Chapitre 6: La Forteresse de Talicon

Et nous y voilà – ma dernière aventure avant celle-ci : la Forteresse de Talicon !

2 Juillet 2353

Aujourd’hui, une chose amusante est arrivée et m’a rassurée sur ce que je suis, un enfant de la chance. J’ai passé la majeure partie de ces derniers mois à fouiller dans la jungle en quête de bibelots sur lesquels je pourrai clamer l’existence de pouvoirs mystiques. Quelque chose pour intéresser Casse-Cou et l’amener dans un de mes pièges. Je pourrai trouver mieux dans des magasins de souvenirs. Qui aurait pu croire que certains d’entre eux détiennent des pouvoirs ?

Je parle des anneaux dorés que j’ai trouvés. J’ai repris la bonne vieille histoire des huit siècles de canicule, par nostalgie. Casse-Cou a réussi à les voler, bien sûr, comme tout le reste, mais ce n’était pas difficile de les reprendre avec mon armée privée.

En plus, un shaman poney terrestre, celui qui m’a soutenu il y a longtemps, a survécu à l’attaque des poneys-oiseaux et est venu avec le reste de sa tribu. Curieux, il a commencé à étudier les inscriptions sur les murs du temple et, même si ça lui a pris du temps, il a réussi à les traduire ! Bon, plus ou moins. On a une idée générale de leur signification.

Ces anneaux sont apparemment des reliques reliées aux poneys-oiseaux – à ce temple en particulier. Nous avons suivi les instructions sur les murs – ou en tout cas devinés – et trouvé une pièce secrète. Ici, couvert de poussière, se tenait un pilier en pierre avec un anneau doré au milieu.

Je ne suis pas sûr de ce qui se passerait si je l’enlevais, mais sans doute rien de plaisant. L’image du temple détruit a évité de longues explications.

D’un autre côté, si nous le complétons, des divinités pourraient descendre ici. Je ne sais pas si c’est bien ou mal, mais ça n’est pas important. Casse-Cou viendra et elle essaiera d’avoir les anneaux. Si elle échoue, ma revanche sera accomplie et je serai libre de quitter la jungle ! Si elle réussit, elle sera tuée – ou ce qui est censé arriver – et je réussirai aussi !

Tu sais à quel point j’étais en colère quand j’ai appris que tu avais trouvé la dixième façon de maudire la vallée ? Je pensais que quelqu’un fabriquait ces reliques pour toi !

7 Juillet 2353

Où est-elle ? Il ne reste qu’un anneau maintenant, et elle n’est toujours pas là ! J’ai engagé des archéologues pour me trouver le dernier anneau ; que dois-je faire quand il arrivera ? Les tribus attendent que je le finisse – ils ont eu du mal à les trouver ! Leur mentir détruirait mon autorité. Je ne peux pas leur dire que je fais ça pour faire revenir une simple jument : c’est ridicule !

Anciennes divinités… Je ne veux vraiment, vraiment pas qu’ils sachent ce que je fais. J’ai dit aux tribus que j’amènerai le chaos en ville pour la piller, et ils n’arrêtent pas d’en parler.

On pourrait penser que pour une fois que j’ai quelque chose qui pourrait détruire le monde, elle se montrerait, mais au lieu de ça, elle se repose quelque part ! Elle doit se saouler dans un bar, sans doute.

Je ne suis pas une alcoolique, compris ? C’est arrivé juste une fois ! En plus, j’avais le dernier anneau, alors je n’avais pas à me presser. Je ne savais pas que Caballeron me trouverait et tout.

Je me suis fait prendre facilement. Comme un rookie ! Stupide fan ! J’ai même dû mentir et dire que j’avais planifié ma capture – ridicule ! Bon, elle m’a aidée après et je n’aurais pas réussi sans elle. Mais c’était de sa faute si je me suis retrouvée là ! Amateur.

9 Juillet 2353

Je n’avais pas pensé que l’autre pégase l’aiderait. Cela importe peu maintenant, les objectifs ont changé.

Oui, le temple a disparu et nous sommes sans maison, mais je suis certain de trouver une prochaine ruine bientôt – cela n’est pas important. Ce n’est pas la première fois après tout. La chose importante est que j’ai compris quelque chose sur moi. Quelque chose que je portais en moi depuis longtemps.

C’est le piège que j’ai utilisé cette fois – il était parfait. Je pouvais la regarder d’en haut et il était quasi-impossible de s’échapper. En tout cas sur le papier. Quand j’ai vu l’eau grimper, cependant, en sachant qu’elle allait mourir, je… je devais partir. Je ne supportais pas ce spectacle, voir ma revanche et triompher ! Au lieu de ça, je suis parti et j’ai donné le dernier anneau aux sauvages. Des divinités en forme d’oiseaux ? Pfft, je m’en fichais – je jouais juste le méchant comme un acteur. Pourquoi ça importait quand je me sentais mort à l’intérieur ? Les nouveaux amis de Casse-Cou m’ont bien amusé, en fin de compte.

Tu as compris que c’est moins drôle sans moi, n’est-ce pas ? Personne à combattre ?

Il va sans dire que j’étais surpris de la voir en me retournant, l’anneau final dans ma main, enlever le dernier ! Comment s’est-elle échappée ? C’est insensé ! Même si elle a eu de l’aide, c’est impossible qu’elle… puis j’ai compris. Le temple était ancien et délabré – les pierres tombaient de partout ! Et je le savais. Je le savais bien – j’y vis depuis des mois.

Ton piège était nul de toute façon.

Je savais que le piège avait besoin de réparation, mais je n’ai rien fait. Chaque autre piège du temple avait été réparé, à part celui-là. Chaque piège avait ses défauts – des petits, mais toujours. Pas celui-là. En d’autres mots, la seule fois où elle aurait dû mourir, je lui ai laissé une chance de survivre.

C’est drôle. J’ai compris cela après être sorti des décombres et avoir ressenti un certain soulagement. Pourquoi devrais-je me sentir soulagé ? Je devrais être aveuglé par la colère, non ? Et pourtant, je ne pouvais penser qu’à son évasion et au fait qu’elle soit en vie. C’était tout ce qui comptait à cet instant.

Qu’est… qu’est-ce tu as compris exactement ?

En y repensant, c’était évident. Reporter sa mort, lui demander d’écrire une biographie, la regarder jusqu’à la fin… Elle me manquait.

Je n’aime pas où ça mène.

Ce n’était plus une question de revanche – à part au début, mais plus maintenant. Je voulais juste qu’elle vienne, et c’était la façon la plus simple de le faire.

Elle avala lourdement.

Plus besoin de le cacher. Je suis-

Casse-Cou referma le livre, le visage plus rouge qu’un pamplemousse fraîchement coupé.

***********************************************************************************

Ahuizotl serra les dents. « Attrapez-là ! » Casse-Cou s’approcha, évitant les flèches et se cachant derrière des piliers. « Elle ne doit pas aller prendre la ceinture du destin, ou le rituel échouera ! » Il la tenait avec sa queue-main d’aussi loin d’elle qu’il le pouvait.

« Je ne te laisserai pas plonger la vallée dans huit siècles de canicule, Ahuizotl ! » Elle bondit dans les rangs des tribaux, évitant leurs attaques avec aise et avançant vers leur maître.

« Les pièges ! Déclenchez les pièges ! » L’air était rempli de fléchettes tirées à droite et à gauche. Casse-Cou, toutefois, commençait à voler de plus en haut, jusqu’à être au-dessus du champ mortel en volant simplement loin de ça. Elle piqua du nez vers lui.

Ahuizotl grogna. « Tu ne me battras pas cette fois, Casse-Cou ! »

« Ah oui ? » Elle grimaça et s’arrêta juste devant sa tête. « Malheureusement pour toi, j’ai une arme secrète. » Juste au moment où il allait l’attraper, elle déposa un petit baiser sur son front, ses joues devenant rouges.

Il s’arrêta de bouger, comme pétrifié, et elle vola derrière lui et lui prit la ceinture de ses doigts figés. « À la prochaine, Ahuizotl ! » Elle évita quelques flèches et vola vers l’entrée.

La main d’Ahuizotl se leva lentement jusqu’à son front. « Sois-maudite… Casse-Cou. »

FIN