La Jungle.
Tous les jeunes canetons ont appris qu'il n'existait que six régions : Grassland, Marais, Montagne, Glacier, Cité et Volcan. Ce dernier étant de loin le plus dangereux. Les professeur racontaient que DuckLand provenait d'une éruption volcanique sous-marine. La vie s'était lentement développée dessus, car à l'époque, cette terre était très hostile. Seulement une partie des animaux apparus avaient survécu grâce à leurs pattes palmées et à leurs ailes. Cette partie, si minuscule soit-elle, s'est développée toute seule. Une espèce ressortait particulièrement de cette partie : l'Anatidae Sapiens, qui avait le don de manier quelques objets. Après de multiples catastrophes, seul l'Anatidae Sapiens s'en est sorti de ce désastre grâce à sa formidable intelligence. Les canards d'aujourd'hui faisaient partie de l'Anatidae Sapiens Sapiens, qui n'était autre que le descendant de l'antique espèce survivante.
Arrivés en période d'adolescence, où ces canetons commencent à avoir la taille d'un adulte, on leur enseignait que tout ce qu'ils avaient appris auparavant sur l'histoire de DuckLand n'était que purs mensonges. En réalité, l'origine des canards était plus mystérieuse et profonde. Ce qu'apprenaient les adolescents était seulement de la légende et des propos étranges. Ils apprenaient aussi l'existence de la Jungle, la 7ème région de DuckLand. Contrairement aux autres régions, la Jungle était une petite île, pas loin du pays linéaire.
La vérité, du moins la légende, se résumait à cela. Il y avait longtemps, dans un immense continent, vivaient des créatures appelées humains. Les humains étaient des bipèdes ingénieux, encore plus intelligents que les canards de DuckLand. À l'époque, chez les humains, les canards étaient de stupides animaux dépourvus de conscience. Or, un jour, un fermier très riche (un humain qui cultivait le sol et élevait des animaux) assista impuissant à la destruction de sa ferme par une tornade. Il ne lui restait plus qu'une seule chose : un œuf de canard. Heureusement pour lui, les canards de course étaient à la mode. Le caneton qui éclosa était particulier. Il était jaune comme les autres canards mais avait des yeux bleus comme le ciel. Ce n'était pas étonnant au fond car les autres palmipèdes abordaient des couleurs roses ou vertes. Des centaines de récits se battaient pour le nom de ce canard couleur de soleil, mais ils étaient tous d'accord pour dire qu'il était l'ancêtre de tous les habitants de DuckLand.
À son époque, il n'y avait que trois valeurs : Running, Swimming et Flying. Au fil du temps, le canard, à force de s'entraîner, atteignit ses limites. C'est-à-dire qu'il était niveau 150 dans tous les domaines y compris en Energy. L'Energy n'était pas une valeur à proprement parler. Il augmentait grâce à des graines spéciales, nommées Seeds. Le canard n'avait plus qu'une course à effectuer pour rendre son maître milliardaire. Son adversaire était une canne blanche, appelée Shiny, aussi rapide que belle. Le canard jaune eut beaucoup de fil à retordre pour la battre, mais gagna de cinq centimètres. On forgea une couronne dorée exprès pour lui. Il fit un œuf avec Shiny une semaine après la défaite de cette dernière. De cet œuf naquit Yellow, un jeune caneton au même plumage que son père, mais avec des yeux herbe. Il était toujours fasciné par la couronne du canard, et décida lui aussi de faire un exploit. Sans se rendre compte, il fut le premier canard à COMMUNIQUER avec un autre.
Yellow fit alors plus grand que son père. Au lieu de se contenter de faire le tournoi local, il décida de faire le tour du monde, en battant les champions indigènes. Il développa en même temps le Climbing. Grâce à ces exploits, il remporta la couronne de son père qui le donna avant de mourir. Au fil du temps, la couronne se transmettait jalousement de génération en génération, au meilleur caneton de la portée, à l'insu des humains. Tout changea lorsqu'un fermier, autre que celui qui avait élevé l'ancêtre de DuckLand, développa les Canards d'Evolution, alors que les canards de course commençaient à se démoder. Les Canards d'Evolution avaient la particularité de pouvoir briser leurs limites. On prit les œufs des canards de course originaux, on injectait des produits dedans selon des critères précis, et on attendait l'éclosion.
Bien entendu, la tradition de la transmission d’œufs par famille se perdit, car les cannes ne voyaient plus jamais leurs œufs.
Il y avait quatre types d’œufs, correspondant aux quatre valeurs. Tous les canards naissant étaient considérés comme des Canards Primaires. Ils étaient tous monstrueusement conformes, mis à part leur taille et leurs couleurs tout sauf naturelles. Les Canards Primaires étaient d'abord élevés dans des fermes traditionnelles, jusqu'à qu'ils remportent le concours local. Ils avaient été "conçus" pour évoluer une fois qu'ils gagnaient le tournoi, c'était ainsi que de bêtes de courses, il devinrent simples objets. Les canards se différenciaient en évoluant, mais ils avaient tous le point commun d'être affreux. Ils étaient appelés Canards Avancés, et étaient transportés en plein centre-ville. Après avoir remporté le tournoi, ils évoluaient en Canards Professionnels. Cela se compliqua alors.
Ces canards, encore plus horribles, étaient transportés en bateau sur une petite île sauvage, qui n'était autre que la Jungle. Les Canards Professionnels devaient se battre et s'entraîner pour survivre dans ce milieu hostile. Même les humains, qui étaient dotés d'une imagination presque divine, se méfiaient de ce lieu et s'y rendaient rarement pour voir leurs canards. Ces derniers, n'étant plus abrutis par ces bipèdes, commencèrent à communiquer au lieu de s’entre-tuer et à se réunir au lieu de se méfier mutuellement. Sans que les humains puissent le savoir, ils établirent une petite communauté, barbare, mais une communauté quand même. Leur règle principale était la domination et l'élimination des plus faibles. Le meilleur était le chef de la tribu, coiffé de la couronne dorée, qui avait été mystérieusement retrouvée. Leurs œufs étaient fréquemment enlevés par les humains, mais une partie restait sur l'île, bien cachée. À l'époque, les canards méprisaient secrètement les humains, même si c'était eux qui leur apportaient très souvent de la nourriture.
La petite communauté des Canards Professionnels s'agrandit, et leur haine envers les humains diminuèrent. Ils avaient compris qu'accepter sans broncher un concours au lieu de se rebeller créait une sorte d'énergie. Devenus dociles, ils s'adoucissaient aussi entre eux. Le massacre fut strictement interdit, d'où vient le tabou des blessures physiques. L'énergie concernée augmenta, et, finalement, un portail apparut. Ce portail menait à une dimension remplie de force magnétique et d'une autre énergie étrange.
Les canards établirent une loi, que seuls les meilleurs pouvaient accéder dans ce monde parallèle. En effet, tout Canard professionnel qui entrait évoluait une dernière fois en même chose. Ils devenaient des créatures toujours aussi laides, mais d'une majesté immense. Soit blanc perle, ou soit noir ébène, le canard, une fois entré, devait battre le roi des canards à la course pour le devenir à son tour. Le roi des canards remportait ainsi la fameuse couronne dorée, ainsi qu'une armée entière de Domis. Les Domis étaient de petites créatures humanoïdes et brunes, qui pouvaient avaler en une seule bouchée un Canard Primaire grâce à leur grande bouche. Ils servaient à plusieurs choses : soit ils aidaient le roi des canards quand il devait faire la course avec un autre, soit ils servaient de cibles pour le loisir de leur maître. Les humains venaient de moins en moins souvent dans l'île. Un jour, ils l'abandonnèrent totalement, en pensant que les canards allaient mourir faute de nourriture.
Ce qu'ils ne savaient pas, c'était que les palmipèdes étaient assez intelligents pour comprendre ce qui se passait. Ils avaient pu survivre grâce aux Seeds, peu nourrissants mais qui augmentaient leur endurance, qu'ils avaient appris à fabriquer. Ils scellèrent le portail par un problème complexe, en laissant le roi des canards dedans mais en récupérant toutefois la couronne. Ils passèrent la majorité de leur temps à réfléchir... en faisant la course. C'était leur seul loisir dont ils pouvaient abuser. Impossible de s'en passer, car c'était inscrit dans leurs gènes. La cohabitation (pour trouver une solution plus rapidement), au début forcée, se transforma très vite en amitié. Les canards formaient leurs propres compétitions, sans oublier leur objectif. Un de leurs principaux tournois était une course collective, où le gagnant recevait la couronne et le titre de "seigneur" pendant une journée. Les canetons qui naissaient évoluaient sans passer par le stade de Canard Avancés.
Un jour, le plan s'acheva. Tout le monde était obligé de partir, de transporter les œufs, et à entraîner leur Swimming ou leur Flying jusqu'à atteindre leur limite. Cinq groupes se formaient et devaient partir dans la même direction, tout en étant séparés. Les canards avaient senti la présence d'une autre île dans cette direction. Le voyage dura trois jours et trois nuits, sans qu'ils s'arrêtent, gavés par les Seeds. Finalement, ils arrivèrent sur une île, qui sera appelée DuckLand. Les canards de Running étaient arrivés dans une plaine, ceux de Swimming dans un marais, ceux de Flying dans une montagne, ceux du Climbing dans un glacier et le groupe mixte dans une autre plaine Mais tous les cinq étaient sur la même île. Les canards qui naquirent dans l'île restèrent à jamais des Canards Primaires, mais étaient dix fois plus doués en intelligence que leurs prédécesseurs qui évoluaient. Ces canards n'étaient pas laids et uniformes, mais adorables, variés et colorés. Les derniers Canard Professionnels périrent à cause de la vieillesse. Leurs descendants, ne connaissant que la joie de la liberté, inventèrent le système des entraîneurs par régions et autres formidables inventions.
Les canards issus du groupe mixte étaient plus efficaces, contrairement à leurs congénères qui n'avaient qu'une seule spécialité. Ils avaient constaté que quand un canard voyait un trou qui gênait son passage, soit il l'enjambait, soit il le survolait. Les canards développèrent alors le Jumping, ou l'art de sauter, ainsi que leur région. La région devint la capitale de DuckLand, la Cité. La civilisation canard se développait, et était très différente de celle de leurs ancêtres.
Mais ils restaient et resteraient à jamais des canards de course.
Deux semaines avant l'apparition des canards de DuckLand dans Equestria...
Ducky était un jeune canard jaune aux yeux orange. Jusqu'à là, il était parfaitement ordinaire. Un simple palmipède venant de Grassland et éduqué par Joe. Jusqu'à là aussi. Si on ignorait, ce qui était impossible, la couronne dorée sur sa tête. Cette couronne était en vrai or, et avait été portée par son canard ancêtre, par Yellow, et plein d'autres. Ducky admettait qu'il ne l'avait pas volée. Battre Fire était un exploit, mais le clamer était un geste de vantardise. Le canard avait l'impression qu'en portant cette couronne, il se mettait un panneau au-dessus de lui, avec écrit "Respectez-moi. Je suis le roi. LOL". C'était assez gênant. Surtout pour un campagnard modeste.
Heureusement, aucun canard ne pouvait le voir, puisqu'il était dans la région la plus dangereuse de DuckLand : la Jungle. Il y était allé car le portail l'intriguait. Quand, récemment, on lui avait raconté la légende de DuckLand, il s'était tout de suite demandé où était le roi déchu, enfermé cruellement dans l'autre dimension. La route était semée d'embûches, et ce qui inquiétait encore plus Ducky, c'était les alligators. Les crocodiles du Marais étaient de gros paresseux, avalant tout ronds le stupide canard qui avait foncé vers lui. Il était assez facile de sauver le pauvre malheureux. Mais les alligators de la Jungle étaient d'une autre sorte. Vifs, toujours en mouvement, ils déchiquetaient la chair du palmipède innocent et imprudent. On n'était jamais en sécurité là-bas, Ducky en avait bien conscience. Après avoir failli se faire dévorer par un reptile qui avait sauté dix mètres pour l'attraper en vol, il regrettait un peu son choix.
Mais il était hors de question de faire demi-tour, Ducky remarqua qu'il avait fait le plus dur, et revenir sur son chemin était synonyme de suicide. Il s'assit sur une pierre rouge, non sans la vérifier, et regarda dans le sac qu'il avait apporté. Il y avait la couronne qu'il avait mis à l'intérieur, des Seeds, deux gourdes d'eau et des graines glacées. Il en croqua une, et se remit immédiatement en chemin. Apporter la couronne royale était un très grand risque, mais le canard savait ce qu'il faisait. Il avait longuement étudié les légendes et avait appris que porter la couronne imposait respect aux Canards Professionnels. Il ne savait pas si cela marchait avec les Canards "Ultimes", mais il fallait prendre le maximum de précautions.
Soudain, il bondit de sa pierre. La plante carnivore qui avait essayé de l'attraper avec une grosse liane émit un grondement. De dizaines de racines sortirent du sol et encerclèrent Ducky. Le canard ne pouvait pas s'échapper en volant, car les plantes formaient un dôme au-dessus de lui. Il sauta de justesse dans un trou que les racines n'avaient encore bouché avant d'être entièrement emprisonné. Il haleta, sa mésaventure ressemblait fortement aux romans d'action qu'il lisait quand il n'était qu'un caneton. Je ne saurais énumérer les mille dangers qu'il affronta, allant des créatures venimeuses au plantes carnivores, en passant par les lacs possédant un liquide ressemblant à de l'eau limpide, mais qui était en réalité un poison mortel.
Ducky avait lu dans des manuscrits que le portail se trouvait au cœur de l'île, là où la route était plus périlleuse et la végétation plus dense. Il était d'accord pour ce dernier point, mais pas pour le danger du lieu. L'endroit n'était pas du tout humide, et ressemblait plus à une forêt épaisse. Les arbres dégoulinaient de poudre jaune ocre. Pour la première fois depuis qu'il avait posé la patte sur cette île maudite, le canard prit un risque. Il avala un peu de poudre, qui avait le goût de Seed, en plus amer. Il ne tarda pas à comprendre que de cette poudre les Canards Professionnels faisaient les premiers Seeds, qui contrairement à ceux de couleur violette, donnaient très très peu d'énergie. Ducky en versa un peu dans son sac.
Il continua son chemin, toujours méfiant. La forêt avait beau avoir l'air moins dangereuse que les bords de l'île, elle pouvait peut-être réserver une grosse mauvaise surprise. Finalement, il se retrouva devant une masse de végétaux, et devina sans mal que le portail se trouvait sous ce tas de plantes. Il n'avait pas pris de canif, de peur que cela trouait sa besace, mais maintenant, il en avait bien besoin. Il bondit sur le sommet du tas, et commença à déchirer les lianes avec son bec tout en les vérifiant. C'était un travail long et laborieux, ce qui n'empêchait pas Ducky de le continuer tranquillement au même rythme. Attendre était devenu naturel pour lui depuis qu'il avait dû être patient pour atteindre ses limites.
Aucune créature ne perturba la tâche du palmipède. Finalement, il sentit une pierre dure sous son bec, et comprenant que cela ne servait plus à rien de continuer à creuser, il s'attaqua aux côtés. Après un long travail minutieux, le portail se dressa devant lui, haut et intimidant. Un problème bloquait bel et bien son entrée. Ducky l'avait imaginé en calculs mathématiques compliqués à effectuer à l'époque. Il s'était totalement trompé. Le problème en question était un mur en matière inconnue qui bouchait le portail. Trois trous étaient creusés dedans en forme respectivement de reptile, de Seed et de plante. Ducky s'assit devant en réfléchissant. Il ne s'était pas du tout attendu à cela. Quelques minutes se passèrent.
Le palmipède trouva une solution. Il regarda dans son sac, et versa un peu de poudre jaune dans le trou en forme de Seed jusqu'à le remplir. Il recula un peu et attendit. À la fin, il crut qu'il s'était trompé. Mais au moment où il voulut récupérer la poudre, le mur émit un bruit assourdissant et soudain, le trou disparut, bouché par la matière du mur. Ducky ne comprit pas immédiatement ce qui venait de se passer. au bout de quelques instants, il comprit enfin le problème. Il avait lu dans des livres anciens qu'aucun canard, absolument aucun, ne pouvait battre un seul être vivant de l'île. L'épreuve pour traverser le portail était celle de force, et non d'intelligence. Seul un canard assez courageux et puissant pouvait remplir les trous du mur. Le palmipède blanchit, il avait comprit ce que représentaient les trous restants.
Le reptile indiquait sûrement les alligators cruels et rusés, et la plante, le végétal qui avait failli emprisonner Ducky sous un dôme de racines. Le canard n'avait pas autant pâli de sa vie, même en face de Fire qui lui avait donné assez de frissons pour rester éveillé la nuit pendant une bonne semaine. Il devait vaincre ces créatures, récupérer leurs restes et remplir les trous avec. Une sorte de mécanique s'activait, enfin, mécanique... Même si c'était la seule explication possible au sujet de ce mur, Ducky avait beaucoup de doutes là-dessus. Il aurait préféré continuer à perdre son temps à réfléchir comment fonctionne ce système au lieu de partir chasser malgré lui des "canarnivores". Le canard avait décidé d'appeler les animaux et les plantes de cette île maudite comme cela. Canarnivore... cela sonnait bien.
Comme brave Grasslandien qui se respecte, le palmipède choisit de méditer en tranquillité et en paix sur le mur qui se dressait devant lui. Mais un bruit lui fit vite changer d'avis. Contrairement à tout à l'heure où il commençait à se détendre, Ducky douta de la sécurité du milieu de l'île. Il avait été assez naïf de croire qu'il n'y avait pas de danger ! Il s'avança prudemment, le sac sur le dos, vers le lieu – c'est-à-dire la zone humide – où le bruit se faisait entendre, tout en se cachant derrière les buissons. Ce qu'il vit était un alligator... mort. Du sang poisseux s'écoulait du ventre du monstre, transpercé jusqu'au cœur par une longue branche d'arbre semblable à un long épieu. Ses yeux étaient crevés par des ronces, et laissaient couler un liquide transparent. Le canard eut aussitôt l'estomac retourné par ce terrifiant spectacle, dont je vous épargne le détail. Il analysa chacune des blessures à contrecœur, et découvrit que ce reptile avait dû l'épier du haut d'un arbre, mais était tombé par terre. Il semblait déjà être mal en point.
Mais même si c'était horrible, Ducky reconnaissait que ce cadavre tombait bien, sans mauvais jeu de mots. Il s'apprêta à ramper vers lui, quand un autre son, plus menaçant, retentit soudainement. Il se recroquevilla dans son buisson, sans perdre une miette de l'action qui va se passer. Un autre alligator, visiblement affamé surgit. En face de lui, une plante monstrueuse sortit du sol comme un parasite. Les deux canarnivores émirent un mugissement terrible. Ils voulaient tous les deux manger le corps seul. Une liane poussa du sol, et entoura l'animal. Ce dernier, calme, déchira sans mal le végétal, et bondit vers la plante. Il avait l'avantage d'être plus fort, mais son adversaire était aussi redoutable avec ses racines qui semblaient infinies. Ce fut donc ce dernier qui triompha, s'apprêtant à étrangler l'alligator avec une liane vert sombre. Le palmipède, qui n'avait pas bougé, sauta par réflexe sur elle. La plante, surprise par cet ennemi inattendu, n'eut pas le temps d'appeler d'autres pousses en renfort, que déjà Ducky arrachait les pétales violettes de sa fleur. C'était son point faible, le palmipède le savait car il l'avait vu protéger cette partie lors de l'assaut de l'alligator. Le végétal mourut, non sans tuer son ex-adversaire avant.
Les deux cadavres gisaient donc sur le sol, sous le regard horrifié de Ducky. Après un bout de temps, le canard se mit à hurler en fonçant vers les corps. Toujours en criant et en remuant des pattes, il saisit un œil sanglant de l'alligator – à sa plus grande horreur – et un bout de racine humide. Il retourna vers le portail, plus paniqué que jamais, les restes dans le sac, il ne se calma que là-bas. Le palmipède haleta, en sachant que hurler comme un idiot lui avait attiré de sérieux problèmes. Un buisson frémit, non par du vent mais par un animal... Ducky ne perdit pas son temps, il sortit avec de grands gestes ce qu'il était venu chercher, et se mit à l'écraser comme un fou, s'efforçant d'ignorer les "splosh" visqueux. Le végétal fut bien réduit en poudre, et fut versé dans le trou en forme de plante. Par contre, l’œil était encore plus affreux que d'ordinaire. Il ressemblait à une pâle flaque gluante avec une pupille au milieu. Le seule façon de la prendre était de vider une gourde de son eau... et le remplir avec !
C'en était trop pour le pauvre canard, il faillit abandonner, mais comme d'habitude, il ne fit pas, par ironiquement manque de courage. C'était aussi répugnant que sa première Seed qu'il avait été obligé de manger pour commencer sa carrière de coureur. Heureusement, la gourde était opaque, et une fois l'horreur versée dedans, le canard pouvait tranquillement la verser dans le dernier trou en évitant soigneusement de regarder. Le mur, à présent entièrement lisse, fit un bruit sourd. Il brilla avant de disparaître en silence. Ducky ne s'interrogea pas sur ce prodige que la mécanique ne pouvait effectuer. La bête dans le buisson s'était rapprochée lentement, et c'était sûrement un canarnivore. Le portail brillait devant le palmipède. Un vortex violet et jaune tournait dedans. Ducky sauta dedans et...
***
"Et ?" demanda Luna.
La princesse de la nuit s'entretenait avec les canards. Hormis Exifé, parti explorer la ville pour la comparer à la sienne, et Joe, emporté par l'élément de la bonté sans qu'il puisse demander son reste, les entraîneurs expliquaient frénétiquement à l'alicorne comment ils étaient arrivés à Equestria. Ils avait d'abord dû raconter la légende de la création de DuckLand pour aboutir à Ducky. Ce palmipède était un des élèves de Joe, notamment connu pour avoir battu un certain Fire. La jument avait eu envie d'en savoir plus sur ce dernier, mais elle n'obtint comme réponse rien.
Ducky était la clé de l'arrivée des entraîneurs dans ce monde. Apparemment, en voyageant dans la Jungle en quête de réponses, il avait trouvé la matière qui avait permis de construire un portail et des passeports qui permettaient de passer dedans. Luna avait très vite oublié Fire, happée dans le récit. Mais le "charme" s'acheva quand Leste s'était arrêté tout à coup. Lui et ses camarades semblaient gênés, ils regardaient leurs palmes comme des écoliers fautifs en train d'observer leurs sabots. Le "Et ?" de la princesse les avait embarrassés encore plus.
"En fait, avoua Hydrothermie, on se bagarre sur ce qui s'est passé...
- Ah ? s'étonna l'alicorne. Vous n'avez pas demandé à Ducky ce qui s'était passé ?
- Si, reprit Alphonse. Mais on l'a retrouvé sur une plage, à côté du Volcan, en état de coma. Il était amnésique, il ne savait plus ce qui s'était passé de l'autre côté du portail, et avait même douté de l'avoir vraiment passé. Dans son sac se trouvait une clef toute blanche, et une pierre de la même couleur.
- J'avais remarqué un trou qui semblait correspondre à la clef sur un vieil arbre du Marais, continua non sans fierté Leste. J'avais raison, l'arbre s'était ouvert en deux, et a laissé place à un autre portail. Étrangement, on ne pouvait pas rentrer dedans, mais Joe avait tout de suite remarqué que la pierre brillait plus intensément quand il était à proximité du portail.
- J'avais pensé que la pierre pouvait probablement mener de l'autre côté si on le tenait ferme, acheva Hydrothermie. Je suis rentré chez moi avec la pierre et je l'ai fondue en fines plaques. C'est dur à croire, mais il était moins résistant que la glace que je chauffe quotidiennement pour me procurer de l'eau ! Malheureusement, j'avais mal calculé et ça a donné six cartes, et non cinq."
Luna avait mal compris. Une clef mystérieuse ? Une pierre étrange ? Elle était encore plus embrouillée. Pendant ce temps, les palmipèdes arrêtèrent de s'adresser à elle pour débattre entre eux. Apparemment, ils n'avaient pas pris la peine de le faire dans leur monde, trop excités. Ils avaient au début pris en compte la princesse, et avaient donc soigneusement parlé à voix basse, mais maintenant, ils hurlaient à tue-tête comme s'ils n'étaient pas dans le palais royal. Non, plutôt comme s'ils étaient dans une plaine entièrement vide. Cela ne dérangea pas spécialement l'alicorne, à la grande surprise de celle-ci, qui appréciait mieux ses nuits douces et calmes que les bruyants jours de sa sœur. Elle se contenta de les écouter.
"Mais d'où viennent ces objets alors ? Ducky ne les a pas trouvés par terre quand même !
- Peut-être que si ! Tu ne sais pas !
- Et le Canard Ultime ? Tu y as pensé toi ? Il doit l'avoir mangé !
- Mangé ? Pff...
- Vous avez tous tort ! Le C.U. a sûrement donné ça à Ducky pour une raison méconnue !
- C.U. ?
- Canard Ultime. C.U., c'est plus rapide !
- Donné ?! Pourquoi ?
- Bah j'en sais rien ! Peut-être à la course ! Ducky a gagné et le C.U., impressionné, lui a donné ça !
- Impossible qu'il gagne ! Il a peut-être atteint sa limite, mais le C.U., comme l'autre zigoto dit, l'a brisé !
- La couronne est peut-être une drogue !
- Sérieux ? La couronne du premier canard est unique, mais ne fait pas de miracles.
- On ne sait pas...
- Ou bien, le C.U. lui a donné ces objets pour une raison qu'on ignore, et lui a ensuite jeté un sort de mémoire pour qu'il rapporte pas !
- N'importe quoi ! Les sorts, ça n'existe que dans les livres et dans Equestria.
- En plus, le C.U. est peut-être le roi de la course, mais ne sait faire que ça.
- Mais alors, si on suit cette théorie, et que le C.U. est capable d'autre chose... Une autre énergie existe !
- Ou bien de la magie..."
Tous les entraîneurs se retournèrent. C'était la jument qui avait dit cette dernière réplique, l'air pensive. Au début de la discussion, elle avait été horrifiée par leur langage, qui était si courtois et poli à leur arrivée dans Equestria, mais elle avait de plus en plus délaissé ces détails pour se concentrer sur le sujet même. Personne ne savait ce qui s'était passé quand Ducky était allé dans le portail. Cela ajoutait encore plus de mystère. Si comme Luna l'avait dit, le Canard Ultime maîtrisait la magie, cela n'avait aucun sens. La magie était une caractéristique d'Equestria...
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