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Twins Memory

Une fiction écrite par Ponycroc.

Flicker

« Comme je vous le dis ma chère amie, attaquée !

— Une attaque lors du mariage de Canterlot, mais par qui bon sang ? »

La licorne blanche à l'air si distingué leva un sabot avant de dire :

« Par la reine Chrysalis. »

Elle venait de nous raconter cette histoire d'attaque pendant que moi et Lotus étions en train de lui faire son gommage complet aux essences d'agrumes. Lotus semblait éprouver beaucoup de mal à reproduire les gestes que je faisais. Elle n’avait pas changé depuis sa ballade dans les bois, moi qui pensais que l’absence de son poney très spéciale allait lui remettre les idées en places.

Je continuais néanmoins à bavarder avec notre meilleure cliente. Cette histoire me glaçait le sang, comment existait-il des créatures capables de s'attaquer à un royaume si pacifiste ?

« Mais ne vous y prenez pas, cette créature n'est pas plus reine que moi miss country.

— Encore un peu de lotion sucrée-salée, miss Rarity ? » demanda Lotus sur un ton neutre.

« Encore un peu ma chère. »

Lotus apporta la large bassine qui contenait le liquide, et sans que je ne puisse dire un mot, la renversa sur la jument à la crinière mauve. Celle-ci eut un hoquet de surprise avant de descendre de la table de massage complètement trempée.

« Excusez ma sœur Miss Rarity, Lotus est un peu maladroite ces derniers temps. Je vais vous donner de quoi vous sécher. » Je continuais de me répandre en excuses pendant que la licorne tentait de recracher tout le liquide qu'elle avait ingurgité.

« Peut-être que si elle arrêtait de jacter tout le temps, on pourrait s'entendre réfléchir ! » s'exclama Lotus en la foudroyant du regard.

« Que... mais, pardon ? » demanda la jument trempée. Mais Lotus quitta la pièce sans rien ajouter de plus. Miss Rarity se retourna sur moi, l'air totalement perdu. « J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

— Non, excusez-moi encore mademoiselle Rarity, c'est juste... je ne reconnais plus ma sœur.

— Ah bon ? Expliquez-moi donc ça. » Elle se réinstalla sur la table encore humide sans même avoir pris le temps de se sécher elle-même. Je pris un essuie pour le passer sur son corps.

« Elle semble tout le temps distraite, elle me parle à peine. Pour le travail, j'ai l'impression d'être toute seule. Je ne sais plus quoi faire, je ne sais pas ce qu'elle a.

— Oh, mais les signes sont bien reconnaissables pourtant. Ne pensez-vous pas qu'elle est amoureuse ?

— Bien sûr que j'y ai pensé », m'énervais-je quelque peu. « C'est ma sœur après tout, je sais absolument tout sur elle ! » Je regardais la jument qui avait un sourcil levé à mon égard. « Mais j'avoue que la situation me dépasse depuis quelque temps... Mais je suis sûre qu'il n'y a aucun étalon dans cette histoire.

— D'accord, eh bien si ce n'est pas une autre personne, qu'est-ce qui pousserait votre sœur à être si distante avec vous ? »

La réponse me percuta brutalement. Je n'osais y penser. Lotus. Ma grande sœur avec qui j'ai toujours tout fait voudrait m'abandonner. J'ai toujours vécu pour la suivre sans jamais me demander si elle était d'accord. On était jumelles après tout, on était nées pour vivre ensemble. Pas besoin de se poser la question pour savoir qu'elle voulait être autant avec moi que moi je voulais être avec elle.

« Le mieux est de poser la question directement », affirma la licorne blanche.

J'ai toujours vécu avec Lotus. Imaginer un seul jour sans elle me terrifiait. Mon talent était d'être avec ma sœur, et elle aussi. On était faites pour vivre ensemble et c'était ce qui faisait de nous des juments si particulières.

Je terminai la séance avec mademoiselle Rarity en n'omettant pas de lui faire une réduction pour nous excuser des dommages occasionnés. C'était la dernière cliente de la journée et ce n'était pas plus mal, j'avais une question à poser à ma sœur.

Je me dirigeai vers sa chambre en pensant y trouver Lotus, mais elle ne s'y trouvait pas. Je l’interpellai, mais elle resta introuvable. Une fois au rez-de-chaussée, je marchai d'un pas silencieux vers la cuisine quand j'entendis des pleurs.

Lotus était juste au-dessus de l'évier. J’hésitais à l'interrompre pendant qu'elle s’épanchait, mais je ne voulais plus attendre.

« Lotus, j'ai à te parler. » Je la vis sursauter avant de se retourner rapidement vers moi. Ses yeux brillèrent un instant avant qu'elle ne passe un sabot dessus pour sécher ses lames. « Tes yeux ! Mais ma parole, je les ai vus verts !

— De quoi ? Qu'est-ce que tu racontes là ? »

Je me rapprochai d'elle pour écarter sa patte et vérifier ses yeux.

« Non, je te le dis, tes yeux sont verts !

Tu dois sûrement te tromper ! » hurla-t-elle en dégageant son sabot de mon emprise.

Je voulus la retenir, mais elle glissa en arrière sans que je ne puisse rien faire. Je la vis se cogner l'arrière du crâne contre l'évier. Je poussai un cri de frayeur, mais je m'arrêtai bien vite quand je vis un torrent de flammes danser autour de Lotus. La stupéfaction prit la place de la peur, mais elle revint bien vite quand je fus en face d'une affreuse créature sombre. Je me mis à hurler, mais elle se releva aussitôt pour se planter en face de moi, j'étais terrorisée.

« Non Aloe, garde ton calme. C'est moi, Lotus.

— Bien sûr que non ! »

La créature se rapprocha de moi. Je reculai aussitôt, mais me retrouvai coincée contre le mur de la cuisine, la porte était derrière l'horrible chose. Je voulus la contourner en longeant le mur, mais le monstre mit un sabot pour me bloquer avant de placer son autre patte sur mon épaule.

« Qui êtes-vous ?! » hurlais-je à sa face, les yeux fermés.

« Je suis ta soeur.

— Non, vous mentez !

— Oui, tu as raison. »

Je voulus m'enfuir, mais le monstre me retint avant d'entourer mon corps de ses sabots. Ainsi entravée, je ne pouvais plus bouger. Je me mis à pleurer de terreur pendant que la créature sombre approcha sa gueule pleine de crocs près de mon visage. Pensant que c'était la fin, je n'entendis pas tout de suite ce qu'elle me disait, cachée sous mes hurlements.

« Rappelle-toi, tu étais avec ta sœur, vous m'aviez trouvée dans la forêt. Vous m'avez sauvé la vie !

— Non, vous mentez ! Vous mentez, lâchez-moi !

— C'est moi qui t'ai ramenée dans ce spa après que ta sœur soit morte. » Elle finit par le lâcher brusquement. Je me relevai aussitôt pour lui faire face.

« Quoi ?... Non, vous mentez, vous mentez, encore !

— Le voile est tombé, tu vas peu à peu te souvenir de toute façon. »

Je m'enfuis aussitôt de la cuisine. Il fallait que je parte d'ici, mais avant, je devais retrouver Lotus. Je remontai à l'étage et interpellai. Je me souvenais encore parfaitement d'elle, j'avais même l'impression de me rappeler bien plus aujourd'hui qu'hier. Je hurlai son nom, mais elle ne vint toujours pas. Je me rappelais encore la dernière fois où on était parti faire la cueillette de plantes pour le spa. Elle n'était pas dans sa chambre, je me mis à hurler encore plus son nom. Dans mes souvenirs, un grand vide se fit après la remémoration de certains événements. Je m'immobilisai aussitôt, le souffle coupé.

Je me remis brusquement à hurler son nom. Je le criais encore et encore en galopant dans toute la maison. Je passai dans chaque pièce en criant. Les larmes me coulaient le long du visage quand le vide dans ma tête s'intensifia encore plus. Je n'étais plus en train de hurler son nom, mais lâchai un cri inarticulé en courant. Je finis par la voir apparaître depuis le bout du couloir. Je lui fonçai dans les bras sans même chercher à me retenir. Je la plaquai contre le mur en pleurant, j'étais tellement heureuse de l'avoir retrouvée. Elle me rendit mon étreinte pendant que j'enfouissais mon museau dans le creux de son cou. Mais une simple parole arriva à rouvrir le vide qu'elle avait dans le cœur.

« Tu as raison Aloe... »



« Est-ce que ça va Aloe ? » demanda la jument à la robe bleue au-dessus de la petite colline.

« Oui oui, laisse-moi juste le temps de respirer », répondit sa sœur essoufflée en remettant sur son dos le sac de selle.

« Très bien, il ne nous faut plus que de la lavande pour terminer la... »

Aloe n'entendit plus de bruit. Aussitôt, elle appela sa sœur, mais resta sans réponse. Son cœur se mit à battre rapidement pendant qu'elle grimpait les quelques mètres pour arriver en haut de la colline. Elle trouva aussitôt Lotus qui était immobile en train de regarder droit devant elle, et il le fallait bien pour apercevoir cette masse sombre, cachée derrière un bosquet à l’orée des bois.

« Qu'est-ce que c'est, une bête ? » interrogea Aloe inquiète.

« Non, on dirait un poney... »

Aloe se cacha aussitôt la vue en imaginant le pire.

« Est-il... ?

— Non, je ne pense pas, je crois avoir vu son ventre se soulever.

— Qu'est-ce qu'on fait alors ?

— Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse Aloe ? On va l'aider, un point c'est tout. » Lotus commença à avancer vers le corps inerte, mais sa sœur la retint aussitôt.

« Attends une minute, tu ne sais pas ce qui s'est passé. On dirait qu'il est blessé. »

En effet le corps restait couché alors que les deux juments faisaient un boucan à réveiller une alicorne lunaire en plein jour. Aloe continua :

« Peut-être que c'est un animal féroce qui a fait ça, ou alors c'est peut-être un vandale qui n'a eu que ce qu'il mérite.

— Un vandale... au beau milieu des bois ?

— Son repaire n'est peut-être pas loin d'ici.

— On vient dans ces bois au moins une fois par mois. Si c'était vraiment un poney malintentionné, tu ne crois pas qu'il nous aurait déjà fait du mal il y a bien longtemps ? »

Aloe resta septique, même quand sa sœur posa un sabot sur son épaule pour la réconforter.

« Ne t'inquiète pas sœurette, on est des professionnelles pour ce qui est de prendre soin des gens. Et puis, je te protégerais. »

Les deux juments s'approchèrent ainsi. L'une d'un pas affirmé, et l'autre peu sûre de chaque sabot qu'elle levait. Au fur et à mesure de leur approche, la silhouette du poney se détaillait petit à petit. Une longue crinière d'un vert bleu maussade recouvrait la tête du poney et plusieurs blessures révélaient de la chair rose en-dessous d'un poil fin sombre. N'étant plus qu'à un mètre du corps, Lotus s'approcha encore pour s'abaisser au côté du blessé pour l'examiner. Aloe de son côté aperçut ses sabots troués-.

« Oh, ma Celestia, il est blessé de partout sur les pattes ! »

Lotus prit une patte dans ses sabots pour l'observer.

« Je n'ai pas l'impression que ça soi des blessures.

— Qu'est-ce que ça peut être alors ? Ses pattes sont percées de partout.

— Je crois tout simplement que ce n'est pas un poney », déclara lotus l'air pensive, pendant que sa sœur se mettait déjà dans tous ses états.

« Et c'est quoi alors ? Un monstre, une créature qui nous veut du mal, je crois qu'il serait préférable de s'en aller d'ici avant qu'elle ne se réveille.

— Calme-toi Aloe, dans l'état où elle est, on ne risque pas grand-chose. Tu ne veux tout de même pas la laisser là comme ça ?

— Si, c'est exactement ce que je te demande de faire !

— Eh bien je refuse Aloe. Nous ne sommes pas comme ça. On a appris à prendre soin des autres.

— Mais pas d'une créature qu'on ne connaît pas.

— Une personne blessée qui a besoin d'aide ! » Elle fronça les sourcils en regardant sa sœur avant de lui tendre un sabot. « J'ai besoin de toi Aloe, je n'y arriverai pas toute seule. Est-ce que tu es avec moi ? »

Les yeux de Aloe faisaient la navette entre le sabot bleu de Lotus et le corps inerte au sol. Elle ne pouvait pas abandonner sa sœur, elle n'y arriverait pas.

« D'accord Lotus, qu'est-ce qu'il te faut ?

— Il semble avoir des blessures à plusieurs endroits. Écrase les feuilles d'arbre à thé qu'on a récoltées pour récupérer un minimum d'huile s'il te plaît, tu en étaleras sur ses plaies. Je vais faire la même chose avec les feuilles d'aloès pour en mettre là où il semble avoir été brûlé.

— Tu crois que ça suffira ?

— Je ne sais pas », dit-elle en récupérant les plantes dans le sac que sa sœur venait de déposer au sol. « On peut toujours utiliser les baies d'argousier pour faire un jus. Il lui faudrait aussi un peu d'eau. »

Aloe sortit une bouteille d'eau du sac qu'elle approcha du visage de la sombre créature. Dégageant les mèches de sa crinière bleu-vert, elle découvrit un visage bien plus fin que celui d'un étalon.

« Je crois que c'est une jum... enfin, c'est une...

— Merci de l'info. Tu lui as donné à boire ? »

Aloe se remit aussitôt à la tâche en relevant la tête de leur blessée et entrouvrit légèrement sa gueule avec le goulot de la bouteille qu'elle versa lentement. Elle l'entendit glapir très faiblement et vit même un sabot tressaillir quand l'eau glissa dans sa gorge sèche. Pourquoi faisait-elle ça ? se demandait Aloe. Elles dirigeaient un simple spa, rien qui leur permettait d'affirmer être capables de s'occuper d'une personne blessée. Et puis qui était donc cette jument ? Elle n'avait rien d'amical à en juger par son apparence, et ce n'est pas ses crocs qui allaient dire le contraire.

Elle ne savait pas ce que Lotus cherchait à faire, pour elle, c'était une perte de temps doublé d'un suicide.

Plus d'une heure passa pendant laquelle les jumelles badigeonnaient le corps de la jument là ou elle était blessée. Elle finit par ouvrir légèrement un œil quand Aloe passa à côté d'elle. La ponette rose se rapprocha instinctivement, mais se stoppa aussitôt quand l'autre retroussa les lèvres pour présenter ses crocs en fronçant les sourcils.

Elle voulut se redresser, mais tout son corps la faisait atrocement souffrir. Elle jeta un rapide coup d’œil à celui-ci pour le voir luisant de graisse et d'autres huiles improvisées. Elle laissa aussitôt sa tête retomber avant de refermer les yeux.

Aloe n'avait pas confiance.

Deux heures passèrent encore et plus aucune réaction n'avait éveillé le corps de la femelle au sol. Lotus avait décidé de faire un feu pour prévenir de la nuit qui approchait, au grand dam d'Aloe. Elle n'avait pas cessé de montrer son désaccord avec la décision prise. Pour elle, il ne fallait en aucun cas rester dans ces bois la nuit tombée. Mais Lotus avait été claire : soit elles restaient pour veiller sur elle, soit elles ramenaient le corps à Ponyville. La jument rose avait catégoriquement refusé cette seconde option. Elle ne connaissait rien de leur blessée, et elle ne voulait prendre aucun risque.

Le ciel s'assombrissait au fur et à mesure que le soleil se couchait et que la lune prenait son ascension. Aloe ne pouvait plus s'empêcher de surveiller les alentours en faisant pivoter sa tête à la manière d'une girouette. Lotus restait plus calme, veillant sur le feu et sur leur blessée toujours inconsciente.

« Qu'est-ce que c'est d'après toi ?

— Je ne sais pas, Lotus. Un monstre ? »

La jument bleue regarda sa sœur avec un sourire.

« Tu dis ça à cause des sabots troués ?

— Et de la taille de ses crocs surtout. On est vraiment en train de faire une grosse erreur.

— On ne va pas revenir là-dessus Aloe. Je te dis que je ne laisserais jamais une personne dans le besoin. Je pensais que tu étais comme moi. »

Ces paroles eurent l'effet d'un coup de poing dans le cœur d'Aloe. Elle se voulait comme sa sœur, identique, mais avouer tout à coup qu'elles n'étaient pas du tout d'accord sur la solution apportée à cette situation montrait à quel point elles étaient différentes.

« Pardon Lotus...

— Regarde, je crois qu'elle se réveille. »

Aloe voulut suivre sa sœur au côté de la blessée, mais un craquement de branche derrière elle la fit aussitôt se retourner. Dans l'orée sombre des arbres éloignés, deux yeux brillaient au rythme du brasier qu'elles avaient allumé.

Elle interpella rapidement sa sœur dans un cri de panique.

« Reste près du feu Aloe ! »

Les deux jumelles remirent rapidement du bois pour étendre encore les flammes ainsi que leur lumière.

Les yeux brillants se rapprochèrent lentement, s'arrêtant à la limite entre l'ombre et la lumière. Elles ne pouvaient voir l'apparence de cette créature, mais elle faisait bien la taille d'un poney à en juger le niveau des yeux, elle devait même être un peu plus grand.

Un grondement glaça le sang des deux juments qui se rapprochèrent encore du feu risquant ainsi de se roussir le poil.

« Ne bouge pas, ne fais aucun geste brusque. Quoi que cela puisse être, il ne semble pas apprécier le feu. »

L’intrus tournait autour d'elles, il finit par s'arrêter pour diriger son regard vers la jument sombre et blessée, toujours au sol.

« Oh non, sûrement pas ! » cria Lotus avant de s'emparer d'une branche du brasier qui ne brûlait que d'une extrémité pour l'agiter vivement devant les ténèbres et le monstre qu'elles refermaient. Il s'éloigna de plusieurs pas. La jument bleue lança sa torche au loin pour plus de sûreté et de lumière, avant de se précipiter vers la blessée.

Elle attrapa son sabot pour la tirer rapidement vers la lumière, mais un autre grondement se fit entendre de manière bien plus soutenue. Lorsque Lotus revint enfin avec la sombre jument, elle ne se retourna pas à temps pour éviter l'assaut de la bête.

Une créature entièrement faite de bois se jeta sur Lotus, la plaquant au sol. Aloe se mit à crier avant de prendre un morceau de bois brûlé entre ses dents et de le jeter sur la bête qui se mit à hurler en sautant à nouveau dans l'obscurité.

Aloe fonça sur sa sœur. Son pelage bleu était marqué à plusieurs endroits,

« Lotus, relève-toi Lotus ! »

Elle fit une grimace sans bouger le moindre sabot.

« J'ai mal Aloe.

— Je sais, ce n'est pas grave. O-on doit encore avoir un peu d'huile d'arbre à thé. Attends une minute, je vais te l'apporter. » Mais le sabot de sa jumelle vint la retenir. « Je vais revenir Lotus, il faut juste que j'aille te chercher de quoi te soigner. »

Lotus ne voulait pas la lâcher.

« S'il te plaît Lotus, il faut que tu me laisses t'aider ! » Aloe regardait sa grande sœur lui tenir le sabot et lentement lever l'autre pour entourer son cou et la serrer contre elle.

« Je suis vraiment désolée sœurette », murmura-t-elle à son oreille.

« Ne t'inquiète pas Lotus, ça va aller, je te le promets. Tu n'as rien à craindre, je vais arranger les choses », rassurait Aloe en serrant sa jumelle le plus fort possible.

Des grognements se firent à nouveau entendre. Mais Aloe était trop distraite pour faire attention. Elle se balançait lentement avec Lotus entre les sabots quand des bruits de pas se rapprochèrent. Elle ne se préoccupait plus de ce qui pouvait lui arriver maintenant, tout ce qui comptait était Lotus.

La créature n'était plus qu'à deux mètres derrière elle, mais ça n'avait plus d'importance.

Un bruit strident fit rabattre les oreilles d'Aloe. Très vite le son devint insupportable, mais s'arrêta aussitôt pour produire une explosion sonore. Une lumière verte et intense éclata derrière Aloe qui restait les yeux fermés en sentant la température grimper de manière surnaturelle.

« Tout va bien se passer Lotus, ça va aller », répéta-t-elle en boucle.

Elle continuait de pleurer quand elle sentit un sabot se poser sur son épaule.



Je caressais sa crinière pendant qu'elle continuait de pleurer contre moi. Heureusement, il n'y avait plus aucun client dans le spa. Ça aurait sûrement causé encore des histoires. Mais je n'en avais rien à faire après tout, c'était son problème, pas le mien.

Je serrais contre moi la jument rose au crin bleu alors qu'elle hurlait de toutes ses forces. Elle avait perdu la voix depuis un bon moment maintenant, et quand elle voulait hurler le nom de sa sœur, elle n'arrivait qu'à sortir des cris inarticulés. Elle devait sûrement s'être brisée les tympans. En tout cas, elle réussissait à me rendre sourde.

J'avais encore une fois laissé tomber le masque quand elle était dans mes bras. Je n'avais pas réussi à résister à toutes ces émotions et au choc. Mais de toute façon, elle avait des soupçons depuis le début. Pas une seule fois elle n'avait réellement vu sa sœur. J'avais beau revêtir son apparence, je ne connaissais pas son caractère, ses habitudes, son comportement, et son travail.

Je me trouvais pitoyable d'avoir ainsi été incapable de prendre la place de quelqu'un pendant une quinzaine de jours uniquement. Mon espèce se rirait de moi si je n'étais plus son unique représentante.

La jument se fichait éperdument de se retrouver face à la reine des changelins, et quoi de plus normal, en ce moment même, elle était en train de récupérer ses souvenirs que je venais de voler. L'incident avec sa sœur et sa perte. S'en souvenir, c'était comme le revivre.

Elle m'avait serrée contre elle quand elle murmura :

« Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Pourquoi j'ai ça dans la tête ?

— Ce sont des souvenirs, tes souvenirs. Ceux que j'ai pris quand je suis venue ici.

— Mais pourquoi est-ce qu'ils reviennent maintenant ?!

— Le voile est tombé, l'émotion revient et avec elle, les souvenirs. »

Elle se serrait encore plus à moi, comme si elle estimait que je ne représentais aucun danger. Je me retins de lui siffler dessus et gardait mon mal en patience. Elle finira bien par me lâcher à un moment donné.

Pourtant, les minutes passèrent et jamais ses larmes ne cessèrent de couler. Il fallait que je fasse quelque chose. Je déposais un de mes sabots sur son épaule que je tirais lentement.

« Il ne faut pas rester ainsi. »

Elle ne répondit rien, se contentant de se redresser pendant que je l'aidais. Une fois debout, elle restait immobile en me dévisageant. Elle avait les yeux rouges et boursouflés à force d'avoir trop pleuré.

« On va aller se coucher, je pense. »

C'était la seule solution que j'avais en ce moment. Il ne devait être que sept heures du soir, mais la journée avait été assez épuisante pour qu'elle ressente le besoin d'aller se coucher. Je la guidais vers sa chambre. Elle était à moins d'un mètre de moi pendant qu'elle me collait au train.

À l'intérieur, je m'assis devant son lit et attendis qu'elle s’installe pour pouvoir quitter la chambre. Je ne pense pas qu'elle puisse réellement trouver le sommeil, mais c'était la seule manière que j'avais trouvée pour pouvoir respirer et réfléchir à tout ça.

Dans son lit, elle continuait de me dévisager, donnant l'impression d'attendre quelque chose de moi. Instinctivement, je laissait les flammes danser autour de mon corps pour prendre une robe bleue avec une crinière rose. L'effet fut direct. Elle écarquillait les yeux en me détaillant de haut en bas. Elle m'avait déjà vue ainsi, elle savait que c'était moi, mais il était normal de la voir surprise.

Je me penchais sur elle pour approcher mon museau de sa joue, un geste familier pour l'avoir vue le faire plus d'une fois. Quand je voulus m'éloigner, elle me retint avec son sabot. Je jetai un regard en coin pour voir la jument rose agripper ma queue. Elle avait un regard que je ne connaissais que trop bien.

À contrecœur, sachant parfaitement ce qu'elle me demandait, je grimpais dans le lit pour m'installer à ses côtés. Je reconnaissais ce genre de signe, il était courant chez les changelins lors de la perte d'une matriarche. Si une autre matriarche venait à prendre le contrôle de cette ruche – de force ou de droit – elle utilisait l'apparence de leur ancienne reine pour atténuer leur chagrin. Cette phase de deuil ne durait qu'une ou deux semaines, peut-être un mois ou plus quand l'ancienne matriarche se faisait assassiner par la suivante. Mais quoi qu'il en soit, les changelins savaient toujours que ce n'était qu'une apparence.

Pas elle.

La première fois que j'avais utilisée l'apparence de sa sœur, ça n'était pas pour l'aider à faire son deuil, mais bel et bien pour la remplacer. J'avais eu l'idée naïve de pouvoir prendre la place d'une jument et de tromper sa sœur jumelle. Il était clair que je ne connaissais pas beaucoup d'autres tactiques pour ce qui était de tromper les poneys. L'hypnose aurait causé d'énormes troubles avec sa mémoire que je venais de chasser, elle aurait pu en oublier comment faire son travail, et il fallait à tout prix qu'elle n'inquiète pas ses clientes.

Je m'allongeais sur le dos au même moment où elle déposa sa tête juste en-dessous de mon cou. Je l'entendais déjà se remettre à sangloter. Son souffle me chatouillait le bout du menton et c'est instinctivement que je mis mes sabots sur son encolure pour commencer à la caresser.

Je n'aurais pas pu en finir avec elle. Deux disparitions dans l'Everfree Forest et je risquais de nombreuses battues dans les bois. Et de toute façon il fallait que je me nourrisse. Oh, l'amour qu'elle m'offrait avant était celui d'une sœur très proche. Très consistant. Mais maintenant, tout ceci s'était arrêté. Je n'allais pas mourir de faim, non. Il me restait l'amour qu'elle portait au souvenir persistant de sa sœur. Pas de quoi alimenter une armée, mais ça suffisait pour me sustenter.

La tristesse n'avait aucune saveur quand elle n'était pas provoquée par moi et créée par mes victimes. Je reniflais de dégoût avant de la serrer contre moi un peu plus fort pour la réconforter avant de fermer les yeux. Dans quel état sera-t-elle demain ?




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