mal les Licornes, pillaient les entrepôts d’armement, et engageaient des volontaires partout où ils « libéraient » des prisonniers.

Des rares survivants de Ponyville, on en était venu à une véritable armée de l’ombre. Mais le pire restait à venir. Jusque-là, ils recrutaient juste quelques dizaines de rescapés, les autres étant trop choqués ou cherchant à fuir le pays. Mais Alcatrhooves, c’était autre chose. Ceux qui y étaient enfermés étaient des criminels violents, pas uniquement des petits délinquants ou des blasphémateurs. Anciens militaires déchus, grosses pointures des réseaux de gangs de Ponylem, de Las Pegasus ou de Mexicolt et miliciens anti-alicornes s’y trouvaient. Beaucoup d’entre eux détestaient l’Empire, et désiraient le combattre.

Autant dire qu’une merde sans pareil allait leur tomber dessus. C’est une véritable armée qui se dessinait. Pire encore, la Zone 42, un des plus importants entrepôts d’armement, avait été pillé par les Rebelles une semaine auparavant. Ça représentait suffisamment d’arme pour un régiment entier, véhicules compris. Bien que la Licorne Suprême doutait que les chars leur servirait à quoi que ce soit, le fait est qu’ils en avaient, et pourraient s’en servir le moment venu.

Or, ils venaient de recruter les soldats pour s’en servir.

Twilight serra les dents, et disparu dans un flash. Raindrop poussa un soupir de soulagement, et quitta la salle le plus silencieusement possible.

La licorne, elle, apparu dans une chambre luxueuse, mais mal rangée. Elle chercha du regard autour d’elle, puis finit par hurler :

-BLUEBLOOD !

-Aaah ! Saperlipopette, Sparkle, prévenez avant de… fit une voix venant de la salle d’eau.

-Sortez immédiatement ! Je DOIS vous voir sur-le-champ !

-Ce n’est PAS le MOMENT !

-C’EST UN ORDRE !

Il y eut un silence, puis Twilight entendit un « désolé, ma chère » venir de l’autre côté de la porte, un bruit d’eau et de sabot sur le carrelage, un froissement, puis la porte s’ouvrit sur le Prince Blueblood en peignoir, la crinière encore ruisselante d’eau et de mousse. La licorne violette entraperçu une terrestre encore dans la baignoire avant que l’étalon ne ferme la porte.

-J’étais occupé, siffla le Prince.

-Peu importe, dit sèchement la Licorne Suprême. Vous avez entendu parler de ce qui s’est passé à Alcatrhooves ?

-Aucunement, répondit simplement l’intéressé d’un ton exaspéré. Que s’est-il passé ?

-Pour le peuple, ce sera une attaque des terroristes de Luna pour libérer de dangereux criminels récidivistes, tout en massacrant les braves gardiens ayant donné leur vie pour protéger leur pays. Brodez un peu, je veux votre discours sur mon bureau dans une heure, vous le récitez dans deux.

Blueblood soupira.

-Ce serait plus simple si on me les écrivait. Je suis poète, moi, pas expert en propagande.

-On vous trouvera ça quand on arrêtera de se faire exploser de partout à cause de ces traîtres sans pouvoir répondre.

-Ma tante refuse toujours de lancer la chasse aux rebelles ?

-Qu’elle le veuille ou non, aujourd’hui, elle va devoir prendre des mesures. Si elle continue de se voiler la face, Luna n’aura même plus à se cacher, et pourra détruire Canterlot sans rencontrer personne sur sa route. Où est-elle ?

La licorne blanche se mit à réfléchir en triturant sa mèche mouillée.

-A l’heure qu’il est, elle doit avoir fini d’inspecter la cache des Eléments, et elle m’a dit vouloir aller voir les statues. Vous savez laquelle.

-Bien, je vais aller voir.

-Je peux retourner à mes occupations ?

-Du moment que j’ai votre papier dans une heure.

Le Prince leva les yeux.

-Je devrais pouvoir optimiser mon temps.

-Pas de taches sur le papier, c’est tout ce que je vous demande.

La corne de Twilight brilla, et elle disparut dans un flash de magie. Le Prince se mit le sabot sur la figure.

-Mais quelle distinction, dites-moi…

Il ouvrit la porte, et jeta un coup d’œil à la charmante ponette qui s’ébattait dans la gigantesque baignoire. Elle sortit la tête de l’eau, secoua sa crinière ruisselante, et lui fit un clin d’œil.

Je prends note quand même.

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Twilight réapparu dans les jardins, entourée par les différentes statues qui l’ornaient. Il se dégageait une certaine paix de cet endroit. Comme si la catastrophe qui approchait ne pouvait pas arriver. Les poneys gravés dans le marbre observaient les visiteurs, leur rappelant les vertus les plus essentielles : Harmonie, Victoire, Paix, Gaieté, Amitié…

Et Discorde. Twilight posa ses yeux sur l’imposante statue tarabiscotée du Draconequus, figé à jamais dans une pose plus que ridicule, surpris par la puissance des Eléments. A ses pieds se trouvait l’élégante alicorne blanche, assise devant son plus grand ennemi, l’observant dans les yeux.

Twilight s’approcha doucement, ne voulant pas déranger la Princesse dans sa méditation. Elle s’assit derrière elle, et finit par regarder la statue de la créature biscornue et maléfique.

-Princesse… dit-elle doucement.

Celestia tourna légèrement la tête vers son étudiante, puis reprit sa contemplation de l’être figé.

-Twilight Sparkle…

-Princesse, je suis désolée de vous imposer cela, mais des mesures doivent être prises par rapport à votre sœur. Elle…

Un sabot tendu la dissuada de continuer. Celestia toucha ensuite le bout du museau de Discord.

-J’ai espéré que c’était de sa faute. J’avais ce fol espoir que, pour une raison quelconque, ton éloignement de tes amies, l’engagement de Rainbow Dash ou je ne sais quoi, les Eléments se soient dissociés, et qu’il s’était libéré. Qu’il sera la cause de cette folie qui frappe nos citoyens et ma sœur, que son influence avait déclenché tout cela.

Elle caressa la joue de la statue.

-Mais non. Les Eléments, s’ils sont inertes, restent soudés et prêts à l’emploi. Et lui reste enchâssé dans son écorce de pierre, sans pouvoir commettre le moindre mal.

Elle soupira.

-Nous n’avons pas besoin de lui pour répandre le Chaos. Ce que l’on croyait uniquement possible en sa présence, nous sommes capables de le générer nous-mêmes.

Son sabot s’arrêta de parcourir le draconequus, fixé sur son front.

-Il est totalement… Inutile.

Et elle poussa. Sans effort visible, d’une simple pichenette, elle déséquilibra la statue, qui se mit dans une position dangereuse, à la limite de l’équilibre. Elle vacilla quelques secondes, entre la chute et la stabilité, sans prendre de décision.

Puis elle chuta, comme au ralenti, tomba du piédestal, et se fracassa sur le sol des jardins. Immédiatement, une gigantesque explosion d’énergie souffla depuis les débris, dont les vents violents semblaient hurler une souffrance inimaginable. Twilight lutta pour rester accrochée à terre alors que la Princesse ne bougeait pas, se contentant de regarder les morceaux de pierre, le seul témoin de ce qui se passait étant sa crinière soufflée vers l'arrière.

Puis la tempête se calma tout aussi soudainement qu'elle était apparue. Les crins de Celestia reprirent leur aspect flottant, et Twilight força ses yeux à revenir en face de leurs trous.

Mais il y avait quelque chose de différent. Une pression, que Twilight n’avait pas remarquée auparavant, avait disparu. Et au sol, elle voyait les débris de ce qui était désormais, et pour l’éternité, une simple statue brisée.

Discord était mort.

-Des millénaires que j’hésite à faire ce geste si simple, révéla l’alicorne. Cela paraissait si difficile… Et pourtant…

Elle posa le sabot sur le morceau de tête de Discord, et appuya pour l'écraser, l'éclatant en des dizaines de morceaux.

-Pourquoi croyais-je qu'il serait meilleur d’emprisonner ses ennemis plutôt que de les tuer ? Après tout, un cadavre ne revient pas mille ans plus tard pour se venger...

Elle secoua la tête.

-Twilight, ma fidèle élève, prends note.

La corne de la licorne brilla, et un parchemin ainsi qu’une plume apparurent.

Mes chers et loyaux sujets, habitants de l’Empire Solaire.

Il est venu à mes oreilles de bien tristes nouvelles. J’entends dire que des poneys doutent, qu’ils pensent que je ne suis plus apte à gouverner ce pays. J’ai passé des millénaires à protéger cet endroit où nous vivons aujourd’hui, contre le Chaos, la Guerre, l’Obscurité et ces maux qui nous menaçaient, bien que de récents événements m’aient conduite à prendre des décisions plus dures. Mais certains refusent d’y voir la sagesse qui nous mènera vers un meilleur futur. Ils préfèrent rester dans l’obscurité d’un monde décadent, sans avoir la patience d’attendre les résultats de mes actions.

Mais ceci, je pouvais encore le tolérer. Cependant, ces poneys ne se sont pas contentés de protester. Ils ont pris les armes, et ont commencé à détruire ce que nous avons mis des millénaires à construire. Dans leurs mensonges et leur folie, ils ont décidé de s’en prendre à ce qui constituait notre pays.

Et quelle n’a pas été ma douleur de découvrir que ma propre sœur, la Princesse Luna de la Nuit, avait décidé également de se retourner contre nous, et de prendre sous son aile des criminels de la pire espèce, pilleurs, tueurs et assassins, pour mener à bien ses objectifs.

Je ne peux plus rester sans agir. Les circonstances ne me donnent pas d’autres choix que de sévir, pour le bien de notre nation.

Je déclare donc, par la présente et pour les crimes suivants :

-Pillage

-Destruction de Bien Public

-Attaque à Sabot Armé

-Vol

-Meurtre

-Assassinat

-Blasphème

-Rébellion

Et enfin Tentative de Régicide

La princesse LUNA l’Alicorne DECHUE de ses titres princiers. Tous les poneys et autres créatures qui la suivent, l’aident, obéissent à ses ordres, combattent pour elle, et la soutiennent par les actes, la parole ou la pensée seront déclarés

TRAITRES et ENNEMIS DE L’EMPIRE

Et condamnés selon la loi à la peine capitale.

Que tout étalon, jument, poulain ou pouliche ayant des informations ou étant parvenu à capturer l’un des individus susnommés prévienne l’Ordre des Licornes du Soleil par tous les moyens disponibles, sous peine d’être considéré comme un traître. Ces suspects doivent être arrêtés morts ou vifs. Les fidèles seront récompensés pour leur loyauté.

Je déclare également par la présente donner à l’Ordre des Licornes du Soleil la liberté totale dans ses agissements pour arrêter et châtier ces traîtres.

Que le Soleil guide vos pas vers un futur plus lumineux.

Votre Princesse et souveraine,

Celestia

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FIN du Premier Recueil 

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Note de l'auteur

Fin du Premier Recueil : Tranches de Guerre

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KuroixNeko
KuroixNeko : #28637
OMG...

Ce chapitre quoi...
Je me suis mis à faire une lecture orale tout seul ! x')
Un plaisir à lire vraiment.
Il y a 2 ans · Répondre

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