Chapitre 10

Après avoir quitté la maison de Misty, Rainbow vola vers le bureau du SPE et eut une brève discussion avec Thunder Cloud concernant la clôture de l’enquête. La décision n’avait pas été prise, mais depuis que Lightning était mort et ne pouvait pas répondre des charges retenues contre lui, l’enquête serait bientôt déclarée nulle. Comme aucune accusation de maltraitance n’avait été déposée contre Misty, par Scootaloo ou quelque d’autre, le SPE n’avait plus le droit de laisser Scootaloo sous sa protection jusqu’à ce qu’elle et Scootaloo soient d’accord de faire le point avec eux dans quelques semaines pour voir si tout allait bien.

Le prochain arrêt de Rainbow était les baraquements des gardes pour témoigner sur son rôle concernant la mort de Lightning. Comme Twilight l’avait prédit, les gardes avaient mis la mort de Lightning sur le compte d’une réaction d’auto-défense. Elle leur raconta sa version des événements qui avaient mené à la mort de Lightning. Elle décrivit sa décision de frapper Lightning plus comme un réflexe qu’un acte réfléchi, ce qui n’était pas totalement vrai, mais heureusement pour elle, les gardes ne posèrent aucune autre question qui changerait l’issue que voulaient clairement leurs supérieurs. Après son explication, elle était libre de partir avec juste une injonction de ne pas quitter la ville.

Rainbow allait visiter Twilight, et peut-être certaines de ses amies, quand elle commença à se sentir nauséeuse. Les mots du Dr Stable et l’avertissement de Fluttershy lui revinrent à l’esprit. Même si elle n’avait fait aucune cascade, le simple fait de voler en ville commençait à l’exténuer. Espérant que Fluttershy ne soit pas dérangée de garder Scootaloo un peu plus longtemps, Rainbow trouva un nuage confortable pour faire une sieste et en fit temporairement son lit nuageux.

La chose suivante que se rappela Rainbow, c’était qu’elle se tenait hors de sa maison nuageuse, la regardant au loin. Mais ce n’était pas sa maison, et tout autour semblait différent. Il faisait nuit, et elle était sûre qu’il faisait jour la dernière fois qu’elle avait vérifié. Elle ne voyait aucune trace de Poneyville. Il y avait d’habitude une lumière ou deux d’allumées, même en pleine nuit, mais elle ne voyait que l’obscurité au loin, et même les étoiles ne pouvaient percer les ténèbres autour d’elle.

Soudainement, elle remarqua que Lightning Strike se tenait au bord du nuage, mais il n’avait pas la tête dont elle se souvenait. Il était terrifié, un regard de peur collé sur son visage. Elle ne parvenait pas à se contrôler, c’était comme si quelqu’un d’autre bougeait son corps pour elle. Elle pouvait seulement regarder impuissante son corps frapper Lightning Strike hors du nuage, et rire de manière diabolique en le voyant tomber dans l’obscurité. Scootaloo courait vers elle et elle poussa hors du nuage la petite, riant de plus belle tandis qu’elle était aussi était dévorée par la nuit.

Non, non, non ! Stop ! Soudain, elle se retrouva sur le sol dans un champ et plus dans son nuage. Il faisait toujours nuit, et les étoiles brillaient dans la nuit, la Lune de Luna offrant la plus grande source de lumière.

Rainbow Dash leva les yeux pour voir la Princesse de la Nuit debout devant elle, une aura bleue émanant de son corps.

« Princesse Luna ? Vous êtes réelle ? Est-ce que je rêve ? »

« Oui, mon enfant. Nous sommes dans ton rêve. Nous regardons tes rêves depuis que nous avons appris ce que tu as subi. Nous pensions qu’il faudrait mieux te parler dans ton rêve. »

« Est-ce que vous rêvez aussi ? Je veux dire, comment vous faites ça dans mon rêve et dans le monde réel en même temps ? »

« Une part de mon subconscient est à Canterlot, et une autre partie est ici avec toi. La comparaison la plus apte serait de dire que nous méditons dans le monde réel. »

« Pourquoi est-ce que je fais des cauchemars ? J’ai tué Lightning Strike, et j’ai protégé Scootaloo. Pourquoi est-ce que j’ai encore peur ? »

« Un poney sage a un jour écrit : Notre peur la plus profonde n’est pas que nous sommes inadéquats. Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toute mesure.’ Tu n’as pas peur de ne pas pouvoir protéger Scootaloo. Tu as peur de pouvoir lui faire du mal. »

Rainbow pensa à Lightning Strike en entendant les mots de la Princesse. « Est-ce que j’ai fait le bon choix ? »

« Nous ne pouvons répondre à cette question. Cependant, nous pouvons dire que ta question est basée sur l’hypothèse qu’il y avait une bonne chose à faire. »

« Est-ce qu’il y a toujours une bonne chose à faire ? »

« Il y en aurait une si c'était aussi simple. Qu’est-ce que tu penses qui serait arrivé si tu n’avais pas agi ainsi ? »

« Lightning nous aurait tuées moi et Scootaloo. Est-ce que ça justifie ce que j’ai fait ? »

« Il t’aurait sans doute tuée, ou Scootaloo, même si nous avions pu supposer qu’il aurait compris son erreur et se serait repenti. Il aurait même été possible que, plus tard, ses actions aient pu sauver beaucoup de vies, ou en briser d’autres. On ne sait jamais les conséquences de nos actions. Comment te sens-tu face au choix que tu as fait, en sachant ce qui s’est passé ensuite ? »

« Je sais que je devrais me sentir mal, mais je ne le suis pas. Mais je ne me sens pas mieux non plus. »

« Ce n’est pas une chose simple que de prendre une vie », répliqua solennellement Luna.

« Alors, vous me dites que c’est mal ? »

« Dis-moi : si tu devais choisir à nouveau, ferais-tu la même chose ? »

Rainbow resta silencieuse en regardant le sol qui n’était pas vraiment là. Depuis cette nuit fatidique, elle avait pensé un nombre incalculable de fois au moment où elle avait frappé Lightning Strike hors de sa maison. Et chaque fois, elle était forcée de conclure qu’elle aurait envoyé à une mort certaine Lightning Strike si elle devait le refaire. « Oui », dit-elle. « Alors, vous me dites que j’ai fait le bon choix. »

« Nous te disons que tu as fait le seul choix possible. »

« Et comment est-ce que je peux arrêter les cauchemars ? »

« Tu dois te mettre en paix avec toi-même, même si ça ne veut pas toujours dire que c’est à toi d’obtenir ta propre absolution. »

« Scootaloo », murmura Rainbow en connaissance de cause. « Vous dites que je dois lui dire ce qui est arrivé. Mais si elle finit par avoir peur de moi ? »

« Quand nous avons parlé il y a quelques jours, nous t’avons dit que la petite avait bien choisi, notre opinion n’a pas changé. »

« Merci, Princesse. Hé, vous pouvez m’envoyer dans un rêve où je suis une Wonderbolt ? »

« Une autre fois, peut-être. Manipuler les rêves est quelque chose de fatiguant. Nous avons peur de devoir te quitter avant de nous endormir. Mais viens à Canterlot un de ces jours. Il serait bon de parler sous de meilleurs auspices. »

Luna disparut alors que l’air scintillait autour d’elle. Très vite, Rainbow était entourée par l’obscurité, et elle s’endormit à nouveau, d’un sommeil sans rêve. Quand elle se réveilla, le soleil dans le ciel lui dit qu’il était midi. Elle espérait que Fluttershy ne serait pas en colère contre elle. Pour son plus grand soulagement, quand elle rentra à la maison, elle trouva une paire de pégases assis dans la cuisine. Scootaloo semblait colorier quelque chose, pendant que Fluttershy dessinait quelque chose. Rainbow remarqua aussi un bol de soupe en train de chauffer dans le four. Rainbow s’émerveilla de voir combien son amie était attentionnée, et remercia silencieusement Fluttershy d’être son amie. Elle s’éclaircit la voix, « Hé, je vous ai manqué ? »

Scootaloo galopa vers elle et faillit faire tomber Rainbow avec la force de son câlin. Rainbow serra son étreinte puis repoussa gentiment la pouliche. « Doucement, p’tite. J’ai toujours un peu mal. »

« Oh, désolée », répliqua la pouliche, déçue d’avoir fait du mal à sa grande sœur.

« Tu as fait tout ce que tu avais besoin de faire ? » demanda Fluttershy.

« Ouais. Merci encore d’avoir gardé Scoots, et merci pour la soupe. J’ai fini ce que j’avais à faire, alors tu peux retourner voir tes animaux si tu veux. »

« C’était un plaisir, mais j’ai encore un peu le temps. Il y a encore quelque chose que je peux faire pour toi ? »

« Tu en as fait plus qu’il ne fallait. Je te promets de venir chez toi demain, okay ? » dit Rainbow.

« Okay, mais si tu as besoin de quelque chose, tu sais où me trouver. » Fluttershy se tourna vers la pouliche orange, debout à côté de Rainbow Dash. « Au revoir, Scootaloo. C’était très amusant de jouer avec toi ce matin », dit Fluttershy en agitant son sabot pour dire un dernier au revoir avant de quitter la maison de Rainbow.

« Je l’aime bien. Est-ce qu’elle peut venir ici plus souvent ? » demanda Scootaloo une fois la porte refermée.

« Bien sûr, mais on doit parler, Scoots. » Son expression devint de la peur.

« Est-ce que je vais avoir des problèmes ? Quelque chose de mal est arrivé ? »

« Non, pourquoi tu penses ça ? » demanda Rainbow, un peu surprise de voir que Scootaloo pensait déjà à ça.

« Parce qu’à chaque fois qu’un adulte dit ‘On doit parler’, ça veut dire quelque chose de mal. »

« Mais pas cette fois. »

« Oh, d’accord », dit prudemment Scootaloo en s’asseyant. « De quoi on doit parler alors ? »

« Je suis allée voir ta mère ce matin Scoots- »

Scootaloo commença à trembler. « Tu as dit que je pouvais rester ici ! Tu as dit que tu ne me forcerais pas à faire ce que je ne voulais pas ! Tu as promis ! » cria la pouliche.

Rainbow garda sa voix calme, résistant à l’envie d’augmenter le volume pour s’assortir avec celui de Scootaloo. « Doucement, je ne vais pas te ramener à la maison si tu ne veux pas. Mais je lui ai promis que je t’amènerai chez toi pour que tu lui parles. »

« Pourquoi tu as promis ça ?! Je t’ai dit que je ne voulais plus jamais la revoir. »

« Crois-moi, Scoots. Tu ne peux pas la sortir de ta vie. Elle est la seule maman que tu as. Je ne te dis pas que tu dois la pardonner, ça ne tient qu’à toi, mais tu ne penses pas que tu devrais au moins entendre ce qu’elle a à te dire ? »

« Non. »

« Vraiment, Scoots ? Je suis allée à ta maison ; j’ai vu des photos d’une petite pouliche heureuse et sa maman. Tu ne vas pas me dire qu’elle n’a jamais rien fait pour ne pas mériter quelques minutes de ton temps ? »

« Je ne lui pardonnerai jamais », dit Scootaloo, croisant ses sabots en signe de défiance en se détournant de Rainbow Dash.

« Peut-être pas. Quelque fois, il y a des choses qu’on ne peut pas pardonner. Comme je t’ai dit, c’est à toi de voir, mais je crois que tu devrais au moins l’écouter. »

Scootaloo renifla lourdement. « Tu ne vas pas me forcer à revenir si je ne veux pas ? » demanda-t-elle, en regardant par-dessus son épaule.

Rainbow secoua sa tête et essaya de lui offrant un sourire réconfortant. « Non. C’est à toi de choisir, Scoots. Et peu importe ce que tu décides, la chambre en haut est à toi. Alors, si tu cherches un endroit où dormir, ou juste pour une soirée entre copines, elle sera toujours là pour toi. Et si tu as peur et que tu veux venir dans mon lit, je serai toujours là pour toi aussi. Ça ne changera pas. »

« C’est vrai ? » demanda Scootaloo, avec une telle sincérité que Rainbow était prise au dépourvu.

« Tout à fait. »

Scootaloo secoua sa tête. « Ne le dis pas si ce n’est pas vrai. Les poneys me disent toujours des mensonges. Mon père m’a dit qu’il serait toujours là pour moi, et c’était pas vrai. Maman m’a dit qu’elle ne laisserait jamais rien m’arriver de mal. Et tu as vu ce qui s’est passé. Je… je déteste ceux qui me laissent tomber », dit-elle, au bord des larmes.

Les mots de Scootaloo firent fondre le cœur de Rainbow. Elle savait que le monde pouvait être cruel, mais une pouliche de son âge ne devrait pas avoir à l’apprendre aussi tôt. « Oh Scoots », fut la seule réponse qu’elle put dire.

Scootaloo s’assit sur ses hanches, tête baissée, se préparant mentalement pour le rejet inévitable que la vie lui avait promis.

Rainbow leva doucement son petit museau orange avec son aile. « Je ne peux pas te promettre d’être toujours là pour toi, et je ne peux pas te promettre que jamais rien de mal ne t’arrivera. Je peux juste te promettre ça : jusqu’à mon dernier souffle, je ferai tout ce qui est possible pour m’assurer que tu aies la vie heureuse et géniale que la pouliche que tu es mérite. C’est ma promesse, Scoots. Si tu dois croire à quelque chose, crois à ça. »

Scootaloo renifla encore lourdement et câlina sans un mot la pégase qui l’avait protégée quand elle était certaine que personne ne serait là pour l’aider. Les mots lui manquaient lorsqu’elle se blottit dans la chaleur familière de sa grande sœur. Elle sentit un doux sabot caresser sa crinière, et elle laissa échapper un gémissement aussi triste que joyeux. Les hauts et les bas des derniers jours submergeaient son petit cœur, et malgré tous ses efforts, elle commença à pleurer, et resserra son étreinte, reposant sa tête juste en-dessous du menton de Rainbow.

Rainbow ignora la douleur causée par l’étreinte de la petite pouliche pressée contre elle et enroula son aile autour d’elle en continuant à caresser la douce crinière violette.

Après quelques minutes, la respiration de Scootaloo se fit plus régulière et elle parvint à essuyer les dernières larmes qui s’échappèrent de ses yeux.

« Désolée. Je ne sais pas pourquoi je pleure… je n’ai fait que pleurer ces derniers jours. Tu dois vraiment penser que je suis nulle », dit Scootaloo, restant aussi près que possible de Rainbow Dash.

« Comment tu peux penser ça ? Tu es la pouliche la plus cool que je connaisse. » Après un moment et beaucoup de réflexion, Rainbow continua. « Je vais te dire un secret… je pleure aussi parfois. »

Rien n’aurait pu autant surprendre Scootaloo. « Vraiment ? Mais tu es Rainbow Dash, la plus dure à cuire et géniale pégase dans tout Equestria ! »

« Et ne l’oublie jamais », dit Rainbow avec une pointe de son arrogance rituelle, « ça m’a pris du temps, mais j’ai appris que ça ne sert à rien de cacher tes sentiments. Alors, si tu dois pleurer, pleure. Ça ne me dérangera pas. »

Scootaloo leva les yeux de son cocon sous l’aile de Rainbow. « Merci. » Ces deux mots semblaient trop brefs et inadéquats pour exprimer le poids et la signification qu’ils portaient pour elle.

« Je t’aime, Scoots », murmura Rainbow en reposant sa tête sur celle de Scootaloo. Les deux pégases profitèrent de l’instant avant que Rainbow se sente assez à l’aise pour relâcher lentement son étreinte. « Tiens. Ta mère voulait que je te donne ça. » Rainbow s’avança et sortit la photo de son sac de selle. Elle la donna à Scootaloo, qui la tint un instant entre ses sabots, sans un mot, avant de la serrer près de son cœur.

Les deux pégases passèrent le reste de la journée tranquillement. Elles devaient y aller doucement, et c’est exactement ce qu’elles firent. Il y eut quelques parties de bataille des nuages, que Rainbow gagna trois parties à deux malgré les protestations de Scootaloo à propos de la possibilité de bouger ses nuages durant la partie, elles regardèrent l’épisode le plus récent de Baking Bad, et Rainbow apprit à Scootaloo comment faire des nouilles au foin avec des boules de tofu. C’était le genre de journée détente que recommandaient les docteurs. Rainbow garda toute la journée l’œil sur Scootaloo, qui semblait aller de mieux en mieux. Le reste de la journée se passa sans incident. La nuit arrivant, Rainbow remarqua que les paupières de Scootaloo commencèrent à tomber.

« Je pense qu’il est l’heure du dodo. »

Scootaloo laissa échapper un bâillement et sourit timidement. « Tu me raconteras une histoire ? »

« Bien sûr, Scoots. Tu dors où ce soir ? »

« Je pense… je pense que je peux dormir dans ma chambre », répondit avec hésitation la pouliche.

« D’accord. Vas-y, je te rejoins dans une minute. »

Scootaloo monta à l’étage, laissant Rainbow seule avec ses pensées. Elle pensa à ce que lui avait dit Fluttershy, et elle pensa à sa discussion avec Misty, mais elle pensa surtout à tout ce que Scootaloo avait vécu. Si Rainbow était vraiment honnête envers elle-même, elle savait qu’elle avait tendance à être égoïste parfois. Ce n’était pas ce qu’elle voulait être ; elle était parfois si concentrée sur ce qu’elle désirait qu’elle avait tendance à oublier ce que les autres poneys voulaient. Les mots de Fluttershy résonnaient dans sa tête. Trois pensées imprégnaient sa conscience.

Scootaloo a besoin de quelqu’un qui soit toujours là pour elle.

Je ne sais pas si je peux être ce poney.

Je n’aurai sans doute pas le choix.