Rarity était fatiguée. Elle avait passé toute la nuit à assembler de nouveaux uniformes, cousant ses « protections spéciales » à l'intérieur. Les armées de Luna avaient les meilleures protections pare-balles, légères et résistantes, car elles étaient de son fait. Mais elle seule avait la dextérité pour les assembler, du moins de façon parfaite. Ce qui faisait qu'elle était constamment sur les rotules.
En plus, l'austérité des institutions guerrières l'empêchait de mettre un peu de fantaisie dans les uniformes. Le camouflage, c'était bien, mais là, elle commençait à avoir les yeux qui perdaient les autres couleurs que les panels sombres qu'affectionnait l'armée, que ce soit les assemblages bleu et noir des troupes spéciales, ou les plus classiques assemblages de vert et de marron. Ce n'était pas vrai, bien sûr, et si elle en avait eu le temps et l'occasion, elle aurait bien évidemment pu faire une robe somptueuse. Elle se demandait si quelqu'un porterait encore un jour ses créations. Elle en doutait cependant.
Elle pensa à Sweetie Belle. Où était sa petite sœur chérie ? Sûrement à un endroit près du front, où ses chansons remontaient le moral aux troupes fatiguées. La jeune ponette avait finalement découvert son talent pour le chant, et s'en servait pour créer des musiques qui faisaient un carton auprès des soldats lunaires. Et même des solaires, quand ils en faisaient passer au marché noir, passant outre le blocus. On disait que même Celestia écoutait ses chansons, bien que ce fut plus une légende urbaine qu'autre chose. L'une d'entre elle était même devenue l'hymne de la République balbutiante. Rarity n'appréciait que les créations de sa petite sœur soient utilisées à des fins militaires et politiques, mais Sweetie disait qu'au moins, elle se sentait utile. Les musiciens étaient assez peu à faire des concerts en temps de guerre.
Spike entra dans la pièce, chargé de pierres précieuses. Au début de la guerre, quand ils n'en étaient qu'aux escarmouches et aux embuscades, elle avait passé la moitié de son temps à faire des uniformes de fortune aux commandos, et l'autre à chercher des pierres pour commercer sous le manteau avec les marchands qui le voulaient bien. Mais aujourd'hui, elle n'avait plus le temps de chercher. Et malgré le fait que Luna n'avait plus besoin de pierres pour des raisons économiques, car les gens ne se battaient pas pour la solde mais pour une conviction, elle avait toujours besoin de plus de pierres.
Avec quoi Luna croyait-elle que Rarity faisait ces gilets pare-balles si solides ? Réussir à fabriquer du fil avec des pierres était une opération complexe, ayant neuf chances sur dix de rater, et qui ratait neuf fois sur dix, mais elle valait le coup. Et Rarity avait pris le coup de sabot. Mais pour chercher les pierres, elle avait dû enchanter une espèce de baguette de sourcier, pour que Spike puisse les chercher sans son aide.
Rarity regarda le dragon d'un air compatissant. Il était déjà adolescent, mais n'avait rien à voir avec l'horrible monstre qui avait dévasté Ponyville quelques années plus tôt. Et, pour être tout-à-fait honnête, il commençait à avoir un certain charme. Ce qui l'arrangeait bien, étant donné ses sentiments pour la licorne blanche. Rarity secoua la tête. Ce n'était pas vraiment une bonne époque pour songer à avoir une relation, d'autant plus avec un dragon qu'elle avait vu grandir.
Rarity songea au petit Spike, qui, des années plus tôt, sale, affamé, pleurant et désespéré, était venu frapper à la porte de son atelier de fortune qu'elle s'était faite construire lorsqu'elle avait dû abandonner le Carrousel Boutique lors du Massacre. Les années ayant précédé la guerre, il avait vu Twilight lentement sombrer dans la folie de sa dévotion envers la Princesse solaire. Il avait tout tenté pour l'empêcher de s'enfoncer trop loin, mais elle ne l'avait pas écouté. Puis les premiers combats avaient éclaté, et avec eux, les premières actions de la maîtresse des Licornes du Soleil.
Spike ne pouvait plus rien faire, et personne ne pouvait l'aider. Alors, la mort dans l'âme, il s'était finalement décidé à abandonner celle qui avait été pour lui une amie, une sœur, une mère, un patron, qui lui avait donné naissance, bref, à qui il devait tout. Mais il avait refusé de tomber dans le même piège que Twilight, et de suivre cette personne qu'elle respectait dans la folie.
Dans son désespoir, il était parti à la recherche de la seule qui parvenait à s'imposer dans son esprit, et à le calmer par sa simple pensée : Rarity. En faisant cela, il se condamnait à être l'ennemi de Celestia, et à affronter la Licorne Suprême.
Spike avait grandi avec la guerre, loin de Twilight. Rarity ne put s'empêcher de galoper vers lui, et de le serrer dans ses pattes.
-Euh, Rarity ? fit le dragon. Ça va ?
-Oui, dit-elle en relevant la tête, les larmes aux yeux. Oui. Je suis désolée.
Spike la regarda attentivement.
-Tu es sûre que ça va ?
-Oui, mentit-elle. Que nous ramènes-tu ?
Le regard de Spike s'illumina.
-C'était le jackpot, aujourd'hui ! Je suis allé jusqu'à l'orée de la forêt Everfree et...
-Tu as QUOI ?
Rarity était horrifiée. Il n'avait pas osé... ?
-Ne t'inquiète pas, la rassura Spike. Je ne suis pas entré. Je suis pas fou au point de défier Zecora.
-Spike, il ne faut pas...
-Tu n'es pas ma mère, Rarity. Et regarde ça !
Il étala le contenu de son sac. Il y avait effectivement beaucoup de joyaux, tous plus magnifiques les uns que les autres. Immédiatement, Rarity pensa aux robes qu'elle pourrait créer avec ces trésors. Puis regretta. À chaque fois qu'elle pensait à cela, elle déprimait.
-Tiens, je t'ai gardé le meilleur pour la fin !
Il sorti d'une poche de son uniforme, un modèle spécial dragon, qu'il avait voulu de Rarity malgré le fait que celle-ci refusait qu'il parte se battre, un magnifique joyau rouge, en forme de cœur. Un Rubis de Feu.
-Tiens, dit Spike, prends-le.
-Non, refusa immédiatement Rarity. Il est pour toi.
-Mais...
-Je ne souhaite pas que ce magnifique joyau soit transformé en banal uniforme de guerre, le coupa Rarity. Je préfère qu'il te revienne. Pour celui que tu m'as donné.
Les yeux de Spike brillèrent. Il contempla le joyau avec des yeux envieux. Il le renifla, le gratta, et finalement le lécha. À voir sa tête, la pierre devait être exquise.
-Rarity...
-Ne t'en fait pas, Spike. Maintenant, va te reposer. Tu l'as mérité.
-Non, fit Spike. Toi va te reposer. Tu n'as pas dormi depuis deux jours. Pas la peine de mentir, ça se voit sur ton visage !
Tout le monde pouvait le voir. Rarity n'avait jamais eu une mine aussi affreuse, même lorsqu'elle devait coudre des dizaines de robes en urgence pour un défilé. Cela s'expliquait en partie par le fait que, face aux différents déménagements de son atelier, et l'atmosphère de stress permanent de la guerre, elle avait en partie abandonné l'habitude de prendre constamment soin de son apparence. Sa crinière, même relativement bien peignée, restait raide sur le côté de sa tête, et elle avait laissé tomber une grande parti de son maquillage.
Mais étrangement, elle tenait farouchement à ses faux cils. C'était son dernier bastion, sa dernière lutte en temps que Lady, et elle n'avait aucune envie de flancher sur ce point.
Elle considéra l'idée de dormir. C'était vrai, elle n'en pouvait plus. Finalement, elle décida de faire une pause, et s’allongea directement par terre. Ce n'était pas le plus confortable, mais elle n'avait pas la force de sortir pour aller chercher un coin où se poser.
C'est à ce moment que quelqu'un frappa à la porte. Immédiatement, elle pensa à un de ces officiers qui venaient régulièrement l'importuner pour lui demander ses faveurs. A une autre époque, elle en aurait été flattée. Là, ça l'ennuyait plus qu'autre chose.
-Spikounet, tu peux ouvrir la porte, s'il te plait ?
-À vos ordre, Mademoiselle ! dit-il avant de foncer vers la porte, qu'il ouvrit avant de s'exclamer :
-Oh ! A.J. ! Ça faisait longtemps !
-'lut Spike. Dis donc, t'as encore poussé pendant qu'j'suis partie ! Va falloir t'trouver une grotte pour t'crécher dans pas longtemps !
Rarity se retrouva debout d'un bond. Ça faisait une éternité qu'elle n'avait pas vu son amie !
-Applejack chérie ! Je suis si heureuse de te voir !
-'lut Rarity ! Comment ça s'passe depuis l'temps ?
-Oh ! Je croule sous le travail ! Je n’ai pas une minute à moi !
Elle laissa passer un temps, alors qu'elle considérait l'absurdité de sa remarque.
-Mais ça doit être pire pour toi...
-Oh, fit l'ancienne fermière, j'me débrouille pas trop mal. En fait, j'suis venue te d'mander un service, si t'es pas trop vannée.
-Dis-moi tout.
La ponette orange sortit un uniforme abîmé, percé de quelques trous sanglants. Le camouflage de nuances de bleu sombre indiquait qu'il appartenait à un membre des équipes d'opérations spéciales. Cependant, la ponette orange en portait un identique, alors qu'elle faisait parti des troupes régulières. Pour qu'on la reconnaisse sur le champ de bataille, disait-elle.
-Oh ! Applejack, est-ce que tu...
-Ch'est pas le mien, fit-elle le vêtement dans la bouche.
Elle le posa à terre, et prit une mine contrite.
-C'est... à quelqu'un qui ne peux pas venir... Si tu vois de qui j'veux parler ?
Rarity imagina toutes les possibilités. Si on renvoyait l'uniforme abîmé directement à elle pour réparation, c'est qu'il s'agissait d'une personne importante. Un officier de haut rang, des opérations spéciales. Il devait être blessé pour ne pas pouvoir venir, à moins que...
Le regard de Rarity devint noir :
-C'est à Stalker, c'est ça ?
-En plein dans l'mille, lui répondit Applejack. Vu qu’tu peux pas l'blairer, il m'envoie en intermédiaire.
-Et qui lui fait croire que je réparerais son uniforme ?
-Moi, dit le poney orange. Il voulait s'démerder avec les réparations d'base, mais j'ai insisté. On a pas b'soin d'risquer sa vie plus que nécessaire.
Rarity souffla de frustration. Elle refusait d'avoir quoi que ce soit à faire avec le tireur d'élite depuis qu'il avait assassiné de sang-froid son ami Canterlotien, Fancy Pants. C'était à ses yeux un tueur sans scrupules, enlevant des vies sans une once de remord. Cela étant, il ne s'en était jamais défendu, et s'était contenté de mettre un de ses horripilants brins de paille à la bouche en haussant des épaules quand elle lui avait hurlé dessus à ce sujet.
L'uniforme était dans un sale état, principalement coupé de coups d'arme blanche. Une partie de Rarity voulait se réjouir que ce lâche qui tuait caché et à distance ait enfin été confronté à son principal point faible, mais elle avait trop de considération pour les vies ponettes pour se laisser aller à ce sentiment.
Finalement, son regard se fit plus doux.
-Au moins, mon travail aura sauvé une vie de plus.
-Tes uniformes sont parfaits, sucre d'orge, fit Applejack sur un ton compatissant. Beaucoup d'entre nous n's'rait plus là si t'étais pas avec nous. On a d'la chance de t'avoir, ajouta-t-elle en posant un sabot sur l'épaule de son amie.
Elle se concentra sur le contact avec la ponette orange. Elle aimait ce contact, lui prouvant que son amie était là, avec elle, et n'était pas qu'une hallucination. Elle se blottit contre Applejack, qui la prit dans ses pattes.
-Les autres me manquent, dit la licorne avec des larmes dans la voix.
Applejack resserra son étreinte, abandonnant sa lutte contre les pleurs qui lui coulaient sur les joues. Elle ouvrit une de ses pattes, et Spike se joignit à elles.
Ils restèrent à se consoler mutuellement quelques minutes. Finalement, Rarity se releva en reniflant.
-Bon, je vais faire ça. Merci d'être passée, Applejack.
-C'est t'jours un plaisir, sucre d'orge. Au fait, dit-elle sur le pas de la porte. Tu viens au mess, ce soir ?
-Je ne pense pas, répondit la licorne. J'ai encore beaucoup de travail.
-Mais... fit le poney orange. J'avais prévu qu'on passe la soirée ensemble. Tu sais... Aujourd'hui...
Rarity haussa un sourcil interrogatif. Applejack souffla :
-Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Pinkie.
Rarity resta bouche bée. Comment avait-elle pu oublier ?
Applejack franchit la porte, et sortit. Rarity porta son attention sur l'uniforme abîmé resté par terre.
Elle allait finir ça, et rejoindre Applejack.
Pour rien au monde, elle ne raterait l'anniversaire d'une de ses amies, fusse-t-elle disparue, ou même dans le camp ennemi !
Sa corne brilla, et elle se mit au travail.
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