La lumière du Soleil s’introduisit enfin par la fenêtre, frappant les grains de poussière qui dérivaient dans les airs comme les flocons d’une boule à neige. Elle progressa en rampant sur le sol avec la course du temps, pour finalement se poser sur deux poneys endormis sur le canapé, dans les pattes l’une de l’autre.
Le Soleil tira Octavia de son sommeil inhabituellement long. Elle se redressa, un peu, en se réveillant, réanimant les muscles qui reposaient confortablement inertes durant la nuit. Elle souleva les paupières pour trouver l’oreiller de cheveux bleu électrique sur lequel elle s’était endormie. La nuit de la veille lui revint en mémoire, et ses joues rosirent alors qu’elle se remémorait certains des… événements qui s’étaient produits. Les choses avaient, peut-être, un peu dégénéré, le plus inquiétant étant qu'elle ne pouvait pas blâmer l'alcool cette fois.
Elle joua avec la crinière de Vinyl tout en se redressant dans une position plus confortable derrière elle. Octavia enroula à nouveau ses pattes autour du corps profondément inconscient de Vinyl. Il était hautement probable que celle-ci n’eût pas l’intention de se lever d’ici peu, donc Octavia n’en ressentait pas le besoin non plus.
Elle ferma les yeux, se blottit dans la crinière de Vinyl, mais ne parvint pas à se rendormir. C’était récurrent chez Octavia : elle était en quelque sorte une lève-tôt, donc une fois réveillée, elle ne pouvait se rendormir avant la tombée de la nuit. Cependant, elle n’avait aucun engagement à honorer aujourd’hui, aucun concert ou répétition. Elle était libre de faire ce qu’elle voulait, et pour le moment, c’était écouter la lente respiration de Vinyl.
Bien sûr, cette situation allait poser quelques problèmes. Problèmes qui troublaient et grouillaient dans l’esprit d’Octavia comme un essaim de chauves-souris. Toute médaille a un revers. Octavia et Vinyl avaient trouvé le bonheur cachées des autres poneys. Mais qu’en serait-il lorsqu’elles s’avanceraient dans la lumière d’Équestria, comment réagirait-on à leur… amour ?
L’Amour. Un concept si étrange et singulier. C’était tout juste si l’esprit de quelque poney ne l’avait pas inventé. Tenter de comprendre ce qu’elle ressentait, comprendre ce qui l’avait conduite à Vinyl, était un peu comme tenter d’écrire un poème avec les sabots. C’était juste là, à danser sous ses yeux et lui donner le tournis, mais elle ne pouvait comprendre ce que ça faisait là. À quelles fins c’était là. Elle se demanda si Vinyl ressentait le même doute. Elle en doutait, Vinyl avait une vision du monde très tranchée. Elle n’avait pas peur de dire ce qu’elle pensait, tandis qu’Octavia se cachait derrière un voile de bonnes manières.
C’était retirer ce voile qui l’inquiétait désormais. Laisser la lumière de la réalité s’engouffrer dans ses yeux. Des rêves et des cauchemars hantaient ses pensées, elle repensa à ce qui était arrivé à Lyra. Lyra était passée d’une réputation comparable à celle d’Octavia, à rien, en une nuit ; la nuit où elle avait publiquement annoncé son intention d’épouser une autre jument.
On disait la haute-société 'classique' pour une bonne raison. Elle s’accrochait à ses mœurs avec plus de zèle qu’elle s’accrochait à son argent. Obsolète… délabrée, même. Il était drôle que rencontrer Vinyl eût fait réaliser à Octavia que, quelquefois, les vieilles mœurs ne valaient pas mieux, étaient dépassées. Fréquenter une ponette lui apporterait des ennuis, aucun doute. Mais si un jour de peine égalait une minute de paix avec Vinyl comme en cet instant… c’était plus qu’acceptable.
Elle supposa qu’il lui faudrait se battre pour son amour. Si ça en valait la peine, elle y avait tout intérêt.
Ce qu'Octavia n’avait pas réalisé, et qui était un piège pour beaucoup de musiciens, c’est qu’elle était inconsciemment en train de murmurer ses pensées à l’oreille de Vinyl. Il était courant pour un musicien ayant passé sa carrière à traduire ses sentiments en sons d’oublier de l’éteindre, mais Octavia ne réalisa son erreur que quand Vinyl bougea pour la regarder dans les yeux, le sourire penaud et les paupières mi-closes.
« Tu sais, c'est rare que je demande à des poneys de me murmurer du Cheryl Colt pour me réveiller, mais au moins tu chantes bien mieux qu’elle. »
Octavia toussota. Ce n’était pas qu’elle en voulût à Vinyl, mais elle avait espéré rester seule plus longtemps avec ses pensées.
« Cheryl… qui ? »
« Wow, t’es vraiment pas à la page avec les artistes récents, hein ? »
« Si c'est récent… ce n’est pas de l'art. »
Vinyl rit et pointa du sabot la peinture accrochée au-dessus d’elles. « Je suppose que ‘l’Art’, pour toi, c’est comme cette vieille peinture ? »
« C’était ironique… et une bonne idée à l’époque. »
« Et la nuit dernière ? » Vinyl se tourna à nouveau vers Octavia, soudain sérieuse et alerte. « Est-ce que c’était ‘une bonne idée à l’époque’ ? »
« Est-ce que tu sous-entendrais que je sois le genre de poney qui fait entrer des ponettes chez lui, abuse d’elles, puis les met dehors au petit matin ? »
Vinyl sourit. « Je ne veux pas être la dernière d’une longue série, Octavia. Je suis sûre que plein d’autres pouliches en ont après ton cœur. »
« Pas tant que ça. Elle doivent toutes savoir qu’on ne joue pas dans la même division. »
« J’imagine qu’aucune d’entre elles n’est aussi stupide que moi pour tenter de prendre le sabot de mademoiselle Octavia Philharmonica… Au fait, qu’est-ce que c’est que ce no- »
« Oh Célestia, ça recommence. Tu parles déjà trop. » Octavia se pencha par-dessus les centimètres qui les séparaient pour lui faire une bise sur le museau. « Il faut que ta langue arrête de remuer comme ça. »
« Oh, tu ne disais pas ça hier soir. » Le rictus de Vinyl se fit aussi étincelant que les joues roses d’Octavia. « Il n’y a quand même pas un taxi qui m’attend déjà dehors ? Je me sens mal aimée tout d'un coup. »
Octavia grogna, grognements rejoints par ses éclats de rire staccato. « Allez, viens là, Octy va te faire un câlin. »
« Alors on reste ensemble, Octy ? »
« Seulement en privé. »
« Tu sais quoi, par rapport à la nuit dernière, il y a quelque chose qui me fait plaisir. »
« Oui ? » Octavia ne brisa pas l’étreinte, mais sentit son corps se tendre alors qu’elle attendait la réponse de Vinyl, ce qu’elle ressentait vis-à-vis de leur nouvelle relation.
« Je suis vraiment contente que tu n’aies pas de tuba. »
* * * * * *
« Je suppose que je n’aurais pas pu m’attendre à une appréciation émotionnellement recherchée de la nuit dernière ? »
« Oooh, allez. Depuis quand je suis du genre émotive ? »
« Pas faux. »
Octavia bougea, et son estomac gronda. L’heure était bien plus avancée que celle à laquelle elle prenait son petit-déjeuner. Peut-être qu’elle ferait mieux de se détacher de Vinyl pour manger.
« Tu as faim, Vinyl ? »
« Un peu. T’as des Cheerileeos ? »
« Non. »
« Des Zeco Pops ? »
« Non. »
« Des Scootabi- ? »
« J’ai des pancakes. Ça fera l’affaire ? »
« Seulement si c’est des gros pancakes plats. Pas les petits tout gras. »
Octavia grogna. « Très bien, je vais te faire quelques crêpes. Il faut juste que tu me libères. »
« Débrouille-toi. »
« Comme tu voudras. »
Octavia s’arc-bouta contre le dossier du canapé et poussa Vinyl sur le sol. Elle passa à côté d’elle l’air de rien et alla dans la cuisine pour préparer des pancakes. Il fallut une minute ou deux à Vinyl pour se rendre compte de ce qui s’était passé, suite à quoi elle entreprit de défaire ses pattes emmêlées pour se remettre sur sabots. Elle trotta vers la cuisine et passa la tête par l’embrasure de la porte.
« C’était franchement cruel, Octy ! Je ne suis pas en relation avec toi pour me faire pousser. »
« Est-ce que tu vas m’aider à faire la pâte à pancakes dans ce cas ? »
« Nan. Je vais rester dans le salon et attendre mes pancakes d’excuse. »
Octavia rit en versant une première dose de pâte dans la poêle, avant d’y ajouter du sirop. « Bien sûr, je te les amène. »
« Woah Octy, tu cuisines et tu couches avec moi ? T’es l’épouse parfaite ! »
La casserole n’atteignit pas Vinyl, qui s’était cachée derrière l’embrasure de la porte avant même de commencer sa phrase. Elle réapparut, ricanante, juste à temps pour prendre le fouet à œufs sur le museau. Elle couvrit son visage blessé d’un sabot pour tenter de chasser la douleur, en vain.
« Eh, c’est pas sexiste si je suis une jument aussi ! »
« Peut-être, mais nous ne sommes pas mariées. En tout cas, je ne suis pas ton esclave. C’est moi qui commande ici, de toute façon. »
« Et pourquoi ça ? »
« Parce que, Vinyl ma chère, je suis la plus proche du tiroir à couteaux. »
Vinyl se réfugia dans le salon pour attendre son pancake. Son ventre lui gronda de simplement prendre quelque chose d’autre, et aussi vite que possible. Elle se dit qu’elle ferait mieux d’attendre de connaître Octavia avant de prendre la liberté de braquer son réfrigérateur. Surtout quand celle-ci était déjà en train de lui préparer des pancakes.
Au moins Octavia avait une sono plus que décente. Vinyl était en extase devant le tourne-disque Ponineer, caressant les haut-parleurs Ponysonic d’un sabot hésitant. Elle écoutait de la musique classique avec ça ? Ils devaient sûrement décrocher sa précieuse petite crinière à chaque fois qu’elle les allumait !
Naturellement, Vinyl se retrouva à placer l’un des disques les moins intellectuels d’Octavia sur la platine puis d’enfoncer le bouton power en jubilant. Le disque tourna, l’écran brilla d’une faible aura magique en comptant les pistes, mais à peine un murmure sortit des haut-parleurs.
Vinyl colla une oreille attentive contre les haut-parleurs des basses. Même pas le plus léger des ronronnements n’en émana, les aigus aussi étaient parfaitement silencieux. Il faut dire qu’après tant d'années passées en boîte à écouter du dubstep, les oreilles de Vinyl étaient loin d’être aussi compétentes que celles d’une ponette de son âge de la génération précédente. Enfin, ces dernières passaient leur temps à coudre et à nourrir des lapins. Vinyl était plus disposée à sacrifier son ouïe pour quelques basses assourdissantes.
À ce propos, ça ne l’étonnerait pas d’Octavia que cette dernière pratique le tricot. Des chaussettes sans doute. Elle tourna le bouton du volume, alluma la radio, et chercha quelque chose de digne d’intérêt dans le bruit blanc crépitant qui sortait de l’appareil.
Des sons cohérents finirent par se former ; elle reconnut une émission de radio à force de régler le bouton.
« -aaalut Équestria ! Le Soleil se lève et nous aussi ! Vous écoutez K-COLT et c’est l’heure du VI- »
Vinyl tourna violemment le bouton vers une fréquence plus élevée. Elle n’avait jamais aimé les émissions de radio avec des poneys qui parlent. Qui pouvait bien écouter ça ? La vraie musique devait se cacher dans les plus hautes fréquences. Une fois de plus, le bruit crépitant se dissipa, et du jazz old-school se fit entendre. Pas mal, c’était mieux que tous les trucs qu’elle avait trouvés jusque-là. Vinyl monta délicatement le son des basses tout en abaissant celui des aigus. Voilà qui était mieux.
La musique s’effaça pour être remplacée par la voix enthousiaste d’un présentateur.
« Merci de votre attention, les filles. Ici Three-Colt, ah-wooouh… ! et vous écout- »
Le son disparut quand Vinyl cogna le bouton power pour éteindre la radio. C’était un format en voie de disparition, depuis que la musique de corne se téléchargeait si facilement. Elle saisit le premier disque qu’elle put trouver, et le posa sur la platine. Elle mit les basses à fond, et baissa les aigus presque au minimum. Puis elle retourna se planter sur le canapé.
La musique débuta en envoyant des basses puissantes parmi lesquelles on distinguait à peine de vrais instruments. Pile ce qu’il me faut, pensa Vinyl. Elle fut surprise de constater que Mozcart sonnait bien avec les basses au maximum, peut-être qu’elle devrait acheter quelques-uns de ses albums avant de rentrer.
C’est à ce moment qu’elle aperçut Octavia passer la porte de la cuisine, deux assiettes de pancakes posées sur ses sabots. Octavia identifia la source des ondes sismiques. Sa propre sono. Paniquée, elle lâcha les assiettes sur la table basse avant de se précipiter vers le lecteur Ponineer. Elle examina les boutons ; tous étaient déréglés ; le chaos complet ! Il lui avait fallu des mois d’affinage patient pour en arriver aux conditions optimales d'écoute de l’œuvre de Beethoofven, de façon à accentuer les instruments à corde tout en laissant les contrebasses et violoncelles en retrait.
Tout ça balayé et jeté par la fenêtre par cette licorne blanche, qui se frayait maintenant un chemin à travers ses pancakes à la façon d’un bulldozer. Vinyl porta une autre fourchette du délice au sirop à ses lèvres, avant de surprendre le regard mauvais d’Octavia à l’autre bout de la pièce. Mangeant doucement le fragment de pancake, Vinyl reposa délicatement son assiette sur la table. Juste au cas où elle aurait besoin de courir.
L’œil gauche d’Octavia tiqua, de la même manière que le sabot d’un poney fou armé tiquerait sur la détente de son revolver. Elle était complètement sans voix, inconsciemment un de ses sabots essayait toujours de réparer le lecteur. De sa bouche sortit un grognement passif-agressif qui aurait fait se dresser les cheveux de Vinyl sur sa tête, si le gel ne s’en chargeait pas déjà.
« Toi. Qu’as-tu fait… à mon lecteur de CD ?! »
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Je t'empêcherai pas de le faire. Aucun problème.
Mais sinon, les chapitres sont suffisamment courts et pré-corrigés pour que ça ne m'éjecte pas trop de la lecture et que je puisse retrouver les faute facilement si je les note pas au fur et à mesure. Quand je lisais le Dernier sortilège, j'ai fini par arrêter de le corriger parce que ça me gênait vraiment pour lire. Là, t'inquiète pas, j'arrive à profiter tout en relevant 40 % de tes coquilles. Dis-moi si tu veux que j'arrête, mais pour moi la formule actuelle me va :)
Bravo ! Ce sont deux des cinq fautes que j'avais laissées exprès pour toi !
2/5 !
[lien]
Bon, j'espérais un 3 ou un 4, mais ce serait dommage de se priver d'une petite fanfare.
Désolé pour ce coup bas, c'était trop tentant. :)
Tu es pas obligée de faire attention aux fautes pour moi hein. J'apprécie, mais je préférerais que tu profites de la lecture sans t'en éjecter à chaque fois que j'oublie un 's' ou un 't'…