Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

Gueule de bois

Une fiction écrite par Acylius.

Épisode 0 : Lendemain de veille

- Tu crois que c’est mort ?

- Non, regarde, on dirait que ça respire.

- Mais qu’est-ce que c’est ?

- Vous avez déjà vu quelque chose comme ça ?

Max émit un vague grognement, les yeux fermés, les dents serrées. L’étincelle de conscience encore logée au fond de son crâne venait de se réveiller, tirée du sommeil par les voix autour de lui. Il avait l’impression d'avoir été passé au mixeur. Le simple mouvement de sa cage thoracique quand il respirait lui donnait le tournis. Sa gorge était sèche comme le Sahara et sa langue aussi pâteuse que du ciment.

« Oh, merde... »

Rien que le fait de penser lui donnait la migraine, et il savait que ce n’était que le début. Le mieux était de faire ce qu’il faisait à chaque fois en pareille circonstance : bouger le moins possible et garder les yeux fermés, dans l’espoir de replonger dans le sommeil. Il resta immobile et s’efforça de ne penser à rien, cependant il sentait que quelque chose n’était pas comme d’habitude. Il n’était couché ni sur un matelas, ni sur un divan, ni même sur une quelconque moquette, mais sur une surface dure, rugueuse et couverte de poussière. Le soleil lui réchauffait le dos et il percevait la lumière du jour à travers ses paupières closes. Mais le plus étrange, c’était les voix qui s’élevaient autour de lui. Des voix d’adultes au timbre pourtant enfantin, qui ressemblaient à celles des publicités à la radio.

- Regarde, ça a bougé !

- Il faudrait appeler quelqu’un, vous ne pensez pas ?

- On ne peut pas laisser ça au milieu de la rue !

Max grinça des dents, agacé. Sa tête bourdonnait déjà sérieusement. Alors que son gosier asséché réclamait à grands cris d’être irrigué, sa vessie commençait elle aussi à quérir son attention, et il sentait également dans les méandres de ses intestins les prémices du désastre qui ne manquerait pas se manifester dans peu de temps, comme après chacune de ses cuites. Aucune chance qu’il parvienne à se rendormir dans des conditions pareilles. Les voix incessantes qui lui vrillaient le crâne commençaient à lui taper sur les nerfs. Dans un nouveau grognement, il leva les bras, s’appuya sur ses mains et se mit péniblement à genoux. La lumière l’aveuglait et sa tête résonnait comme un gong. D’étranges formes multicolores étaient postées devant lui. Il se frotta les yeux en maugréant, puis tenta de fixer le regard sur l’une d’elle. Après un instant de tangage, il s’immobilisa, la bouche entrouverte.

- Mais qu’est-ce que j’ai pris, hier soir ?

Ce qu’il avait sous les yeux ne ressemblait à rien de ce qu’il connaissait. Enfin, si, ça ressemblait vaguement à quelque chose, mais c’était impossible que ce soit réel. Une sorte de cheval miniature avec une énorme tête ronde, des yeux bien trop grands, un museau ridicule et des pattes comme des tubes. Et bleu foncé des oreilles aux sabots.

Max cligna des yeux, toujours sans bouger. La créature en face fit de même. D’autres se dressaient en rond autour de lui, de toutes les couleurs. Certains avaient des ailes repliées sur les flancs, d’autres une petite corne torsadée plantée au milieu du front, et tous le fixaient avec le même étonnement stupide.

- Euh… Je suis encore dans les vapes, ou quoi ?

Les créatures reculèrent à l'unisson, visiblement apeurées. Max resta un moment sans bouger, puis décida qu’il n’était simplement pas encore réveillé et reprit sa positon allongée face au sol. Cependant, malgré tous ses efforts, il ne pouvait chasser l'étrange impression qu’il ne rêvait pas, impression d’autant plus désagréable qu’elle se mêlait aux autres divers signaux de détresse que son organisme détraqué par l’éthanol ne cessait de lui faire parvenir. Après une minute d’immobilité, il finit par se remettre à genoux. Les étranges créatures l’encerclaient toujours, leurs yeux démesurés rivés sur lui.

- Euh… où est-ce que je suis ?

Les quadrupèdes restèrent muets comme des carpes. Max décida de les ignorer et pressa ses mains contre son crâne dans l’espoir de faire remonter les souvenirs de la veille.

Il avait suivi Chris et ses potes dans une des boîtes des faubourgs, vers une heure du matin. Ils étaient déjà sérieusement entamés en arrivant, et Max avait encore vidé quelques flacons sur place. Il ne parvenait pas à se rappeler son dernier souvenir de la soirée. Une vague impression de fraîcheur, le noir de la nuit, la rosée sur l’herbe... Il s’était sans doute affalé dans un fossé à la sortie. Oui, ça devait être ça.

Toujours à genoux, il leva la tête et observa les alentours. Des maisonnettes de style médiéval, aux façades de bois et de briques et aux toits de chaume. Vues d’où il était, elles lui paraissaient étrangement petites. Et, partout, ces étranges quadrupèdes aux airs de chevaux irradiés déambulaient ici et là. Ceux qui l’entouraient étaient toujours plantés comme des poireaux. Pas un seul être humain en vue.

Max se passa à nouveau la main sur le front. Si son organisme à l’agonie ne lui avait pas rappelé avec douleur qu’il était bel et bien réveillé, il se serait volontiers cru plongé en plein rêve. Un bruit semblable à un cheval lancé au trot retentit dans son dos. Deux autres bestiaux accouraient vers lui, dont l’un avec un ruban dans la crinière et des taches de rousseurs. Et un chapeau.

- Il est là, Twilight ! lança-t-il avec le plus bel accent paysan que Max ait jamais entendu.

Le deuxième quadrupède, un genre de mutant mauve affublé d’ailes et d’une corne, s’avança et le fixa à son tour, les yeux écarquillés. Après un long silence, il s’éclaircit la gorge.

- Hem… bonjour.

- Ouais, salut, fit Max en faisant de son mieux pour garder l’équilibre. Dites, est-ce que quelqu’un pourrait me dire où…

Il s’interrompit soudainement, la bouche encore ouverte. Son malheureux cerveau venait de se rendre compte de ce qu’il avait entendu.

- Euh… tu viens de parler, là, non ?

Nouveau silence étonné.

- Et bien… oui, fit calmement la mauve. Cela vous étonne ?

Un haut le coeur empêcha Max de répondre. Il tituba en catastrophe jusqu’au mur voisin et lâcha un rot des plus immondes, l’oesophage soudain encombré de restes dont il ne voulait même pas connaître l’origine. Les créatures qui l’entouraient reculèrent avec dégoût, sauf la mauve et sa compagne au chapeau. Max attendit d’être certain que rien d’autre n’était plus sur le point de remonter avant de se tourner vers elles.

- Vous êtes quoi ?!

Énième moment de silence.

- Hem, je m’appelle Twilight Sparkle, et voici Applejack. Nous habitons ici, à Poneyville.

- Poneyville ?

Une nouvelle remontée nauséeuse l’empêcha d’en dire plus.

- Peut-on vous demander qui vous êtes, et ce que vous faites ici ? demanda poliment la dénommée Twilight quand Max eut terminé de cracher dans les plates-bandes.

- Ce que je fais ici ? C’est une blague ?!

Les deux ponettes se regardèrent, le sourcil levé.

- Je pense qu’on ferait mieux de prévenir Mme le Maire, fit Twilight.

- Mouais, t’as raison, fit celle au chapeau avant de filer au galop.

Max en profita pour s’asseoir, la tête entre les mains.

- Mais c’est quoi, cet endroit ?

- Vous êtes à Equestria, dans la ville de Poneyville, reprit calmement Twilight. Peut-on savoir qui vous êtes, et d’où vous venez ?

- Maxime, se contenta de répondre le pauvre bipède. Dites, je suis mort, ou quoi ?

- Euh, non, je ne pense pas. Vous ne vous rappelez pas comment vous êtes arrivé ici ?

- J’en ai l’air ?!

Il se remit debout, soudain rappelé à l’ordre par sa vessie, un de ces ordres auquel il valait mieux obéir le plus rapidement possible. Il se précipita vers un arbre plus ou moins à l’écart, s’appuya sur le tronc et ouvrit sa tirette. Quand les poneys comprirent ce qu’il était en train de faire, ils se détournèrent à l’unisson, à nouveau dégoûtés.

Après s’être soulagé pendant presque une demie minute, Max revint en titubant. Une petite place agrémentée d’une fontaine s’ouvrait au bout de la rue. Il s’avança plus ou moins en ligne droite, se laissa tomber au bord du bassin, remplit ses mains d’eau et but à grande gorgée. Après avoir avalé environ un litre, il plongea la tête toute entière dans le bassin.

- Vous n’avez pas l’air d’aller bien, reprit Twilight quand il émergea, le visage dégoulinant. Qu’est-ce qui vous est arrivé ?

- Ça se voit pas ?!

Il s’assit sur le bord, à nouveau crispé par la nausée. Tout autour de la place, les poneys le regardaient avec un mélange d’étonnement et de crainte.

- Mais c’est quoi, cet endroit ?

- Vous êtes à Poneyville, répéta calmement Twilight. Nous sommes des poneys.

- Des poneys ?!

- Oui. Je m’appelle Twilight Sparkle et j’habite ici avec mes amies. Et vous, c’est Maxime, c’est ça ?

- Oui, c’est ça. Dites, comment je fais pour rentrer chez moi ?

- Euh, ça dépend. C’est loin d’ici, chez vous ?

- J’ai l’impression, oui…

Un autres groupe s’approchait, avec à leur tête une ponette à la crinière grise avec un ruban à pompon. Et des lunettes.

- Princesse Twilight, on m’a avertie qu’une créature inconnue avait été été vue en ville. Est-ce que c’est… celle-ci ?

- Princesse ?

- Oui, mais je ne pense pas qu’il soit dangereux. Il dit qu’il s’appelle Maxime.

- Une créature inconnue ?!

Ladite maire considéra Max avec circonspection.

- Je pense que je vais le ramener avec moi au château, reprit Twilight en posant sa patte sur le genou de Max. Il a l’air un peu perturbé.

- Mais vous ne pensez pas que ça pourrait être… dangereux ?

Max lâcha un nouveau rot avant de presser ses mains sur son ventre, les dents serrées.

- Je ne pense pas, reprit Twilight. Je verrai bien quoi faire une fois là-bas.

La maire continua d’observer le bipède assis au bord de la fontaine, les lèvres retroussées.

- Si vous pensez que c’est sans risque...

- Parfait. Hem, si vous voulez bien me suivre, monsieur Maxime...

- Pour allez où ?

- Chez moi. Vous pourrez vous y reposer.

- Hola, Twilight ! lança l’orange. Tu ne vas quand même pas emmener ça au château, non ?

- Ce sera déjà mieux que de le laisser ici, répondit la ponette mauve avec un signe de tête vers la foule de curieux. Venez, monsieur, je vous en prie.

- Ne m’appelez pas monsieur, par pitié...

Max se remit debout avec peine et suivit Twilight d’un pas lent, une main sur le front et l’autre sur son ventre.

 

Si Max avait été en état d’observer l’architecture, il se serait sans doute dit que c’était le bâtiment le plus étrange qu’il ait jamais vu. Pour l’heure, le bipède comateux était couché sur le dos dans un sofa bien trop petit pour lui, dans le salon du nouveau château de Twilight. La jeune alicorne et trois de ses amies discutaient à côté de lui, mais il était trop occupé à agoniser pour pouvoir se concentrer sur ce qu’elles disaient. Il y avait l’orange au chapeau, une blanche avec une crinière mauve et une bleue avec des ailes et un air de garçon manqué. Et un bébé dragon, aussi. Un bébé dragon qui parlait.

- Tu veux vraiment le garder ici, Twilight ?

- Le temps qu’on découvre d’où il vient et comment il est arrivé ici. Il dit qu’il ne s’en souvient pas.

- Mais est-ce que ça nous concerne vraiment ? fit la bleue avec une voix qui donnait envie de lui mettre des claques. Je veux dire, est-ce que c’est notre problème ?

- Rainbow !

- Ben quoi, je dis ce que je pense !

- Dites, vous pouvez parler moins fort ? gémit Max depuis son sofa.

- Ça ne va toujours pas mieux ? fit gentiment Twilight en s’approchant.

- Moi je crois que je sais ce qu’il a ! fit Rainbow Dash en ricanant, avant de recevoir un coup de coude.

- Une ville pleine de poneys... J’avais dit à Chris que je voulais pas de ses saletés d’acides...

- Il n’y a pas de poneys, là d’où vous venez ? fit Rarity d’un air poliment intéressé.

- Si, mais ils ne parlent pas, et ils n’habitent pas dans des châteaux en cristal.

- Arrête, Twilight, tu vois bien qu’il se fiche de nous ! lança Rainbow.

Un immonde gargouillis remonta des entrailles du pauvre Max et résonna en écho sur les murs.

- Ça n’a pas l’air de s'arranger, fit Spike en s’approchant avec prudence.

- Et le pire est en chemin. Les toilettes, vite !

Max se remit sur ses pieds aussi vite qu’il put, les mains pressées sur l’abdomen, une grimace de douleur sur le visage. Spike eut à peine le temps de lui indiquer la direction des cabinets qu’il s’y précipita en claquant le porte. Les quatre ponettes restées dans le salon se regardèrent d’un air gêné.

- Je retire ce que j’ai dit tantôt, lâcha Applejack pour couvrir le bruit. Je ne pense pas que ce truc soit dangereux, finalement.

- Il faudrait demander à Fluttershy, fit Rainbow d’un ton bravache. Elle s’y connaît en bestioles exotiques.

- Je pense que c’est plus qu’un bestiole exotique, fit Twilight d’un air sérieux.

- Et tu compte vraiment le garder ici ? se moqua Rainbow. Pour quoi faire ?

- Pour essayer d’en apprendre plus sur lui et l’aider à retourner d’où il vient, répondit la jeune alicorne sans se laisser démonter. Il fait partie d’un peuple que nous ne connaissons pas ; si nous aidons l’un des leurs, ses semblables nous en seront certainement reconnaissants.

- Et ça va prendre combien de temps ? fit Applejack en tendant l’oreille vers le désastre gastrique qui se poursuivait.

- Je ne sais pas. Il faudrait que je découvre par quel sortilège il s’est retrouvé ici, et que je parvienne à l’inverser. Quelques jours, peut-être.

- Et il va dormir ici ?! lança Spike

- On a suffisamment de place, maintenant, répondit Twilight. Et puis, c’est la moindre des choses d’aider quelqu’un dans le besoin, ajouta-t-elle en levant le museau d’un air digne.

La porte des toilettes se rouvrit aussi brusquement qu’elle s’était fermée, révélant un Maxime au visage déjà un peu moins crispé qu’avant.

- Je vous conseille d’attendre un peu avant d’y aller…

- Monsieur Maxime, fit Twilight avec cet air officiel qui lui allait si bien, nous avons discuté et nous serions ravis que de vous accueillir ici le temps de vous reposer et de trouver un moyen de vous ramener chez vous.

- Ouais, c’est sympa, mais j’ai pas l'intention de m'éterniser, en fait. Je crois que je vais me mettre en chemin tout de suite.

- Euh, mais… pour aller où ?

- Bah, chez moi, tiens !

- Mais, vous avez dit que vous ne saviez pas comment vous étiez arrivé ici ! Comment comptez-vous faire ?

- En plus, renchérit Applejack, les poneys d’ici n’ont jamais vu une créature comme vous. C’est peut-être pas une bonne idée de partir courir le pays comme ça.

Max se rassit en soupirant, à nouveau harcelé par la migraine.

- Spike va vous montrer la chambre d’amis, fit gentiment Twilight.

- Mouais, d’accord...

- Et la salle de bain, aussi, ajouta le jeune reptile en retroussant les naseaux.

- C’est ça, bonne idée…

- C’est en haut, fit Spike en le pressant vers l’escalier.

Le petit dragon lui arrivait à peine à hauteur des cuisses, mais Max se laissa faire sans broncher. Le quatuor équestre les regardèrent monter avec lenteur.

- Ça se passera bien, les filles, vous verrez, fit Twilight avec un sourire confiant.

 

Au grand étonnement de Max, la chambre et la salle de bain étaient à peu près normales. Enfin, disons que, à part les murs en cristal et les meubles trop petits, ça ressemblait plus ou moins à ce qu’il connaissait.

Le bain qu’il venait de prendre lui avait fait du bien, malgré la taille ridicule de la baignoire. À présent lavé et rhabillé, il arpentait la chambre qui lui avait été assignée. Sa migraine ne s’était pas calmée, mais au moins la nausée avait diminué. Il sentait la fatigue ramper vers lui, à présent. Quelle heure pouvait-il être ? Était-il seulement dans le même fuseau horaire ? Son cerveau fatigué n’avait pas envie de réfléchir. Il s’assit au bord du lit, le regard dans le vague.

Il pouvait bien s’accorder une petite sieste, histoire de se remettre de ses émotions. Peut-être allait-il se réveiller chez lui, dans sa chambre, dans le monde normal des humains normaux. Oui, se dit-il en s’allongeant en travers du lit, ça devait être ça. Il allait bientôt se réveiller, il lui suffisait de s’endormir. Et, avec un peu de chance, sa gueule de bois serait passée.

Il ferma les yeux, un sourire aux lèvres.

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Chapitre suivant

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

speedangel
speedangel : #49945
Acylius05 novembre 2017 - #49936

Il n'est jamais trop tard pour commencer.

J'ai déjà fini :3
Il y a 1 mois · Répondre
Acylius
Acylius : #49936
speedangel29 octobre 2017 - #49771
Ah... J'ai bien rit, quel beau début :)

Comment ça se fait que c'est juste aujourd'hui que je lis cette fic ? '-'

Il n'est jamais trop tard pour commencer.
Il y a 1 mois · Répondre
speedangel
speedangel : #49771
Ah... J'ai bien rit, quel beau début :)

Comment ça se fait que c'est juste aujourd'hui que je lis cette fic ? '-'
Il y a 2 mois · Répondre

Nouveau message privé