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Allegrezza

Une fiction traduite par Littera Inkwell.

Concerto Sette

« Sinon Octy, rappelle-moi pourquoi je dois t’accompagner ? »

Octavia se couvrit le visage d’un sabot en soupirant. « Parce que je ne dois surtout pas être vue seule à un tel événement. »

Vinyl médita ces propos alors qu’elles se dirigeaient toutes deux vers le hall de concert. Visible au loin, c’était exactement le genre de bâtiment qu'un poney de l’ère Victorienne aurait trouvé cool. Pour Vinyl, c’était juste vieux. Elle ne put s’empêcher de repenser aux pull-overs que lui tricotaient sa grand-mère, et qu’elle portait autrefois à contrecœur. Elle mit fin à ses rêvasseries et se tourna vers Octavia.

« Et tu n’as pas d’amis qui… tu sais, aiment aussi ce genre de musique ? »

Octavia ne croisa pas son regard, mais détourna les yeux vers le sol puis quelque part sur sa droite. N’importe où pourvu qu’elle ne rencontre pas le regard de Vinyl.

« Ils sont… tous occupés. Tu sais, à travailler leurs propres morceaux, la routine. » Elle se fendit d’un sourire qui donnait envie à Vinyl d’insister. Cependant, cette dernière comprit qu’il y avait sans doute une raison à mentir de la sorte. Elle bascula donc vers un sujet moins embarrassant.

« Et pourquoi t’as voulu que j’enlève mes lunettes ? Tu sais qu'on me regarde bizarrement à cause de mes yeux. »

« Qu'est-ce que tu racontes ? Tes yeux sont tout à fait normaux ! »

Vinyl renâcla, laissant échapper une petite bouffée de vapeur dans l’air froid de l’hiver. « Ouais, mis à part qu'ils sont rouge écarlates. Au lycée c'était cool, mais aujourd'hui c’est énervant. Tout le monde me prend pour le croque-mitaine. »

Octavia rit et réajusta la position de son étui sur son dos d’un mouvement leste de la croupe. « Oh, Vinyl, tu sors de ces enfantillages parfois. Je trouve que tes yeux sont charmants. »

« Oh, charmants, vraiment ? » Vinyl accentua sa voix de façon à souligner le sous-entendu que la phrase d’Octavia impliquait.

« Eh bien… oui, ils sont plutôt frappants… enfin… Oh, regarde, nous y sommes ! »

Vinyl s’arrêta juste à temps pour ne pas rentrer dans la forme particulièrement imposante d’un vigile. C’était un gros tas de muscles saillants, le genre de vigile contre lequel on sait tout de suite qu'on ne peut pas vraiment se battre. Vinyl se plia humblement devant ce qui représentait des heures de body-building et autant de litres de boissons protéinées.

Octavia s’avança nonchalamment vers lui, tapant Vinyl sur son garrot d’un sabot insistant pour la faire bouger à nouveau. Elle tendit le ticket double du bout des dents ; il fut soigneusement saisi par le vigile et déchiré en deux. Il leur fit signe d’entrer, en dévisageant Vinyl comme pour la défier de tenter quelque chose. Vinyl ne savait pas ce qu’il attendait d’elle, mais elle comprit qu’à côté des aristos pompeux qui fréquentaient l’établissement, elle devait avoir l’air d’une vulgaire voleuse à l’étalage. Ce qu’elle n’était plus depuis cinq ans, comme elle aurait aimé le faire remarquer. Hélas, Octavia la poussa à l’intérieur avec insistance avant qu’elle n’ait pu parler, épargnant le vigile au passage.

« Octy, tu peux arrêter de me pousser. J’aimerais bien que tu retires ton sabot de ma croupe. »

De minces filets de sangs affluèrent vers les joues d’Octavia. « Je ne faisais que t’éloigner avant que le vigile ne t’appréhende pour avoir cherché une bagarre. Ils sont parfois pleins de préjugés par ici. »

« Quelle chance j’ai de t’avoir pour pégase-gardien. Bon, où sont les boissons? » Vinyl se frotta les sabots en signe d’une excitation non contenue.

« Par là-bas, Vinyl. Je t’en prie, n’attire pas l’attention sur moi. Ce jour est peut-être décisif pour ma carrière. Fais-toi… discrète, et aussi courtoise que possible. »

« Ça roule, Octy. Je vais camper près des amuse-gueules. »

Vinyl, happée par la force d’attraction de la nourriture, s’approcha machinalement d’une assiette de quelque chose à la fois chic et enrobé de chocolat. Si ça se trouvait là, c’est que ça avait été cuisiné par un vrai chef, donc que ça devait être bon. Pendant ce temps, Octavia s’était aventurée dans la foule à la recherche d’une place, jusqu’à se faire aborder par une licorne verte tristement familière.

« Tiens, tiens, tiens. Si ce n’est pas Octavia la violoncelliste. Tu as un nouveau morceau de bas-étage à jouer sur ta planche de bois ? »

Octavia fit volte-face, un petit sourire suffisant déjà prêt sur son visage. « Ça par exemple, Lyra Heartstrings ! Toujours à jouer de cette grossière petite harpe ? »

« Cette lyre est en or pur, un vrai bijou comparé à ta branche d’arbre mort. »

« Ha. Ce n'est qu'un bout de métal peint en doré. De plus, l'instrument ne fait pas le musicien, et mon violoncelle est entre des sabots de maître. »

« Pff, ton truc de poney terrestre peut bien amuser la galerie pour le moment, mais tu ne fais pas la différence entre un tremolo et un piccolo ! »

Vinyl s’était assise avec une boîte de quelque chose qui ressemblait à du popcorn, mais recouvert de chocolat, de caviar, et de tout ce que le chef avait pu trouver de plus ostentatoire. Le spectacle surpassait de loin les boissons. Vinyl mit dans un coin de sa tête les insultes qui irritaient le plus Octavia. Une ponette de couleur beige avec une crinière rose et violette rebondie l’approcha timidement. Elle tapota l’épaule de Vinyl, qui se retourna en plein milieu d’une insulte.

« Tu es l’amie d’Octavia ? »

Vinyl avala son popcorn, et regretta que le chef ait choisi d’ajouter des œufs de caille à la garniture. « Je suppose qu’on peut dire ça. Vinyl Scratch, ravie de faire votre connaissance. » Elle tendit un sabot, que la ponette secoua fermement.

« Bonbon. Je vois qu’Octavia et Lyra ont déjà commencé leurs chamailleries. »

« Ouaip, c’est plutôt drôle à voir. J’en déduis qu’elles ne sont pas amies. »

« Oh, c’est triste qu’elles ne puissent pas se supporter. Franchement, elles vont devoir rester là jusqu’à ce que leur tour arrive. Si tu le veux bien, on devrait trouver deux bonnes places dans le hall avant qu’elles ne soient toutes prises. C’est mieux d’être installé près de la scène. »

Vinyl considéra la proposition, tout en observant Octavia s’énerver contre la licorne verte à grands renforts de gestes d’une façon qu’elle trouvait divertissante. Elle n’entendait plus ce qu’elle disait, le brouhaha de la pièce masquait désormais la rage sonore d’Octavia. Elle hocha la tête à l’intention de Bonbon, et saisit un plateau de cupcakes recouverts de billes comestibles avant de partir. Un serveur brun avec une marque de sablier lui sourit au passage. Un dernier coup d’œil révéla une Octavia exécutant des gestes du sabot moins convenables que ce à quoi elle l'avait habituée. Vinyl se promit de taquiner plus tard Octavia à propos d’une telle transgression de son amour-propre.

* * * * * *

Bonbon guida Vinyl à travers le grand hall. En dépit de la grandeur de l’extérieur dans toute sa gloire néo-gothique, l’intérieur était au contraire très similaire aux théâtres que Vinyl avait déjà visités. Ils étaient rares, mais elle avait assisté à des pantomimes étant pouliche. La scène était un demi-cercle de bois parfaitement lisse, comme si elle avait été façonnée à partir du même tronc. Devant s’étendaient des rangées de sièges alignées jusqu’au fond, à la façon du Colisée ponain, formant ainsi un demi-cercle centré sur la scène.

Elles trouvèrent deux places près du premier rang. Il y avait peu de poneys dans la salle. Vinyl supposa que personne ne voulait assister à une répétition ou une audition, ils préféraient voir le concert final. Vinyl pensa que, tant que ça ne ressemblait pas trop à Équestria a un incroyable talent, il était possible qu'elle passe une bonne soirée.

Bonbon prit place près de l’allée, et Vinyl s’assit à côté d’elle. Le plateau des cupcakes tant convoités fut posé en équilibre, mais à un endroit socialement acceptable, entre elles deux. Vinyl aurait aimé pouvoir garder les cupcakes pour elle, mais Bonbon n’avait pas l’air méchante. De plus ses manières ne l’autorisaient pas à se conduire comme une égoïste. Et pas seulement parce qu’Octavia lui avait demandé d’être polie.

Elle se tourna vers Bonbon, qui, pensait-elle, avait déjà assisté à ce genre d'événement, et pouvait probablement la préparer à ce qui allait arriver.

« Alors, il se passe quoi au juste ? »

Bonbon toussa poliment, et désigna du sabot le quatuor de poneys assis seuls au premier rang.

« C’est une audition pour le Grand gala équestre. Très prestigieux. Lyra l’a manqué l’année dernière pour… des raisons personnelles. Elle espère décrocher une place dans le groupe qui joue ici même, ce serait un boost pour sa carrière. »

« Donc Lyra et Octy se disputent pour jouer de la musique au Gala… elles ne peuvent pas jouer toutes les deux ? »

« Oh, c’est possible, c’est une pièce pour deux cordes, un piano, et un cuivre, normalement. Mais Célestia ait pitié du poney qui devra les faire collaborer. »

Vinyl bava pratiquement à l’idée des ragots juteux qu’elle pourrait collecter ; elle attira l’attention de Bonbon sur le plateau de cupcakes aux billes.

« T’en veux, au fait ? Je pourrai jamais tous les manger. » Un mensonge cousu de fil blanc comme on n'en fait plus.

« Oh, je ne devrais pas, vraiment… mais après tout, j’ai deux sucres d’orge pour marque de beauté. » Elle examina anxieusement les gâteaux, et prit celui avec le glaçage le plus épais. « J’ai promis à Lyra d’arrêter les confiseries, mais c’est dur de résister parfois. »

« Je sais ce que c'est. Pourquoi promettre une chose pareille à Lyra d'abord… Vous faites un régime en commun ou quoi ? »

Bonbon rougit et gloussa. « Nous partageons plus qu'un régime : nous sommes mariées. »

Le cupcake de Vinyl trouva le moyen de se coincer violemment dans sa trachée.

* * * * * *

L’impatience circulait dans le système sanguin d’Octavia, son cœur battait dix fois plus vite que la normale. Elle balaya la salle du regard alors que des poneys, un par un, entraient et s’installaient. Des poneys qu’elle avait déjà vus et qu’elle savait en-dessous de son niveau. Cependant, celle dont elle se méfiait n’était pas loin, à jouer de sa lyre. L’idée traversa l’esprit d’Octavia de la distraire de son travail, mais elle pensa que Lyra n’hésiterait pas à lui lancer une remarque cinglante si elle osait.

C'est la révélation du poney présidant le jury qui avait ébranlé son masque hautain. Le simple fait de penser à son nom donnait la chair de poule à Octavia. Hoofs Zimmer avait été une source d’inspiration, et la raison pour laquelle elle avait supplié ses parents de lui offrir un instrument le jour de la Lune d’hiver. Ce compositeur adulé avait été le sujet d’un véritable culte de la part d’Octavia toute sa vie durant, et à l’idée de devoir jouer devant lui, elle sentait que ses pattes menaçaient de la laisser tomber.

« Oh, ma chère Octavia. Tu ne vas pas t’évanouir devant notre cher invité quand même ? » Lyra avait cessé de répéter, et regardait Octavia avec un sourire de défi.

« J’ai bien peur que non, Lyra. Je devine qu’il est plus impatient d’entendre mon morceau, ce qui explique pourquoi tu es placée à la fin de la liste. »

Lyra tiqua légèrement. « Rira bien qui rira la dernière. Ils ont dû mettre les déchets en premier et garder le meilleur pour la fin. »

« Si ça peut te rassurer. Et comment t'en sors-tu depuis l’année dernière ? » Octavia testait ses limites. Elle attendit une réponse pour voir si elle pouvait pousser le bouchon plus loin. Lyra lui lança un regard à faire frémir un dragon.

« Tu sais très bien ce qui s’est passé, Octavia. Mais je ne vais pas en faire un plat. En fait, la seule raison pour laquelle tu as eu la place c’était mon absence. La fête est finie pour toi. »

« … Et à présent ils savent combien ils peuvent mieux faire. Quel dommage que tu aies dû envoyer ta carrière an l’air pour une jument d’un trou perdu comme Poneyville. »

Le visage vert-menthe de Lyra se fendit de veines palpitantes de colère. « Tu oses sortir un mot de plus sur Bonbon, et je t’étrangle avec ton précieux archet… Comme ça tu auras deux nœuds papillons. Je ferai en sorte que les deux soient bien serrés. »

Octavia regretta quelque peu d’avoir franchi cette ligne, et s’en éloigna vivement, sans toutefois s’avouer vaincue. Elle pensa brièvement à s’excuser ou à tenter de se réconcilier, mais fut prise de court par un poney corpulent appelant son nom. C’était son tour. Elle s’éloigna de Lyra, souleva son violoncelle et fit un signe du sabot à la ponette sinistre. Elle reçut exactement l’encouragement auquel elle s’attendait.

« Casse-toi une patte, comme on dit. Ou ta nuque. »

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LittleParrot
LittleParrot : #16012
Pas retrouvé le -s en trop cité sur Skype.
Sinon : "rouge écarlates", "(tu) sors de ces enfantillages parfois", "de sangs ", "ta carrière an l’air".
Il y a 3 ans · Répondre
CompteSupprimé
CompteSupprimé : #15588
@Hélia
Eh oui !
Des références il y en a à la pelle carrée dans cette fic. J'en avais indiquée pas mal avec des notes de bas de page dans la première version, mais j'ai tout retiré comme le site ne permet pas de faire ça joliment. Et puis c'est bien aussi de laisser les lecteurs trouver les références.
Il y a 3 ans · Répondre
Hélia
Hélia : #15585
Hoofs Zimmer serait-il une référence à Hans Zimmer ?

La seule personne au monde capable de rendre une parti de rami aussi épique qu'un combat de "The Avengers"...
Il y a 3 ans · Répondre

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